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Ryôkan:
(1758-1831) moine de la branche Soto du Zen. Bien que véritable maître de Zen , il ne prit jamais la tête d’un temple, vivant plutôt de son bol de mendiant et de protecteurs, marchant à travers la « campagne de neige » du nord-ouest de la province de Niigata. Calligraphe renommé, on dit qu’il pouvait également faire rebondir une balle en soie d’enfant plus haut que n’importe qui. Il prit le nom Zen de Daigu, ou Grand Idiot. La plupart de sa poésie et de sa calligraphie semble avoir été spontanée et offerte. En plus de ses poèmes en chinois, ses haïkus et ses tankas, il est célèbre pour avoir écrit sur un cerf-volant, lors d’un de ses voyages, un poème de deux lignes et quatre mots : « au-dessus des cieux / de grands vents ». Dans sa vieillesse il tomba amoureux d’une jeune nonne avec qui il échangea des poèmes d’amour. Il finit sa vie comme gardien d’un sanctuaire Shinto.
Katami tote / nani ka nokosan / haru wa hana / natsu hototogisu / aki wa momijiba
What might I leave you / as a last gift when my time comes? / Springtime flowers, / the cuckoo singing all summer, / the yellow leaves of autumn.
Que pourrais-je vous laisser
comme dernier cadeau, mon heure venue?
Des fleurs au printemps,
le coucou chantant tout l’été,
les feuilles jaunes de l’automne.
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Yosano Akiko:
(1878-1942) une auteure prolifique de poésie, de nouvelles, d’essais, de contes, de traductions, et d’une autobiographie. Elle était à la pointe du mouvement pour les droits des femmes. Son livre le plus célèbre est un recueil de tankas principalement érotiques publié en 1901, Midaregami (« Cheveux emmêlés »).
Yuagari o / mikaze mesuna no / waga uwagi / enjimurasaki / hito utsukushiki
Following his bath, / I gave my handsome lover / my best purple robe / to keep him from the cold. / He blushed, and was beautiful.
Après son bain,
j’ai donné à mon bel amant
ma plus belle robe pourpre
pour le protéger du froid.
Il rougit, et il était beau.
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Saigyô:
Yami harete / kokoro no sora ni / sumu tsuki wa / nishi no yamabe ya / chikaku naruran
The mind is all sky, / the heart utterly empty, / and the perfect moon / is completely transparent / entering western mountains.
L’esprit est entièrement ciel,
le coeur est totalement vide,
et la lune parfaite
est complètement transparente
en pénétrant les montagnes de l’ouest.
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Dans le waka, le langage est la plupart du temps simple; il utilise certains mécanismes comme le « mot oreiller » ou « makura kotoba » (épithète fixe), et « mot de coupe » ou « mot pivot », kakekotoba, un jeu sur les mots à base d’homophones, créant des sens pluriels; sa thématique est restreinte; et il dépend plus de la qualité émotionnelle que du simple caractère.
Bien que les anciens poètes japonais fussent imprégnés de poétique chinoise, le tanka garda un caractère essentiellement japonais, assez différent des formes poétiques classiques chinoises plus courtes en quatre lignes de 5 ou 7 caractères.
Le haïku en trois lignes et 17 syllabes, doit probablement plus aux versets chinois qu’au tanka. Ce pourrait être le résultat d’avoir allongé la deuxième ligne de quelques syllabes, puis de laisser tomber complètement la troisième ligne, en utilisant le « mot de coupe » pour établir la conception d’une évocation infinie.
Mis en perspective historique, le haïku est au mieux une forme de poème mineure associée à juste titre avec la littérature du Zen. Le tanka, lui, a été la forme poétique nutritive de la poésie japonaise depuis plus de mille ans.
Dans la traduction, seule la pensée survit. (Pas la forme « rigide »).
Les poètes des origines ne se restreignaient pas à une mesure syllabique absolue; quelques tankas peuvent varier jusqu’à autant que 4 ou 5 syllabes.
La poésie japonaise est brodée d’échos et de paraphrases appelés honkadori.
Le poème (de Saigyô : Sora ni naro…) nous ramène au monde réel, un monde articulé en quelques idées essentielles nobles et simples.
… le moment éphémère pris dans le cadre temporel infini du poème. Mais (le brame du cerf, le chant du rossignol, la neige sur les fleurs de prunier…) ne sont pas des symboles. La lune est la lune.
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Fujiwara no Ietaka (1158-1237) établit le « sentiment intensément sincère » (ushin) comme un aspect important du « style noble » qui domina l’orthodoxie poétique tout au long de la période médiévale.
Fujiwara Shunzei (1114-1204) un des poètes les plus importants du Shinkokinshû, était un ami proche et professeur de Saigyô, et un critique influent, crédité d’avoir promu la qualité du yugen, un « sentiment esthétique non exprimé explicitement », ou le sens sombre du mystère qu’on trouve souvent dans la peinture de sumi, et d’avoir ajouté l’élément de sabi, la solitude essentielle, à ses wakas.
Mibu no Tadamine (vers 920), un des compilateurs Kokinshû, est généralement crédité d’avoir introduit l’idée de yugen, (« sentiment esthétique non exprimé directement ») dans la poésie japonaise.
Motoori Norinaga (1730-1801), un desz plusgrands érudits du Japon, et son commentaire du Conte du Genji reste un monument.Il préconisa une poétique se fondant sur le Kokinshû du Xè siècle, soulignant la qualité du mono no aware, la beauté des moments provisoires.
Ono no Komachi (milieu du IXè siècle), seule femme faisant partie des « six génies poétiques ». Aristocrate de grande beauté. Sa poésie est particulièrement appréciée pour son emploi du mot « de coupe » ou « pivot » (kakekotoba).
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