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CHIGETSU (? – ?), mère d’Otokuni :
Les fleurs
à leur apogée
ne savent pas que je vieillis
–
Les pétales des cerisiers de montagne
tombent et se dispersent
sur le moulin du cours d’eau
–
Les belles-de-jour fleurissent –
mes parents
ne m’ont pas grondée
–
Un blizzard –
les oiseaux chantent fort
par-dessus mer et montagne
–
Une sauterelle stridule
dans les manches
de l’épouvantail
–
Ma silhouette aussi
a l’air misérable
sur cette lande désolée
–
Attendant le printemps –
de la glace mêlée
à la poussière et aux ordures
–
quelle chaleur !
des grenouilles
nées dans les flaques
–
Quelques nonnes
pas moins pitoyables
que ces épouvantails
°
SUTE-JO (1633-98), élève de Kigin :
Semblant
n’avoir rien à penser –
vent d’automne
–
Parmi les chemins nuageux
y a-t-il aussi des raccourcis ?
La lune d’été
–
Comme a chaud
la peau – la peau
qu’une femme cache !
°
SONO-JO (1649-1723), élève de Bashô (en 1689), puis de Kikaku :
Violettes
desséchées
dans le mouchoir de papier
–
Le chien aboie
au bruit des feuilles,
une bourrasque souffle
–
La fraîcheur –
Le noeud de mes cheveux
n’atteint pas le col de ma robe
–
Ô comme j’étais occupée
à cueillir les violettes,
absorbée en elles !
–
Quand l’enfant que je porte
joue avec mes cheveux –
quelle chaleur !
–
Le gel est descendu –
le vieux panier d’osier
de la nonne partant en voyage
–
Pressant mon front
contre le tatami vert –
quelle fraîcheur !
–
SHÛSHIKI (1668-1725), femme de Kangyoku. Elève de Kikaku :
La queue du faisan
touche doucement
les violettes
–
Pressant l’enfant
contre mon corps,
la neige froide tombe
–
Sortant de mon rêve,
quelle couleur
avaient les iris !
–
Parent et enfant
sous la même couverture –
le gel de la séparation
(: pour la mort de la plus jeune fille de Kikaku, un an avant sa propre mort.)
°
KANA-JO (? – ?), « femme » de Kyorai :
Le ratisseur de sel entend la nuit
la voix proche
du coucou
–
Près du lys plantain
la sauterelle
chante son soutra
–
Les épis d’orge
suivent
les papillons qui oscillent
°
CHINE-JO (XVIIe siècle), soeur de Kyorai :
Aucun petit oiseau
ne passe à travers
ces forêts profondes
–
Lespédèzes et herbes de la pampa
comme j’émerge de la route de montagne,
comme mon kasa est lourd !
–
Si longue est la nuit
que fatiguée du voyage,
je la traverse en dormant
°
CHIYO-JO (et CHIYO-NI), 1701-75 :
Champ ou montagne,
rien ne bouge
ce matin de neige
–
Comme est vivant et digne d’intérêt
l’endroit où se repose le mendiant,
des insectes chantant tout autour !
–
La lune d’été
touche
la canne-à-pêche
–
La fleur du prunier
donne son parfum
à celui qui casse la branche
–
Le rossignol
essaie encore,
essaie encore !
–
Me levant
et me couchant –
comme la moustiquaire est grande !
(: Supposé avoir été écrit lors de la mort de son mari (?)
°
(CHÔWA (mort en 1715 à 78 ans) :
Je t’ai attendu
coucou, coucou,
mais me suis endormi)
–
Une nuit de lune ;
venant sur une pierre
un grillon stridule
–
Sous la pluie de printemps
toute chose bénie
devient encore plus belle
–
Les traces de pas
sont celles d’un homme :
premiers flocons de cerisier
°
SHÔFU-NI (1688-1758), femme de Ryôhin, un disciple de Basho (mort en 1730) :
La lune d’automne !
M’appuyant au pilier de la véranda
et en faisant le tour
°
(A suivre, ch. XIV, p. 226 : « Haïkus entre Bashô et Buson »)
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