Archive for juillet 2010

Haïkus de Hôsaï – « Windows »

31 juillet 2010

p.135 :

l’aurore allume la mer ;
une fenêtre s’ouvre

avec des enfants ;
les vagues s’écrasent à nos pieds

mer noire dormant ;
atteignant une auberge

un cri soudain
s’enfuyant
dans la nuit

gelée en floraison –
une fleur
et son ombre

p.136 :

la lumière du soleil faisant fondre la neige
frappe
les voix des enfants

crépuscule du Nouvel An
allumant calmement
une lampe

lumière gelée
pénétrant
la forêt de bambou

p.137

poissonniers criant
soleil

en me massant, à quoi pense-t-elle ?

profondeurs montagneuses
mots intimes

le crépuscule essuie le ciel
d’un seul coup

cloches carillonnantes
percent
les cieux du typhon

p.138 :

mes pas
remplissent
le champ desséché

un nouveau chapeau de paille;
le vent de midi dans les lys d’eau

derrière l’homme qui balaie les feuilles
une route inconnue

tous les bateaux partis,
restent les montagnes enneigées

fleurs flottant
près du vieux pont

seaux d’eau de source
dans les deux mains
sur la route sombre

resté oublié
le parapluie noir

ayant nettoyé la tombe
je m’évente

oubliant le rêve du matin
j’arrachai les mauvaises herbes

p.140 :

ratant mon coup
le clou est tordu

lune de midi comme un mensonge blanc

on dirait que les fourmis ne sortent plus de leur trou

incapable d’enfiler l’aiguille
regardant le ciel bleu

dévisagé
par un
borgne

p.141 :

parlant de réalité
les kaki tobent

la balle rebondissant disparaît
dans le soir profond

le buvard n’absorbe plus

la lumière hivernale frappe à la porte fermée

me souvenant d’un visage honni;
tapant dans des galets

p.142 :

le ciel tombe –
frappé à la tête
par une feuille

le moineau du temple chicane ;
son gruau du matin moindre

le tiroir ouvert est vide

les cosmos surpassent
la hutte

une feuille de chou locale
vite lue

p.143 :

une vue de la mer
d’une petite fenêtre

une libellule s’arrête sur mon bureau solitaire

fleurs épanouies
à vendre

des pierres dans le vent d’automne
parlent de la naissance d’un enfant

la mer projette le couchant sur les montagnes;
nulle part où se cacher

au milieu de la nuit
cherchant cette puce

la rose de Sharon
sur sa fin
ventée

p.144 :

combien de temps cette main battra-t-elle le tambour ?

avant l’aube
le corbeau mouillé vole

une prostituée regarde l’enfant attraper des grenouilles

je reconnais le bruit des moineaux
marchant sur la natte de bambou

bateau après bateau arrivent ;
une île

n’ayant pas de bol
je reçois dans les deux mains

p.145 :

pas de fleurs sur les tombes
ces jours-ci

une fenêtre ouverte,
une face hilare

emmener un enfant
sur les ruines du château

un aveugle sur la route venteuse

p.146 :

vent de la montagne
descendant

même pauvre
un rang de pots de fleurs

le gel se dissout
les oiseaux brillent

de derrière la montagne printanière
apparaît une fumée

[…]

Ozaki Hôsaï
in Windows, A selection of the free-form haiku of Ozaki Hôsai
Translated with an introduction by Stephen Wolfe,
1977.

(trad fr. : d.py, 31/7/10)

« Windows » – La poésie de Hôsaï : folie ou mythe ? – S. Wolfe

31 juillet 2010

p.133/4 :

La poésie de Hôsaï : folie ou mythe ?

A quelqu’un qui n’est pas familier de la sorte d’existence que vécut Hôsaï, sa poésie peut apparaître comme vraiment bizarre. C’est une poésie qui n’est pas concernée par les mots. L’emphase est mise plutôt sur l’expérience. Avant de venir au Japon, j’ai souvent entendu des histoires de moines zen qui atteignaient l’illumination, le « satori » à travers un événement apparemment aussi trivial que le son de cailloux glissant dans une mare. Ce que j’échouais à réaliser c’était qu’avant de connaître ce satori, le moine avait pratiqué la méditation pendant quelques 27 années. Pour moi, la poésie de Hôsaï a cette sorte d’aura. Je ressens l’expérience d’un homme qui a pratiqué un entraînement ascétique spirituel sérieux, « shugyô », qui se manifeste dans sa poésie. Malgré la brièveté et la simplicité, « kanso », il y a souvent une pénétration au coeur des choses. Le langage de Hôsaï n’est pas littéraire, c’est un langage de la vie quotidienne, « kôgo », qui semble être ordinaire à première vue. En se penchant sur les centaines de poèmes que Hôsaï écrivit, on est souvent frappé par une qualité mythique. Quand une prostituée regarde un enfant attraper des grenouilles, on ressent la confrontation entre innocence et expérience.Quand Hôsaï nettoie une tombe puis s’évente, le lecteur prend conscience des cycles de la vie et de la mort. Des images de fenêtres, de portails, de tiroirs vides et d’ombres semblent contenir des attributs mythiques de la condition humaine. Souvent dans la poésie de Hôsaï, l’image est le message. Extraire les images efficaces de son environnement est un des devoirs du poète. Hôsaï en avait l’habileté.
J’espère que ces traductions convient un peu de la profondeur qui se trouve sous la surface de la vision de Hôsaï. Si certains de ses poèmes paraissent folie ou absurdités, la faute en incombe au traducteur. Si une occasionnelle épiphanie s’en vient briller, c’est une expression spirituelle de Hôsaï. »

Stephen Wolfe, Kyoto, Feb. 11, 1977.

« Windows » Le haïku de forme libre – S. Wolfe

30 juillet 2010

°

Le haïku de forme libre.

Le haïku de forme traditionnelle, « teikei haiku » a plusieurs caractéristiques qui définissent clairement le genre. D’abord, la forme se compose de trois parties divisées en syllabes de 5/7/5. Dans de rares cas, il y a une syllabe supplémentaire dans la premièreou la deuxième partie, qu’on appelle « jiamari ». On considère souvent comme une faute d’avoir à recourir à une tactique aussi indisciplinée.
La deuxième condition obligatoire pour avoir un haïku est la présence d’un « kigo », référence saisonnière qui localise le moment à l’intérieur du cadre universel de la nature. On trouve des milliers de mots de saison dans le Haikai Saijiki, oeuvre volumineuse divisée selon les saisons. Ce livre constitue traditionnellement le texte définitif pour déchiffrer quelle phase de quelle saison se trouve dans un haïku donné.
L’élément suivant d’un haïku traditionnel est le « kireji » qui sert à couper la ligne ou pour marquer le placement d’un sentiment ou d’un état d’esprit de respect (/ admiration) et d’accroître l’intensité du poème. Bien que pas obligatoire comme le 5/7/5 ou le kigo, le kireji est présent dans quelques uns des haïkus traditionnels les plus remarquables. Les kireji les plus courants sont « ya », « keri » et « kana ». « Ya » s’emploie le plus souvent au début comme dans l’immortel haïku de Bashô :

natsukusa ya tsuwamonodomo ga yume no ato

herbes d’été(ya)
restent
les rêves des guerriers

Ici le « ya » pose les herbes d’été comme étant l’image de base du poème et ce qui suit tourne autour de cette image ou de ce symbole. Un autre exemple, celui du plus traditionnel de tous les haïkus :

furuike ya kawazu tobikomu mizu no oto

vielle mare(ya)
une grenouille saute
le bruit de l’eau

Bashô, ici, présente la vieille mare en utilisant « ya » comme étant l’image centrale du poème. L’action subséquente se base sur l’existence de cette image initiale.
On peut voir l’utilisation de « keri » dans un autre haïku classique de Bashô :

kareeda ni karasu no tomarikeri aki no kure

sur une branche dénudée
un corbeau s’arrêta(keri)
crépuscule d’automne

Ici « keri » est employé pour rehausser le langage utilisé pour décrire un événement assez ordinaire. « keri » est un mot qui ne s’emploie que dans le « bungo », la langue littéraire. De plus il coupe la ligne, relevant l’impact de l’élément final « crépuscule d’automne ». En employant « keri », Bashô fait le lien entre les trois parties – la branche dénudée, le corbeau qui se pose et le crépuscule d’automne – en évitant l’usage embarrassant d’un trop grand nombre de prépositions. La dernière phrase suit les deux premières sans paraître être une explication.
Un autre exemple de « keri » en fin de verbe se trouve ici :

michinobe no mukuge wa uma ni kuwarekeri

la rose de Sharon au bord de la route
par mon cheval
mangée(keri)

Ici Bashô utilise « keri » dans la partie finale pour ajouter une touche dramatique.
L’emploi de « kana » est semblable à celui de « keri » sauf que « kana » suit un nom et se trouve presque exclusivement à la fin du haïku. Par exemple, dans le poème de Bashô :

umegaka ni notto hi no deru yamaji kana

à travers le soudain lever de soleil
de la fleur odorante du prunier,
un chemin de montagne (kana)

le « kana » conclusif ajoute une touche d’admiration et de surprise, ainsi qu’une touche littéraire. Il en va de même pour :

nan no ki no hana towa shirazu nioi kana

quelle fleur est-ce ?
je ne sais ;
parfum (kana)

Ici l’utilisation de « kana » ajoute un renforcement à la fin de ce haïku de Bashô et en même temps met l’emphase sur « parfum », raison d’être du poème.
Bien que « ya », « kana » et « keri » soient les kireji les plus souvent utilisés, il y en a beaucoup d’autres employés pour ajouter une touche littéraire et positionner l’émotion.
En termes de forme donc, les trois attributs les plus significatifs du haïku traditionnel sont le 5/7/5 avec une syllabe en plus, occasionnellement, le kigo – ou référence saisonnière – et les kireji qui ajoutent de l’émotion et donnent une tournure littéraire au poème. En termes de contenu, le haïku est généralement assimilé à la nature et à son flux, « setsugekka », littéralement « neige, lune et fleurs », mais étant porteurs du sens général de phénomènes naturels. Le haïku traditionnel tend à envisager la relation de l’homme à la nature, et sa perception de la nature.
Le haïku de forme libre oblitère complètement les règles du haïku. Il n’y a pas de forme fixe. Seisensui et Ippekirô avaient tendance à composer plus long qu’en 5/7/5. Santôka et Hôsaï optèrent pour la brièveté. On y emploie rarement les kireji et on les dédaigne en tant que reliques d’une sorte artificielle de poésie. Les kigos sont souvent ignorés et quand il y a un mot de saison, on l’utilise comme partie intégrante du poème plutôt que comme une condition pré-requise. Ippekirô, qui publia un magazine semi-radical dehaïkus appelé Kaiko, dit ceci de sa poésie :

Certaines personnes disent que c’est du haïku. D’autres disent que ce n’en est pas. Quant à moi, je me moque bien de ce que vous les appelez ! Mes poèmes, selon moi, ont un point de vue différent du haïku. En premier lieu, je me fiche entièrement du sentiment de la saison **

Ce point de vue est peut-être partagé en général par les poètes de la forme libre. Cependant, lors de plusieurs entretiens nécessaires pour ce travail, on me lança des regards courroucés quand j’utilisai l’expression « haïku de forme libre ». Le terme de « ichigyôshi », poème d’une ligne, semblait apaiser les traditionnalistes. Pour beaucoup de lettrés et de haïjins plus âgés, le haïku est le haïku, et c’est tout. Hôsaï et Santôka écrivaient des poèmes sans rapport avec le haïku.
L’éloignement des matériaux du haïku traditionnel eut tendance à élargir l’utilisation de procédés poétiques considérés comme tabous dans le haïku traditionnel. Shiki, dénonçant Bashô comme étant trop subjectif, soutenait ardemment la notion de Buson du « ari no mama », les choses telles qu’elles sont. Buson pensait que c’était le rôle de l’artiste de capter la réalité objective sans aucune interférence subjective. Buson mettait en pratique ce qu’il prêchait à la fois dans sa peinture et dans sa poésie.Selon cette école de pensée, Bashô violait la doctrine de base en apportant trop de sentiments personnels dans son oeuvre. En parcourant les oeuvres de haïjins tels que Buson, Shiki et Kyoshi, on réalise vite que le genre était en grande partie devenu « shasei », des sketches de scènes naturelles; l »objectivité, « kyakkansei » primait sur la subjectivité, « shukansei ».
Dans la poésie du mouvement de la forme libre, un retour marqué se fait sentir dans l’approche poétique. La subjectivité tient la corde. La vision interne du poète se mêle au monde extérieur pour créer une révolution dans le haïku. L’impressionnisme, « insho » et le symbolisme, « shôchô » deviennent partie intégrante de la poésie. La conscience du poète est la base de l’expression. Deux termes souvent associés au haïku de forme libre sont « jiko no naishin », le coeur ou le monde intérieur de chacun, et le haïku de la nature unique, originale de chacun : « dokuji no haiku ». Les mondes poétiques de Buson et de Hôsaï semblent appartenir à des galaxies différentes.
Seisensui utilisa le slogan suivant : « geijutsu yori geijutsu ijo e »,  » plutôt que l’art, au-delà de l’art ». Buson aurait grincé des dents à entendre cela !
Un autre aspect que l’on trouve dans le haïku de forme libre de Santôka et de Hôsaï est un profond sentiment religieux. La foi spirituelle de Hôsaï se manifeste souvent par des symboles tels qu’un enfant, la mer ou une feuille tombée. Souvent ses versapparemment simples ont la résonance de la profondeur de kôans zen. Quand il dit par exemple :

ratant la cible,
le clou est tordu

le lecteur sent peut-être que Hôsaï parle de la vie en général et de son approche d’elle. Il ne serait pas surprenant d’entendre un maître zen demandeer :
« Pourquoi le clou s’est-il tordu quand il n’a pas été frappé droit ? »
Un autre exemple de cette poésie semblable au kôan zen :

On dirait que les fourmis ne sortent plus de leur trou

Ici encore on pourrait demander : « Pourquoi ? »

L’ère Taishô et le haïku de forme libre
(à suivre… p.131/133)

« Windows » – Hôsaï et Santôka – S. Wolfe

30 juillet 2010

°

Santôka (1882-1940) fut un moine zen errant, connu sous le nom d' »unsui » (novice) et fut peut-être le créateur le plus célèbre du haïku de forme libre. Au début de la quarantaine, il endossa la prêtrise bouddhiste dans un essai de changer sa vie de buveur invétéré. Avec son chapeau de bambou, « kasa », son bol de mendiant, « teppatsu » et sa soutane de moine, « hoe », il parcourut le Japon en suivant la Voie bouddhiste et en écrivant de la poésie.
Comme pour Hôsaï, la vie de Santôka se tint à l’écart du monde quotidien, « inton ». L’oeuvre de ces deux poètes reflète un monde d’ascétisme tempéré par une sensibilité exacerbée, toujours en recherche. Les matériaux de la poésie de Santôka ne sont pas aussi variés que ceux de Hôsaï. Les thèmes principaux de Santôka sont exposés et surexposés : l’errance, la vie en plein air, la mendicité, la nostalgie du retour et la beauté de la nature étant les plus communs. Les matériaux de Hôsaï ne se limitent pas à des idées fixes et récurrentes, bien que les images d’enfants, de vitres et d’ombres surfacent de temps à autre. En fait, ses thèmes sont si variés qu’on le critique parfois d’utiliser des images non-poétiques. Dans la sélection des poèmes de Hôsaï qui suit, on pourra constater ce large assortiment de matières.
On n’est pas certains que Hôsaï et Santôka se soient rencontrés, mais il est avéré qu’ils lurent réciproquement leurs poésies dans le magazine de Seisensui, Sôun. Il paraît clair qu’ils s’influencèrent l’un l’autre et que parfois ils dialoguèrent à travers leur poésie. Au poème de Hôsaï :

un corbeau s’envola en silence

répond celui de Santôka :

un corbeau croasse ; / moi aussi je suis seul

Un autre poème connu de Hôsaï :

une libellule s’arrête / sur mon bureau solitaire

semble faire écho à celui de Santôka :

une libellule s’arrête / sur mon chapeau de bambou ; / je continue de marcher

Voici quelques exemples supplémentaires montrant les inter-relations entre ces deux poètes :

le bruit des gouttes de pluie
lui aussi
a vieilli

: Santôka.

prenant longtemps pour arriver –
le bruit des gouttes de pluie

: Hôsaï.

regardant la lune
tomber
seul

: Santôka.

une lune si claire !
la regardant seul
puis m’endormant

: Hôsaï.

les vagues passent
par-dessus les rangées de tombes

Santôka.

pins éclairés par le soleil
une rangée de tombes dans le sable

: Hôsaï.

étant ici maintenant
comme la mer bleue sans limites

: Santôka.

introspection –
relâchant tout dans la mer

: Hôsaï.

Hôsaï et Santôka n’étaient tous deux pas concernés par les théories poétiques et leurs vers ne sont pas très fleuris, ils manquent plutôt d’un excédent de bagage.
Parce que tous deux vécurent des vies solitaires, un sentiment de profonde solitude, « sabishisa », émane de leur poésie. Bien que Hôsaï ne fût pas moine zen comme Santôka, certaines idées bouddhistes transparaissent dans son oeuvre. Une notion bouddhiste que l’on peut détecter dans la poésie des deux poètes est celle de se débarrasser des possessions et des illusions inutiles, « gedatsu ». Le poème de Hôsaï :

me débarrassant de mon désir de nuire à autrui,
j’écosse des pois

montre le concept bouddhiste de rejeter ses tendances égotistes et de ses désirs les plus bas. Santôka touche à la phase matérielle de cette notion quand il écrit :

rejetant une épaisseur
je me prépare pour
le voyage suivant

Le mot-clé des deux poèmes est « suteru », rejeter, s’affranchir, abandonner, etc. De fait, tous deux mettaient en oeuvre cette pensée à travers leurs structures poétiques dépouillées, abandonnant les éléments traditionnels du haïku.
On ne peut pas séparer les vies de Hôsaï et de Santôka de leur poésie. Comme dans le cas de Bashô, poésie et vie sont intimement mêlées. Leurs poèmes sont les journaux de leurs vies passées dans la quête de buts spirituels. On ne peut imaginer aucun d’eux discuter de leurs derniers exploits poétiques ni de leurs futurs projets d’écriture.
Ce n’est que depuis la deuxième guerre mondiale que Santôka a acquis approbation et notoriété. Avant la guerre il était virtuellement inconnu. Hôsaï reste relativement inconnu même jusqu’à ce jour. Cependant, parmi les poètes et ceux que le haïku intéressait, la poésie de Hôsaï eut de l’influence à l’époque où elle fut composée. Yamamoto Goro, par exemple, poète kyotoïte septuagénaire, se souvient de l’impact de la poésie expérimentale de Hôsaï au moment où elle parut dans la revue Sôun. On a probablement trop associé Santoka avec l’alcool et l’anarchie pour en faire une figure littéraire d’importance.
En tout cas, Santôka et Hôsaï furent les deux principales figures de ce qui est connu aujourd’hui sous le nom de l’école de haïku de forme libre, « jiyûritsu haiku ».

Le Haiku de forme libre
(p.126/131)

(à suivre…)

°

 » Windows  » – Seisensui et Hôsaï – Stephen Wolfe

30 juillet 2010

Seisensui et Hôsaï

Pour comprendre entièrement la poésie de Hôsaï, il est essentiel de savoir quelque chose du poète qui l’influença grandement : Ogiwara Seisensui (1884-1976). Le disciple novateur de Shiki, Hekigodô, fut le professeur de Seisensui.
C’est Hekigodô qui le premier rompit avec la voie du haïku selon Buson et institutionnalisa les changements qui seront discutés en détail dans la section traitant du haïku de forme libre.En 1911, Seisensui commença la publication d’une revue de haïkus nommée Sôun. C’était un journal révolutionnaire qui publia nombre des versets expérimentaux de Hôsaï.
En 1912, première année de l’ère Taishô, Seisensui se sépara de Hekigodô à cause de la question des  » kidai « , les références saisonnières. Seisensui croyait que les  » kidai « , appelés parfois  » kigo  » n’étaient pas nécessaires à la composition des haïkus. Hekigodô n’était pas prêt à accepter cette position, et ceci résulta en leur séparation.
Seisensui était un écrivain prolifique de critique littéraire, de théorie poétique et de nouvelle orientation du haïku. Cependant on considère que ses critiques et ses théories ont plus d’importance que sa poésie. En tant qu’éditeur de Sôun, il ouvrit un nouveau monde de haïku expérimental qui se propagea rapidement durant l’ère Taishô au Japon.
La vie de Seisensui, contrairement à celle de Hôsaï fut confortable et stable. Sa poésie est d’un contenu relativement traditionnel et manque de la force nécessaire pour nourrir ou justifier le changement radical de la forme. Cependant l’influence de Seisensui à propos de la forme se combina avec les intenses visions poétiques de deux poètes : Ozaki Hôsaï et Taneda Santoka

Stephen Wolfe

…/…

Hôsaï et Santoka

(next).

 » Windows  » – La vie d’Ozaki Hôsaï – Stephen Wolfe

30 juillet 2010

p.120

La vie d’Ozaki Hôsaï

Encore plus que sa poésie, la vie d’Ozaki Hôsaï fut d’une grande intensité. Né en 1885, il mourut 42 ans plus tard, en 1926. Après avoir obtenu ses diplômes universitaires de l’Université de Tokyo, la première université du Japon, il commença à travailler pour une compagnie d’assurances-vie et gravit progressivement les degrés hiérarchiques de la compagnie jusqu’au jour où il décida de tout quitter – travail, famille, vie normale – en quête d’illumination.
Son premier essai pour obtenir la profondeur spirituelle date de 1923 quand il entra dans la nouvelle religion d’alors, appelée Ittôen, une secte sévère située à Yamashina, dans les alentours de Kyoto.
Pendant mes recherches pour cette étude, j’allai visiter la communauté Ittôen pour essayer d’obtenir des informations sur la vie que Hôsaï y avait menée. Personne ne connaissait quoi que ce soit à propos de son séjour là-bas, mais je trouvai de quoi se composait la vie des premiers membres de la secte. Ils vécurent une vie de mendicité religieuse,  » takuhatsu « , qui était plus stricte que celle de la plupart des moines bouddhistes.
L’habitude des moines bouddhistes errants était de présenter leurs bols,  » teppatsu  » dans l’espoir de dons. Dans la religion Ittôen, il fallait accomplir des tâches subalternes telles que nettoyer les toilettes avant d’avoir le droit de recevoir quoi que ce soit. Il n’était pas rare de se priver de nourriture pendant une journée. Les poèmes de cette époque montrent les signes des changements initiaux du haïku traditionnel vers le style libre des haïkus de Hôsaï.
En 1924 Hôsaï quitta Ittôen pour Sumadera, un temple à l’extérieur de Kobe. Bientôt ensuite il parcourut la Corée et la Mandchourie,, écrivant de la poésie qui reflétait ses pérégrinations d’ascète.
En1925 il atteignit Shôdoshima, une île de la mer intérieure, et vécut une vie isolée, ascétique, dans une cahute. C’est là qu’il passa la dernière année de sa vie avant de mourir entre les bras de quelques pêcheurs. *
Les poèmes écrits sur Shôdoshima étaient brefs et directs et sont peut-être ses plus pénétrants.

* R.H. Blyth, A History of Haiku, vol II, (Tokyo, Hokuseido Press, 1964). p. 158.

…/…

Boucherville (QC) (5) – juillet 2010 – Py

29 juillet 2010

201)

un corbeau ponctue l’air
dans un sens
dans l’autre

une goutte de chaleur
claque

(Université Laval, Québec, 20/21-7-10)

202)

tout à coup
la couleur bouge
– vite –
basculant dans son bol

203)

reçu comme un prince
à l’assemblée québécoise
des haïkistes :
treize à table !

204)

de chaque côté
de son assiette :
un crayon,
un stylo

205)

cette cloche – d’Hiroshima – m’a frappé (!)
par sa forme, son poids,
par son silence
presque éternel

(cf 14/7/10, Jardin Botanique, pavillon japonais, Montréal)

206)

 » Le soir tombe bien  »

207)

ce matin
pas de chiens à promener :
Québec

208)

sur la pelouse
des oiseaux
s’entraînent au chant

209)

grand-père à la pêche
mordant les plombs
autour du fil

210)

vue aérienne :
les nuages gommant
les méandres du fleuve

211)

(Kyôbun aux violons:)

violemment seins
elle passe devant le restaurant
 » Violons  »

Les mots tombent le plus directement possible
dans le cerveau
sur le papier.

212)

une danseuse …
de toutes ses grandisseuses …

213)

Alors, que fait l’orage ?
: la piscine attend !

214)

Dans le haïku,
dire le moi,
c’est cacher la forêt
avec sa poutre !

215)

le bras en écharde

216)

allongé
sur la couverture
avec
les poils du chien

217)

patinage –
sous la couche de glace :
le chat mort

(d’après Nelly Arcan (1975-2009), in Putain, Le Point/Seuil n° 1020, 2001, p.171.)

218)

le livre prêté :
l’odeur de sa maison

2189)

(to) be / write
as free(ly) as possible
(in (your) writing
poetry / haiku ? / …)

Etre / Ecrire
aussi libre(ment)
que possible

219)

pelouse :
à la cueillette
des crottes

lawn :
picking up
dogs’ droppings

219 b)

pelle
et sacoche :
les crottes de chiens

220)

une traînée de tonnerre
de part en part
découd le ciel

221)

éclair :
la fente au milieu du rideau ;
tonnerre
et gouttes

221 b)

l’éclair
écarte le rideau

l’espace
tombe

221 c)

orage persistant –
les gouttes
s’égrènent

221 d)

les canons se succèdent
les chant de la pluie

221 e)

l’orage persistant ,
il range son sexe

222)

Québec :
la musique des dalles
sous les roues
de la valise

223)

dansunenarine

inanostril

224)

pisser
àlalueurbleuedelabrosseàdents

to piss
in thetoothbrushesbluelight

225)

chaque chant d’oiseau
défie les mots
– écoute !

226)

ronfler –
se tenir compagnie

227)

quatuor de flûtes
légèrement désaccordé
ce train au large

228)

le haïku :
plus de noir ou
plus de blanc ?

un yo-yo
tao ?

229)

Pour
un haïku-vérité,
pas un haïku
enjol(iv)eur !

230)

au bord de la falaise des mots,
brouillard

231)

survol stationnaire —
la tondeuse à gazon
enfin disparue

232)

L’art du haïkiste est
d’établir un lien
entre le premier et le dernier mot
de son poème,

de bander l’arc !

233)

sur le tapuscrit
l’encre rouge d’un correcteur –
confiture de fraise
confiture de framboise

234)

le chant de l’oiseau
rebondit
dans sa gorge

235)

 » une rivière de rêves  »

236)

balance
d’un geste
auguste
les journaux
sur le perron

237)

apprenant à mettre son bras
en écharpe –
ventilateur

238)

le poème (le haïku)
entre anecdote (/ personnel / éphémère)
et éternel (/ objectif / universel)

239)

Elargir le(s) sens du haïku) donc
Flouter le(s) sujet(s).
Le participe présent permet souvent cela.

240)

le soleil
à moitié dans l’eau
de la piscine

/

mi-ombre
mi-soleil
la piscine ce matin

241)

(haïku au futur ? :)

piaillements dans l’après-midi
bientôt la tondeuse

242)

Elargir le haïku
à peu de mots…

243)

deux situations, objets, images, mots
qui se « catapultent » :
étincelle-haïku

244)

quelquefois le haïjin
joue à cache-cache
avec son (éventuel) lecteur

245)

face à la piscine
regarder les bleus

246)

elle tond son gazon
je parcours son tapuscrit

247)

(interviews ?)

Ils
apportèrent
des réponses
de pierre

pour pouvoir
rester
au fond
de la mare

248)

sur l’écorce du jour
les premiers oiseaux

(le cardinal
cogne
à la porte ?)

249)

sirène allongée au loin
– beaucoup de choses à dire ?

250)

dans la gamelle des chiens
eau
et glaçons

251)

légèrement bancal
le fauteuil se balance

252)

laissé seul sur la terrasse
les livres
le soleil

253)

les cigales
en crescendo – decrescendo
près des fils électriques

254)

la bouche de la piscine
libère
une bulle

255)

ventilateur –
un mouchoir en papier bouge

256)

ventilateur –
les côtes du chien

257)

 » la vieillesse  »
émeut les haïkistes :
leur miroir ?

258)

une bière –
aussitôt pisser

259)

le sifflet du train
pointille le paysage

/

tiret sonore le train traverse la page

260)

Ecrire
c’est donner voix
au sans-mot

261)

ce qui me lasse dans le tanka :
toujours (d)écrire
son nombril

/

Sonnez hautbois,
résonnez musettes !

Sortez mouchoirs,
faites pleurer mirettes !

262)

ses longues jambes
m’aident à monter la pente
– downtown Montréal

(- Montréal centre-ville)

her long legs
help me climb the slope
– downtown Montreal

263)

le toit blanc
de l’église catholique chinoise
– ciel gris de Montréal

264)

comme un poisson dans l’U ?

265)

le bleu déjà là
qu’attendent les oiseaux ?
(- samedi matin)

266)

lampions éteints
le jour mûrit

267)

sur l’enveloppe
du bonbon jaune
un poil du chien blond

265 b)

ce matin muet
et bientôt le gris tout pâle
– grève des oiseaux ?

265 c)

: le jour a grandi
sans le bec des oiseaux

– l’épaule touchée …

266)

d’un bord à l’autre
la rivière du haïku
à traverser

265 d)

Ah, les oiseaux !
le blanc déjà venu,
piaillant six heures

265 e)

le jour grandit
sous le bec des oiseaux

267)

soudain elle me fit
volte-fesse

265 f)

un collier de piaillements
autour
du jour

268)

ses pigeons
toujours prêts à s’envoler

je les retenait dans mes mains
pour y croire …

269)

parlerêve

270)

le sifflet du train de 6 heures 30
ceinture l’horizon

270 b)

le sifflet du train
a fait le tour
de sa ligne

(- decrescendo aboli)

270 c)

le train
a sifflé
sa ligne
tchouk tchouk vapeur
– à toute !

271)

tant qu’à
étaler votre je,
faites du
tanka !

271 b)

le haïku, c’est l’envers du je !

271 c)

le haïku, c’est la fusion
objet-sujet …

272)

dernier jour :
l’air un peu penché
de la valise

273)

un oiseau
roue de vélo rouillée

274)

l’avion qui passe
le ventilateur

275)

le feu d’artifice
les gouttes de pluie

(- Longueuil)

276)

fouillant dans le nez ligne de haïku

277)

en Horizona …

278)

he walked
a half-
smile

(d’après J. Martone, Cells)

279)

her
see-through
wedding
dress

their
worn-out
marriage

(d’après J. Martone)

280)

perdant sa poudre
le papillon
contre la lampe

(Reims, Nov. 200?)

281)

lisant
les haïkus d’Hosaï :
sachant que je ne suis pas seul.

281 b)

sautant l’espace
sautant le temps :
flammes-haïku
de la Saint-Elme !

281 c)

Faire qu’on ne puisse pas
écrire plus simple

272 b)

la chambre
retrouve ses formes :
départ demain

272 c)

la chambre
s’agrandit peu à peu :
départ demain

282)

ce soir
au restaurant :
un couple
faisant envie

283)

sculpter le poème
jusqu’à la forme
idéale

284)

feuille de buvard :
toutes ces lignes à l’envers !

(cf : Hôsaï :  » Le buvard n’assèche plus « )

285)

ta main
veut attraper
un rayon de soleil

286)

sur le bureau
un crayon de soleil

(à Danièle Duteil, de loin -)

287)

métaphore
où j’pense !

288)

la première pente
du dernier jour
– n(o)euf

289)

oiseau
premier baiser
du jour

290)

restaurant :
les yeux en neige …
les ailes flottantes …?

291)

au mieux, dans le haïku :
un seul élément.

292)

deux chaises
de chaque côté
d’un bouquet rouge

– jour de départ

293)

un dernier écureuil
(qui) traverse
le fil électrique

294)

tu cherches les mots te cherchent

295)

dernier cadeau :
une feuille d’érable
pour mon carnet …

296)

Bar dans l’aéroport
elle entame
un pavé

(The girl with a dragon tattoo de Stieg Larsson)

297)

embrassant l’homme
avec qui elle a pris
une bière

(cf :Masajo Suzuki…)

298)

nombreux échantillons humains
– take your pick ! –
: aéroport

299)

femmes éplorées – aéroport

300)

aéroport –
le juif
devant le mur
des toilettes

301)

Bye bye Montreal
pleine lune sur le Saint-Laurent
pleine lune sur l’aile de l’avion

302)

Décalage horaire ? :

3 heures du matin –
ma voisine encore
devant sa télé

°°°

daniel, Paris-Montréal-Paris, du 3 au 26/7/2010.

Boucherville (QC) 4) – juillet 2010 – Py

29 juillet 2010

124)

Tanka court aux carpes :

dans l’étang aux carpes,
de ces fleurs aquatiques,
la dorée :
ma préférée !

125)

Haïbun au rideau :

Il s’agit moins de voir
des choses extraordinaires
que de voir extraordinairement
les choses

rideau,
le jour bouge.

126)

bras en croix –
un clou dans le dos

127)

seul sur la terrasse :
le vent
les feuilles

128)

sur son gazon
ramassant
ses crottes de chiens

129)

invalide
de verre la bière
renverse
sur la nappe

129 b)

les bulles de la bière
montent
la douleur descend
dans le bras

130)

(tanka à la professeure de musique :)

A onze ans :
amoureux
fou
de ma professeure de musique
toujours absente
toujours enceinte

131)

milieu de la pelouse
au soleil
soudain
le chien
aboie

132)

une araignée
nettoie
son rétroviseur ?

133)

seuls au monde
sous une pluie battante
deux amoureux s’embrassent

134)

les tambours
des Arashi Daiko *
sous une pluie battante

* : « tempête de tambours » : taïkoïstes Japon-Québec, Longueuil, 16/7/10)

135)

deux larmes tombent
sur les épaules de ma femme
qui vient d’accoucher

(Pithiviers, 45; 28/7/83)

136)

il est minuit
la sueur sur son corps
qui va au lit

137)

rumeurs :
l’entonnoir de la ville
par la fenêtre

138)

c’était beau,
un rêve poussait
un nuage…

139)

restaurant :
regardant les tables alentour
ornées de femmes

140)

((Two seasons / Deux saisons :))

a leaf falls
enjoy the deer

and the long prophecy
of the white

une feuille tombe
appréciez le cerf

et la longue prophétie
du blanc

141)

(chanson :)

1er couplet :

tant de maris
tant de marins…

2ème couplet :

tant de mains
tant de marins…

142)

ce matin
le soleil sur le carnet
vient sculpter les mots

143)

le soleil brille :
les mots recommencent à courir

144)

un avion passe au loin –
les mots sur le papier

145)

– Ah, chéri,
une grosse araignée !

146)

le  » haïku-vérité  » :

un haïku qui ne gâche,
qui ne mâche pas
ses mots

147)

Voyant un point sur la page.
Ne l’écrasant pas.

148)

 » Les écureuils sur l’autoroute  »
dit Micheline : je vois un écureuil
le long du fil électrique

149)

( » un oiseau siffle / je perds mon nom « ) :

je
disparaît
dans le bec de l’oiseau

/

je disparaît dans le bec de l’oiseau

150)

A Longueuil,
une rue
de Maricourt

151)

6 ou 12 (syllabes) =
l’unité de base
du haïku français ?

/

le haïku français :
son flirt avec l’alexandrin –

: vers un haïku alexandrin ?

152)

en forme de bite
l’os (du chien) en plastique
rongé

153)

l’orage approche –
grognement du chien

154)

(sieste :)

une non-mouche
sur mon doigt
une non-bague

155)

l’orage crève –
il s’assoupit

156)

Ainsi entraîne-t-on les lévriers :
chats devant !

157)

vagues de vent
dans les feuillages
l’orage

158)

paquets de pluie
bien délivrés
: facteur-orage

159)

dans les tuyaux
de mes narines
l’odeur de l’orage

160)

(« tanku » = tanka court :)

la pluie qui tombe –
les femmes qui se sont éloignées !…

161)

orage –
le monde de plus en plus fort
– dormir

162)

(taille-crayons :)

le souci
des sourcils
dessinés

163)

l’orage a laissé
la chaleur enfermée
dans la maison

165)

orage
la première fleur d’hibiscus
cassée

165 b)

au milieu de la table
la fleur d’hibiscus
cassée par l’orage

166)

samares
et coccinelle
sauvée des eaux
de la piscine

167)

début de soirée
le couple âgé
apprécie
sa piscine

168)

quelquefois un haïku
semble
frapper  » juste  » *

sometimes a haiku
seems to hit
the  » right  » spot

* : a atteint la cible : le centre de l’o ?

169)

juillet –
une petite feuille d’érable
sur le parquet du patio

170)

 » La grenouille de Bashô
a une épaule verte !  »
dit Micheline
de la piscine

171)

sur la terrasse accueillir
les premières gouttes
de la pluie du soir

172)

5/7/5 :
l’ancienne coquille
du haïku !

173)

(matin -)

coin de mur animé :
le rideau, la fenêtre
brouillés de feuilles

174)

hérons (en vol), carouges, monarques :
une berge du Saint-Laurent

175)

bleuets
disparus
de mon enfance …

176)

le fleuve change :
au retour
d’autres personnages
posés autrement

177)

ma vie c’est les mots qu’il en reste…

178)

grand plouf :
gros voisin
dans sa piscine

179)

insecte se balançant
d’un côté
de l’autre
sur ses pattes immobiles
avant de sauter
loin devant

/

un insecte sauteur
me fait calligraphier
le mot  » haïku  »

180)

reste une roue
du vélo
au poteau

(Montréal)

181)

ça grince sur un parquet –
( sous-sol d’été )

182)

un très long train qui se mettrait à passer –
la pluie qui se met à tomber

183)

(matin :)

une goutte
plus forte qu’une autre
réveille la grenouille en moi ?

184)

Y
la pluie tombe en entonnoir
goutte le long de la branche
drip drip

185)

lirécrire c’est souvent toutun

186)

chacun forant sa galerie

jusqu’à ce que le château
s’écroule ?

187)

après l’amour
il retire
sa deuxième chaussette

188)

things here,
at the same time as us :
haiku

les choses, ici,
en même temps que nous :
haïku !

189)

je m’allonge
et là je lis
: la jolie phrase !

(à Eulalie)

190)

un pied en coulisse …

191)

le vieux chien
du vieux couple …

192)

plusieurs espèces se partagent
les branches du matin :
fruits sonores

193)

inséparable,
comme un stylo
de sa capuche

(des fois qu’il pleuvrait des mots !…)

194)

quelquefois je lis
des tercets
et aussitôt m’écrie/s :
ceci n’est pas du haïku,
retournez l’école !

195)

Aylmer : prononcez  » elle meurt !  »

196)

dans les lampions rouges
le jour resplendit

– grappes de fruits
d’un chant d’oiseau

197)

secouer ta phrase
pour en faire tomber
les mots inutiles

198)

entre le jour
et les yeux clos
des pépiements d’oiseaux

199)

piscine
une bulle
 » parle  »

/

l’air
gobe
une bulle
d’eau

200)

(kyôbun aux laveurs de carreaux :)

2 window cleaners
the sky half-cloudy

deux laveurs de carreaux –
le ciel mi-couvert

Dans le haïku il y a deux bords. Ce qui se passe entre ces deux bords, c’est le haïku.

…/…

Boucherville (QC) 3) juillet 10 – Py

28 juillet 2010

69)

un coq
six grues

70)

le ciel gris –
il prend son cachet

71)

sur le fil électrique
un écureuil passe
– coupure

72)

dans le haïku,
on évite la rimette !

73)

 » grand parleux
petit faiseux !  »

74)

un oiseau
passe en poussant
son chant
devant

75)

sur la ligne électrique
deux oiseaux en amour
– coupure

76)

rayon de soleil –
l’accodéon à une corde
de l’araignée

/

un rayon d’araignée…

77)

mère, à 90 ans
me souhaite
bon anniversaire –
elle dit :
je me souviens
de toutes mes naissances

78)

l’odeur du chien
tourne dans le couloir

79)

fatigue –
l’ombre des arbres
passe sur ses yeux

/

fatigue –
les feuilles des arbres
sur ses yeux

80) Deux haïkus papaux :

a)

Ô, pédophilie
chérie ! de pape en pape
si bien couverte !

b)

 » pine  » et  » bite  » et  » gosse  »
égal un  » haïku papal  »
franco-québécois

81)

sur le pont
de l’étang aux carpes,
une Japonaise
en parapluie

82)

le haïku,
dans son plus simple appareil…

N’en déplaise aux gendarmes du haïku (francophone) :
moins de mots,
plus d’effet(s) !

83)

14 juillet
les feux d’artifice
de leurs rires

(à Micheline, Janick, Diane, Anne-Marie)

July 14th
the fireworks
of their laughs

84)

Ils ne vont pas
au zoo, non,
ils vont au Nô !

85)

au tout petit matin
ouvrir les fenêtres
pour accueillir
les chants d’oiseaux

/

nouvelles du petit jour :
ouvrir la fenêtre
aux oiseaux

/

il reçoit
son courrier
par la fenêtre
de l’aube

85)

matin noir
sous la dernière étoile
le premier chant d’oiseau

86)

un oiseau tape
à la porte du jour

87)

dans le bec
de l’oiseau
mes mots

/

du bec
de l’oiseau
mes mots

88)

trois vers
(courts)
(balancés)
pour voguer
vers le large
du haïku

89)

dès que je conjugue, je sors
du haïku

90)

il se rendort
bercé par la voix de l’oiseau
matutinal

91)

elle est trop longue
à supporter,
toute cette
éternité

92)

(petite histoire) :

Après avoir tout essayé
pour nous séparer,

ils ont tenté
de nous  » marier  » !

Sachez :

anna et moi
formons un
haïcouple !

93)

du panier (rond)
du chat
une patte
déborde

94)

dans l’autre toilette
(du bas) de la maison
mes couilles aussi
prennent
l’eau

95)

dis-moi
penses-tu faire froid
au fond de la lune
?

96)

Il se pince
de littérature,
ce crabe…

97)

(L.M.)

leurs premiers adieux :
deux oiseaux
qui se gênent
des ailes…

98)

B
comme
O

/

à
bec
homo ?

99)

mon fils fait ses études de gauche !

100)

dans les toilettes
en haut
en bas
mes couilles
touchent l’o

101)

souliers haïclous

/

je planche
sur les haïclous !

102)

(juste) le souffle
de sa narine
émeut la page
de son carnet

103)

haïcourbe
haïfourbe (ex : le haïku papal)
haïtourbe
=
haïterre

104)

une fourmi vient
traverser une page
des haïkus
de Yamaguchi Seishi (1901- )
et s’en retourne

105)

il met de l’eau
dans son haïvin,
l’homme aux vestes si aisément réversibles !…

106)

peu à peu
nous montons les pentes
du Fuji – haïku –

Ne soyons pas pressés,
nous arriverons
jusqu’où nous pourrons,

fourmis, grenouilles, and the likes !

104 b)

accompagnant
ma lecture de
Yamaguchi Seishi,
une fourmi

107

frottant un sein sur mon bras se retire

pushing a breast against my arm withdraws

frottant la pomme de son sein contre mon bras – pas faim

108)

un nuage blanc
avance son ventre
sur le fil électrique –

deux insectes
s’entretuent
sur la table

109)

aiguilles noires
nuit blanche

110)

une fourmi
traverse mon pied
– sieste à mi-juillet

111)

j’ai l’impression que je ronfle
nuage blanc sur l’après-midi

112)

sueur sur l’aile du nez –
l’eau de la piscine…

113)

ne publier qu’excellent

114)

retenir les mots –
: ne faire émerger
que les sommets

115)

Etre :
Exemplaire (:?).

116)

not pretending –
la glace me renvoie
la fenêtre

117)

se raser
pour le vernissage ?

118)

le clignotant de la voiture
rythme
un menuet de Mozart

119)

canicule –
dans la poubelle
un ventilateur

120)

oisif :
compter
les feuilles
de l’arbre

121)

(Humeur :)

Ils mettent n’importe quoi dans un moule-haïku,
et le baptisent haïku !

Le danger de 5/7/5 :
prendre le moule pour le gâteau

122)

la marguerite
se laisse daisy-rer ;

jeune matin
un corbeau
chante

123)

pesante,
silencieuse,
la cloche d’Hiroshima *

* cloche offerte par la ville d’Hiroshima à celle de Montréal. (Pavillon japonais, jardin botanique de Montréal, le 14/7/10)

…/…

Boucherville (QC) 2) – juillet 2010 – Py

28 juillet 2010

C) Boucherville

1)

sur le pont Champlain
enjambant l’Ontario
un singe ?
écrasé

on Champlain bridge
crossing over the Ontario
a monkey ?
run-over

2)

dans le bus
elle dort –
elle a des ronds partout

3)

(Portrait Greyhound 2))

à travers le tissu
de sa robe
– il fait chaud –
je crois voir
le tip
de son tit

le bout de son singe…

4)

sur un papier-haïga
bruit d’un tonnerre lointain

5)

bien des années plus tard
savoir écrire
ce haïku

6)

sur le siège des toilettes
ce matin
ma couille prend l’eau

7)

cardinal
cet oiseau
qui te siffle ?

8)

plus il est nu
plus l’arbre-haïku
produit !

9)

matin du onze –
un arbre cligne de l’ombre
sur le parquet

10)

les vagues d’un klaxon
venant de loin –
chirps of birds *

* pépiements d’oiseaux

11)

Écrire
ce qui n’a jamais été
lu

11 b)

creuser
sans cesse
la terre
de l’écrire

11 c)

avec nos mots
forant
le blanc

11 d)

déchiffreurs
de l’encore non-lisible

11 e)

accoucheurs d’aubes

11 f)

les mots
pour sculpter
le blanc

12)

dans le bois tendre amour
dans la pierre dure toujours

12 b)

a coffin of words *

* un cercueil de mots

13)

me prendre au sérieux
– quel ennui !

14)

un des buts
du haïjin * :
provoquer
la joie
((du lecteur))

* = faiseur de haïkus

15)

ce matin
le cardinal
a sifflé –
la fin
de la Coupe *

* du Monde de football, R.S.A.

16)

le haïjin
tend un pont
que franchit le lecteur

17)

allongé sur juillet
l’air frais du ventilateur
balaye mes couilles

18)

l’air de la nuit
par la fenêtre ouverte
vient
insensiblement
lécher notre peau

19)

(fragment – 12/7 :)

Le rire
est le propre
du chien

20)

une télé, décervelle ?

21)

le haïku c’est
Voir l’instant.

22)

des oiseaux
se partagent
le ciel

(…)

23)

croassements de corbeaux –
le dessin d’une oreille

24)

Toujours remonter à la source (du haïku)
pour en connaître le sens, l’esprit –

Moins être original
qu’originel !

24 a)

La source c’est l’instant présent

25)

Aylmer,
un océan de haïkus,
un virage d’écriture…

26)

s’endorgémir

27)

le nuage s’approche de la montagne – –
rivière Richelieu

(Beloeil)

28 )

une araignée
fait la poubelle
vide

29)

sur la page :
un fil d’encre
un cheveu

30)

la tondeuse passe
avec son bruit
derrière ma fenêtre
ça sent

30 b)

le moteur
de la tondeuse
s’arrête sous ma fenêtre
– chaleur

30 c)

la tondeuse
à gazon
n’a pas coupé
la chaleur

the lawn-mower
did not mow
the heat

30 d)

d’un côté la tondeuse,
de l’autre l’herbe
qui s’agite

31)

le chat
sur la radio
-chaleur

32)

avant l’orage
les voisins
sortent
dans leurs jardins

32 b)

plus vive
la couleur des fleurs
avant l’orage

32 c)

l’arc-en-ciel
traversé par un éclair ;
la pluie dans la piscine

32 d)

il pleut dans la piscine
– tonnerre de Boucherville !

32 e)

pour recevoir la pluie
dans les oreilles :
ouvrir les fenêtres

32 f)

la fraîcheur de la pluie
sur ma peau
– fenêtre poussée

33)

à la fenêtre qui bleuit,
l’astre de la lampe

33 b)

les mots
s’agglutinent
autour de la lampe

34)

après-demain :
l’anniversaire de ma pomme !

(clin d’œil à Machi Tawara, pour : L’Anniversaire de la salade, recueil de tankas.)

34 b)

Machi Tawara :
c’est déjà le premier vers
d’un tanka !

33 c)

nuit noire à la fenêtre
l’encre (des haïkus) court
sur les carnets

35)

Si un haïku n’est pas sensuel,
qu’est-il ?

36)

veillée :
les mots,
le bruit du ventilo-

37)

le pipi
dans la lunette
module son chant
– peu pressé

38)

tango :
la résille danse –

39)

(tanku :)

je noircis
le papier
– et mes cheveux ?

40)

jour libre :
que des haïkus

41)

réveil
le café
s’infiltre
dans ma
narine

42)

il sort
de la
salle de bain
ça sent
le chien

43)

fin de matinée :
quelques diamants
sur les feuilles du lilas

44)

arrachant des herbes –
sa bretelle

44 b)

arrachant des herbes
l’odeur de l’humus
monte quelques marches

45)

deux mouches
sur deux versets voisins
d’un renga *

* composition de haïku faite à deux (ou plusieurs poètes)

45 b)

certains,
du premier jet ;

moi, je suis un peine-à-écrire

45 c)

Désintéressons-nous des mots !
Explorons l’espace alentour !

45 d)

les mots émergent
quand l’encre
baisse

46)

elle faillit renverser
la tarte Tatin

47)

le voisin
scie son arbre
au jardin :
déjeuner reporté

47 b)

haut débit des branches
sur l’avenue

48)

mouettes
au-dessus du déjeuner –
une fourmi
descend du parasol

49)

rideau
sur l’après-midi
la pluie

50)

chaleur
l’odeur
du poil de chien

51)

s’endormant
le carnet
replie
ses ailes

52)

bulles pulsées
dans la piscine
pas de grenouilles

53)

un merle américain
sur le fil électrique
Boucherville, Québec

54)

sur le fil électrique
des gouttes de pluie
silencieuses

55)

haïku :
écrire
le moins possible

56)

au-dessus du hamac
les lampions rouges
se balancent

57)

Ah, les maisons de poètes !
: dans tous les coins
des trésors…

58)

ce soir
regardant le ciel
je me demande si la lune …

59)

vaincu par le sommeil,
le livre lui sursaute
des mains …

60)

le haïku est
une décomposition
poétique

61)

deux maisons de haïkistes québécois :
une odeur de tabac
une senteur de chien

62)

carnet ouvert
la nuit se pose

63)

l’appel du cardinal :
Bleuir

64)

(kyôka ?)

le célèbre sourire
du président

sortant

pisser ?

65)

dans la casserole
des grains tombent
esquissant un bruit
de marimba

66)

le chien lape
le bon matin
de sa gamelle

67)

grand vent du soir
le feuillage de l’arbre
semble plus blanc

68)

les lampions
dans le jour
coqueliquent