(Chapitre XVIII, pp. 309-32 : « Poètes de l’époque de Buson« ) :
KITÔ (1741-89), élève de Hajin, de Taigi, de Buson :
Buvant de l’eau
mon ventre se distend
Quelle chaleur !
–
Frappant une mouche
l’éventail
se salit un peu
–
Algues marines
dans les creux des rochers
la marée oubliée
–
A chaque chose vue :
« C’est magnifique ! »
comme le printemps s’en va
–
Les jonquilles
sont couvertes de la poussière
de la fin de l’an
–
Le chant de la moisson de l’orge
se mêlent aux coups
du marteau du forgeron
–
Le rossignol
qui souvent ne vient pas du tout
vient parfois deux fois dans la journée
–
Le mendiant boiteux :
son visage insouciant
ce jour de printemps
–
Averse d’été ;
le cheval épuisé
revit
–
La voix de la cloche du temple
semble lutter
contre la bourrasque hivernale
°
SHÔHA (mort en 1771) :
Jour de l’an
Par la porte de la chaumière
un champ d’orge
–
Oiseaux piaillant
l’hôte de la nuit
seul semble se lever
–
Un brin d’herbe aussi
entre les pierres
se dessèche et meurt
–
Dans la moustiquaire
le plafond du temple est élevé –
solitude
–
La limace de mer
disant des choses tristes
à la méduse
–
Le vent d’automne
est blanc sur le visage de l’enfant
poudre de talc
–
Les ombres des libellules
qui passent dans un sens et dans l’autre
sur les murs blancs
–
La libellule
vient et se pose
au bord de mon riz
°
CHORA (1729-80). Il retourna vers la poésie et la simplicité de Bashô :
L’or terni –
les jeunes feuilles nous ramènent
aux temps anciens
–
Mon logis ;
des feuilles tombées
seulement sur l’arbre à ortie (nettele-tree)
–
Début de l’automne ;
les nuages blancs flottent en altitude :
on peut voir le vent
°
GYÔDAI (1732-92), élève de Hakuni. Rencontra Buson en 1774) :
Temps couvert –
les pruniers sont recouverts
de la poussière du soir
–
Cueillant une fougère,
je la donne
à l’enfant sur mon dos
–
La chauve-souris volette
autour de la lune
et ne la quitte pas
–
Une seule mouche
me tourne autour ;
confinement hivernal
–
Le jour s’achève
récoltant le champ d’hiver,
un homme seul
–
Venant de l’obscurité,
y retournant,
la limace de mer
–
L’aube du jour :
la pluie incessante
et la voix des insectes
–
Cassant une branche de prunier
le moine retourne
vers où les nuages descendent
–
Les fleurs s’assombrissent
mais la pivoine blanche
absorbe le clair de lune
–
Eté indien –
toute la journée le bruit de la mer
est lointain
–
La neige fondant,
un corbeau croasse
dans les montagnes nuageuses
–
L’année finit
et le vaste ciel
résonne du vent
–
Le jour s’assombrit
et une fois de plus
il commence à neiger
–
L’aube du jour ;
Des baleines mugissent
dans la mer glacée
°
SHIRAO (1735-92), élève d’Umei (disciple de Chôsui, disciple de Ryûkyo, disciple de Tentoku…) :
Son jisei :
Sortant aujourd’hui
je vis un hibiscus
se faner
–
Le petit cours d’eau
se cache dans les herbes
de l’automne qui s’en va
–
Faisant un feu
sous le nid des hirondelles ;
un soir de pluie
–
Souches et feuilles de verdure
de petits morceaux de glace
tombent du bec des poules
–
Portant un sanglier sauvage
sur la lande automnale,
les herbes de la pampa fleurissent
–
A l’odeur de la fleur de melon
le renard éternue
cette nuit de lune
–
Pluie froide d’hiver
l’homme réapprovisionnant les lanternes
parle aux cerfs
–
Jetant les torches,
les nuages des montagnes rougissent :
l’odeur du brouillard
–
Sur la poitrine du milan
brille la lumière des jours
proches de l’hiver
–
Les lames blanches
du sécateur :
une guêpe en colère
–
La marée du soir –
sous les saules
on trie les poissons
–
Un enfant malade
qui pleure dans la nuit
allant faire place au jour
–
Le soleil du soir
brille sur chaque noeud
des oeillets
–
La nuit
dans le jardin sombre
comme la pivoine est calme !
°
(A suivre : Chapitre XIX, p. 333)
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