Archive for the ‘Tao’ Category

Haïku, etc. de Py – sept 2013 – 1/2

22 septembre 2013

Haïkus, etc. Py – sept 2013 – ½

°

Le petit Jésus
avec un grand
gît

°

Mon haïku
soit comme une peinture
où jouent
le vide et le plein

°

(Pour Romain :)

Bordeaux –
Le Pont de pierre
a dix-sept arches * :

Napol
éon Bona
parte

* ( : le haïku « traditionnel » au Japon compte 17 « syllabes » )

°

(Tipules, araignées d’eau.)

La tipule
stipule
que l’eau est sans fond

°

Drôle(s) ces haïkus
qui
dès que vous les lisez
sonnent faux

( : pensant à maints de …)…

°

Première récré de rentrée (:)
les petits du village
à grands cris

(Castillon, 06)

°

Deux femmes * sur la plage :
après les chiens,
les chats

/

deux grands-mères sur la plage :
les mérites comparés
des chiens et des chats

/

deux mémés sur la plage :

(Menton, plage de Garavan)

°

de Nice
un avion
entre les étoiles

au-dessus du ronron de la clim’
le cri-cri des cigales
– nuit de septembre
au-dessus de Menton

pulsant
entre les étoiles
l’avion vers Nice
– how nice !

°

contrefaçon(s)
(de haïkus)…

°

un haïku d’archet
un haïku d’archer (-type)

°

cet aujourd’hui
qui déjante…

(cf : les lendemains…)

°

D’amour, tendre.

°

en coup de vent,
en coup derrière…

°

dépassant l’avion avec une plume Sergent Major

°

L’âme calme
et plate
comme une planche
sur la Méditerranée
face à Menton
un soir du début septembre (2013)
avec mes deux enfants
de 30 et 24 ans
et la petite Kate
10 mois
qui mange le sable
et parfois des mégots

°

tous unis
comme une seule pomme

(- celle d’Ève ?)

°

Ah l’amour à l’âme
Hourra l’amour ras la moue
rat l’amour a lame(s)

Ève l’amour
L’Adam la dent / l’a
dans la pomme

(de) la sorcière

°

larme alarme

ah l’amour mourra
l’amour mourrâle…

Oural l’amour mourra (le)
rat mou l’amour mourra

L’amour mou râle

°

Les tipules
sur la pointe de leurs pattes
calligraphient l’eau
invisiblement

°

il gremouille

une gremouille

°

soli
cité

°

le haïku
comme un
éclat
– de rire
– de vers

°

Le haïku
c’est aussi, parfois :
cherche, lecteur, cherche !

( :
Au bord de la Loire
sous la pleine lune
des tipules )

°

Elle fait la manche dans le métro
en vantant * un guide
de restaurants parisiens

* proposant

°

Étalage de la confiture du moi =
anti-haïku.

°

N’attachant Natacha
éboulis éblouis
le feu nu

°

de l’huile essentielle
de lavande entre les draps
… (humer)…

°

le pour
le contre,
la queue du chat

the pros
the cons,
the cat tail

°

wagons * à l’ancienne
où l’on pouvait
s’allonger
et dormir

* compartiment(s) à l’ancienne
où l’on peut encore
s’allonger et dormir
(- si vide(s))

* compartiment à six places / …

* ce train lent / …

°

sur fond de pluie
un feu d’artifice –
mi septembre

°

en pleine nuit
l’ordinateur lance
son indicatif
: insomnie

pleine nuit
l’ordi se met à chanter
son indicatif
coq d’insomnie

°

un métier :
courir l’Anpe

°

cure de raisin :
au bout de quelques jours
plus sensible aux odeurs

cure de raisin :
au bout de quelques jours
les odeurs exaltées

°

terrain détrempé :
fouler la Fête de l’Huma
(- mi-septembre)

un papillon passe
devant le trille de la flûte
: « L’oiseau de feu » *

* d’Igor Stravinski, Orch. National de France.

odeur de beuh
à l’audition de « L’oiseau de feu »
(Fête de l’Huma)

des you-yous aussi
saluent la fin du concert
classique

°

haïkus :
(ces vers)
rongeurs de nuits

°

les marteaux-perceurs
entament la semaine
(- de bonne heure)

(- boules quies)

°

les tipules
essaient de lisser
la surface de l’eau

les tipules
glissent
pour lisser
l(e plan d’)eau *

l’eau du fleuve

les tipules
glissent
(et) lissent
l’eau
du plan

les tipules
essaient de lisser
sans fin
l’eau

les tipules

°

(dans le haïku) cacher son je !

°

(Ancien :)

L’ombre du colvert
glisse vers la mare

(Jonzac, 7/13)

°°°

haikus , etc – PY- juillet 2012 (2/2)

1 août 2012

°

striant le ciel du soir,
martinets
de la mi-juillet

des hirondelles
encerclent encore juillet
– stage de tai-ji-quan

strient
dans le ciel
des hirondelles

°

stage de taÏ-chi-chuan –
un papillon passe
devant la porte

°

fin de la journée de tai-ji
un lézard se faufile
sous le gymnase

°

plume noire
dans le sentier –
un corbeau là-haut crie

°

rire en cascade
cri d’oiseau –
soirée de juillet

°

the thump
of bodies
down
to ground
zero

°

deux pies
s’élèvent
dans un pin
le soleil du soir

°

stage de tai-ji-quan –
les oiseaux se passent le mot
chi ! chi ! chi ! chi !

tous les moineaux
se lancent des chi –
fin d’une journée de tai-ji

°

fin d’une journée de tai-ji
tous les culs des garennes

devant les garages
les garennes détalent

campus universitaire
les jeunes garennes s’enfuient
dans les orties

°

on sait reconnaitre
un citron
d’un pêcheur

°

ever so slowly
does the towel slide off
the door-handle —
a July evening

la serviette
glisse
si lentement
de la poignée de la porte
– soir de juillet

°

le coude
d’une traîne d’avion
– soir de juillet

le coude
d’une traîne d’avion –
« Les prix plongent »

°

stage de tai-ji-quan –
le réseau de trams
s’appelle Tao

°

on her bosom
I thought I read
MORITAKE
– back to illusions

sur sa poitrine
j’ai cru lire
MORITAKE
– retour vers les illusions

°

musique de chambre
mon dernier auditeur :
un cafard

Francis Poulenc –
mon dernier auditeur :
un cafard

°

dans l’allée du train
deux jeunes jumelles
bougeant de concert

°

ils se penchent
dans l’allée du train
pour s’embrasser
– Tanabata

they lean
across the galley
to kiss
– Tanabata

de mon siège
j’assiste à leur ciné-
romance dans l’allée

l’arc-en-ciel
de leur baiser
par-dessus l’allée du train

elle lui mange la main –
allée du train

deux amoureux
transis –
soir de juillet
dans un train bondé

°

dernier passage
devant la rose
sans la sentir

°

même l’anse
d’un sac de voyage
me fait signe

°

(D’après : « it spins in space / giving all we need / except the answers » de Margery Newlove, in « Earth », BHS Members’ Anthology 2009 :)

We’re here
to find
solutions

Nous sommes ici
pour trouver
des solutions

°

Haiku is about
minimizing the ‘me’

Dans le haïku, il s’agit
de minimiser le moi !

°

(Busonades 1 et 2 :)

1)
sur le siège des toilettes
un moustique
endormi

2)
du siège des toilettes
un moustique
réveillé

°

les tournesols
tournés vers eux-mêmes –
caprices de la météo

°

à trois mètres
la chaleur du mur
(de) ce soir

°

les poissons sèchent
sur l’étendoir
(: maillot de bain)

°

un parterre
de fleurs de trèfles
et de bourdons

(Loches, 26/7/12)

°

(« Ancien » :)

une bulle de savon,
une grille :
deux bulles de savon

°

Le car
part
au quart
des tours
de Loches

°
(cf : « Bashôtage(s) » :)

« Busonade(s) »

« Issade(s) » / (pâle(s) Issade(s)…)

« Shiki-ste(s) »

°

dp

‘Wu Wei’ d’Henri Borel (3) L’Art (La Poésie)

7 novembre 2011

°

« Un poète ne saurait vivre que pour son art qu’il aime en tant qu’art, et non en tant que moyen de se procurer quelques vagues jouissances terrestres. Un poète voit les hommes et les choses dans leur essence la plus simple, à tel point qu’il touche pour ainsi dire à Tao. »

(p.63)

°

« le mépris de la foule ne plonge pas le poète dans le désespoir, pas plus que les suffrages ne contribuent à son bonheur. Pour lui, ces choses sont le déroulement naturel des effets dont il connaît les causes. »

« Aussi ne crée-t-il point ses oeuvres afin de les donner au peuple, mais parce qu’elles naissent spontanément en lui. Le bruit que font les humains autour de ses oeuvres, ne pénètre pas jusqu’à son oreille ; il ignore s’il est célèbre, ou plongé dans l’oubli. »

« La célébrité suprême consiste à n’en point avoir. »
(: le Nan Hwa King, ch. 18.)

(p.64)

°

« Mérite, gloire, honneur, artistes, immortalité – ces mots ont résonné assez souvent à ton oreille pour te faire croire de bonne foi que ces choses étaient aussi indispensables que l’air que tu respires, aussi réelles que ton âme. »
« Tout cela est leurre et illusion. Ceux que tu as vus, peut-être, étaient des poètes de pure origine. Cependant, ils se sont éloignés du rythme qui était leur principe en Tao. Ils n’ont su demeurer tels qu’ils étaient ; leur faiblesse les a fait descendre au niveau des hommes ordinaires. Ils agissent comme ceux-ci et avec plus de passion encore. »
« Eh bien ! ils ne sont plus poètes, et leurs chants ne seront pas vraiment des poèmes tant qu’ils persisteront dans leurs errements. La moindre déviation du rythme originel suffit à tuer la poésie. Il n’y a qu’un seul sentier, simple et vierge, mais implacable comme la ligne droite. Cette ligne droite, c’est la spontanéité, le Non-Agir. À droite, à gauche, c’est le non-naturel, l’activité trompeuse ; ce sont les voies qui mènent vers la gloire et les honneurs ensanglantés par le meurtre et l’assassinat. Il n’est pas rare de rencontrer tel ambitieux qui, sans remords, boirait le sang de son meilleur ami, si cela pouvait lui assurer le succès. La ligne droite, sans courbes secrètes qui la fassent dévier, trace sa route vers l’infini. »

(p.64-65)

°

« Suis-moi, et je te révélerai un artiste qui, pour moi, représente l’homme essentiellement simple et pur. »

(p.67)

°

« Connais-tu les peines de l’artiste qui, pendant de longues années, cherche les moyens d’épurer, d’éthériser la matière ? »

(p.70)

« C’est ainsi que cette image a fini par devenir une matière qui n’est plus matière, mais bien plutôt l’incarnation d’une idée sublime. »

(p.71)

« En vérité, une image semblable n’est plus une image : elle est dépouillée de toute matérialité. »

« L’âme, enfermée dans le corps de cet artiste, s’est absorbée en Tao qui, un jour, absorbera aussi la tienne. Son enveloppe terrestre s’est dissoute comme se dissolvent les feuilles et les fleurs et la tienne suivra la même destinée. Qu’importe dès lors son nom ? »

(p.72)

« Que fut-il ? Un artisan bien ordinaire, qui, à coup sûr, ne se savait point artiste, qui ne s’estimait nullement supérieur au premier laboureur venu et n’avait aucune idée de la beauté de son oeuvre. »
« Il ne connut jamais la célébrité, et tu chercherais en vain son nom dans les livres d’histoire. »

(p.73)

« Ah ! créer pareille chose, simplement, inconsciemment – c’est bien faire oeuvre de poète ! Cela, c’est l’art qui n’est pas pour un temps, mais pour l’éternité. »

(p.74)

« Et cela vit ici sur notre terre, si résistant dans sa finesse, et cela sera encore lorsque nos enfants auront disparu… Et l’âme de l’artiste s’est absorbée en Tao… »

« Car elle n’est pas faite de matière, mais d’esprit. »

(p.75)

« Il va de soi que ces artisans ne se croyaient pas de grands artistes, ni ne s’estimaient différents du commun. Aussi, jamais de querelles mesquines entre eux, car c’eût été la fin de l’art. Tout était beau parce que tous les hommes étaient simples et travaillaient de bonne foi. »

(p.76)

°

« L’art est inséparable d’avec la prospérité d’un pays. Prospérité morale, évidemment, et non politique. Les hommes forts et simples créent spontanément un art robuste et sain. »

(p.77)

°

« Notre présence parmi cette beauté est aussi naturelle que celle de l’arbre ou du rocher. Si nous savons nous maintenir dans notre état de simplicité, nous nous sentons définitivement en sécurité dans le vaste rythme du système universel. »

« Pourtant, notre vie est aussi simple en essence que la nature entière. Aucune chose n’est plus compliquée qu’une autre, et l’ordre règne partout. La marche de toute chose est aussi inévitable que le mouvement de la mer. »

« Et tu finiras par apprendre que les paroles ne sont qu’une apparence. »
« Tout revient à l’Unique. »
« Tout est Tao. »

(p.78-79)
Fin du chapitre II, « L’Art », in Wu Wei, Étude inspirée par la philosophie de Lao-Tseu, d’Henri Borel, éd. Trédaniel, 1995.

‘Wu Wei’ d’Henri Borel (2) – L’Art (La poésie)

7 novembre 2011

°

« Qu’est-ce que la Poésie ? »
« Elle est simple et naturelle autant que la mer, les nuages et les oiseaux, »
« D’ailleurs, pour savoir, il suffit de laisser errer ton regard sur la terre et les cieux. Car la Poésie est depuis qu’ils sont. »

(p.52)

°

« Écoute le torrent qui prend sa course parmi les rochers. Sa voix – aiguë ou grave, brève ou longue – ne répond peut-être pas (exactement) aux lois de la musique, mais forme spontanément sa mesure et son rythme.
« C’est le son naturel (né-de-soi) du Ciel et de la Terre. Il procède du Mouvement.
« Eh bien, lorsque le coeur humain, vide à l’extrême et, à l’extrême, rempli de l’esprit, reçoit une impulsion quelconque, il engendre le Son. N’est-il pas étrange que de là, diversifiée merveilleusement, naisse la Littérature ?
« Mon fils, la Poésie est le Son du coeur. »

: Ong Giao Ki (1ère moitié du XVIIIè siècle), préface à son édition de l’art poétique sous la dynastie des Thang.

(p.53)

°

« Où que tu sois, la poésie est visible et perceptible, car la nature entière est un seul et grand poète. »

 » C’est à la source du mouvement que jaillit le son du vers. Tout autre son n’est point poésie. Il faut que le son naisse de soi – Wu Wei – ; il ne saurait être créé au moyen des artifices les plus variés. »

« Nombreux sont ceux qui produisent par l’Agir non-naturel. Ils ne sont point poètes, mais tels des singes ou des perroquets. »

« Rares, bien rares, les vrais poètes, chez qui jaillit le vers, harmonie spontanée, tour à tour puissante comme le torrent bondissant de rocher en rocher ou comme les éclats du tonnerre, et tendre comme la chute d’une pluie printanière, caressante comme la brise tiède d’une nuit d’été. »

(p.54)

°

Ah ! le poète doit être simple et grand comme la mer. Il se meut comme elle au rythme naturel qui procède de Tao, et auquel il doit s’abandonner, avec la docilité d’un enfant, sans vouloir personnel, non-agissant. »

(p.55)

°

« N’est-il pas merveilleux le son issu de Tao, qui est Silence ? N’est-elle pas merveilleuse la lumière jaillie de Tao, qui n’est point lumineux ? Et le vers, la sonore musique des mots, nés de Tao, qui est muet ? »

(p.56)

°

« Tout se résume à ceci : l’homme possède-t-il la vraie Source d’où le vers doit couler ?A-t-il en lui le rythme simple et pur de Tao ? Sa vie est-elle vraiment basée sur ce principe de beauté et de simplicité ? S’il réunit ces conditions, il est poète ; autrement, non. »

(p.57)

°

« C’est là ce qui différencie le poète du dilettante : examinant ses vers après les avoir extériorisés, il découvre qu’ils sont justes dans tous leurs mouvements, sonorités et rythmes. Le dilettante, par contre, d’après un plan savamment combiné, commence par tracer un petit sentier où il s’évertuera ensuite à faire avancer de force un assemblage de mots sans âme. Les phrases animées du poète coulent sans effort, du fait même qu’elles sont animées. »

(p.59)

°

« Je ne connais d’ailleurs que fort peu de vrais poètes. Le phénomène le moins fréquent, c’est un homme qui aurait la pureté de la nature. En as-tu beaucoup rencontré dans ton pays ? »

« Pourquoi un poète crée-t-il un poème ? »
« Pourquoi la mer bruit-elle ? Pourquoi l’oiseau chante-t-il ? »
« parce qu’ils ne peuvent faire autrement, parce qu’ils y sont forcés de par leur nature. C’est Wu Wei. »

(p60-61)

°

« – Un poète peut chanter pour aider à la création d’une Littérature dans un pays où celle-ci est morte. Voilà qui sonne bien, quoique ce soit, en somme, un motif impur. Et puis, il y a des poètes qui chantent afin de conquérir la gloire, la célébrité ; pour être couronnés de lauriers étincelants ; pour voir le frais sourire des blondes vierges qui sèment des fleurs sous leurs pas. »
« – les poètes qui chantent ainsi ne chantent point, et ne sont point poètes. Le poète chante parce qu’il chante. S’il élève la voix dans un but défini, il n’est plus qu’un dilettante. »

(p.61)
: Henri Borel, in Wu Wei, Étude inspirée par la philosophie de Lao-Tseu, éd. Trédaniel.

°

(à suivre…)

L’Essence du Haïku 8) par B. Ross

5 août 2011

Comme je désirerais voir
parmi les fleurs du matin
le visage de Dieu

Bashô

VI La Complétude.

La métaphore absolue dans le haïku contient la présentation d’un état de complétude dans lequel le particulier mène aux choses premières et absolues. Ici, Bashô retrouve que les racines de la fleur de cerisier égal l’équation du haïku dans laquelle le sentiment spirituel recherché est exposé dans la beauté naturelle. Un tel sentiment spirituel a plusieurs composants. Dans la bouche du poète Gary Snyder, qui s’exerça au bouddhisme Zen : « la conscience de la vacuité produit le coeur de compassion. » Dans sa construction bouddhiste Mahayana, la compassion pour tous les êtres qui forme la base de cette vue religieuse s’affirme sur la vacuité cosmique que toutes les formes ont en partage. En termes védiques, « La forme est la vacuité, la vacuité est la forme. » Dans le haïku une telle compassion bouddhiste soutient souvent la résonnance affective du particulier dans un poème donné. D’un autre point de vue religieux, celui des fondateurs de l’Hassidisme, le Baal Shem Tov, « Tout ce qui a été créé par Dieu contient une étincelle de sainteté. » Dans le haïku une telle élévation de toutes choses soutient une poésie centrée sur l’appréciation émotionnelle de telles choses et la résonnace shintoïste où rochers, arbres et cascades sont considérés comme sacrés.
Un taoïste dirait : « Pénétrez dans la tranquillité. » La Complétude, le Tao se trouveraient dans un tel état. Cet état, de plus, on le trouve à travers des particularités, les soit-disant « dix mille choses ». Ainsi, dans le calme, que ce soit dans une forêt montagneuse reculée ou dans une ville moderne populeuse, les choses s’offriront à vous avec pour résultat une sorte de joie, de crainte, de célébration, d’émerveillement, et, pendant un moment, d’entièreté.
Le Roumain Ion Codrescu nous offre un tel moment de complétude dans un de ses haïku :

une mare dans le champ
l’odeur de la moisson persiste
dans la nuit

Dans ce poème méditatif, l’auteur est ému par la vision d’une mare dans un champ, la nuit. C’est le focus sur un détail dans son état de calme aussi bien qu’une incarnation du calme lui-même. Le travail de la journée est absent. Le champ a été moissonné. Mais l’odeur des moissons et de la terre retournée persistent pour approfondir et augmenter cet état de calme. L’odeur devient une « métaphore organique » de l’union entre le particulier et l’absolu qui émerge dans le haïku en tant qu’état de complétude, moment sublime dans lequel un auditeur ou un lecteur peut pénétrer.
Dans ce sens plus élevé du haïku, de plus, avec les mots du critique littéraire George Steiner : « Quand le mot du poète s’arrête, une grand lumière naît. »

VIII Conclusion

Il est important de considérer maintenant l’essence du haïku dans l’histoire mondiale. La nature du sentiment et de l’émotion est en train de s’émousser dans ce qu’on appelle l’ère post-moderne. Parce que le haïku dépend du sentiment, les valeurs post-modernes vont en réalité coopter l’essence du haïku en cooptant la nature du sentiment. En jeu également se trouve la connexion importante du haïku avec la nature, parce que, ces jours-ci, la nature elle-même semble être dans un état critique. Nous désirons tous une connexion avec tout un chacun et avec le monde, et recherchons quelque espèce de complétude. Actuellement, dans notre vie quotidienne, la nature et la beauté ont de moins en moins de sens, et l’instant-haïku, ou l’attention aux détails, également. C’est peut-être pourquoi le Japonais Shôkan Tadashi Kondo, lors de la deuxième Conférence Européenne sur le Haïku, évoqua Thoreau lors de la discussion à propos de son projet proche du saijiki « 72 charmes saisonniers » et appela le haïku de la « poésie écologique ». La métaphore absolue du haïku pourrait sauver le particulier, nos sentiments, la nature et la beauté. Il pourrait aider à préserver notre sens de la complétude – même en cet âge post-moderne – et peut-être même, le monde lui-même.

FIN

(Article de Bruce Ross, paru dans la revue Modern Haiku, 38/3.
pp.51-62 et partiellement lu à la Deuxième Conférence Européenne sur le Haïku, à Vadstena, Suède du 8 au 10 juin 2007.)

Trad. française : (c) Daniel Py, Orly, 21 Juillet- 5 août 2011.)

Poèmes, haïkus, etc. Py, juillet 08 – 2/2

22 novembre 2010

(…suite :)

°

cimetière
un banc où se repose
rien

°

cimetière –
un chat blanc et noir
traverse une allée

un chat
noir et blanc
longe un mur
du cimetière

°

sur les tombes : des noms
dans les rues : des noms

(: Le « cimetière de l’égalité » !)

°

sur le « Nez de Cyrano »
un pin sylvestre
: Montpellier-le-Vieux

°

quelques plumes blanches du cygne
çà et là
sur la pelouse

°

Promenade en voiture –
Nous traversons le Bonheur
(Lozère)

°

les arbres
sont des nids de cris :
cigales de l’Hérault

°

à la surface de la piscine
une bouée
qui tourne

°

sur le « super-dégraissant Maison Verte »,
un escargot,
toutes antennes dehors

°
(Du haïku :)

Le haïku n’est pas un échafaudage intellectuel
Le haïku est un déchafaudage
Le haïku se situe à l’exact opposé des échafaudages intellectuels
Le haïku c’est la vitesse de l’éclair
Le haïku est un coup de kyosaku *

* bâton du maître zen, asséné pour « réveiller » le disciple

Je ne considère pas le haïku comme étant un jeu de société, avec ses thèmes, ses concours, ses soirées… (bien que j’organise-anime le kukaï de Paris (!)),
mais comme une expression vitale (de l’expression) d’un soi, de ce qui tient à / au coeur; de profondément impérieux, d’absolument nécessaire, de fondamental(ement) (, d’)indispensable, au même titre que la parole, la musique, que tous les arts pour tous les artistes véritables; de profondément sincère, juste et vrai; d’absolument profond ; d’une ouverture ; d’un cordon (ombilical ?) ; d’une rampe – entre soi et l’autre – entre l’intérieur et l’extérieur ; d’expression d’un sens de vie.

Le haïku est un sac de lumière

Trouver le rythme le plus naturel (, libre), le moins apprêté possible (, le moins artificiel, échafaudé, fabriqué, concocté, inventé, imaginé, planifié…)

Ce moment-haïku = l’insolite, l’incongru, l’étonnant, le surprenant, l’admirable (instant).

Le haïku / c’est un instant / pris en mots.
Le haïku, c’est les mots d’un instant
(Idéalement, le haïku c’est un instant vécu, pris en mots)
Le haïku ce n’est pas un « objet » poétique

Concomitants du moment-haïku : ses mots

Le moment dictant ses mots

°

Air(s) de rien / Mine(s) de peu

°

une feuille
tendrement
tombe

a leaf
softly
falls

°

toile d’araignée –
une feuille
vibrionne

°

plus de chat noir et blanc
dans le cimetière
une religieuse âgée

°

kayakant
au bord de la Grande Bleue
mi-juillet

°

sur l’aile
une mouette prend un virage
à Sète

°

gare après gare
le train s’emplit
mi-juillet

le train passe –
sur son banc,
bouche ouverte,
elle bâille

°
(Réunion au Foyer Soleil :)

parfois quelques applaudissements grésillent
il ne pleut plus

applaudissements nourris
, abreuvés

des applaudissements
qui ont soif, maintenant ?
: plus maigres

°

à l’approche du coureur
les mouches s’écartent
de la merde

°

(L’anti-Nique / Journal d’un oisif :)

ce matin
pas grand chose :
fait couler un peu d’encre

En faire le moins possible –
Ne rien gagner –

faire du temps
SON temps.

Le maître du temps :
ce qu’il a à faire, il le fait, quand il (le) veut.

après le thé
volupté :
la sieste

travaillant
à en faire
le moins possible

°

un coup d’oiseau
dans le ciel matinal

°

magnoliers fleuris
dans le parc
au cygne

(summer) magnolia in bloom
in the park with the swan

°

dix-sept boîtes à chaussures
empilées le long de la penderie

boîtes à chaussures, 17,
empilées
contre l’armoire

°

« complètement accro au sudoku »
dit-elle
– 2 heures 20

enfermé(e)
dans la bulle
carrée
de son sudoku

°

un moustique virgule
au-dessus de mon oreille

°

des cris
font leur ronde –
vingt juillet

°

the evening wind
blowing
on my herbal tea

le vent du soir
soufflant
sur ma tisane

°
(S.S.S. :)

Le président Sark – Veau – d’Or.

S.hark (ozy)

°

matin de vacances –
une saga de réveils

°

pour traverser le pont
elle tient sa chevelure —
longue

to cross the bridge
she holds her long
hair

°

aux sons de la musique
sur la place
les branches de l’arbre
se balancent

°

miracle !
all down the toilet,
first go !

miracle !
tous disparus
du premier coup !

°

rue des Acacias
la lune qui décroît
et un hélicoptère

°

cinq pigeons se posent
et explorent
un coin du parc

°

le paraphe d’une fougère
à travers un miroir ovale
: intérieur lyonnais

°
(Du haïku :)

Écrire des haïkus
qui font du bien,
salutaires

N’écrire que des haïkus
qui font du bien,
sanitaires

, qui montrent un certain chemin de sérénité –

5/7/5 :
l’usine
à formater
les haïkus
?

Rechercher l’équilibre (exact) en haïku entre dit et non-dit, mots et silence, auteur et lecteur, (noir et blanc)…

Le mot-de-saison comme lien
de l’homme avec le reste du cosmos
des choses avec leur sens cosmique

°

par le balcon
ce matin
un sifflement inconnu

°

une petite plume blanche
joue au papillon
– soir de fin juillet

a small white feather
playing butterfly
end of a July evening

°

premier jog du stage :
les tournesols
tournés
vers nous

violettes au ras des foulées

départ de canards
des roseaux de l’étang brumeux

°

sur ses dents
le soleil du soir
: une belle femme

°

pour mieux sentir
le couchant de juillet
j’ouvre la fenêtre

°°°

L’Art de la sieste 2) La poésie.

3 septembre 2010

°

La poésie est d’abord une expérience. Expérience de l’éternité de l’instant présent et de l’universalité de l’endroit où l’on se trouve, expérience de l’accord au cours des choses et de l’assentiment de ce qui est, expérience de notre nature profonde et de l’univers. Dans le silence de la contemplation poétique du monde se révèle le Sens, qui indique autant une direction (la Voie à suivre) que la signification ultime des choses. La poésie est illumination silencieuse des choses. Le poème ainsi composé est éternel et universel. Le sens étant par essence tacite, le poème ne saurait l’exprimer de façon directe. Il le suscite en tournant autour, comme on fait le tour d’un lac de montagne, qui, sous le reflet des cimes, cèle une incroyable profondeur. Le poème traduit, sans l’expliciter mais seulement en la suggérant, l’expérience de recul philosophique, poétique si l’on préfère, sur le monde, quand tout devient simple, lumineux et profond. D’une évidence absolue.
Le poème, en effleurant la surface des choses, doit donner à sentir l’indicible profondeur de l’expérience humaine, saisie dans l’éternité de l’instant présent. Miroir, il demande au lecteur d’aller puiser dans sa propre expérience, sa propre mémoire de ces moments rares et fugitifs de grâce où l’on est miraculeusement accordé au monde, au cours des choses.  »

°

: H.Collet & Cheng Wing fun in L’Art de la sieste et de la quiétude, Éd. A. Michel, 2010, p.16-17.

°

n.b. : pour moi, le haïku, c’est exactement ça !
(bien qu’ici il s’agisse du commentaire du poète chinois Lu Yu (1125-1210)).

L’Art de la sieste 1)

3 septembre 2010

°

 » Nous sommes là au seul endroit où nous avons à nous rendre : ici, maintenant.
D’où venons-nous, où allons-nous ? Ici, maintenant.  »

°

: H.Collet & Cheng Wing fun in L’Art de la sieste et de la quiétude, Éd. A. Michel, 2010, p.10,
cf : Dieu et moi, traité de l’enthousiasme, Éd. Moundarren, 2003.

QiGong

18 mai 2010

°

tout au long de la
posture de l’arbre
un merle siffleur

°

d.(17-18/5/10)

Entretien intempestif sur le Tao 7)

12 mars 2010

 » Le Tao est la voie qui se dérobe quand on la cherche, la route caillouteuse et ingrate ne menant nulle part, si ce n’est au pont aux ânes de l’Eveil et du Satori dépouillant le moi secret de ses artifices et de ses masques dans un fulgurant et théâtral éclair.

Mais pour qui n’est pas crispé sur la risible chimère de la Terre promise et des voies censées y conduire, le Tao est un sentier agreste et parfumé où dansent les elfes.  »

H. Faliu-Blanc, p. 56