p.95 :
G.X. – Pour un écrivain, l’écriture dépasse effectivement maintenant la question de la forme. C’est plutôt un oeil nouveau, un nouveau regard, une nouvelle façon de sentir, de voir les choses. »
p. 105 :
« La structure théorique n’a jamais servi à rien pour la création artistique.
La théorie, c’est la vanité humaine. On veut remplacer l’explication divine de l’univers par des ressassements théoriques, pour boucher ce grand trou noir qu’est le monde. Le théoricien veut jouer ce rôle-là, il veut tout éclaircir, trouver la formule définitive, etc. »
p. 109 :
« Pourquoi définit-on des genres? C’est absurde. (…) Parfois, dans mon écriture, je fais des efforts pour détruire cette distinction de genres littéraires. Ca devient une gangue trop figée. »
p. 110 :
« Ce n’est jamais la forme en elle-même qui a une signification, ce qui compte, c’est le mouvement continu de la création. »
p. 111 :
« L’art doit impulser quelque chose de vivant, sinon ce n’est pas de l’art. »
p. 112 :
« Le réel est inépuisable. Il y a toujours de nouveaux aspects à découvrir. On ne peut jamais dire qu’on a vraiment connu quelque chose dans cette vie, dans cette société, et sur soi-même. Non. On reste toujours loin de tout connaître. On cherche un langage littéraire qui capte ce mouvement. »
» Il faut avoir une confiance minimale dans le langage. (…) Il faut aiguiser cet outil de la langue pour fouiller ce réel qui fuit tout le temps. Et alors, on réussit à transmettre un peu de vie. »
p. 125 :
« L’écriture est avant tout un travail. (…) C’est un moyen de pousser plus loin l’observation par les sensations, par le regard, l’ouïe, le toucher, etc., pour connaître la vie d’une autre personne. Un univers que tu ne peux pas atteindre normalement… »
« … Et la réaction du lecteur peut confirmer (ou infirmer) ton observation. C’est communicable, donc ce n’est pas une simple invention. »
p. 133 :
« Joyce, en l’occurrence (dans Molly Bloom), cherchait aussi par l’écriture à aller au plus près du réel, et le réel se décompose, comme toujours, quand on le serre de trop près. Et pour Proust, c’est pareil. Autrement dit, l’écrivain chercherait toujours à âtre au plus près du réel, mais dans son résultat, il créerait des formes artistiques nouvelles. »
pp. 133-4 :
« Si on (…) ne se contente pas d’une description plate du quotidien, alors on entre dans un réel de l’esprit, de sensations, de hauteur, les mots deviennent légers, flottants, les mots s’éparpillent, ça devient magique. Il faut avoir un respect de la langue. On ne peut pas écrire directement comme ça, il faut être patient, laisser la langue venir, on observe, on attend, les phrases viennent, se succèdent à elles-mêmes, et aussi sans quitter cette sensibilité du réel, sinon ça devient n’importe quoi. »
« Il faut d’abord savoir bien décrire, ou plutôt écrire le réel, ça c’est la base. (…)
« Il faut trouver un moyen de se détacher de la subjectivité, dans une certaine mesure. »
p. 135 :
« Le but de l’écriture, c’est de rendre compte de cette sensation-là que tu as eue au moment où tu observes telle chose, ça peut même être cette sensation-là que tu as eue au moment où tu t’apprêtes à décrire telle chose. »
pp. 135-6 :
» Si on se contente de photocopier par la langue cette réalité, ça n’a aucune valeur. Ce qui est fascinant, c’est plutôt de franchir cette frontière pour atteindre ce monde obscur et intérieur. Tous les grands écrivains dépassent les catégories – réalisme, romantisme, etc. »
p. 136 :
D.B. – Quels sont alors les critères opératoires en littérature?
G.X. – Moi, je regarde avant tout le caractère vivant. »
p. 140 :
D.B. – Pour écrire, pour toucher quelque chose de juste dans l’écriture, il faut vivre justement. Ce n’est pas vraiment une question de morale, mais je vois que la responsabilité de l’écrivain est toujours en jeu. Tu ne peux pas écrire quand tu n’es pas en adéquation avec toi-même. On ne peut pas écrire de chose vraiment intéressante en se mentant à soi-même.
G.X. – Tous les grands écrivains ont une quête du réel. Ils apportent involontairement quelque chose de nouveau de par leur volonté d’approcher la réalité. Mais si on fait exprès de créer quelque chose de nouveau, ça devient mort. On fait semblant de renouveler ce marché de la littérature, mais il n’y a qu’une apparence de travail. (…) Si on est si près du réel, ce n’est pas possible d’être démenti. Il faut avoir suffisamment confiance pour ne pas suivre les modes artistiques. Si c’est vraiment bon, ça a sa raison d’être. »
p. 146 :
« je ne peux pas me décrire moi-même par l’écriture, aussi fine que puisse être ma faculté de m’auto-observer. Ceci, parce que écrire est un acte, et que, comme tout acte, il est tourné vers l’extérieur.
Le fait d’écrire est quelque chose de très paradoxal, c’est une sorte d’interface entre ce que je ressens et ce que je suis capable de communiquer avec les autres. »