Archive for février 2012

Journal d’un traducteur –

23 février 2012

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Doublant le cap
du quart des Haikai
(de Bashô)
au bout de quatre mois

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d.(1/11/11-23/2/12)

Les 1012 haikai de Bashô – 246-253)

23 février 2012

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246
(À Minakuchi, tombant sur un ami pas vu depuis vingt ans)

deux vies
entre elles ont vécu
les fleurs de cerisiers

(printemps 1685)

NB : L’ami de Bashô s’appelait Hattori Dohô (1657-1730). Bashô ne l’avait pas vu depuis qu’il avait neuf ans. (…)

247
(Une vue paisible de la campagne au printemps)

un papillon ne vole
que dans un champ
de soleil

(été 1685)

NB : Cette strophe suggère que le champ était constitué de soleil. Les fleurs jaune vif du colza pourraient faire penser au soleil sur la terre.

248

l’iris « oreilles-de-lapin »
me donne l’idée
d’un poème

(été 1685)

NB : La compréhension de ce verset se complique avec la référence à un waka de Toshiharu Oseko, au chapitre neuf des Contes d’Ise.

249
(Une vue de l’anse de Narumi-gata. Par un beau et doux jour de printemps , un bateau vu très loin au large semble se mouvoir très lentement, quelquefois même être à l’arrêt. Les fleurs de pêchers d’un rose vif sont au premier plan, sur la plage.)

un bateau qui débarque
s’arrête pour se reposer sur une plage
de fleurs de pêchers

(printemps 1685)

NB : Ce poème pourrait concerner de vraies pétales de pêcher soufflées des arbres qui se posent sur la plage ou à de petits coquillages roses dans le sable, qui ressemblent à des pétales de pêcher.

250
(Un prêtre bouddhiste de la province d’Izu, Inbe Rotsû, qui voyageait seul depuis un an, en entendant parler de moi, est venu à Owari pour voyager avec moi.)

maintenant que nous sommes ensemble,
broutons des épis d’orge
avant notre voyage

(été 1685)

NB : Inbe Rotsû vécut de 1651 à 1738. Bashô utilise un terme animalier pour manger, ce qui implique aussi qu’ils mangent à même l’épi au lieu de le cuire. Il y a aussi un association entre les épis d’orge et l’oreiller d’herbes (= le voyage) puisque tous deux portent des grains.

251
(Dans les montagnes de la province de Kai)

le bûcheron
reste bouche fermée
hautes herbes gratte-langue

(été 1685)

NB : Cette plante accrochante ( : le gaillet gratteron – Galium aparine – ) pouvait grandir jusqu’à la hauteur du menton d’un homme. (Cette traduction française permet un jeu de mots supplémentaire entre la bouche fermée du bûcheron et la langue que ces gratte-langue (, autre appellation de cette plante) auraient pu atteindre.)

252
(Le prêtre Daiten, du temple Engakuji est décédé au début de l’année. J’eus du mal à le croire, mais j’écrivis une lettre à Kikaku avec le verset de déploration suivant, pendant mon voyage :)

ayant manqué les fleurs de pruniers
je me prosterne devant celles des lespédèzes
en larmes

(1685, saisons mixtes)

NB : Le prêtre Daiten vécut entre 1629 et 1685. Kikaku était un des disciples de Bashô. Le poème semble dire que puisque la fleur de prunier (le prêtre) manque, non seulement au voyage, mais aussi à la vie, Bashô se prosterne en vénération et en lamentation devant les lespédèzes. Les deutzies, traduites souvent par « lespédèzes » étaient l’une des sept herbes d’automne associées au regret, à la tristesse et à la douleur.

253
(Donné à Tokoku :)

un coquelicot blanc
un papillon arrache une aile
en souvenir

(été 1685)

NB : Tokoku, marchand de riz à Nagoya, était un des élèves préférés de Bashô. Les pétales de coquelicots sont triangulaires et tombent l’un après l’autre, de sorte qu’il peut sembler que des ailes de papillon tombent de la fleur.

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(à suivre : 254-1012)

Les 1012 haïkaï de Bashô – 238-245)

21 février 2012

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(Maison d' »Une Branche » à Take no Uchi)

monde de senteurs
dans une branche de fleurs de prunier
une poule

(printemps 1685)

NB : Akashi Genzui était un docteur qui écrivait sous le patronyme de Isshi-ken (« Maison d’une branche »). La poule d’hiver possède un chant joyeux et complexe. Le verset utilise l’association parce que sur une branche de fleurs de prunier se trouvent « un monde de senteurs » et une poule.

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(Je m’en fus à Kyoto pour visiter la villa montagnarde de Mitsui Shûfû à la Pruneraie de Narutaki)

fleurs blanches
hier
on a volé la grue

(printemps 1685)

NB : Mitsui Shûfû (1646-1717) était un poète de l’école Danrin (…) Bashô utilise une légende concernant un ermite chinois, Lin He Jing, qui adorait fleurs et grues, comme base de son poème. Chez son hôte, il y avait beaucoup de pruniers, mais la grue manquait. En disant qu’on avait volé la grue, Bashô suggère que son hôte vivait dans une région infestée de criminels. L’école de poésie de Bashô s’opposait à celle des poètes Danrin.

°

le chêne
ne fait pas attention aux fleurs
une pose

(printemps 1685)

Ce verset fut composé comme verset de salutations pour Mitsui Shûfû. Bashô compare son hôte au Quercus glauca, une variété de chêne qui pousse en montagne, impliquant que c’est un véritable homme qui contraste avec l’ostentation des fleurs.

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(Rencontrant le Prêtre Ninkô au Temple Saiganji, à Fushimi)

ma robe de soie
des pêches de Fushimi
gouttent ici

(1685)

NB : Le Prêtre Ninkô (1606-86) était connu pour sa vertu. On connaissait Fushimi pour ses pêches sucrées et juteuses et pour son saké.

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(Franchissant les montagnes sur la route d’Ôtsu)

sur un sentier de montagne
où quelque chose pourrait vous charmer
une violette sauvage

(printemps 1685)

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(Une vue du Lac)

à Karasaki, le pin
est entouré d’une brume
plus douce que les fleurs

(printemps 1685)

NB : Le pin à Karasaki, au bord du lac Biwa était si célèbre qu’on y faisait déjà référence dans la poésie ancienne. Le lac Biwa, près du mont Nagara, est un endroit réputé pour ses fleurs de cerisiers. Au début du printemps, l’humidité s’élevant du lac qui se réchauffe pouvait atténuer la vue de cet arbre célèbre.

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azalées arrangées
dans l’ombre une femme
déchire une morue sèche

(printemps 1685)

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(Poème en voyage)

à cette ferme de colza
le visage qui contemple les fleurs
est celui d’un moineau

(printemps 1685)

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(à suivre : 246-1012)

Poèmes de mort de haijins : KAEN, KAFU (1).

20 février 2012

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KAEN
(mort le 13è jour du 9è mois de 1772, à 75 ans)

un chrysanthème d’arrière-cour
regarda le soleil couchant
et se fana

°
KAFU
(mort le 29è jour du 9è mois de 1784, à 36 ans)

Si je dois mourir,
que je meure alors
avant l’hiver

NB : « Kafu était le fils d’une famille de très riches pharmaciens de médecine chinoise. Il négligea les affaires de famille, à cause, apparemment, de ses ambitions littéraires et artistiques. La famille tint conseil pour le démettre de ses fonctions dans l’entreprise et lui construisirent un logement pour qu’il y vive. Il semblerait qu’il ait passé le reste de sa vie en tant que moine.
Kafu était ami du peintre et poète Buson, et comme lui, peignait de temps à autre. Kafu mourut à la fin de l’automne, deux jours avant la venue de l’hiver. »

Les 1012 haikai de Bashô : 233-237)

20 février 2012

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(Composé en voyant un écran de fleurs de pruniers et un corbeau à la maison de Sakuei. On y tint une séance de renga avec ce verset-ci comme hokku (verset de départ).)

un corbeau errant
son vieux nid est devenu
un prunier

(printemps 1685)

NB : La note d’en-tête fut ajoutée par Dohô dans son livre Shô Ô Zen-den. Dans ce poème, Bashô se compare au corbeau peint sur l’écran. Au lieu de séjourner dans la simplicité d’un nid de corbeau, il dort au milieu des fleurs de prunier parce qu’il demeure chez un ami élégant. Les corbeaux ne sont habituellement pas tenus pour des oiseaux migrateurs, mais l’idée d’un corbeau errant signifie un oiseau de passage, ou un prêtre en voyage.

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le plan
pour Kiso en avril
contempler les fleurs

(printemps 1685)

NB : Kiso était le nom d’une région d’une rivière montagneuses. À cause de l’altitude, les fleurs de cerisiers fleurissaient plus tardivement.

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(Sur la route de Nara :)

c’est sûrement le printemps
sur les montagnes sans nom
un fine brume

(printemps 1685)

NB : Pour aller de Nagoya à Nara, Bashô devait franchir une chaîne montagneuse. Au printemps, les montagnes du bord de mer amassent de l’humidité et remplissent les vallées d’une brume chaude. Y penser fait surgir de nombreux sentiments d’amour et de nostalgie.

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(Au deuxième mois, je me retirai dans le Hall de Nigatsudô :)

les moines
tirant de l’eau
du bruit glacé des sabots

ou :

tirant de l’eau
les bruits de sabots
des moines gelés

(hiver 1685)

NB : À Nara, dans le temple Tôdaiji se tenait, généralement pendant les deux premières semaines du deuxième mois du calendrier lunaire, correspondant maintenant au mois de mars, une Cérémonie du Puisage de l’Eau. Quand les moines tournaient autour de l’autel, dans leurs déambulations nocturnes, leurs sabots de cèdre rendaient un bruit comme s’ils marchaient sur une terre gelée. La fin de la cérémonie consistait à tirer de l’eau de la source Akai, maintenant appelée Asakai.

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(À Take no Uchi dans la province de Kazuraki vivait un homme qui prenait grand soin de sa famille. Au printemps il employait beaucoup de travailleurs aux rizières et à l’automne pour la moisson. Sa maison était remplie du parfum des fleurs de prunier, ce qui encourageait et consolait les poètes affligés.)

printemps précoce
vendant du vin de fleur de prunier
le parfum

(printemps 1685)

NB : Ce bouilleur de saké non désigné organisa une séance de renga. Quand on coupe la racine d’iris sucré en petits morceaux pour adoucir le saké, la boisson est appelée vin de prune. Il y a ici une devinette non-dite : qui vend les prunes, le parfum ou la saison des fleurs de prunier ?
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(à suivre, 238-1012)

S.S.S. 2012 – 2)

20 février 2012

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Sarkozy de Nagy-Bocsa
« candidat du peuple »
: quel magnifique oxymoron !

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d.(19-20/2/12)

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un lien possible :
http://sarkostique.over-blog.com/

S.(enryû) S.(ous) S.(arko) – 2012 :

19 février 2012

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seul voeu 2012 :
que les Français retournent à Sarko
son « Casse-toi, pauv’ con ! »

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D.(19/2/12)

Compte-rendu du kukaï de Paris (n° 63)

19 février 2012

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Compte-rendu du kukaï de Paris (63) du 18 février 2012 :

En présence de quatorze participant(e)s, 44 haïkus ont été échangés, dont 24 ont obtenu une voix ou plus.

Avec 5 voix :

la première mèche blanche
d’une amie d’enfance –
Miroir

: Gwenaëlle Laot.

4 voix :

En ouvrant ce carton
je respire
la maison de mes parents

: Oriane Obendorfer ;

et :

Nouvel hiver –
toutes ces fleurs sauvages
qu’il n’a pas cueillies.

: Françoise Lonquety.

3 voix :

Au décollage
les chaussettes de contention
résistent

: Gilbert Stern ;

Matin silencieux
même les oiseaux écoutent
les flocons

: Patrick Fetu ;

et :

un à un
les flocons effacent
les habitudes

: Antoine Gossart.

2 voix :

Sa goutte au nez
Attend un mouchoir
– Trop tard !

: Oriane Obendorfer ;

et :

tout étonné
de ployer sous la neige
l’amandier en fleurs

: Michel Duflo.

Parmi les haïkus ayant récolté une voix :

Champs de neige –
les vaches
au régime

de Gwenaëlle Laot.

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Dorothy Howard nous a ensuite parlé de l’anthologie canadienne HAIKU, D. HOWARD & A. DUHAIME, Éd. Asticou 1985, de « l’historique du haïku en anglais en Amérique du Nord » par Elisabeth Searle Lamb, et de « l’historique du haïku en français : la France et le Québec » par Bernadette Guilmette, qui y figurent, et nous en a lu quelques haiku, après avoir évoqué la vie et les tribulations des Japonais au Canada pendant et après la 2è guerre mondiale.

Elle nous avertit également que sa revue « Casse-pieds » publiera ses deux derniers numéros (14 et 15) et qu’on peut lui envoyer (ou à Jean-Michel Guillaumond, Directeur en France de la revue,) des textes courts (brefs ou haïkus) pour ces dernières échéances. (En urgence pour le n° 14).

Notre prochain kukaï (n° 64) aura lieu samedi10 mars, bistrot d’Eustache (75001) à 16h30.

La semaine suivante, samedi 17 mars, le kukaï de Paris est invité par l’AFAH à participer, au Palais de la Médiathèque de Puteaux (122 rue de la République (92800) au kukaï et à l’atelier d’écriture autour des « 10 mots (2012) de la langue française » de 17h45 à 19 h, après une conférence sur la poésie brève japonaise (à l’auditorium) par Janick Belleau, Daniele Duteil et Meriem Fresson ? L’AFAH tient ce même jour, de 10h à 13h son assemblée générale (à l’auditorium). Parallèlement à ces événements se tiendront deux expositions (dans le hall) : « Histoire des haïku, haïga et haïsha » (par l’AFH) et « Haïsha bada ba da… » (par Patrick Fetu).

À bientôt, donc !

Amicalement en haïku,
Daniel

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LES 1012 HAIKAI DE BASHÔ – 227-232)

17 février 2012

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Fête du Nouvel An
j’aimerais la célébrer dans la capitale
avec un ami

(nouvel an 1685)

°
(Passant les vacances du nouvel an dans ma ville dans les montagnes…)

qui est le fiancé
qui porte des gâteaux de riz sur des fougères
l’année du taureau

(nouvel an 1685)

°
(Pris dans une averse d’hiver sur la route…)

sans chapeau
une averse d’hiver tombe sur moi
– et alors ?

(hiver 1685)

°
(Retirant mes sandales dans un endroit, organisant ma suite dans un autre, j’étais toujours sur la route à la fin de l’année.)

l’année finit
alors que je porte encore mon chapeau de cyprès
je mets mes sandales de paille

(nouvel an 1685)

°

oreiller d’herbes
un chien lui aussi sous la pluie froide
par une nuit de voix

(hiver 1685)

NB : L’expression « oreiller d’herbes » indique un voyage où l’on couche en extérieur.

°
(le soleil se couchant)

la mer s’assombrit
et la voix du canard
est vaguement blanche

(hiver 1685)

NB : Unités sonores de ce haikai : 5/5/7. Ce poème est un exemple de synesthésie parce que le son est une couleur. Il y a aussi un paradoxe. Pendant un coucher de soleil nautique, la mer semble plus claire, ou plus blanche que le ciel.

°
(à suivre, 233-1012)

haïku, etc. de Py – fév. 12 – 1/2

16 février 2012

°

Un oulipote…

°

écoutant
le cachet effervescent
s’éteindre

°

le haïku,
ce moment
Fuji-tif !

(d’après Nicole Voltz, dans « L’atelier d’écriture et le haïku », in Le haïku et le forme brève en poésie française, André Delteil, P.U.P., 1989.)

°

sur le pas de son paillasson
un chien aboie –
du sel épars par terre

°

entre les quatre tours
de la bibliothèque
les deux cheminées
détachent leur fumée
sur le ciel froid de février

°

la grenouille
ouvre l’oeil
de la mare

(cf : « kaigan », « l’ouverture de l’oeil », in « Notes dans la paume », de Roland Halbert, p.168)

°

dans les toilettes hommes
du centre culturel japonais*,
ça sent la pisse !

* Tenri, Paris 75001

°

finissant
sa canette de bière :
la lune presque pleine

°

lucid(r)e…

°

un p’tit coup dans le zen !…

°

deux pies
picorent la neige –
premier dimanche de février

°
(Ancien : après 1980 :)

4 heures du matin
le frigidaire se réveille
le chien en peluche garde les yeux ouverts

°

Il rentra
dans ses nerfs
et composa
une fleur
invisible

°
(À propos des 1012 haïkaï de Bashô :)

avancent
sous la neige
des haïkus

°

R.E.R
REtaRdé :
la matinée saute…

°

prendre un papa
par la main…

°

vent glacial
le (carillon de) bambous chante(nt)

°

crépuscule –
son oeil au beurre noir

°
(Bashôtage (kyôku au vieux marc) :)

le vieux marc –
un bouchon saute
pop !

°

Monsieur ou Madame Dusson-Égal
est demandé au parloir…

Monsieur Tiroir-Caisse et Monsieur Caisse-Tiroir
ont rendez-vous.
Ils échangent.

°
(Ancien :)

me demandant son chemin :
ses si belles gambettes
avenue Gambetta !

°

Reims –
le canal couvert
de neige gelée

°

Pour les élections
allons-nous voter
U.f.M.n.P. ?

°

grand froid –
un défilé de sous-vêtements
en bande-annonce
sur Internet

°

la candidature
du polichinelle
cousu(e) de fil blanc

le fantôme fantoche
de l’ultra-capitalisme !

°
(Ancien :)

crépitement :
sur le buisson sec
la neige

°
(Ancien :)

cohue matinale :
devant la porte ouverte
du train de banlieue,
une casquette.

°

hors d’inaire

°

Bah, c’est là que le o (/ haut) blesse !…

°

(à suivre, 2/2)