Archive for the ‘poèmes poèmes’ Category

Nous tous

30 janvier 2018

Nous tous,

morts,

qui avons le même âge

 

(1969)

La mort d’une étudiante, Dana Muzikarova, 18 ans,

30 janvier 2018

La mort d’une étudiante, Dana Muzikarova, 18 ans, le 21 août 1969, en Tchécoslovaquie.

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Elle s’endort dans son rêve

Tuée sur le coup

 

Elle s’endort dans son rêve

De voir fleurir la Liberté

La Paix la Justice

Pour tous

 

De voir partager le Soleil

Entre tous

Et la Terre et le Pain

 

Tuée sur le coup

 

(1969)

 

Conclusion à « Poètes japonais modernes – 2/2

7 avril 2016

(p. 388 :)

La poésie japonaise moderne est devenue encore plus variée en ce qui concerne la forme et le style. (…) Le haïku et le tanka ont entrepris beaucoup de changements formels et stylistiques égalent. Au début, les poètes étaient pessimistes : Shiki, par exemple, prédit les morts prochaines du haïku et du tanka. Cependant , ces formes ont survécu au challenge de la modernisation et du vers libre, en partie parce qu’elles ont pu changer. Les poètes modernes ont, par exemple, commencé à utiliser plus abondamment la technique du rensaku, écrivant des séries de haïkus et de tankas sur un thème commun et les publiant ensemble sous un même titre. Ce mécanisme répond, au moins partiellement, à la complainte souvent exprimée que 17 ou 31 syllabes étaient trop courtes pour rendre justice à l’esprit complexe d’un homme moderne ou aux complexités de la vie moderne. (…)

Les poètes modernes ont aussi pris plus de libertés avec les structures syllabiques. Des haïkus contenant plus de 17 syllabes et des tankas comportant plus de 31 syllabes sont devenus plus courants. La raison est en partie d’ajouter de la fraîcheur et de l’individualité, en partie de répondre à la charge que ces formes fixes sont trop inflexibles. Quelques poètes radicaux de haïku, emmenés par Seisensui, allèrent plus loin et inventèrent le haïku de style libre. Takuboku garda la forme des 31 syllabes, mais imprimait ses tankas sur trois lignes. Kenji écrivit des tankas dans des combinaisons variant entre deux et cinq lignes et Toki Aika expérimenta avec le tanka romanisé. Avec une telle flexibilité de formes, le haïku et le tanka se sont rapprochés du vers libre ; de fait, le haïku de style libre peut être considéré comme une variété de vers libre. Dans le processus, ils se sont coupés des esthétiques et des valeurs morales pré-modernes. (…)

Mais le vers libre a aussi mis en lumière les points forts du haïku et du tanka. Parce que, sous certains aspects, ces formes ne peuvent pas faire concurrence au vers libre, elles ont été forcées de cultiver ce qu’elles peuvent faire de mieux. Comme les poètes modernes l’ont découvert, leur principale force est leur forme ouverte, non conclusive, et la capacité qui en résulte de présenter des pensées fragmentaires dans un langage fragmentaire. (…)

Seisensui sentait que le haïku pouvait exprimer un sentiment spontané avec toute sa spontanéité intacte. (…)

Nous voyons donc que le haïku et le tanka complémentent le vers libre et y trouvent ainsi leur raison d’être. Le vers libre japonais a, à son tour, été affecté par les formes traditionnelles. Un résultat manifeste en est la brièveté. (…) Il y a une manière simple d’expliquer la prédilection japonaise pour la brièveté. Une des explications peut avoir à faire, comme Akiko l’a montré, avec la tradition du lyrisme dans la poésie japonaise : des moments lyriques intensifiés ne peuvent pas durer très longtemps. Une autre explication peut être liée, comme Shinkichi l’a suggéré, à des éléments du zen dans la culture japonaise qui a promu un méfiance en la fonction expositoire du langage. (…) Le langage du vers libre japonais a été influencé par le rythme traditionnel des lignes de 5 et 7 syllabes en alternance. En fait, dans les années de formation du vers libre la plupart des poèmes étaient écrits dans cette structure syllabique, et même plus tard des poètes comme Kenji l’utilisèrent dans leurs vers libres. (…) A l’autre extrémité, il y  avait des poètes comme Sakutarô, qui évitait consciemment tout ce qui pouvait ressembler à la prosodie traditionnelle. Sakutarô ressentait que la répétition des lignes de 5 et 7 syllabes était trop monotone, qu’un tel rythme créait un sens de la vie journalière routinière, et était donc impropre pour la poésie moderne, qui, selon lui, devait s’élever bien au-dessus de la réalité journalière. Seisensui semblait être d’accord, mais dans son esprit, la structure syllabique en 5-7-5 représentait le conformisme et la dépendance envers les valeurs traditionnelles. (…)

Le fait demeure que les poètes pré-modernes n’essayèrent jamais sérieusement d’explorer le potentiel prosodique de la langue japonaise au-delà de la structure syllabique en 5 et 7 syllabes.

(p. 391 :) Le haïku et le tanka, étant des formes poétiques classiques, utilisaient encore  d’ordinaire la langue classique; cependant Seisensui et son groupe ont défendu avec consistance l’écriture du haïku en langue vernaculaire. Durant les premières années du XXè siècle, Takuboku utilisait déjà des phrases en langage familier dans ses tankas, et les expressions familières et les emprunts récents ont continué à envahir le haïku et le tanka, de sorte que, de nos jours, il n’est pas inhabituel de trouver des mots empruntés de l’anglais ou du français dans ces formes poétiques séculaires.

(p. 392 :) Le langage de la poésie japonaise s’est modernisé comme la vie au Japon s’est modernisée.

(p. 395 :) Sakutarô présagea aussi du destin de la poésie et prédit que les bibliothèques publiques relègueraient les livres de poésie dans un coin discret parce que peu de lecteurs y seraient intéressés. La poésie japonaise survivra-t-elle ? Il y a un siècle, Shiki posait cette même question et donna une réponse pessimiste. Cependant la poésie a survécu et a même proliféré, et il l’aida même en ce sens. Nous ne pouvons qu’espérer que l’histoire se répétera.

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FIN de Modern Japanese Poets, éd. Stanford University Press, 1983, par Makoto Ueda, professeur de Japonais et Directeur du Centre des Etudes asiatiques à l’université de Stanford. Il est l’auteur de Ecrivains japonais modernes et la Nature de la littérature, duquel ce livre est une suite. 

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(tr. (c) dp., Paris-Orly, 2016.)

Conclusion à « Poètes japonais modernes » : M. Ueda – 1/2

7 avril 2016

(Extraits des pp. 381-95. :)

(p. 381 :)  Nous pouvons discerner quelques tendances générales qui sont caractéristiques de l’âge moderne.
Dans le tanka pré-moderne, écrire sur la nature signifiait écrire sur les fleurs de pruniers, les coucous, ou les herbes de la pampa – objets qui transmettaient une beauté raffinée, élégante. Les poètes de haïkus élargirent ce royaume en incluant des corbeaux, des mauvaises herbes, etc. ; cependant, généralement parlant, ils hésitaient à s’aventurer en dehors des sujets qui étaient considérés  comme traditionnellement poétiques. L’introduction de la poésie européenne au Japon du début de l’âge moderne changea cette convention. (…) l’exposition au réalisme occidental commença à miner cette attitude.

(p. 382 :) La poésie japonaise commença à s’adresser à des sujets intellectuels. (…)

Bien que l’on continue d’écrire de nombreux haïkus et tankas, la poésie japonaise en est venue, en général, à tolérer la raison discursive jusqu’à un point jamais connu auparavant.

D’un autre côté, beaucoup de poètes japonais sont restés sceptiques à propos de l’utilité de l’intellect comme moyen de saisir la réalité ultime. (…) Dans l’opinion de Santarô, la poésie est pré-intellectuelle : ce qu’un poète ressent par intuition se vérifie par la raison plus tardivement.

(p. 383 :) Une des raisons pour lesquelles les poètes japonais préfèrent ne pas distinguer rigidement entre le soi et le monde extérieur est leur concept panthéiste de la nature. (…) Aucune des religions traditionnelles au Japon n’a conçu l’identité humaine distincte des autres existences dans la nature; l’homme a toujours été considéré comme faisant partie de la nature et par conséquent capable d’y retourner. Le résultat est qu’au lieu d’observer objectivement son sujet, et de tracer ses contours, on attend d’un poète de s’immerger dans la nature et d’en capturer la vie de l’intérieur. (…)

Seisensui et Kôtarô reconnaissaient une force de vie fondamentale qui coulait à travers l’homme et l’univers, et tous deux considéraient cette force comme étant la source d’énergie première pour des activités créatrices.
(p. 384 :) Un cas extrême est celui de Shinkichi, qui, en tant que bouddhiste zen, refusait de distinguer entre n’importe quel objet dans la nature. Sa maxime : « Fusionnez votre esprit avec la nature » caractérise l’idée typiquement japonaise de la mimêsis.

(p. 385 :) Le poète, qui est un agent passif au moment de l’inspiration, assume lentement un rôle plus actif à mesure que la composition progresse.

(p. 386 :) L’inspiration et la composition ne sont pas antithétiques, () le résultat est des plus satisfaisants quand le coeur de la composition aide à donner à l’inspiration la meilleure forme verbale qu’elle peut possiblement prendre.

(…) Kenji () pensait qu’un poème pouvait être révisé n’importe quand parce que, selon lui, il n’y avait rien de tel qu’une forme définitive en poésie, ou en quoi que ce soit d’autre; toutes choses, croyait-il sont éternellement en mouvement. (…)

Les poètes japonais modernes ont formulé de nouveaux concepts à propos du processus créateur; en pratique aussi, généralement parlant, ils ont suivi les méthodes pré-modernes d’écriture de la poésie. Ils ont cependant étendu significativement le rayon d’action des effets esthétiques créés par la poésie. De nombreuses ambiances traditionnelles persistent toujours : le « makoto » et la sobriété de Shiki, la vérité d’Akiko, le « kokoro » de Takuboku, la sincérité de Kôtarô et la naturalité et la simplicité de Seisensui, sont tous des variations sur des idéaux esthétiques chéris par les poètes japonais depuis des siècles. Cependant les poètes modernes ont aussi créé quelques ambiances largement méconnues de la poésie pré-moderne. Elles semblent se rassembler en quatre zones principales : le sublime, le vigoureux, l’instructif et l’intellectuel.

(p. 387)

La vigueur est l’antithèse de « aware » () C’est la beauté d’un animal sauvage sain opposée à la beauté de « aware », qui se centre sur l’évanescence de la vie. Ses implications sont plus humanistes et moins d’un autre monde. (…)

Ce que j’ai arbitrairement désigné par « l’instructif » se réfère à des essais d’édification du lecteur pour le pousser à l’action. (…) Une inclusion si insistante de messages politiques, sociaux et moraux était inconnue dans la poésie japonaise pré-moderne. (…)

La poésie moderne a souligné le contenu intellectuel à un degré inconnu des lecteurs pré-modernes. Traditionnellement, les poètes de haïku et de tanka exécraient la spéculation intellectuelle, préférant travailler avec des sentiments crus avant que la raison n’interfère. Les poètes modernes laissent à l’intellection plus de place dans leurs oeuvres.

(p. 388 :) Généralement parlant le vers libre est plus capable de s’accommoder de la raison discursive, par conséquent il en est venu à produire une sorte de poème philosophique complètement nouveau dans la tradition poétique japonaise. (…)

(à suivre…)

Takahashi Shinkichi, 2/2 :

7 avril 2016

(p. 369 :)

(A propos du tanka et du haïku) : « Je les regarde de la même manière que je regarde des peintures antiques; je n’ai pas envie de composer ma poésie en les imitant. » Pour sa sensibilité, les tankas et les haïkus sont archaïques ou sont sur le point de devenir rapidement archaïques. (…) « Je soupçonne que le tanka et le haïku  seront absorbés par le vers libre, dans le futur. » En une autre occasion, plus impatient, il déclara : « Le tanka et le haïku appartiennent déjà au passé. »  (…) Les successeurs de Shiki essayèrent de moderniser le tanka et le haïku, mais ils ne réussirent pas complètement.

(p. 372 :) Shinkichi rejeta les formes de poésie fixes parce qu’elles semblaient trop restrictives. (…) Un poème court, intitulé : « Mots » :

« Les mots peuvent être de toutes sortes,

les formes peuvent être de toutes sortes, car

ce qui doit être saisi n’est qu’un ;

cela n’a rien à voir avec les mots ou la forme. »

Si le poème capture la vérité, Shinkichi ne se soucie aucunement des mots ou de la forme. Parce que la vérité est difficile – en fin de compte impossible – à saisir, il voulait le maximum de liberté de choix dans ses essais pour la mettre par écrit. Shinkichi  a eu très peu de choses à dire à propos de la forme et de la structure du vers libre. Il choisit d’écrire de la poésie en vers libres (« shi ») précisément à cause de la liberté d’expression qu’elle lui apportait; il n’aurait pas voulu restreindre cette liberté en favorisant une certaine forme ou structure à l’intérieur du vers libre. (…)

La raison principale pour laquelle ses poèmes sont courts a probablement à voir avec sa haute considération pour un processus créatif d’inspiration. Comme nous l’avons vu, il croit qu’un poème doit être composé par la force  de l’inspiration; il considère qu’un poème doit être essentiellement l’enregistrement spontané de « ce qui flottait dans mon esprit comme un nuage dans le ciel. » Vraisemblablement, l’inspiration, une compréhension intuitive de la vérité, est d’une courte durée.

Il a écrit un nombre significatif de poèmes d’une ou deux lignes. En voici deux exemples :

« Le soleil »

Le soleil rétrécit tous les jours.

(= 17 syllabes en japonais)

« Pomme-de-terre »

Dans une pomme-de-terre

il y a des montagnes et des rivières.

(= 20 syllabes en japonais)

Ces poèmes courts de Shinkichi diffèrent du haïku de style libre par la grammaire et la syntaxe. La langue du haïku  détruit volontairement les relations ordinaires entre les mots, de manière à pouvoir transmettre la vérité qu’on ne peut pas exprimer par des formulations logiques. Les poèmes courts de Shinkichi ne font pas cela ; généralement parlant, ils conservent la grammaire et la syntaxe normale de la prose japonaise. Chacun des trois poèmes courts mentionnés auparavant (avec « La mort » : « Personne n’est jamais mort. ») comporte une phrase complète, avec toutes ses relations linguistiques normales intactes. Il n’y a aucun moyen de les confondre avec des haïkus de style libre.

(p. 374 :) A la différence de Sakutarô, qui essaya de verbaliser les sentiments avant qu’ils ne deviennent des idées, Shinkichi attend que les sentiments se solidifient en idées , et il spécule à leur sujet. Dans ce respect, il est plus philosophe que poète, et quelques uns de ses poèmes ont effectivement l’air d’aphorismes.

(p. 375 :) Avec lui, un poème est le résultat de la méditation…

(p. 376 :) Il était d’abord, et avant tout, en recherche d’une vie spirituelle meilleure. Il a été poète, en deuxième lieu.

(p. 377 :) D’un point de vue du zen, chercher la vérité au moyen du langage est aussi impossible qu’essayer de terminer la tour de Babel. Après tout, les mots sont un produit de l’esprit, et l’esprit pensant ne représente qu’une partie – et pas essentielle – de la vie humaine. (…)

Le zen et le bouddhisme ont perdu beaucoup de leur attrait populaire en ces temps modernes. (…) Le bouddhisme est devenue plus qu’une religion nominale pour beaucoup de japonais.

(p. 378) Pour Shinkichi, la littérature est la plus utile quand elle aide les lecteurs dans leur quête de vérité religieuse, même si elle ne peut faire cela qu’indirectement. La littérature peut n’être qu’un substitut verbal de la vérité, mais elle peut un jour servir de catalyseur dans leur recherche. La poésie, en particulier, est capable de fonctionner comme un kôan zen, grâce à sa capacité d’être plus illogique, plus provocatrice, et plus éloignée de la réalité quotidienne que la prose. Dans la manière de penser de Shinkichi, la poésie est la plus utile quand elle agit comme un kôan – quand elle plonge l’esprit du lecteur dans un type de méditation zen.

(p. 379:) Le moment meurt aussitôt qu’il est verbalisé. (…) Même s’il échoue, le poète présentera quand même une apparence du moment ou au moins un enregistrement de ses efforts, et son essai pourra aider le lecteur dans sa propre quête spirituelle. Dans l’opinion de Shinkichi, là réside la seule utilité dont peut se targuer la poésie.

°

(tr. : dp.)

Takahashi Shinkichi, par M. Ueda – 1/2 :

7 avril 2016

Extraits du chapitre 8 de Modern Japanese Poets, Stanford University Press, 1983, pp. 335-79 :

Takahashi Shinkichi, né en 1901, le seul poète Zen de stature majeure du Japon moderne. (…) Il a lui-même fait part de son expérience d’atteindre l’éveil (« satori »), plus d’une fois (…) et a écrit quatre livres sur le Zen. (…) Se spécialisa dans le vers libre, une forme importée de l’Occident, n’écrivit ni haïku ni kanshi, les deux formes poétiques traditionnellement associées au Zen.

(p. 341 :)

Shinkichi décida de délaisser Dada (…) parce qu’il découvrit que Dada était simplement « une imitation du Zen. » (…) En Europe Dada ouvrit la voie au surréalisme; pour Shinkichi, il dégagea la voie pour le Zen.

(p. 342 :)

Depuis 1924, a été un poète Zen. (…) Shinkichi affirma une fois : « Mes poèmes nient le langage, ils nient la poésie. » (…) « La poésie vient au plus près de la vérité, mais elle n’est pas la vérité. » (…) Dans un essai intitulé « Sous la tour de Babel » : « Que veux-je donc dire quand j’écris ? Je veux transmettre la vérité (…) A ces lecteurs qui se contentent de la compréhension verbale, on peut présenter par écrit quelque chose similaire à la vérité. » (…)

En bef, Shinkichi croit que la poésie est un substitut verbal de la vérité. Dans son optique,  la vérité ne peut être saisie que par intuition, après une longue période de méditation et autres exercices zen.

(p. 344 :)

Il considère, possiblement, que sa poésie est une sorte de kôan ou une version popularisée du kôan. (…) Ses poèmes essaient d’activer l’esprit du lecteur au moyen de la surprise ou de l’ironie.

Un de ses poèmes, qui ne comprend qu’une ligne :

« Personne n’est jamais mort »

(p. 346 :)

(Comme Yasuzô en vint à le réaliser,) personne ne vit, et donc personne n’est mort.

(p. 349 :)

Remarque de Shinkichi : « Le bouddhisme est une théorie qui place le vide (la vacuité) derrière la matière. »

(p. 350 :) Dans un poème intitulé « Notes de bas de page », il écrit :

 » Cette chose blanche est-elle un coq ?

Tous les mots sont imparfaits; ce sont des notes de bas de page. »

Selon lui, la poésie est une note de bas de page essayant, dans sa manière imparfaite, de commenter sur un texte zen qui est invisible aux yeux normaux. (…) Dans un essai : « Une discussion  sur la poésie et le zen » : « Une composition écrite avec des pensées tortueuses ne peut jamais s’appeler poème. (…) On doit apprécier les mots qui viennent à l’esprit par hasard et sans préméditation. »

(p.351 :) (3) éléments du processus créatif : (le 3ème :) la nature spontanée du processus créatif dicte la brièveté du poème produit. (…) En tant que bouddhiste zen, il voulait purger toutes les pensées calculées de l’esprit du poète attendant l’inspiration; l’esprit d’un poète doit être aussi clair qu’un ciel sans nuage; quand l’esprit est prêt, l’inspiration poétique viendra aussi naturellement qu’un nuage apparaît dans le ciel. (…) Le début d’un poème ne peut pas être forcé.

Dans l’optique de Shinkichi, donc, un poète est un agent passif qui doit attendre la visite de l’inspiration poétique. Il ne peut prendre aucune action pour la faire venir; à la place, il doit persévérer patiemment, étant toujours prêt pour le moment crucial.

(p. 352 :) Il sent qu’un poème devrait être complété par la force de l’inspiration initiale et qu’il doit donc être court. Il croit que non seulement le début de l’écriture du poème devrait être naturel, mais que le processus entier devrait aussi être spontané.

(p. 353 :) … soulignant la naturalité du processus créatif et rejetant un plan prémédité, ou une correction après coup. (…) Il continua en notant que la plupart des poèmes étaient nécessairement courts. (…) Dans son opinion, l’inspiration peut être conservée intacte dans l’esprit pendant longtemps, particulièrement si elle est forte.

(p. 357 :) Son poème : « Pas chez moi » :

« Dites-leur que je ne suis pas chez moi. / Dites-leur qu’il n’y a personne. / Je reviendrai dans cinq cent millions d’années. »

(p. 359 :) En tant que poète zen, il avait cru qu’il devrait se débarrasser de toute idée délibérée, volontaire, jusqu’à ce que son esprit ne soit empli que de pensées spontanées. Cependant le zen requérait qu’il éliminât même ces pensées spontanées. L’esprit devait devenir complètement vacante. Une personne avec un esprit complètement vacant pouvait-elle jamais écrire un poème ? Ici encore se tient le paradoxe du poète zen.

(p. 364 :) Il n’est pas facile de trouver des poètes qui ont eu l’approbation entière de Shinkichi, dans ses essais critiques, mais les deux qui s’en approchent le plus sont Bashô et Shiki. La raison principale, bien sûr, est leur lien avec le zen. Shinkichi admirait grandement les haïkus de Bashô, disant qu’ils incarnaient « l’âme la plus pure des Japonais. » Dans son opinion, Bashô put devenir un grand poète grâce à sa pratique du zen sous la férule du prêtre Butchô (1642-1715) dans son plus jeune âge. « Bashô maîtrisa le zen avec l’aide de Butchô », observa Shinkichi. « Si l’on ne considère pas ce fait, aucune discussion sur les haïkus de Bashô ne peut être valable. » Shinkichi cita le poème suivant de Bashô

La lune passant rapidement,

le feuillage à la cime des arbres

retient la pluie

comme suggérant la sorte de zen qu’il apprit de Butchô. C’était une interprétation neuve, puisqu’aucun érudit n’avait mentionné un lien entre ce haïku et le zen.

(p. 365 :) Décrivant la scène, Bashô écrivit : « Il y avait le clair de lune, il y avait les sons de la pluie – la beauté de la scène submergea mon esprit au point que je ne pouvais pas dire un seul mot. » Shinkichi vit du zen dans l’expérience de Bashô.

La tentative de Shinkichi de relier Shiki au zen était plus surprenante parce qu’aucun autre érudit ne l’avait fait. Shiki lui-même écrivit des poèmes qui semblaient se tourner vers l’athéisme. Mais, selon Shinkichi, Shiki apprit le zen avec Amada Guan (1854-1904), un prêtre, auteur du populaire « Journal d’un pèlerin ». « Parce qu’il souffrait d’une maladie chronique, il ne sembla pas avoir partiqué la méditation zen, » écrivit Shinchiki à propos de Shiki. « Mais il est impossible de penser qu’un esprit aussi sensible que le sien ne fut pas inspiré quand il rencontra le zen. Je crois que la base de la pensée de Shiki n’était finalement rien d’autre que le zen, la sorte de zen qui remonte, à travers Guan jusqu’à Tekisui, Gizan, Hakuin *. »

* Tekisui (1822-99), Gizan (1802-78), Hakuin (1685-1768), tous prêtres zen Japonais bien connus, appartenant à l’école Rinzaï.

Un exemple qu’il citait, de Shiki :

Sont-ils venus ici

pour attaquer mes yeux vivants,

ces syrphes ?

Il observa que cela suggérait que « les yeux de Shiki contemplaient sa propre mort. » Mais, en concluant ses commentaires sur Shiki, il écrivit : « Où pourrait exister une chose telle que la vie ? / Nous sommes morts tels que nous sommes. »

Shinchiki pensait probablement que le haïku représentait un état d’esprit « zen », la sorte d’état qui fit que le poète malade ressentait que « Nous sommes morts, tels que nous sommes. »

(p. 366) « A la lecture de A haute flamme, et autres poèmes de Tzara, » écrivit-il, « Je peux dire qu’il était entré dans le royaume du zen. » (…) Il dit qu’il découvrit dans la poésie de T.S. Eliot quelque chose de semblable au zen, citant des passages de Quatre quatuors. (…) Sa position contrebalance ces critiques qui tendent à sous-estimer le rôle du bouddhisme dans la vie et la poésie contemporaines japonaises.

(p. 367 :) Au XVIIè siècle on en vint à associer le haïku avec le zen. Le maître du haïku le plus admiré, Bashô, pratiqua le zen dans sa jeunesse et l’incorpora dans sa poésie et dans sa poétique. Pour beaucoup de poètes qui le suivirent, écrire du haïku était une discipline spirituelle  pas différente du zen.Le haïku, à son tour, en vint à être considéré comme une forme littéraire capable de suggérer l’essence du zen.

(à suivre…)

 

Haïkus – senryûs – etc. – Py – Août 2015

10 septembre 2015

Le long de la Seine

des alignements de tentes

du Ministère de l’Economie et des Finances

jusqu’au Quartier Latin…

(Paris fin juillet)

tout le long de la Seine

des migrants Africains

par centaines de tentes

ces étrangers

qui viennent s’échouer

sur les bords de la Seine

(sous leurs kilomètres de tentes…)

ceux qui s’échouent

tant et plus

au fond des mers…

°

(Une antho. :)

Des trois lignes

en nausée

de trois lignes…

°

dernier jour de juillet

les bambins

d’un centre de loisirs

dans une flaque d’ombre

°

un canard

plaqué

au sol…

°

l’amenuisement inexorable

de l’épaisseur des rouleaux

de papier-cul

(Ce qui ne varie jamais)

l’extension du domaine

de mes livres…

la solution :

transformer mes livres

en P.Q ?

°

premier mercredi d’août

un bon morceau de lune

traverse

la fenêtre de la chambre

(Millau, 5/8/15)

°

après la vie ?

ben quoi :

rien !

°

Télévision Française :

Faire passer les comiques

à 2 heures du matin

: pas vraiment drôle !

°

La croix des cathos

martèle à l’humain :

t’es là pour en chier !

°

se regardant dans la glace

elle s’envoie un baiser

°

laissant derrière lui

le haïku –

et des milliers de papillons-haïku

°

« je vais t’en mettre une »

: l’affection en cinq doigts ?

°

ballotage –

les soubresauts des gens

dans la charrette de foin

°

Merlin,

le canari muet

envolé cet été

Merlin

parti pour le paradis

des canaris,

le silence encore plus grand

de la salle à manger

l’absence définitive

de Merlin, canari,

compagnon de haïku

(Duilien :)

l’absence de la cage –

l’absence du canari

°

Nouvelle pièce de théâtre

promise à un brillant avenir :

Les Précieuses Testicules

°

un des légumes

préféré des tortionnaires :

l’épinard haché (?)

°

Faire un tour d’oeuf rance…

°

Quand retirer un mot du haïku

permet de mieux « visualiser » la scène qui s’y produit…

Essayez !

Qui vous oblige

à remplir votre haïku

à ras-bord ?

°

Douze fauteuils roulants

devant les champs de batailles napoléoniennes :

télé à l’Ehpad.

°

toute en rondeurs

idéalement situées,

elle fait tourner plus d’un oeil !

°

seul

comme un point

sur un i

°

Il ne pensait pas

faire de l’autoroute

un objet littéraire :

l’autoroute

tire la langue

à la vitesse

°

Un a(m)phorisme…

°

Persev/errare

Diabolic/umanum

°

Le haïku ?

: beaucoup de bruit

pour peu !

°

(5-7-5, si on veut… :)

En (grandes) vacances,

je me refais une santé,

je lis du Desproges

me marrant tout seul

sur la terrasse :

la folie Desproges

(ce balcon

encore à l’ombre

où je lis

et me marre

avec Desproges

mort

et enterré…)

Non seulement je lis Desproges,

mais en plus je le recopie,

grandes vacances

Avant la cure de raisin

du mois de septembre,

une cure de rire

au mois d’août :

avec Desproges

°

Lire

pour bien lisser

le temps

°

Le son de la « vraie » vie :

le court bruit d’une scie

dans Castillon, le onze août

à treize heures cinquante-deux

La première cigale

(qui monte jusqu’à moi)

(à) 14h18

°

Levant mon verre

vers l’horizon :

« Cheers ! »

Finir la bière

avant que le soleil

ne finisse de manger la table…

°

On dirait qu’un moteur tourne en rond –

sueur sur un front du onze août

°

regardant

vaguement

ce cimetière marin

°

Un camion Chierici

(à Menton)

°

surpris à lire

sur l’ordonnance :

mézigue, 67 ans.

°

Cet ex-président

de l’inculture notoire ,

ce sark(o)-veau-d’or…

Sarko, critique littéraire ! :

après Madame (des galeries) de la Fayette,

voici Hemingway !

(en 2015)

°

Dans le village

je croisai

un fil d’araignée

°

premier à tester mon pastis :

un moustique

mort

°

le

ha!

sard

°

Les scélé rats

qui accouchent

de lois scélé rates…

°

Journée des gauchers,

aujourd’hui –

et je n’lai su qu’à 21 heures !

°

SVP, ôtez le sentimentalisme du haïku (!)

(où il n’a pas sa place !)

(tanka ? : )

sentimental

à la moi-l’noeud !

°

l’étang,

ce rond dur…

°

Qu’est-ce que j’ai fait au soigneur

(pour mériter ça) ?

°

(Après la boulimie),

reste-t-il des boulimiettes ?

°

dans le train

elle se titille

un mamelon

rêve suivant

°

les moustiques

ont appris

le silence

ou bien

mon oreille

°

Le haïku

devrait (r)éveiller

le lecteur ;

le 5-7-5

m’endort

°

au milieu de la sieste

un grand coup sur mon dos

 » – Saloperie de mouche ! »

°

Elle descend en voiture

vers là-bas –

je regarde

aussi vers là-bas

– les fourmis entre mes pieds

d’un côté ou d’un autre

°

les heures plantes

°

De nouveau la pluie

– intermittente

(mais qui ne pointait pas au chômage)

pluie

intermittente –

– Pôle-Emploi

°

(5-7-5-+ :)

« imagine-toi

le roi et le prix Nobel

de littérature,

croa, croa, croa… »

: Katarina Mazetti, in Entre Dieu et moi, c’est fini, Babel-Gaïa, 2007, p. 130.

°

Cessons d’être des lèche-haïculs !

N’oeuvrer qu’à la moelle du haïku !

°

De nouveau

en faire de moins en moins

aboutir

°

Le haïku

n’est pas un projet d’avenir

le haïku

est un présent,

un passé (tout) simple,

à peine sec

°

Pour éviter les maux de tête :

Ricarbonate ?

°

« Tu ne tueras point. »

– Où ça ?

– Où ça ?

°

(j’ai vu)

le sexe rose

d’un pou

entrer dans sa pou(illeus)e

Un coccineau

grimpe sa coccinelle :

doc. de cul ?

un tortu

grimpe sa tortue

ad hoc

(de cul ?)

°

Une opi-gnon

L’opinion ses meuhs !

°

une mouche à moto

ce matin…

°

grosse tuile ? :

le marbre de la table

(du balcon)

cassé

°

une forte dispute conjugale

et

les roucoulements de deux pigeons

°

le troubli

°

homme

mur

homme

Tous ces pays

ont-ils la nostalgie

de la Grande Muraille ?

La méditerranée

(entre autres mers) :

quel pastis !

contemplant

vaguement

ce cimetière marin

du bon côté

de la manche

°

le sommeil si long à venir….

le si long sommeil avenir…

°

dehors l’azur bleu retentit

les bleues simagrées de Provence

… et les simagrées de canard(s) ?

°

cor

tiquer

°

Qu’est-ce que ça singifie ?

°

richerche

°

fenêtre ouverte

le premier bruit

un tsi tsi

°

le haïku ?

:

ni plus °

° : nie le plus…

débusquer

les petits mots

de trop

Faire

le ménage

des mots *

* dans les mots

_

La forme du haïku

doit épouser son sens

(pas l’inverse !)

Ce n’est pas de la coquille

que naît l’escargot !

Ce n’est pas du vase

que naît la fleur !

°

La pire entorse qu’on puisse faire au haïku

c’est de trahir son esprit.

°

migrants :

mer

de

°

Le senryû

dévoile

le senryû

démolit

les murs

°

con tem plant

ran tan plan

ra ta pla ti

°

(plis…)

Une mise en slip…

°

jaune

tracteur

brun

°

ralentir

retraite

°

De la raie des fesses

à la raie des seins

ou inversement

: sa griffe-haïku !

°

Bien au centre

l’unique mot :

« autour »

°

Fort de son assertion

qu’il répondait toujours,

j’envoyai mon premier recueil de haïkus

à Kenneth White.
Il s’intitulait : « Haïkus et chemises ».

M. Kenneth White ne m’a jamais répondu.

°

Le haïku

c’est un lingot

juste coulé

°

au bord de la Méditerranée

le ponton de plongée

oscille doucement

(à la mi-journée)

°

ce soir

des chats

à chat

sur des murets

°

le balcon

dûment balayé :

une pièce de monnaie-du-pape

°

Que des lignes principales, dans le haïku !

(Les lignes secondaires ne sauraient y avoir leur place.)

Le haïku est une ébauche – que terminera le lecteur.

°

Les nuages se poussent du col

(: Alpes de Haute-Provence, depuis la vallée du Var – Nice-Digne.)

°

Des cascadeurs

Des cascoudeurs

Transparence

Transpirances

°

De l’automobile

faire coucou aux passagers

d’un train d’antan

saluer les gens

de deux mondes

qui se croisent

°

Parce qu’ils remplissent un moule,

ils croient faire un bon gâteau ?

°

champignons jaunes

tout le long de la montée

du col Fromage

°

sarbacane,

sarbacabane

sarbacabanane

sarbacabananas

°

Le haïku à un coup –

le haïku qui n’a qu’un coup ?

(: 5-7-5)…

°

Morsang :

Mord(u) jusqu’au sang

jusqu’à ce que Morsang suive…

°

de nouveau

en pleine nuit

l’odeur du pain (s’)épanoui(t)

°

la fourmi

sans crème solaire

ni chapeau

(montée du col Fromage)

°

le train dans un sens

la pluie dans l’autre

– rentrée –

°

Même court, parfois trop long, le haïku !

Haïkiste,

retire ton commentaire

de l’image !

°

dans son quartier,

la lune

°

Dépourvu de mots

il ne put que s’exclamer

Ah !

(deux ou trois fois)

(- pas 5 ni 7 !)

°

dans l’oeil (droit) de la voiture

un clin de soleil

(matin)

°

dans la caresse du fermier

à ses bêtes

la mort

bientôt

°

terrasse de fin d’août

une guêpe

déguste à son tour

les raisins de ma cure

°

marchant sur le chemin

encore troué de flaques

en chaussures de concert…

quelques cris d’oiseaux

°

Ah, moucheron,

que lis-tu de beau

dans mon carnet ?

°

mini(m)haïku

trop de mots

tue le haïku

°

Les montgolfières

envahissent le ciel

soir d’août

sur Chaumont-sur-Loire

gouttes qui s’élèvent

dans le silence du soir

parfois le bruit des gaz

qu’on remet

dérivant lentement
dans le silence du soir
vers la fin de l’août

ciel

constellé de montgolfières

parfois le souffle de l’une d’elles

La loire, l’étalée…

cueillette de mûres –
des montgolfières
dans le ciel du soir

le coucher de soleil

a accouché

d’une dizaine de montgolfières

(Chaumont-sur-Loire)

°

Si tu mets « trille »

au féminin,

je t’étrille !

°

Les murs nus du haïku…

sans accessoire

sans artifice

sans ornements

sans falbalas :

le haïku nu

/(comme au sortir de son oeuf)

°

au sol

un parallélépipède :

la lune ronde

sur la table
près du lit
la lumière
de la pleine lune

le temps du marathon féminin de Pékin

la lune a glissé

de la table

au parquet

– premiers cris du coq

troisième nuit

que la pleine lune

revient se poser

sur la table

un parallélépipède

de pleine lune…

°

(synesthésie :)

un (petit) bruit frais

au Festival des Jardins

de Chaumont-sur-Loire

dans un des quarts

du bassin d’eau carré

(du jardin coréen)

un massif de lotus

°

relançant dans la jeune mare

une jeune grenouille

égarée

« sauvé la petite grenouille perdue ploc! »

(: Dany)

°

au pied du saule

au bord de la Loire

s’écouler pensées…

°

dernière nuit d’août

toute constellée d’aoûtats

°

sur une poubelle

de Vitry-sur-Seine

« Je suis Charlie »

°

Attiré

vers le vide – joyeusement –

vers le silence absolu,

vers l’effacement…

°

en  cre  ux

en

cre

ux

°°°

Senryûs, Haïkus, etc. – Py – juillet 2014

3 juillet 2015

°°°

juillet :

°

le bruit de l’aspirateur
s’arrête
un avion passe

début juillet
des avions
dans mon couloir

°

ce matin le vent
laisse dormir les feuilles
– un oiseau les secoue

°

devant le verre de pastis
passe une mouche –
premier jour des vacances

°

un coq ce matin –
pondre une préface

ce matin le coq,
ce soir la France
en quart-de-finale

un dieu vivant
un vieux divan

°

je t’emmerle
dit-il
au pigeon

°

première nuit
table et bancs de jardin
baptisés par la pluie

°

dimanche après-midi –
l’organiste
fait de la pub pour Dieu

°

métro –
les tapis roulants
eux aussi en vacances ?

une chose qu’elle ne saura jamais :
où elle a laissé tomber
son mouchoir blanc…

°

du front aux pieds voilée
elle roule sa poussette
et parle au téléphone

°

voyage en voiture :
– pas trop de vent,
derrière ?

°

deux chiens noirs
avec un ballon de foot
– ce soir de petite finale

la veille
de la finale de foot,
la pleine lune

°

manif pro-Gaza
: heurts près de la synagogue,
rue de la Roquette

°

orage de grêlons :
en conserver au frigo
pour l’apéro ?

°

« – je ne suis pas en tenue décente… »
: non, tu serais plutôt en tenue « montée » !

°

Allez, les chats !
rendez-vous tous ce soir
passage de l’église !

°

« – J’ai toujours craqué pour le raku ! »
dit une dame
à Saint-Jean-Pied-de-Port

un beau Basque
torse nu,
un beau piment rouge
devant son short

°

trois rides
sur le front du président
: un haïku ?

°

sur le couvre-lit
une mouche
et son ombre

°

de la ferme au sommet
puis retour :
le chien de berger
nous ouvre la voie

sur la place du village
une crêpe au miel
et aux guêpes

l’ombre d’un moustique
dans les toilettes
d’un bistrot du port

°°°

Haïkus, etc. Py – déc. 14

23 mai 2015

°

ouvrir la porte :
se laisser pénétrer
par l’odeur du pain
cuit

°

chaque jour
que tourne le monde,
merci

°

un sapin clignote –
Père Noël, pendu,
oublié à ton balcon,
voici revenu
le temps de tes exploits !

°

rencontrai ce soir
un curculionidé *
dans le dictionnaire

* = de la famille des charançons.

°

mettre l’eau à l’oreille
mettre la puce à la bouche

°

ils semblent bien dodus
ces deux canards
sur la Seine gonflée
– fin de l’an

°

parapentes –
sur l’évier
des rognures d’ongles

°

les doigts de la pluie
sur les peaux du soir
(12 décembre)

°

par les vallées
et les sous-bois
son respir pioche la nuit

°

jusqu’au bout de l’orteil
le sentiment du printemps

°

dans un après-midi blanc
de décembre,
des cris noirs

°

jeune(s)
déjà recroquevillé(s)
sous les écouteurs
dans les écrans

°

Dans le haïku
je cherche le blanc,
je cherche l’espace

°

les jumelles, parfois,
ont le même rire
exactement
au même moment

°

portes en s’ouvrance

°

une perle, son haïku –
huîtres du réveillon

après les huîtres du réveillon,
une coquille
dans son haïku

°

sur le pain
je trace
l’idéogramme (chinois)
de miel
puis le mange

°

L’eulalie ondulante,
la souple eulalie
(: miscanthe, suzuki, herbe d’argent)

°

Le haïku est un poème blanc

(: un poème de si peu de mots…)

poème blanc :
poème dont les mots s’effacent,
laissant (la) place à l’espace…
à la brume…

poème blanchi…

Blanchir le haïku.

°

Tel qui avoua avoir
bien du mal avec « le naturel »
a naturellement
bien du mal
avec le haïku
(auquel il se voua
cependant) !

°

(Dans le haïku,)
il ne s’agit pas de remplir le vide,
il s’agit de le creuser…

°

Noël à l’EHPAD :
sieste en demi-cercle
autour de la télé

sieste en demi-cercle
autour de l’aquarium

°

bla bla bla bla bla :
c’est le début
d’un faux haïku.

Pour écrire un faux
-haïku : bla bla bla bla bla
bla bla bla bla bla !

°

Noël
près de mère
assoupie en son fauteuil –
lecture

laissé dormir mère –
le soir
tombait
sur le livre

dans son rêve elle prononce :
« On n’a qu’à faire comme ça !
… Au revoir ! »
et poursuit sa course
en fauteuil

assis
face à mère endormie dans son fauteuil –
le Noël de ses 94 ans

°

« l’essentiel du monde »,
« élimine les scories » =
pas de bla bla bla !

: Haïku de bègue !?

loin des bruits
et de la fureur
des mots répétés automates

le vide / le blanc !

un haïku de blanc !

haïku bouché de mots
comme de cheveux un lavabo

°

d’une écriture simple
limpide
et sans fioritures
(comme d’Emmanuel Bove – ?)

°

liane souple
à mon côté
nos épousailles

°

lumières d’après Noël
la pluie commence à rayer
la vitre du train

– cet Orléans-Paris
tant parcouru étudiant

vendredi soir 26 décembre
et peu de monde qui monte
vers la capitale

– la pluie a maintenant rayé
la vitre jusqu’en bas

°

la fran(ca)cophonie ?

°

montée vers la station de ski –
la neige s’enroule
autour d’un tronc d’arbre

°

Pourquoi le haïku est-il un poème blanc ?
: parce qu’en son centre se trouve le « kireji »
(le « mot »-de-coupe)
qui creuse * l’espace
entre les mots

* crée, permet, promeut

°

Ostensignes…

°

les dameuses
remontent les pistes :
leurs projos
dans le noir du matin

(4 h).

sous les sprays
des canons à neige
la dameuse descend la piste

puis la remonte

ballet des deux dameuses
à lisse-pistes

à flancs du mont
les faisceaux des dameuses
sous le nuage des canons à neige

au bas de la piste
la dameuse
à rebrousse-neige

je bois un verre d’eau
dehors la déneigeuse

dameuses, déneigeuse
au travail –
effaçant ses lignes
de sur le livre

les dameuses ont cessé –
la gomme continue
dans le noir du matin

souffler sur les roulures de gomme

éliminer
élimer
limer
mer

(+ le mot est « petit »,
+ il est vaste ?)

les dameuses
sont rentrées se coucher –
il n’y a plus que le bruit du frigidaire
qui tourne
vers le matin

disparaître
quand les autres
vont apparaître…

en piste sur les pentes
les dameuses –
n’égalisant pas les étoiles

éclairant
le nuage de neige artificielle,
la dameuse
repasse

les dameuses m’amusent

ciel bleui :
les étoiles
damées

la piste rose d’un avion
au tout matin –
les remonte-pente
à l’arrêt

au jeune matin bleu
des petits nuages roses
s’approchent de la montagne blanche

°

pierre,
on te dit sorcière,
et dans la rivière
pleure par amour

°

la dameuse
fume son nuage de neige –
dernier matin de l’année

ce matin la dameuse
soigne le bas de la piste

°

dp

La sentimentalité, ennemie mortelle de la poésie, par R.H. Blyth.

8 mai 2015

« Le senryû est anti-poétique au sens qu’il ne souhaite nous montrer ni la beauté du monde ni la vie secrète des choses. Néanmoins, il s’attaque à tous les ennemis de la poésie, à commencer par le plus mortel de tous : la sentimentalité. Ainsi :

Socrate fut exécuté;
Confucius perdit son travail;
Shakamuni mourut en voyage.

: Kenkabô. »

: R.H. Blyth, in Japanese Life and Character in Senryu, Hokuseido Press, 1960. pp.461-2.