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Anthologie de la Littérature Japonaise – M. Revon – 6)
23 septembre 2020°
En dehors des « Dix Sages » l’école de Bashô eut encore bien d’autres représentants, par exemple :
°
SAMMPOU (Songhiyama Sammpou, 1648-1733, parfois rangé, en place de Sôra, comme l’un des dix élèves du maître) .
–
Comme vont attendre ses enfants,
Pendant que s’élève si haut,
À l’excès, l’alouette !
°
IZEMMBÔ :
–
L’averse est venue ;
Je suis venu et rentré en courant ;
Le ciel bleu est venu !
°
TCHIGETSOU-NI * :
–
De paille d’orge
Je te ferai une maison,
grenouille religieuse !
–
* Tchigetsou-ni (1634-1706) fut une poétesse de valeur. Devenue veuve, elle se fit religieuse. On s’explique ainsi sa fraternité avec une amara-gaérou, grenouille verte dont le nom signifie justement » grenouille-nonne » .
°
OTSOUYOU :
–
Oh ! l’averse !
(Suivant) les esprits, les diverses
Choses qu’on se met sur la tête *
–
* : un vêtement, un éventail, un objet quelconque, souvent ridicule. C’est toute une scène comique évoquée en trois vers.
°
SHOUSHIKI :
–
Du rêve que j’ai vu
Réveillée, toujours la couleur
de l’iris ! *
–
* : Adieux au monde (jisei) de la poétesse (1683-1728) . Réveillée du rêve de la vie, c-à-d. morte, le monde subsistera et les iris auront éternellement la même couleur.
°
SONO-JO :
–
Ayant fait du luxe
À l’extrême,
Ah ! le vêtement de papier ! *
–
$ Ces vers de la poétesse (1665-1726) trouveront leur explication vivante dans une scène de TCHIKAMATSOU (cf p. 409)
°
ONITSOURA
(1661-1738), un poète indépendant, que Bashô lui-même tenait en haute estime. Étranger à toute école, il ramenait l’art poétique au seul précepte de la sincérité. Ses haïkaï unissent tous les genres et tous les styles :
–
L’été, de nouveau :
» L’hiver est préférable » ,
Disait-on.
–
De leurs squelettes
Le dessus ayant couvert,
Contemplation des fleurs ! *
–
* : Dans ces vers pénétrants, Onitsoura déshabille cette aristocratie aux costumes pompeux, aux corps épuisés, qui ose regarder la nature.
–
Encore une
Fleur : ainsi va et passe
la vie ! *
–
* : poésie composée à la vue des fleurs, qui, une à une, se détachent de l’arbre.
°
RYOUBAÏ :
–
Même lorsqu’il est posé,
Ses ailes s’agitent :
Oh ! la petit papillon !
°
(À suivre : 7)
« Une Histoire du Haïku » : R.H. Blyth – 20) Poètes de l’époque de Buson : Kitô, Shôha, Chora, Gyôdai, Shirao :
7 juin 2017(Chapitre XVIII, pp. 309-32 : « Poètes de l’époque de Buson« ) :
KITÔ (1741-89), élève de Hajin, de Taigi, de Buson :
Buvant de l’eau
mon ventre se distend
Quelle chaleur !
–
Frappant une mouche
l’éventail
se salit un peu
–
Algues marines
dans les creux des rochers
la marée oubliée
–
A chaque chose vue :
« C’est magnifique ! »
comme le printemps s’en va
–
Les jonquilles
sont couvertes de la poussière
de la fin de l’an
–
Le chant de la moisson de l’orge
se mêlent aux coups
du marteau du forgeron
–
Le rossignol
qui souvent ne vient pas du tout
vient parfois deux fois dans la journée
–
Le mendiant boiteux :
son visage insouciant
ce jour de printemps
–
Averse d’été ;
le cheval épuisé
revit
–
La voix de la cloche du temple
semble lutter
contre la bourrasque hivernale
°
SHÔHA (mort en 1771) :
Jour de l’an
Par la porte de la chaumière
un champ d’orge
–
Oiseaux piaillant
l’hôte de la nuit
seul semble se lever
–
Un brin d’herbe aussi
entre les pierres
se dessèche et meurt
–
Dans la moustiquaire
le plafond du temple est élevé –
solitude
–
La limace de mer
disant des choses tristes
à la méduse
–
Le vent d’automne
est blanc sur le visage de l’enfant
poudre de talc
–
Les ombres des libellules
qui passent dans un sens et dans l’autre
sur les murs blancs
–
La libellule
vient et se pose
au bord de mon riz
°
CHORA (1729-80). Il retourna vers la poésie et la simplicité de Bashô :
L’or terni –
les jeunes feuilles nous ramènent
aux temps anciens
–
Mon logis ;
des feuilles tombées
seulement sur l’arbre à ortie (nettele-tree)
–
Début de l’automne ;
les nuages blancs flottent en altitude :
on peut voir le vent
°
GYÔDAI (1732-92), élève de Hakuni. Rencontra Buson en 1774) :
Temps couvert –
les pruniers sont recouverts
de la poussière du soir
–
Cueillant une fougère,
je la donne
à l’enfant sur mon dos
–
La chauve-souris volette
autour de la lune
et ne la quitte pas
–
Une seule mouche
me tourne autour ;
confinement hivernal
–
Le jour s’achève
récoltant le champ d’hiver,
un homme seul
–
Venant de l’obscurité,
y retournant,
la limace de mer
–
L’aube du jour :
la pluie incessante
et la voix des insectes
–
Cassant une branche de prunier
le moine retourne
vers où les nuages descendent
–
Les fleurs s’assombrissent
mais la pivoine blanche
absorbe le clair de lune
–
Eté indien –
toute la journée le bruit de la mer
est lointain
–
La neige fondant,
un corbeau croasse
dans les montagnes nuageuses
–
L’année finit
et le vaste ciel
résonne du vent
–
Le jour s’assombrit
et une fois de plus
il commence à neiger
–
L’aube du jour ;
Des baleines mugissent
dans la mer glacée
°
SHIRAO (1735-92), élève d’Umei (disciple de Chôsui, disciple de Ryûkyo, disciple de Tentoku…) :
Son jisei :
Sortant aujourd’hui
je vis un hibiscus
se faner
–
Le petit cours d’eau
se cache dans les herbes
de l’automne qui s’en va
–
Faisant un feu
sous le nid des hirondelles ;
un soir de pluie
–
Souches et feuilles de verdure
de petits morceaux de glace
tombent du bec des poules
–
Portant un sanglier sauvage
sur la lande automnale,
les herbes de la pampa fleurissent
–
A l’odeur de la fleur de melon
le renard éternue
cette nuit de lune
–
Pluie froide d’hiver
l’homme réapprovisionnant les lanternes
parle aux cerfs
–
Jetant les torches,
les nuages des montagnes rougissent :
l’odeur du brouillard
–
Sur la poitrine du milan
brille la lumière des jours
proches de l’hiver
–
Les lames blanches
du sécateur :
une guêpe en colère
–
La marée du soir –
sous les saules
on trie les poissons
–
Un enfant malade
qui pleure dans la nuit
allant faire place au jour
–
Le soleil du soir
brille sur chaque noeud
des oeillets
–
La nuit
dans le jardin sombre
comme la pivoine est calme !
°
(A suivre : Chapitre XIX, p. 333)
« Une Histoire du Haïku » : R.H. Blyth – 21) : Poètes de l’époque de Buson :
7 juin 2017(Chapitre XIX, pp. 333-48)
RYÔTA (1718-87 – élève de RITÔ (1680-1754), élève de RANSETSU) :
Les pluies d’été ;
Un soir la lune apparut
en secret, derrière le pin
–
Du bleu
de l’aurore,
une seule feuille de paulownia
–
L’infirmier s’en alla
mais laissa derrière lui
ce papillon
–
La bourrasque d’automne
souffla l’aigle
du bord de l’à-pic
°
RANKÔ (1726-98), élève de Kiin :
Les pluies d’été ;
une souris court autour
du vieux panier d’osier
–
Les roseaux desséchés
jour après jour se cassent
et s’en vont flottant
–
Le démon de la peinture Ôtsu
s’enfume également
à la lumière du feu de broussailles
–
Un soir de lune ;
grimpant sur une pierre
une grenouille coasse et coasse
–
A la fin, à force de chanter,
elle va se détruire,
la cigale d’automne !
–
Eau claire ;
un voyageur
y a jeté quelque pièce
°
MEIMEI (mort en 1824, à 86 ans), élève de Shirao :
A la casserole
il manque un pied –
qu’il fait froid !
–
Un chien aboie ;
quelqu’un doit passer
ce soir de neige
°
GOMEI (mort en 1803, à 73 ans), élève de Bairin :
La tête légèrement rouge
des grues
au milieu des herbes fanées de la pampa
°
GEKKYO (1745-1824), un des meilleurs élèves de Buson :
Le rossignol
chante le soir
avec la même voix qu’au matin
–
Le marionnettiste
attacha son parapluie
à un saule vert
–
Pleurant le printemps
chaque année la même chose,
chaque année différemment
°
HYAKUCHI (1748-1836), élève de Buson :
La grande pièce ;
personne
qu’une mouche
°
ÔEMARU (1722-1805) :
Se rafraîchissant au soir :
Renversant Jizô
et s’enfuyant
–
On voit les montagnes
au soleil couchant
et l’automne, un instant
–
L’automne est arrivé ;
les pois sont dodus
à l’oeil
–
La pivoine reçoit
la lune du matin,
le soleil du matin
°
ICHIKU (1710-60), élève de Kanshû :
Désolation hivernale ;
les ordures s’amoncellent
au bas du cours d’eau
°
RYÔTAI (mort en 1774) :
Mélangés,
les cerisiers sont aussi seuls –
saules desséchés.
°
SEIRA (1740-91) :
Au bord du bateau
enlevant d’un coup de pied mes chaussures –
la lune dans l’eau
–
Dans l’embrasure de la porte
tombe l’ombre de quelqu’un ;
soir d’automne
–
La lampe
est immobile ;
une nuit de gel
°
SHÔZAN (mort en 1801, à 84 ans), élève de Sôoku, élève de Hajin :
La claire lune d’automne
les toits de tuile
ont l’air mouillé
–
Canards mandarins criant
la lune du soir luit
sur la porte du temple
–
Le visiteur parti,
caressant le bord du brasero
et me parlant à moi-même
°
DENPUKU (mort en 1739, à 73 ans), élève de Renseki (élève de Beiseki, élève de Jisen, élève d’Ansei, élève de Teitoku). Devint disciple de Buson :
Chassant une souris,
des camélias arrangés
près de mon oreiller.
°
(Chapitre XX : ISSA)
FIN
°°°
« Une Histoire du Haïku » : R.H. Blyth – 19 : Taigi :
6 juin 2017(Chapitres XV et XVI = BUSON).
Chapitre XVII (pp. 289-308) :
TAIGI (1709-71) : « Le plus grand haijin, après les quatre grands. » Elève de Suikoku, de Keikiitsu :
Le voleur
rencontra un renard
dans le champ de melons
–
Larves de moustiques
dans l’eau stagnante
un jour ensoleillé
–
L’automne de l’orge ;
la poussière « ennuage »
la cloche de midi
–
Averse d’été –
revenant fermer la porte
de ma cabane
–
Un soir d’automne,
me posant des questions, y répondant,
faible et abattu
–
L’homme qui mangea du poisson-globe
récite le Nembutsu
dans son sommeil
–
Tuant un faisant ce jour,
maintenant me sentant déprimé –
soir de printemps
–
Jeunes pousses
croissant dans la rizière hivernale
désespérément
–
Cinq milles à la ronde
les cerfs-volants dansent
à marée basse
–
Sur le pas de la porte
la tortue entra en trébuchant –
l’eau du printemps
–
Début de l’automne
après le bain
un sentiment de lassitude
–
Fidèle à la coutume
la vieille femme se maquille
le jour du changement d’habits
–
Eclairs et coups de tonnerre !
Des navires coulés
la voix des fantômes
–
L’automne mourant,
la crête-de-coq se tient là
sa tête seule glorieuse.
–
Toutes les étoiles
apparaissent
Ah, quel froid !
–
La véranda est humide
et déserte :
pluie d’automne.
–
Lune croissante ;
assis dans le bateau
le clair de lune dans mon giron
–
Une douce odeur
de quel arbre ?
Le bocage estival
–
Dans le brouillard de montagne
des gardiens du sanctuaire :
le son des conques
–
Les cerfs-volants sont blancs
dans le brouillard vespéral
au-delà de la tranquillité
–
Soir au temple
la poussière est toute
fleurs de cerisiers
–
Je rencontrai une femme
pick-pocket
sous la lune voilée
–
La voyageuse
porte son kimono ourlé
avec presque trop d’allure
–
A une auberge lors d’un voyage
des fleurs de glycine
laissées fanées dans le vase
–
Une pauvre chaumière
à travers le kotatsu
souffle aussi le vent
–
A l’aube
une femme s’en revient –
des pluviers pleurent
–
« Avec Taigi, le haïku est, ou devrait être la vie elle-même, ni plus, ni moins. »
°
(A suivre : Chapitre XVIII : « Poètes à l’époque de Buson« .)
« Une Histoire du Haïku » R.H. Blyth – 18) Haïkus entre Bashô et Buson :
6 juin 2017Ch. XIV, pp. 226-43 :
KIKAKU :
La pleine lune d’automne ;
sur le tatami
l’ombre du pin
°
RANSTESU :
Une fleur de prunier ;
la chaleur
d’une fleur de prunier
(adapt. d.p.)
°
BUNSON (mort en 1713), élève de Bashô, puis de Kyoroku :
La claire lune d’automne
Des endroits sombres,
la voix des insectes.
°
MOKUDÔ (? – ?), élève de Bashô :
La brise de printemps souffle
à travers les champs d’orge
le bruit des eaux
°
BAKUSUI (1720-83), élève de Kiin, puis de Shikô et d’Otsuyu :
Rentrant à la maison
par un autre chemin –
Ces violettes !
°
RITO (1680-1754), élève de Ransetsu :
Fleurs de pêcher épanouies ;
tout autour
nulle autre trace du printemps
°
MÔGAN (?-?), élève de Bashô, de Kyorai :
Fleurs de cerisiers
tombant dans le palanquin
d’un Daimyo
°
SUIÔ (?-?), élève de Bashô :
Une nuit d’automne :
rêves, ronflements,
sauterelles stridulantes
°
SHIDÔ ou FÛCHIKU (?-?), élève de Bashô :
Le vieux moine également,
le surplis sur l’épaule,
admire les fleurs de cerisier
°
YAYÛ (1701-83) :
Premier jour de l’année
les gens qui foulent la neige
ne sont pas haïssables
–
Je peux voir
deux ou trois étoiles ;
des grenouilles coassent
–
A l’époque de Yayû, le senryû se développa.
–
Un nid de guêpes :
il les défie
une serviette autour du visage
–
tirant de jeunes pousses de riz
il pisse dans la rizière
d’à côté
–
Se rafraîchissant au soir
l’aveugle s’oublie
dans l’obscurité
–
Une sieste de midi –
cette mouche
ne me laissera pas devenir papillon !
°
SENKAKU (1676-1750), élève de Sentoku :
Le vieil an s’en alla
frappant et trépignant
sans un regard en arrière
°
HAJIN (1677-1742) :
Un guerrier
s’en allant dans un bar à vin
sous la neige la nuit
°
SENTOKU ou TENTOKU, mort en 1726, à 63 ans. Elève de Rogen, puis s’associe avec Rosen. Avec Fukaku, ce fut lui le (plus) responsable de la dégénérescence du haïku après la mort de Bashô.
°
FUKAKU (mort en 1753, à 92 ans).
°
SOGAN (mort en 1791, à 83 ans) :
Rassemblant de jeunes pousses ;
laissant l’enfant
ramper sur le sol
–
Les rayons du soleil
obliquant sur la cloche du temple ;
la chaleur restante
°
RENSHI (mort en 1742, à 63 ans). Elève de Sampû :
Jeunes pousses !
Les laissant non-arrachées
à la fenêtre
–
Froide pluie d’hiver –
une rue de prostituées,
le mois sans dieux
°
SÔSUI (le Premier), mort en 1744, à 60 ans :
Un raccourci ;
les feuilles tombées
cachent l’eau de pluie
°
SHISEKI (ou RYÔWA), mort en 1759, à 83 ans. Elève de Bashô, de Ransetsu :
L’épouvantail
portant un chapeau
pour un pèlerinage au sanctuaire d’Isé
–
Ô la maigreur
des vieilles cuisses
près du feu !
°
RYÛKYO (mort en 1748, à 63 ans). Elève de Tentoku, puis de Bakurin :
Fleurs de colza
resplendissantes et brillantes –
et un seul temple !
°
KIIN (mort à 1748, à 51 ans). Elève de Hokushi, d’Otsuyu :
Les graines de paulownia
dispersées
sous la première pluie de l’hiver
°
CHÔSUI (le Premier), mort en 1769. Elève de Ryokyô :
Etres humains éparpillés
sur l’horizon
à la pêche aux coquillages à marée basse
°
(A suivre : ch. XVII : TAIGI.)
« Une Histoire du haïku » R.H. Blyth – 17) : Les femmes haijins : Chigetsu, Sute-jo, Sono-jo, Shûshiki, Kana-jo, Chine-jo, Chiyo-jo, Chôwa, Shôfu-ni :
5 juin 2017(p. 207)
CHIGETSU (? – ?), mère d’Otokuni :
Les fleurs
à leur apogée
ne savent pas que je vieillis
–
Les pétales des cerisiers de montagne
tombent et se dispersent
sur le moulin du cours d’eau
–
Les belles-de-jour fleurissent –
mes parents
ne m’ont pas grondée
–
Un blizzard –
les oiseaux chantent fort
par-dessus mer et montagne
–
Une sauterelle stridule
dans les manches
de l’épouvantail
–
Ma silhouette aussi
a l’air misérable
sur cette lande désolée
–
Attendant le printemps –
de la glace mêlée
à la poussière et aux ordures
–
quelle chaleur !
des grenouilles
nées dans les flaques
–
Quelques nonnes
pas moins pitoyables
que ces épouvantails
°
SUTE-JO (1633-98), élève de Kigin :
Semblant
n’avoir rien à penser –
vent d’automne
–
Parmi les chemins nuageux
y a-t-il aussi des raccourcis ?
La lune d’été
–
Comme a chaud
la peau – la peau
qu’une femme cache !
°
SONO-JO (1649-1723), élève de Bashô (en 1689), puis de Kikaku :
Violettes
desséchées
dans le mouchoir de papier
–
Le chien aboie
au bruit des feuilles,
une bourrasque souffle
–
La fraîcheur –
Le noeud de mes cheveux
n’atteint pas le col de ma robe
–
Ô comme j’étais occupée
à cueillir les violettes,
absorbée en elles !
–
Quand l’enfant que je porte
joue avec mes cheveux –
quelle chaleur !
–
Le gel est descendu –
le vieux panier d’osier
de la nonne partant en voyage
–
Pressant mon front
contre le tatami vert –
quelle fraîcheur !
–
SHÛSHIKI (1668-1725), femme de Kangyoku. Elève de Kikaku :
La queue du faisan
touche doucement
les violettes
–
Pressant l’enfant
contre mon corps,
la neige froide tombe
–
Sortant de mon rêve,
quelle couleur
avaient les iris !
–
Parent et enfant
sous la même couverture –
le gel de la séparation
(: pour la mort de la plus jeune fille de Kikaku, un an avant sa propre mort.)
°
KANA-JO (? – ?), « femme » de Kyorai :
Le ratisseur de sel entend la nuit
la voix proche
du coucou
–
Près du lys plantain
la sauterelle
chante son soutra
–
Les épis d’orge
suivent
les papillons qui oscillent
°
CHINE-JO (XVIIe siècle), soeur de Kyorai :
Aucun petit oiseau
ne passe à travers
ces forêts profondes
–
Lespédèzes et herbes de la pampa
comme j’émerge de la route de montagne,
comme mon kasa est lourd !
–
Si longue est la nuit
que fatiguée du voyage,
je la traverse en dormant
°
CHIYO-JO (et CHIYO-NI), 1701-75 :
Champ ou montagne,
rien ne bouge
ce matin de neige
–
Comme est vivant et digne d’intérêt
l’endroit où se repose le mendiant,
des insectes chantant tout autour !
–
La lune d’été
touche
la canne-à-pêche
–
La fleur du prunier
donne son parfum
à celui qui casse la branche
–
Le rossignol
essaie encore,
essaie encore !
–
Me levant
et me couchant –
comme la moustiquaire est grande !
(: Supposé avoir été écrit lors de la mort de son mari (?)
°
(CHÔWA (mort en 1715 à 78 ans) :
Je t’ai attendu
coucou, coucou,
mais me suis endormi)
–
Une nuit de lune ;
venant sur une pierre
un grillon stridule
–
Sous la pluie de printemps
toute chose bénie
devient encore plus belle
–
Les traces de pas
sont celles d’un homme :
premiers flocons de cerisier
°
SHÔFU-NI (1688-1758), femme de Ryôhin, un disciple de Basho (mort en 1730) :
La lune d’automne !
M’appuyant au pilier de la véranda
et en faisant le tour
°
(A suivre, ch. XIV, p. 226 : « Haïkus entre Bashô et Buson »)
« Une Histoire du Haïku » R.H. Blyth – 16) Autres poètes de l’école de Bashô : Masahide, Kyokusui, Mokusetsu, Hajin, Tantan, Shihô, Banko, Yamei.
4 juin 2017(p. 200)
MASAHIDE (1657-1723) :
Les hallebardiers
continuent de brandir leurs lances
sous la pluie d’hiver
–
Son jisei :
Quand je partirai
laissez-moi être ami de l’eau,
comme la lune !
°
KYOKUSUI (mort en 1717) :
L’étoile du soir s’évanouit
derrière le sommet –
la voix du cerf
–
Nuit froide !
le bruit d’une cascade
tombant dans la mer
–
La voix qui crie après le cheval
est la tempête
de la lande desséchée
–
MOKUSTESU (? – ?) :
Le vieil arbre
montre son mécontentement
aux fleurs qui s’épanouissent
°
HAJIN (1677-1742), professeur de Buson, élève de Kikaku et de Ransetsu :
Le hiragushi *
soudain chante, une seule fois :
nuit de lune
* sorte de cigale avec une voix stridente mais musicale. Ne chante que tôt le matin et le soir.
–
Son jisei :
Je ne savais pas
que le Royaume de l’Ouest
était prêt à me recevoir
–
TANTAN (1674-1761), élève de Kikaku :
« La poésie chinoise est une longue épée ; le waka est une épée ; le renga est une épée courte ; le haïkaï est un poignard. »
Première neige
sur le rocher
que les vagues ne peuvent atteindre
–
Son jisei :
Gelée matinale
et sur elle un dessin du mont Fuji
fait par un bâton
°
SHIHÔ (? – ?) :
Sous la pluie d’été
il s’agit simplement de faire
ce que dit le cavalier
–
Le tonnerre et les éclairs
cognent sans cesse
sur la lande d’herbes de la pampa
°
BANKO (mort en 1724)
°
YAMEI (? – ?)
La plaine au printemps –
la voix du faisan
l’a avalée !
–
Allant acheter un poney
les herbes de la pampa
me saluent
°
(A suivre : Ch. 13 : Les femmes haijins : Chigetsu, Sute-jo, Sono-jo, Shûshiki, Kana-jo, Chine-jo, Chiyo-jo, Shôfu-ni.)
« Une Histoire du Haïku » – R.H. Blyth 15 – Autres poètes de l’écoles de Bashô : Otokuni, Yasui, Bokudô, Rôka, Sora, Tôrin, Haritsu, Ranran :
4 juin 2017(p. 194) :
OTOKUNI (? – ?) Etudie le haïku avec Bashô, avec sa mère Chigetsu, et sa femme.
Sur terre et sur l’eau
les oiseaux lancent leurs cris
à la tempête de neige
°
YASUI (mort en 1743, à 86 ans) :
Oies sauvages
oui, vous avez mangé mon orge,
mais maintenant nous devons nous séparer
–
L’alouette !
elle rivalise de forces
avec le vent du printemps
–
La première neige
tombe sur le paulownia
qu’elle a planté cette année
NB = à propos de sa femme, morte jeune.
°
BOKUDÔ (? – ?), frère aîné de Hokushi.
Sous les jeunes feuilles vertes
ce matin de printemps
il est naturel que je sois endormi
°
RÔKA (1672-1703) :
Un vol de cormorans
têtes dressées, remontent
le rapide cours d’eau
–
La neige de la nuit dernière
s’éclaircit ;
comme brille le bocage !
–
Son jisei (?) :
Verticalement et horizontalement
il fait plus noir près du paravent –
pluie froide d’hiver
–
Admirant la lune,
marchant sur les déchets crépitants du chanvre
au-delà de la porte du fond.
–
On voit aussi
une enfant avec la variole
cet automne d’orge *
* automne de l’orge = l’été.
–
suspendue pour la première fois,
comme la moustiquaire sent,
pendant 2 ou 3 jours !
°
SORA (1649-1710) :
Toute la nuit
écoutant le vent automnal
de la montagne par derrière
–
Marchant, marchant sans cesse
même si je tombe épuisé,
je me reposerai dans ces champs
fleuris de lespédèzes
–
Ses petits seront fatigués de l’attendre –
l’alouette
s’élève si haut !
–
Quel oiseau est-ce,
solitaire et froid
dans la tempête automnale ?
°
TÔRIN (1639-1719) :
Sur sa tombe, ce verset :
Une pêche blanche ;
une goutte d’eau se détache
d’une couleur pure
°
HARITSU (1663-1747) :
Jusqu’à ce qu’elles fleurissent,
personne n’y fait attention –
fleurs d’azalées.
°
RANRAN (1648-93) :
La rose de Sharon
ne rit
ni ne pleure
–
Dans la rizière
la lune de printemps :
les ombres de la nuit sont tombées
°
(A suivre : Masahide, Kyokusui, Mokusetsu, Hajin, Tantan, Shihô, Banko, Yamei)
« Une Histoire du Haïku » R.H. Blyth – 14) Autres poètes de l’école de Bashô : Shadô, Rosen, Sodô, Riyû, Senna, Gochû, Tokoku :
4 juin 2017Ch. XII, p. 187 :
SHADÔ – ou CHINSEKI – ( mort en 1737) :
Sur la haute levée
des « bulbuls » crient :
aujourd’hui avec ses nuages floconneux
°
ROSEN (1662-1743). Elève de Kigin, puis de Bashô. Il inscrivit son jisei sur sa pierre tombale :
Un logis rond
est meilleur qu’un carré :
réclusion hivernale
–
Lors des adieux
ma voix me revint rapportée
par les joncs
°
SODÔ (1643-1716) Elève de Kigin.
Un hibiscus,
comme une beauté
après son bain
–
Une averse soudaine ;
la lave du Mont Asama
est fraîche
–
Feuilles flottantes, feuilles recourbées,
les manières de ce lotus
sont trop variées
–
Le printemps est presque fini ;
la rose jaune est pâle,
la rhubarbe est amère
°
RIYÛ (1661-1705) :
Il est difficile de s’asseoir
près du mur nu –
quel froid !
°
SENNA (1651-1723) :
En retard pour la lune d’automne
les pluviers volent
pendant la journée
–
Une tache d’encre de Chine
sur ses lèvres, un jeune garçon
prend le frais du soir
°
GOCHÛ (? – ?), élève de Riyû :
Coupant les bambous,
le soleil brille sur le temple ;
premières feuilles colorées
NB : voir BONCHÔ :
Il fait froid ;
les montagnes où l’on coupe les bambous
ont changé de couleurs
Voir aussi RANKÔ :
Les feuilles colorées tombées,
on voit le temple de Seikanji
au travers des bambous
°
(p. 193)
TOKOKU (mort en 1690) : un des élèves préférés de Bashô :
Pluie sur les feuilles de cerisiers
Un prêtre du temple
porte de hauts sabots
–
Un matin de gel
le « bead-tree »
relâche ses baies
°
(A suivre : Otokuni, Yasui, Bokudô, Rôka…)
« Une Histoire du Haïku » R.H. Blyth – 13) Autres poètes de l’école de Bashô : Tohô, Shintoku, Rotsû.
4 juin 2017TOHÔ (1657-1730) : Compila le « Sanzôshi » (« Les 3 carnets de notes » : dits de Bashô sur le haïkaï. Dont ce passage :
« Le maître dit : « Apprenez des pins, apprenez des bambous. » – « Apprendre » signifie s’unir aux choses et sentir leur nature la plus profonde. Ceci est le haïkaï. »
Poulains en été ;
le sable de la falaise
tombe grain après grain
Sur la feuille de paulownia
s’étale la brillance –
une luciole !
–
(p. 184)
SHINTOKU (1633-1689). Il apprit de l’école de Teitoku, puis de celle de Danrin et s’associa aussi avec des poètes de celle de Bashô
Comme c’est effrayant !
une femme avec des lunettes
à la fin de l’année !
Jour de pluie
quelqu’un passe devant mon portail
tenant des iris
–
ROTSÛ (1651 ? – 1739 ?) : un mendiant, qui rencontra Bashô en 1688.
« Rien pour toi ! »
disent-ils tous –
fin de l’année
Sur le lac Yogo
mêmes les oiseaux aquatiques
dorment ?
Au bananier feuillu
que va faire
ce vent d’automne ?
Les oies sauvages sont tombées
sur ma nuque,
cette nuit de gel !
°°°
(A suivre, Ch. XII, p. 187 : Shadô, Rosen, Sodô…)