Archive for the ‘monostiches’ Category

Haïkus, senryûs, kyôkus, etc. Py – Nov. 15 – 1):

3 décembre 2015

°

grenouille,

bredouille

– l’étang dort

l’étang dure –

Lola (la grenouille) se détend

(Lola) se défend

au saut élastique

 

La grenouille se détend,

ressort…

, se détend, s’allonge

, quelle cuisse !

La cuisse (légère ?),

aérienne !

: Etang-tatives,

étang-tations

°

(pendant ce temps-là)

le jour monte,

hausse ses couleurs, *

1er novembre.

* (hisse les couleurs…)

°

tous les premiers mercredis du mois

une minute 41 de sirène à midi

(me dit le calendrier

des sapeurs-pompiers

si la si rè

ne retentit

: fermez les fenêtres

ouvrez la radio

°

« Pour avoir des lèvres de rêve » :

la labiaplastie

ou nymphoplastie

°

Suites de son opération :*

son visage-

Halloween

* : infection,

°

L’arbre à cons…

– Vérifions si nous y sommes !…

°

Les escargots *

caracollent au plancher

* = « caracol » (: esp.)

°

De l’ogre d’Halloween

à l’orgue de la morgue ?

– Toussaint

Toussaint,

la paix des mores ? *

* / la paie des morts… /

°

… de gros grains de raisin blond…

°

balcon nogentais :

une table, deux chaises

reçoivent

la pluie

°

(Kyôku :)

Les mots du haïku

ne sont pas là pour meubler

/ combler… le vide,

… mais pour le mettre en valeur… (?)

°

un mille-pattes

luit sous le lampadaire –

lune noire dans trois jours

°

Le monde sera-t-il plus sale

après que tu l’auras quitté ?

°

depuis des années

ce mendiant aveugle

qui ne s’accompagne que de Brassens

(dans le métro)

°

papa pousse bébé tient poupée

(rue de Rome, 5/11)

°

Tout ce monde affairé :

cohue capitale

du matin

(métro, RER, …)

(et) marcher à pas lents

(escomptés…),

c’est pas la vie, ça ?

RA

LEN

TISSEZ !

°

Fête des Pères –

une femme cueille des roses

au bout des rangs de vigne

(Orly-ville, juin 15)

°

(Bashôtage :)

Mes voisins de Dnipropetrovsk,

comment vivent-ils

(ce matin à 5h35) ?

(Millau, 30/10/15)

Six jours plus tard je vois (sur W9)

l’équipe de Saint-Etienne

qui rencontre Dniepropetrovsk

en Ligue Europa de football !

(Orly, 5/11)

°

l’ho

riz

on

°

(9/2006, métro :)

Elle tricote,

on dirait,

les fils de son baladeur

°

(16/9/06 – métro parisien :)

All the jewelry

atop her breast

– my silent hands

Toute cette bijouterie

sur sa poitrine –

– mes mains sages

°

L’homme qu’a bossé,

l’homme cabossé

°

(Kyôkus :)

Haïku :

Alléger le trait

Ecrire =

se vider la tête…

Affiner le trait

Haïku :

Laisser gagner le blanc.

°

les géraniums en pleine efflorescence –

approche de la lune noire

°

le trottoir sec

mouillé sous les feuilles

°

papillon brun dans la rue

lune noire de novembre

°

dessous féminins

(:) la légèreté

du fil

°

tout l’or

°

le rythme récurrent

°

(Saori Nakajima, au kukaï de Paris :)

« Le haïku n’est pas sentimental;

le tanka, oui ! »

°

des corps de métier

suspendus

bleu sur bleu

°

horizontal un oiseau

traverse le matin –

une grue au bout du gris

°

lacet sur le trottoir –

serpent noir de l’hiver ?

°

(Sur une illustration de Mitsuru Ikeda, p. 51 de Haïkus satiriques (de Kobayashi Issa), par Seegan (Laurent) Mabesoone, éd. Pippa, 2015 :)

du bord de la rive

les grenouilles regardent la capitale

et se marrent

(: 9/11, vers 7h55)

du bord de la rive

regardant la capitale

des grenouilles se marrent

(même jour, 9h25)

°

Je viens d’écrire un senryû sur des grenouilles,

ses chaussures de sport vertes

(métro, ligne 14, 8h)

… puis le sac vert

de sa voisine…

°

détachant une feuille de géranium,

une libellule verte

s’envole de sous le balcon

°

(Tanka – devant une peinture chinoise de montagne… :)

Seul compte

le paysage qui s’ouvre devant soi

– s’oublier

un peu

°

(Avenue de Clichy :)

fondue dans un décor

d’encombrants

la mendiante

(: vers 9h40)

d’un abri-bus

quelqu’un

a aménagé son chez soi

(: 9h48)

°

(à suivre (p.45)…)

‘Une mare cachée’ : anthologie moderne de haïku – 5)

12 mai 2015

nami oto no tsukihi no shidarezakura kana

: Shinozaki Keisuke (1934 – ) (h) Edite le magazine Hechima (« Snake-gourd »).

lever de soleil et lever de lune
dans le son des vagues –
un cerisier pleureur

°

tenshu made kikoyu nôfu no hanamiuta

: Kusama Tokihiko (1920 – ) (h) Ancien président du bureau de direction du Musée du Haïku de Tôkyô.

chants de laboureurs
dérivant parmi les fleurs de cerisiers
jusqu’au donjon

°

massugu ni sô kuru sakurafubuki kana

: Kojima Hanae (1923-2000) (f) Menait le groupe de haïku Hansen (« Voilier »).

pétales volants de cerisiers
à travers lesquels un prêtre vient
droit vers moi

°

juka ni chiru rakka tôasobi o suru rakka

: Ôhashi Atsuko (f) Mène le groupe de haïku Ugetsu (« lune de pluie »), poste hérité de son père qui appartenait au groupe Hototogisu (« Coucou »).

pétales de cerisiers –
certains tombent juste sous les arbres
tandis que d’autres voyagent loin

°

hana areba Saigyô no hi to omou beshi

: Kadokawa Genyoshi (1917-1975) (h) Fondateur et propriétaire de la maison d’édition Kadokawa. Aida également à la création du Musée de la littérature de haïku, et présida son propre groupe de haïku Kawa (« Rivière »).

quand les cerisiers fleurissent
le mieux est de se remémorer
le poète Saigyô

°

mura ni hitotsu no sora ido e hanafubuki

Hirose Naoto (1929 – ) Mène le groupe de haïku Hakuro (« Gelée blanche »).

un ciel au-dessus
de tout le village – fleurs de cerisier
soufflées dans le puits

°

kono yama no mizu hashi to yûhenro

: Kamio Kumiko (1923 – ) (f). Appartient au groupe Hakuro (« Gelée blanche »), et mène le groupe Shiinomi (« gland de pasania »)

comme est claire et douce
l’eau de cette montagne
pour un pèlerin au soir

°

(A suivre, p. 52)

« Billes d’humeur » ou « Têtes de Trucs »… – Avril 2015

3 mai 2015

… ANTI-Journal,
Défouloir,
Eclabouses…

°°°
Avril 2015.

Y en a
qui pensent que si vous ne faites pas trois lignes
qui durent 5, 7 et 5 « syllabes »,
vous n’écrivez pas du haïku !

Pauvre haïku !

°°°

Pourquoi faut-il toujours / souvent / encore / …
que le haïkiste se mire en son haïku ?

: sortir de (/ du) soi !

Le haïku n’est pas
le miroir du haïkiste

Dans le haïku
on ne revient pas vers soi,
on sort de soi !

– Ecrit-il ses haïkus
au présent de l’admiratif ?

Un haïku « bibicentrique » !

(/ bibicentré / bibinecentrique ?)

°°°

Traquer le mot (/ le commentaire)
inutile.

Le haïku,
ou : Comment taire
le commentaire !

°°°

De la persistance / De l’insistance
de la pensée
dans le haïku (français)

De la pensée
à la nausée
de la pensée

Je pense
donc je fuis.

Dans les toilettes
je pense
et pisse à côté

Je pense
donc je pisse
à côté

Je panse,
je suis.

°°°

Vous leur donnez de la confiture,
ils chipotent sur la forme du pot

°

Il serait peut-être temps de se demander ce qui importe (le plus) dans le haïku :

la forme du vase
ou sa liqueur ?

la forme de l’os
ou la saveur de la viande ?

l’enveloppe
ou la lettre qu’elle contient ?

le corps
ou l’esprit ?

l’écorce
ou l’essence ?

l’habit
ou le moine ?

°

Ne serait-il pas temps de s’intéresser
plus au contenu du haïku
qu’à son contenant ?

°

(Pour peu que je sache) :

Je sache que
l’on peut écrire des haïkus autrement qu’en 5+7+5 mores,
qu’en 5+7+5 syllabes,
qu’en 17 (mores / syllabes),
autrement que sur 3 lignes
ou qu’1
(mais aussi sur 2, sur 4,…)

Je sache
qu’on n’est pas tenu / obligé
d’imiter (/ de singer) le haïkaï (/ haïku) japonais ancien / antique
ou son apparence
en français
(ni dans n’importe quelle autre langue que le japonais)

je sache
que l’essentiel du haïku
ne réside pas dans sa forme
mais dans son contenu

Je sache
qu’il est primordial de connaître
l’essence du haïku,
l’esprit du haïku,
le coeur du haïku,
l’énergie interne du haïku,
(le sens du haïku).

Je sache
que s’il n’y avait qu’un critère à respecter
pour écrire du haïku
– ici ou là –
ce serait celui-ci :
appliquer les règles « internes »
qui régissent
(et réjouissent)
l' »âme » du haïku.

°°°

Vous qui tenez tellement
à singer le haïku japonais classique,
comment se fait-il que vous ne l’écriviez jamais
sur une seule ligne
– ni verticale ?

°°°

Mes haïkus
ont pour (seul) impératif formel
le découpage rythmique naturel
dicté (/ voulu) par le sens
propre à chacun d’eux.

ou :

C’est le rythme du haïku
qui dicte sa forme.

°°°

5-7-5 :
l’attrait / l’attirance
de l’uniforme

5-7-5 :
le prestige
de l’uniforme

Le 5-7-5
ou l’art de
ronronner en rond ?

°

mai 2015.

le haïku en 5-7-5
pieds de naguère !

°°°

d.

La Déclaration de Matsuyama – 6-7/12 –

7 mai 2014

V. Les « ombres » et les « échos » dans les oeuvres de poètes éminents dans le monde.

24) Au XXIème siècle, on accordera peut-être plus d’importance au silence oriental. Claudel amena le français au plus près du silence dans son poème « le bruit de l’eau sur l’eau l’ombre d’une feuille sur la feuille », tandis que Ozaki Hosai exprima la solitude humaine dans son très court haïku :

« seki o shite mo hitori »
« même toussant, seul »

Edgar Allan Poe déclara que « les poèmes longs sont des contradictions dans leurs termes. » Quand le poème est court, le lecteur doit pouvoir comprendre le silence.

25) D’une point de vue universel, le haïku est un poème symbolique, mais les significations des symboles diffèrent complètement selon chaque contexte culturel. Yosa Buson, par exemple, symbolisa la détresse d’une rose sauvage en disant :

« urei tsutsu oka ni noboreba hanaibara »
se lamentant grimpant la colline – roses sauvages

« hanaibara kokyo no michi ni nitaru kana »
roses sauvages le sentier semble celui de ma ville natale

« michi taete ka ni semari saku ibara kana »
le sentier finit le parfum se rapproche roses sauvages

Mais dans « Rose sauvage », Goethe poétisa simplement une jeune fille. En Occident, « le lilas » symbolisa la résistance, mais au Japon cette fleur ne symbolisa rien de tel. Soit l’image claire présentée par Bashô dans ce haïku :

« kare-eda ni karasu no tomari keri akino kure »
sur une branche nue un corbeau se perche dans le crépuscule d’automne

On loue ce haïku en Occident pour exemplifier le concept préconçu de l’esthétique japonaise.

« araumi ya sado no yokotau ama no gawa »
mer agitée la voie lactée va jusqu’à Sado

ce haïku est, d’autre part, très difficile à comprendre, à moins que l’on connaisse l’histoire de l’île de Sado.

26) Cependant, la communication entre les différentes cultures à travers les symboles du haïku de différentes cultures a déjà commencé. Dans le haïku, on exprime concrètement un objet en tant que symbole. Le symbole est assez suggestif pour permettre aux poètes non-Japonais de le comprendre et de l’utiliser dans leurs propres poèmes.

27) Dans les poèmes de Bashô nous trouvons des pièces surréalistes telles que :

« kumo no mine ikutsu kuzure te tsuki no yama »
tant de cumulus s’effondrant sur une montagne couronnée de lune

« shizukasa ya iwa ni shimiiru semi no koe »
tranquillité le cri des cigales fore les rochers

« ishiyama no ishiyori shiroshi aki no kaze »
les rocs sont plus blancs que les pierres du temple Ishiyama… vent d’automne

« umi kurete kamo no koe honoka ni shiroshi »
mer au crépuscule le bruit des canards sauvages légèrement blanc

Nous avons des pièces modernes de Nomura Toshiro telles que :

« shimo hakishi houki shibaraku shite taoru »
quelque temps après avoir essuyé le givre le balai tomba

Le « tant de cumulus » de Bashô offre un exemple typique de symboles sophistiqués.Le « cumulus » est la vie, l’homme et la lumière, tandis que la « montagne couronnée de lune » symbolise la mort, la femme et l’ombre. Le haïku décrit les cumulus un jour d’été, s’écroulant au fur et à mesure que le temps passe. Cette scène se change en celle de la montagne couronnée de lune dans le soir d’automne. C’est un haïku hautement symbolique. Le poème de Toshiro, d’un autre côté, évoque simplement un balai qui tombe. Mais après que le balai a essuyé le givre limpide, il tombe et reste immobile, et une tranquillité mystiquese dégage de cette scène quotidienne. Ces deux excellents haïkus sont tous deux à la frontière entre des expressions abstraites et concrètes. Ce qui engendre une qualité mystique.

28) Un bon haïku présente la vie éclatante d’énergie, transcendant vie et mort. Imoto Noichi plaidait en faveur de l’ironie du haïku, mais Shiki hardiment alla au-delà de l’ironie jusqu’au non-sens ou au dadaïsme dans son haïku :

« keito no juushi-go hon mo arinu beshi »
les crêtes-de-coq doivnt avoir quatorze ou quinze ans là

Le surréalisme fut proclamé au début du XXème siècle en France, mais se peut-il que les Japonais aient eu depuis longtemps un penchant naturel pour le surréalisme ?

(À suivre : VI) LES TENDANCES VERS L’INTERNATIONALISATION, L’UNIVERSALISATION ET LA LOCALISATION DU HAÏKU.)

Haïkus de Bashô (absents de « L’intégrale » K.-C.) – 4)

5 mai 2014

449) okura re tsu /wakare tsu hate wa / kiso no aki

On vient vous voir partir/ et à la fin être séparés / automne à Kiso

Automne 1688. Cette version parut dans le ‘Journal de Sarashina’

La version suivante (450 – chez K.-C. : 424) :

okura re tsu / okuri tsu hate wa / kiso no aki

On vient prendre congé de vous / et à la fin vous prenez congé / automne à Kiso

parut dans ‘Arano’, un des trois volumes de hokku et renga compilés par Kakai en 1689, sous la supervision de Bashô. Une version comporte l’idée d’être séparés et l’autre de prendre congé. L’idée ici est que les amis de BAshô vinrent lui dire au-revoir et qu’il dit au-revoir à l’automne dans la ville de Kiso.

491) omoshiro ya / kotoshi no haru mo / tabi no sora

comme c’est séduisant / au printemps de cette année / de nouveau sur la route

Printemps 1689. Selon Kyorai, Bashô lui envoya ce poème dans une lettre pour l’informer du voyage planifié. La dernière ligne « tabi no sora » (« cieux du voyage ») peut faire penser que le compagnon de Bashô pour le voyage était Sora, dont le nom signifie « ciel ».

499) iri kakaru / hi mo itoyu no / nagori kana

le soleil qui se couche / un fil de brume de chaleur / restant

Été 1689. Un jour chaud, la lumière luit sur le paysage à cause des courants d’air ascendants. Tandis que le soleil descend dans le ciel, il semble pénétrer dans cet air qui luit et son image de chaleur intense pénètre la chaleur de la terre. Le mot japonais pour ce miroitement de chaleur est le « fil » ou le « jeu de cordes », ce qui rend possible un jeu de mots avec les cordes et lier les choses ensemble.

(à suivre : 521)…)

La Déclaration de Matsuyama – 5/12 –

1 mai 2014

19) Maintenant se pose la question des kigos (mots de saison). Comme nous l’avons mentionné précédemment, le haïku est un « don de la nature », et au Japon, les saisons et la nature sont étroitement liées. C’est pour cette raison que le kigo est indivisible du haïku. Alors qu’il est extrêmement important de décrire la nature en percevant la relation qui existe entre la nature et les humains en se basant sur la finesse propre au haïku, cela ne doit pas nécessairement se faire sous la forme du kigo. Autrement dit, quand nous parlons du haïku d’une perspective globale, les contenus du haïku auront un lien plus proche avec les caractéristiques locales de chaque pays.

20) Par conséquent, lorsque le haiku s’élargit au reste du monde, il est important de le traiter comme un poème de forme courte et d’employer des méthodes appropriées à chaque langue. Pour qu’un poème soit reconnu partout dans le monde comme haïku, il doit être de forme courte et avoir l’esprit essentiel du haïku.

21) Nous croyons en la possibilité de naissance de nouvelles techniques telles que la forme fixe et le kireji, qui soient caractéristiques d’une langue particulière et appropriées à l’expression de l’esprit du haïku. Par exemple, le sonnet français commença en tant que poème long, mais quand Tachihara Michizo l’introduisit au Japon, il le raccourcit et réussit à produire un sonnet de style japonais. Les poètes occidentaux peuvent faire la même chose avec le haïku. De nos jours, il est courant en Occident d’écrire le haïku sur trois lignes. Cela crée un espace différent du haïku japonais écrit sur une seule ligne verticale, ce qui permet une perception inconsciente instantanée. Mais qu’y a-t-il d’erroné à changer le nombre de lignes si le style d’écriture est approprié à cette langue particulière ? En d’autres termes, « teikei » signifie trouver « l’ordre interne de la langue » pour la poésie, qui pourrait être universel.

22) Le fait que le haïku est, par essence, une poésie symbolique qui a cessé d’être verbeuse et bavarde, est reconnu partout dans le monde. Le kigo est l’accumulation d’une longue tradition de sensibilité poétique qui a continué de grandir depuis la naissance du waka. Pour parler globalement, c’est un « mot-clé qui possède un sens symbolique propre à sa culture particulière ». Assurément, toutes les cultures possèdent des mots-clés symboliques qui leur sont propres et qui ont été entretenus à travers leur histoire. Dans ce contexte, on peut décrire le haïku comme étant un poème universel qui s’exprime essentiellement par le « symbolisme ». Nous pouvons relever aussi que la tendance récente du haïku japonais moderne de s’affiner en tant que poème symbolique va dans le sens de cette direction globale.

23) Dans le cas du Japon, les Renju, comme précédemment expliqué, ont beaucoup contribué à l’acceptabilité de « mots couramment partagés », tels que les kigos. Cela montre la voie vers la possibilité d’utiliser des non-kigos de la même manière que des kigos, si ces non-kigos sont des mots couramment partagés par cette communauté. Même quand un non-Japonais écrit un haïku dans une langue non-japonaise, et même s’il le fait en tant que poète individuel isolé, il ne pourra pas ignorer l’utilité de « mots couramment partagés », qui, à cause de leur fonction symbiotique, ont beaucoup à transmettre.

(À suivre : V. LES « OMBRES » ET LES « ÉCHOS » DANS LES OEUVRES DE POÈTES ÉMINENTS DANS LE MONDE.)

Haïkus absents de « L’intégrale » Kemmoku-Chipot – 3 –

30 avril 2014

386) ite toke te / fude ni kumihosu / shimizu kana

fonte / le pinceau aspire l’eau / d’une source

Printemps 1688. On considère que c’est une réécriture du verset n° 349 (= 336, chez Kemmoku-Chipot) :

tsuyu itete / fude ni kumihosu / shimizu kana

rosée gelée / un pinceau aspire sec / l’eau claire

Hiver 1687. Bashô prit les mots « kumihosu / shimizu » (« aspirant sec / de l’eau claire ») dans un waka de Saigyô. Dans les peintures à l’encre, on utilise le blanc du papier pour indiquer de l’eau. Parce que la rosée est gelée, Bashô ne peut pas humidifier ses encre et pinceau et ne peut donc tracer que de l’eau claire sur sa peinture.

Bashô reformula probablement son poème plus ancien après avoir lu le célèbre waka de Saigyô : « s’égouttant / sur des rochers moussus / la source d’eau claire / insuffisante / pour cette vie d’ermite ». Dans ce poème, au lieu que la glace libère assez d’eau pour humidifier un pinceau, la source est si minuscule qu’y plonger le pinceau l’assèche.

399) sato-bito wa / ine ni uta yomu / miyako kana

Le lotus est le prince des fleurs. On dit que l’arbre-pivoine est le riche aristocrate des fleurs. Un plant de riz sort de l’eau boueuse, mais il est plus pur que le lotus. En automne il porte du riz odorant, de sorte que le plant a le mérite des deux : il est pur et apporte l’abondance.

les villageois / composent des chants pour le riz / comme dans la capitale.

Printemps 1688. Certains pensent que Bashô dit que les chants des villageois sont les plants du riz qu’ils cultivent.

410) tanoshisa ya / aota ni suzumu / mizu no oto

un délice / se rafraîchir dans une rizière / le bruit de l’eau

Été 1688. L’idée pourrait être que le bruit de l’eau se délecte de la fraîcheur de la rizière ou que la personne se délecte de cette fraîcheur.

Haïkus de Bashô (absents de « L’Intégrale » Kemmoku-Chipot) – 2 –

29 avril 2014

257) : torisashi mo / kasa ya sute ken / hototogisu

L’oiseleur aussi / jeta probablement son chapeau / coucou

Été 1685. Bashô écrivit ce verset sur un éventail décoré de l’image d’un oiseleur. Ce verset pourrait indiquer que Bashô était très las de voyager.

335) : iragozaki / miru mono mo nashi / taka no koe

Le Cap Irago / rien n’y ressemble mieux / que la voix du faucon

Hiver 1687. Le Cap Irago se trouve à la pointe de la péninsule d’Atsumi. Il était renommé pour sa beauté scénique et a été associé aux faucons depuis fort longtemps.

348) : iza yuka n / yuki mi ni korobu / tokoro made

Allons maintenant / admirer la neige nous tomberons / pour l’atteindre

Hiver 1687. Ceci est une version du poème qui suit. Elle fut publiée dans le Carnet d’un havresac.

347) : iza saraba / yuki mi ni korobu / tokoro made

Adieu maintenant / pour admirer la neige nous tomberons / jusqu’à y arriver

(Cette version fut également traduite et publiée dans Bashô, Seigneur ermite, de Kemmoku et Chipot, sous le numéro 332.)

Une réunion pour admirer la neige fut organisée le trois décembre 1687 chez Yûdô, un libraire de Nagoya. Cette version du poème fut publiée dans Hanatsumi.

(À SUIVRE : 386)…)

La Déclaration de Matsuyama 4/12

29 avril 2014

IV) LES PROBLÈMES DE TEIKEI (LA FORME FIXE) ET DES KIGOS (MOTS DE SAISONS)

16) Une question courante qui revient toujours dans les discussions sur le haïku international est de savoir comment traiter de la forme fixe des 5/7/5 « syllabes » et des kigos dans les autres langues et cultures.

17) D’abord, le rythme 5/7/5 est propre à la langue japonaise, et même si d’autres langues devaient utiliser ce rythme, il est évident que ça ne garantirait pas de produire le même effet. Avec le teikei, il ne s’agit pas de compter des syllabes ou d’obtenir des accents, mais de la manière dont la tension pourrait renforcer l’expression poétique quand l’écrivain le souhaite. Dans le cas de la poésie japonaise, la meilleure méthode uilisée pour augmenter la tension poétique a été le recours à la forme en 5/7/5 syllabes.

18) De plus, les techniques et la rhétorique employées dans cette forme fixe sont également, et de mùanière innée, japonaises. Il y a beaucoup de sortes de haïkus. Il y a par exemple des haïkus qui expriment une réalité instantanément perçue, et des haïkus qui utilisent des kireji (mots de coupe employés pour donner un effet surréaliste) pour construire un autre monde en tant qu’art formateur. Des exemples des premiers sont ceux de Takahama Kyoshi :

kirihitoha hi atarinagara ochinikeri
une feuille de paulownia dans le soleil tombant

higashiyama shizukani hane no ochini keri
un volant en plume tombant doucement – colline d’Higashiyama

nagareyuku daikon no ha no hayasa kana
une feuille de radis chinois dérivant si vite

et de Yamaguchi Seishi :

natsukusa ya kinkansha no sharin kite tomaru
herbes d’été les roues de la locomotive s’immobilisent

pisutoru ga puuru no kataki mo ni hibiki
un coup de pistolet rebondit sur la surface dure de la mare

et des exemples des derniers, de Hashi Kanseki :

kaidan ga nakute namako no higure kana
pas d’escaliers… une limace de mer au crépuscule

, de Nagata Kooi :

shounen ya rokujuunen go no haru no gotoshi
un jeune garçon… comme le printemps à soixante ans d’ici

Ils peuvent être difficiles à comprendre pour des non-Japonais, parce que le kireji n’existe pas dans d’autres langues. Ainsi, forcer la forme fixe du haïku japonais et les techniques qui l’accompagnent est un non-sens dans d’autres langues.

(À suivre : 19)… la question des kigos (mots de saisons)…)

Haïkus de Bashô (absents de « L’intégrale » Kemmoku-Chipot). 1)

28 avril 2014

(D’après BASHÔ, The Complete Haiku de Jane Reichhold, Éd. Kodansha International, 2008.)

53) kumo to hedatsu / tomo ka ya kari no / ikiwakare

séparée par les nuages / l’oie sauvage vit un moment éloignée / de son amie

Automne 1672. Certains experts assument que Bashô fait référence à son ami Magodayû, qui vivait à Iga. Le mot « kari » signifie soit « oie sauvage » soit « temporaire ».

237) shoshun mazu / saké ni ume uru / nioi kana

tout début du printemps / vendant du vin de fleurs de prunier / le parfum

À Take no Uchi, dans le comté de Kazuraki, vivait un homme. Il prenait grand soin de sa famille, employant de nombreux travailleurs qui cultivaient les rizières au printemps et récoltaient le riz en automne. Sa maison était emplie du parfum des fleurs de prunier, ce qui consolait et réconfortait les poètes affligés.

Printemps 1685. Ce brasseur de saké anonyme organisa une séance de renga. Quand on coupe la racine de l’iris doux en tout petits morceaux pour parfumer le saké, on appelle cette boisson du vin de prune. Il y a ici une énigme tacite : qui vend les prunes ? : le parfum, ou la saison des fleurs de prunier ?

(à suivre : 257)…)