pp. 96-104 :
ONITSURA, né en 1660, la même année que Kikaku, et Jôsô, un an plus tôt. Bashô avait alors 16 ans.
Onitsura dit que la meilleure manière d’écrire des haïkus est d’imiter fidèlement les haïkus de son professeur, puis d’écrire ses propres versets. Ce que l’on pratique encore au Japon.
Onitsura communiqua avec Bashô, Saikaku, Saimaro, Raizan et Dansui, et avec les élèves de Bashô : Izen, Shikô, Ransetsu et Ryôto.
On dit qu’il composa ce haïku à l’âge de 7 ans :
« Par ici ! par ici ! », lui disons-nous
mais la luciole
s’enfuit
A L’âge de 18 ans, il entra dans l’école de Sôin. A 25 ans, il réalisa soudain que le haïku est la vérité, l’entière vérité et rien que la vérité.
Le verset suivant fut composé à la mort de son fils :
Je l’enterre ici –
mais serait-il possible
qu’un enfant puisse en fleurir ?
Onitsura pensait que « makoto », la sincérité, est la chose la plus importante au monde ; c’est la véritable humanité d’un être humain. Plus tard, il vécut en tant que masseur, et enfin entra dans la prêtrise. Voici quelques uns de ses meilleurs versets :
Le vent siffle
dans le ciel :
pivoines hivernales
–
Une brise fraîche
La voûte céleste est remplie
de la voix des pins
–
Le ruisseau de la vallée ;
les pierres aussi chantent
sous les cerisiers en fleur des montagnes
–
Pointant
dans le ciel automnal,
le Mont Fuji !
–
L’attitude d’Onitsura envers le haïku peut se résumer en : « une nouveauté sans distorsion ». Il précéda Issa de cent ans dans l’usage d’expressions familières. Il ressemble à Bashô dans son amour des « particularités négligeables », son coeur porté à la compassion.
Coupant le sasakuri *
avec les broussailles :
l’été indien
* : une petite sorte de châtaignier
–
Connaître les fleurs de prunier,
connaître son coeur,
connaître son nez
–
Nous avons un esprit
nous avons un corps.
Pourquoi ?
Pour connaître les fleurs de prunier
–
Nous sommes dociles
et les fleurs silencieuses aussi
parlent à l’oreille intérieure
–
Les yeux en longueur
le nez en hauteur
les fleurs au printemps !
–
Le rossignol
se perche dans le prunier
depuis les temps anciens
–
Une truite saute ;
au fond de l’eau
les nuages vont et viennent
–
C’est l’automne
j’admire la lune
sans enfant sur mes genoux
–
Changements d’habits –
je n’ai pas encore ôté
les vêtements de la mondanité
–
Cette tombe
sans saule au-dessus d’elle
est cependant mélancolie
–
C’est une vie solitaire
mais des mille-pattes velus tombent
autour de mon ermitage
–
La tortue de la mare
oscille et froisse
les feuilles de lotus
–
Pluies d’été –
sur la pierre à presser les sushi
une limace
–
Le vent d’automne
souffle à travers champs :
les visages des gens
–
Contre les roseaux desséchés
du ruisseau de Naniwa,
des ondulations
–
Dans la cruche cassée
un plantain aquatique
fleurit sveltement
–
Les versets d’Onitsura sont simples et faciles, mélodieux et poétiques. Contemporain de Bashô, il était indépendant de lui. La principale différence entre les deux hommes était dans leur pouvoir d’avoir des disciples. Onitsura en eut peu, tels Kisai et Shisen. (La poésie d’Onitsura a quelque chose en commun avec celle de Robert Frost.
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(A suivre : pp. 121)