Archive for juillet 2012

WEI WU WEI : « La transmission de la vérité » // – le haïku ?

31 juillet 2012

°

« C’est un événement à la fois désolant et extraordinaire que de constater que les gens de notre époque semblent psychologiquement incapables de comprendre aucune thèse qui ne soit exposée en une structure élaborée à l’aide du verbiage.
L’expression concentrée d’une quelconque thèse est considérée comme un « aphorisme », écarté comme formulation impropre, qu’il faut ignorer.
Cependant, comme le savait tout sage, les exposés discursifs détruisent la vérité qu’ils sont supposés transmettre. La véritée se trouve étouffée par trop de dissertation verbale, et pour ainsi dire mort-née.
La vérité vivante ne peut être transmise enveloppée dans le verbiage, car factuellement elle ne peut pas être transmise du tout. Elle ne peut être qu’évoquée par l’indication appropriée dans le dispositif mental d’un autre, et pour ce faire, la suggestion, brève, stimulante, et spontanée, peut seule réussir. »

Wei Wu Wei, ch.71 de La Voié négative, éd de La Différence (p.184)

°

– Est-ce pour cela que l’on a pu dire, par ailleurs, que « le haïku est la poésie du zen » ?

D.

haiku, etc. – Py – juillet 12 – 1/2

23 juillet 2012

°
Kyôku (à la vache) :

La vache sort
« Moi ! Moi ! »
du brouillard

(d’après Issa :

The cow comes
Moo ! Moo !
out of the mist

tr. R.H. Blyth

La vache sort
Meuh ! Meuh !
du brouillard)

°

Un encormoran :

un cormoran qui ne se lasse pas de pêcher /
à qui l’on ne permet pas de repos à la pêche…

L’encormorencore,
pêcheur infatigable.

imaginez,
un des cormorans
dans un décor marrant

un corps mourant,
le cormorendant l’âme

un cormorancre :
un cormoran
qui reste / plonge au fond ?

le cormorantre dans l’eau
et en ressort pas gai *

* bagué… / pagaie

°

pendant qu’on déboutonnait
le corsage de cette belle femme,
pas de chance, l’oncle était mort.

°

un tout petit insecte
remonte la page 7
du quintette de Prokofieff

°

un gargarage :
où l’on s’y prend à deux fois
pour bien ranger sa voiture

°

pis, ce son m’émeut : meuh !

°

canal dentaire –
un oiseau chante

°

l’hémistiche / l’hémi–s’touche

°

deux papillons blancs,
des coquelicots :
course au supermarché

°

« guère épais »

°

un miroir passe
dans un couloir de métro
et je
passe suis passé
devant dedans
vite vide
disparu

°

entends les gouttes
qui s’écrasent à terre
formant rythme-mélodie
(de bruit de pluie)

– et par-dessus
la voix soliste
d’un téléphoneur
(en) (arabe)

la pluie incesse –
la pendule (sous l’auvent de la gare)
roule ses chiffres –
une femme enceinte
descend du train
en premier

rain
steady rain
je reste en gare

the trains
come and go

j’attends que la pluie passe
comme un train
j’attends
que le train de la pluie
passe

d’un coup de reins
d’un coup d’airain ?

rain
steady rain

(et) je ne rentre pas chez moi
retenu par les gouttes
qui tombent à côté
rideau

°

In-faire

Une demi-heure
et la pluie ne (veut ?) cesse®
une demi-heure
que je ne veux bouger
sans parapluie
sous la pluie
et je lis Wei Wu Wei
et je philosophe
soliloquement
alors que passent des êtres
sur le quai d’en face
et parlent
et rient
et que je ne fais rien que
stupidement
m’écouter écrire
m’écouter penser
et jouir sur mon banc
onaniquement
unanimement
de ma seule magnifique
présence égo
ïste
tiste

°

la feuille colore le trottoir
en ne faisant rien (d’autre
qu’être feuille…)

la feuille
colore le trottoir
sans rien faire

°

au coin de la rue
disparaît un parapluie
avec une femme en dessous
(et) ses mollets fermement galbés
et le bruit de ses talons, hauts
(/ ô !)

°

le taux d’humidité
de leur baiser
est de 80 %

°

6 abeilles
autour d’une fleur de magnolier
début juillet à Orly

°

sur le mur de la salle de bains
un moustique me dit : « chut !
ne le dis pas à la maîtresse ! »

au mur
un moustique :
« chut !,
ne le dis pas à la maîtresse ! »

°

l’odeur du pain
s’élève
dans la narine
de la nuit

°

je suis le mot « beau »
et le mot « pas beau »
au sein du mot « couteau »

°

quel temps fuit-il ?

°

les liserons
recueillent
les sons du soir

la télévision
en voile de mariée…

°

une mouche
sur la partition
Joseph Bodin de Boismortier

°

(Ko-an :) « leur but : voir directement en supprimant la pensée »
in Wei Wu Wei, p.156 de La Voie négative

le haïku (?)

°

(depuis cette époque)
de l’encre a coulé sous les fronts

°

L’heure le regardait

°

Le bleu du travail
Le travail donne des bleus
Le blues du travail(leur)
Le travail du bleu

°

tant tant le pourpier s’étend
vers la mer
et danse

°

L’éclair
déchire
les feuilles du bananier

°

d’ÉCRIRE de soi
à RIRE de soi !

ÉC / RIRE

j’éc – ris

éjacrire

°

scintillements d’oiseaux
où glycines et rosiers se rejoignent
: maison à vendre

°

champ d’épouvantails
le babil des oiseaux

deux épouvantails
face à face
– parlent-ils
oiseau ?

°

dans les phares :

°

vent dans les feuilles –
il gratte une anche

°

Prendre de la distance avec soi-même dans le haïku. Ex. : dire « il » (sujet) à la place de « je »…
(selon la « grande » tradition chinoise, japonaise… ; léchant en cela « la bave des Anciens » !)

Le je se fond dans le décor / monde environnant
(dans la mesure du possible…)

°

ces coquelicots
sur le côté
ont échappé
à la moisson

le vent secoue
ces cosses sèches –
papillons blancs

champ de blé –
à la place des coquelicots :
papillons blancs

°

(cf « ancien » (Loulou) :
« La vieille chatte / saute du lit / Bruits du parquet »
in « La chatte de Daniel », haïbun de Salim Bellen, p. 16-17 de Le Singe renifle en décembre, déc. 2006 )

la chatte saute du lit
le bruit
des coussins

°

bleuets
coquelicots
blés
– 14 juillet

°

« Kyôku (/anti-haïku) à l’amour vache » :

a)

meuh meuh meuh meuh meuh
meuh meuh meuh meuh meuh meuh Ah,
que ce meuh m’émeut !

b)

meuh meuh meuh meuh meuh
meuh meuh meuh meuh meuh Ah, ce
que ce meuh m’émeut !

c)

meuh meuh meuh meuh meuh
meuh meuh meuh Ah, que ce meuh
qui se meu®t m’émeut !

°

13 juillet
le bruit du feu d’artifice
le bruit de la pluie

°

dimanche 15 juillet
papa et fiston
astiquent
l’intérieur de la voiture

°

mid-July
the still going-to-work
morning crowd(s)

°

la roue
d’une bicyclette
tourne
jusqu’en silence

(d’après Catherine Redfern, in Blithe Spirit 22 n° 2 p.5 :
« bike wheel
still spinning
a moment’s silence »)

°

si bien lavées
les vitres du bar
un pigeon s’y cogne
pour sortir

(gare d’Austerlitz, 16/7/12)

°

(haïku) minimisant…

23 juillet 2012

°

Haiku is about minimizing the ‘me’

Dans le haïku, il s’agit de minimiser le moi !

°
dp(juillet 12)

Résultats du kukaï de Folkestone (U.K.) du 23 juin 2012

4 juillet 2012

Résultats du kukaï (bilingue) de Folkestone, le samedi 23 juin 2012.
Results of the bilingual kukai in Folkestone, on Saturday June 23, 2012.

En présence de huit participants (plus une), 27 haïkus ont été échangés.
Eight participants (+ 1), and 27 haiku exchanged :

°

With 4 points / Avec quatre voix :

cuttlefish bone
the years pass
too quickly

Lynn Rees

os de seiche
les années passent
trop vite

°

With 3 points /Avec trois voix :

a test of patience
the fisherman
and his girlfriend

Andrew Shimield

un test de patience
le pêcheur
et sa petite amie

°

With 2 points / Avec deux voix :

cobweb
the longest day
of the year

Lynn Rees

toile d’araignée
la journée la plus longue
de l’année

Fermé au présent
Le vieil homme assis au soleil
ressasse… ressasse

Danièle Georgelin

Closed to the Now
the old man sitting in the sun
ruminates… ruminates…

Marriage proposal
the zig-zag path *
to the sea

Lynn Rees

demande en mariage
le chemin zig-zague *
vers la mer

• Descendant de la promenade, en haut de la falaise, vers la mer, ce chemin, conçu par Mr J.R. Pulham of Pulham & Co, London, et formé de blocs de « pulhamite », s’appelle effectivement « the zig-zag path ».
• From the lea, on top of the cliff towards the sea, this path, designed and realized by Mr J.R. Pulham of Pulham & Co., London, is lined with « Pulhamite » rocks. It is indeed named « the zig zag path ».

on the funicular
someone going up, someone
going down alone

David Cobb

dans le funiculaire
quelqu’un (qui) monte, quelqu’un
(qui) descend, seul

wild flowers
so very white
the breaking waves

David Cobb

fleurs sauvages
si blanches
les vagues qui déferlent

°

With 1 point / Avec une voix :

a gull
flying backwards :
white horses as far as the horizon

Claire Knight

un goéland
qui vole en arrière :
des vagues blanches jusqu’à l’horizon

a storm at Folkestone
my faithless Breton cap
takes off for Calais

David Cobb

tempête à Folkestone
mon perfide chapeau breton
s’élance vers Calais

fin de journée –
de la lumière
au fond de la boulangerie

Meriem Fresson

end of the day –
some light
at the back of the bakery

soleil de février –
sur la tente du clochard la guirlande
demeure

Meriem Fresson

February sun
on the bum’s tent
the garland remains

vent dans les manches
sur la ligne d’horizon
un bateau lent

Danièle Duteil

wind in the sleeves
on the horizon
a slow boat

vol de la mouette
le regard quitte la page
pour l’espace

Danièle Duteil

flight of the seagull
eyes leave the page
for space

wind-blown waves
the fisherman’s line
in a tangle

Andrew Shimield

vagues soufflées par le vent
la ligne du pêcheur
emmêlée

°°

(Collecté par / compiled by Daniel Py.)

Haïkus, etc. – Py – juin 12 – 2/2

4 juillet 2012

la cadence douce
des cloches de l’église ;
les livres de poésie
place Saint-Sulpice *

* = Marché de la Poésie, 15-18/6/12

°

la free-délité

°

élections législatives :
les abeilles
dans la lavande

°

garage en sous-sol
le parfum des troënes

°

aussi beau
le parfum de la rose
que sa couleur
et les gouttes de rosée
qui l’ornent

Fête de la Musique
le parfum de la rose
au parc

°

sortant mon carnet
pour écrire un haïku
j’écrase un escargot

crac
sur le trottoir
1er escargot de l’été

à l’agonie de l’escargot
que puis-je ?

°

meuh meuh meuh meuh meuh
c’est le je(uh) de la vache
meuh meuh meuh meuh meuh

la vache étale son me(uh) :
me(uh) me(uh) me(uh) me(uh) me(uh) me(uh) me(uh)
même son son m’émeut !

(le je de la vache même m’émeut)

(pis, même son meuh m’émeut !)

(mais le son de l’émeu ?)

(pis, même l’âme de la vache me meut !)

au beau milieu des vaches,
qu’a l’émeu à dire ?

l’émeu, au milieu de(s) vaches,
a) se sent-il en famille ?
b) se sent-il ému ?

les meuh l’émurent

les murs, barbes laides

°°°

SUITE FOLKESTONIENNE :

(Prologue :)

savon, eau, sèche-mains :
la mer
dans l’évier (du train)

°
(Logue :)

through ear-plugs
the night rain
on Folkestone

à travers les bouchons d’oreilles
la pluie nocturne
sur Folkestone

steady snoring
our neighbour
towards Sunday

ronflements constants
notre voisin
vers dimanche

the rain stops
but not our
neighbouring
snorer *

la pluie s’arrête
mais pas notre
ronfleur
voisin **

*/ snoring
neighbour

**/ voisin
ronfleur

night rain
a gull
opens
my window

pluie nocturne
un goéland
ouvre
ma fenêtre

between sea
and ear *
bird call

* : see / and hear ?

marée(s) nocturne(s)
des chants d’oiseaux
traversent la fenêtre

la mer
et le vent
s’entraînent
à la plage

la mer sur la plage
mon nez
dans tes cheveux

removal of the cross ?
passing in front of a
ME HODIST CHURCH

Descente de la croix ?
Nous passons devant une
EGLISE ME HODISTE

between sea
and sky
grey

seagull

entre ciel
et mer
gris

goéland

(le goéland, mais la mer est patiente !)

sous le vent
un chien aboie –
marée grise

un temps
à ne pas mettre
un stylo dehors ( : )
wind and rain
along the lea

/ Il fait un temps
à ne pas mettre
un stylo dehors –
Folkestone

on the lea
aong the sea
« keep dogs on leads »

– and no fleas, please !

débordant du pub
les clients
et la musique
qui tangue-roule *

* = rock-n-roll


(É-py-logue :)

… la ville
tourne son talon
à la mer

°°°

(rêve :)

dans le frigidaire
suivre les traces vertes
d’éléphants disparus

°

en oiseau de haut vol…

°

près du restaurant (italien)
une souris à tête rouge
– définitivement

°

(après-demain)

ma fille se marie –
la brillante surface du fleuve

°

collés à la vitre
tous les petits visages
à l’heure de la récré :
orage
du dernier jour

°

le corbeau lance trois croas…

°

le vent retrousse le carnet

On pourrait dire plus
mais on ne le dit pas

On laisse le non-dit faire son œuvre,
l’imagination galoper,
le blanc prendre le dessus

on laisse le suspens
et le fou du logis

s’envoler sur les ailes
de son esprit-grue

les mots s’envoient en l’air

le vent,
à rebrousse-carnet

°

Infinir le haïku…

Préférer saigner le haïku que l’enseigner…

°

mind-blogging *

* : cf : mind-boggling

°

une araignée
descend de mon pantalon
en funiculaire

( fil un cu aire ( ?))

puis y remonte.

Il semble
que tous deux

nous avons le temps,

(/ du temps

devant nous, encore)

(- autant que du temps

à l’envers ?…).

L’araignée tricote sur mon genou

puis marche
de nouveau

dans le vide

(dans son vide).

L’araignée
file.

°

Sirène de pompier
puis de Samu
qui se chevauchent
puis disparaissent
puis une sirène
à vélo

(et là s’arrête le poème…)

°

une mouche
sur mon carnet
devant les mots
« dans le vide »

se frotte les mains

puis semble méditer

un moment.

°

sur le siège
des toilettes du train
pensant vaguement
à sa destinée

(L’art de) rire de soi.

dans le haïku
il faut savoir
se dÉGOnfler

« Reconnaître que tu es un âne, c’est aller droit à la vérité. Tu es – et l’âne est également toi. »

: Wei wu wei, p.104 de La Voie négative, Éd. de La Différence, 1977, 2011.

je suis
et je ne suis pas
no exit
exit

°

D.

‘Euro-Haiku’ (Iron Press ed.) : erreur !

4 juillet 2012

EURO-HAIKU
A Bi-Lingual Anthology
edited by David Cobb
Iron Press. (U.K.)

Bonjour !

Il n’était manifestement pas prévu que je figure dans l’anthologie Euro-Haiku éditée en Angleterre par David Cobb (en 2006 ? 2007 ? je n’ai pas trouvé de date de la publication…),
mais c’est pourtant le cas ! :

À la page 22, sous le nom d’Henri Chevignard, figure ce haïku dont je suis l’auteur :

deux heures du matin
un tout petit insecte
traverse la page neuf

(haïku que vous pouvez lire par ailleurs dans la rubrique « coups de cœur » de Serge Tomé, sur son site Tempslibres, en date des 16-30 juin 2003, à la page :

http://www.tempslibres.org/tl/hku/cco/arc0306.html

Désolé pour l’ami Henri, qui n’a donc dans cette anthologie que son nom, et pas de haïku personnel !

et merci à tou(te)s de bien vouloir prendre en compte la rectification qui s’impose !

merci !

Daniel