Archive for mars 2017

Compte-rendu du 123e kukaï de Paris

5 mars 2017

En présence de 19 personnes, 39 haïkus ont été échangés. 30 d’entre eux ont été remarqués :
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Avec 4 voix :

d’un banc à l’autre

le moineau

et le vieil homme

: Patrick Fetu ;

éclaircie –

la bibliothèque s’agrandit

d’un rayon de soleil

: Jacques Quach ;

visite à l’ami

dans le jardin fleuri

sa tombe nue

: Christiane Ranieri.

°

Avec 3 voix :

carême

l’irrésistible douceur

des loukoums

: Eléonore Nickolay ;

champ d’oiseaux –

le soleil se prépare

à moissonner les ombres

: Ben Coudert ;

lenteur du temps

posé sur la pierre 

tiède du banc

: Nicolas Lemarin ;

pleine lune –

les ombres surnaturelles

sur la neige

: Danièle Etienne-Georgelin ;

sable noir

ici les tourterelles

ont un autre chant

: Cécile Duteil.

°

Avec 2 voix :

ciel étoilé –

découvrir l’univers

de ton corps

: Minh-Triet Pham ;

gorgés de pluie 

les crocus du square

et la sans-abri

: Michel Duflo ;

la nuit tombe –

une page blanche

pour confidente

: Isabelle Freihuber-Ypsilantis ;

Le pain entamé

près des assiettes vides

L’absence commence

: Monique Leroux Serres ;

repas d’amis –

on évoque les anges

autour du diable

: Jacques Quach ;

suspendu

à l’arbre nu –

un blouson

: Valérie Rivoallon ;

touiller mon café –

l’avion

dans la turbulence

: Minh-Triet Pham ;

Un flocon

égaré dans le ciel

exil

: Véronique Arnault.

°

Avec 1 voix :

Air de blues

une mélancolie s’élève

lentement

: Véronique Arnault ;

chez l’ostéopathe –

au contact de sa poitrine

un bien fou

: Antoine Gossart ;

brume sur la route

la pub me propose

un voyant

: Eléonore Nickolay ;

coassements à la lune –

transhumance

d’un étang à l’autre

: Danièle Etienne-Georgelin ;

état grippal –

dans la cuillère de miel

l’enfance

: Isabelle Freihuber-Ypsilantis ;

Flairé par un chien

Je suis couché

Dans le champ de fleurs

: Fujii Lika ;

l’oiseau qui s’ébroue

dans la flaque du chemin

y noie le ciel

: Nicolas Lemarin ;

Parapluie Ernest & Young

ouvert à ses côtés

un clochard est couché

: Dominique Durvy ;

plate-bande –

le jardinier municipal

enfouit son mégot

: Michel Duflo ;

plus fort

que ses ronflements –

ses ronronnements

: Valérie Rivoallon ;

Quelques violettes

sous les fougères tendres

Secrets d’enfance

: Monique Leroux Serres ;

saucisses dans une main

souvenirs dans l’autre –

rencontre au supermarché

: Christiane Ranieri ;

Tempête d’hiver –

l’arc-en-ciel fait un triomphe

aux plus belles vagues

: Antoine Gossart ;

vent de février –

elle tourne autour de son chien

: Daniel Py.

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Au menu de ces prochains jours :

le 11 mars à 15 h et à 17 h : présentation-lecture-dédicaces-signatures de l’anthologie contemporaine de haïkus en France : Passion Haïku, Ed. Pippa, avec le groupe de lecture « Haïkoustics » (Fabienne Caurant, Philippe Gaillard, Valérie Rivoallon), à la librairie Pippa (Nouvelle adresse) : 6 rue Le Goff, 75005 – M° Odéon, RER B : Luxembourg, Bus 27…

Du 11 au 19 mars, à Clichy La Garenne, événements culturels autour du haïku – dont lecture autour du thème « le voyage », le 13 mars. Voir avec Valérie Rivoallon !

vendredi 17 mars, à 18h30, à la galerie Chr. Peugeot, 62 Avenue de la Grande Armée – M° Argentine – présentation et dédicace de Patrick Fetu pour son nouveau livre de haïshas avec textes en breton et français : Entre ciel et mer.

Samedi 18 mars à Coupvray (77) journée présentation, ginkgo, etc. au musée Braille, du concours de haïkus en braille. Voir aussi, sur Facebook, le site du concours. Avec Christine Hardy, Joël Hardy, Christiane Ranieri, Eléonore Nickolay, Li Lou, etc.

samedi 25 mars, à 15h et à 17h : présentation-lectures-dédicaces-signatures de la (2e) anthologie contemporaine de haïkus en France : Horizon Haïku, Ed. Pippa, 6 rue Le Goff, 75005 M° Odéon, RER Luxembourg, Bus 27…

samedi 1er avril : 124e kukaï de Paris, au Bistrot d’Eustache, 37 rue Berger, 75001 – M° Les Halles – Châtelet, Louvre-Rivoli, …

°

Du 5 au 22 mai, notre amie peintre et plasticienne Véronique Arnault exposera, avec le soutien du conservatoire de Rambouillet, à Rambouillet… Vernissage le samedi 6 mai, à 17 h.

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« Le haïku au Sénégal » 6/6

1 mars 2017

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« Le haïku cerne une fraction d’instant qui se veut reflet d’infini. Il cristallise le monde de la nature et des émotions humaines. C’est une mélodie, mieux une harmonie entre la nature, d’une part, l’esprit, le coeur et le corps de l’homme, d’autre part. »

« Cette affinité avec la nature est l’essence même du haïku. »

« Les poètes de haïku sont aussi des peintres. Ils ont une prodigieuse aptitude à peindre les choses d’une manière si vivante que le lecteur demeure captivé par la justesse de l’observation. »

: Yoshitaka KAWAMURA, Ambassadeur du Japon au Sénégal, 2000.

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« A regarder de très loin on ne voit pas le sens secret des choses ni les rapports intimes qui les unissent. »

« Dire enfin le caractère éminemment universel de ces trois vers comme une valse à trois temps où Amour, Nature etEmotion mènent le bal. »

: Adam Sow DIEYE, professeur de lettres, 2000.

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« En art, plus les moyens sont élémentaires, plus la sensibilité apparaît. »

: Gustave MOREAU.

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« LE HAÏKU EST UNE PHILOSOPHIE » : Louis CAMARA, écrivain, 2000 :

« (…) Certes ces premiers haïkus sénégalais sont encore empreints de naïveté et pèchent parfois par excès de lyrisme. »

(…) Le haïku est une école de discipline, de maîtrise de soi, de simplicité, d’humilité, une méthode de formation de l’esprit ; c’est pourquoi son introduction dans notre système éducatif et scolaire ne pourrait qu’avoir des effets bénéfiques. De même, sa pratique dans nos langues africaines pourrait s’avérer fort positive pour ces dernières, car par leurs structures morphologiques, elles devraient pouvoir servir de moule adéquat à cette forme d’expression poétique unique en son genre. Je voudrais d’ailleurs à ce sujet vous lire un court poème appartenant à un genre particulier appelé Oriki en langue Yoruba :

La mouche perchée

Sur la calebasse de vin de palme,

Son abdomen éclate… 

En dehors de sa brièveté et de sa simplicité, d’autres similitudes de ce poème avec le haïku japonais, telles que la légèreté, la cocasserie ou même le sentiment nous paraissent évidentes. Précisons que ces notions de légèreté ou Karumi, de cocasserie ou Kokkei, et de sentiment ou sabi en sont essentielles dans la composition du haïku japonais.

(…) La pratique du haïku plus qu’un simple exercice de langage, est liée à un art de vivre, à une philosophie de la vie indissociable d’une forme de spiritualité.

(…) Notre époque est marquée par une sorte de folie de la vitesse et de la consommation faisant progressivement de l’homme un automate qui veut se rendre maître de la nature, la dominer, au lieu de vivre avec elle. Mais cela n’est pas nouveau. (…)

MATSUO Bashô :

Les gens du siècle

ne remarquent pas les fleurs

du châtaignier près du toit

(…) Voici ce qu’il disait à son disciple SORA : « Si parfaite que soit la technique, si tu es séparé de la chose même, tu ne produiras qu’une contrefaçon. »

(…) Le haïku, c’est avant tout la vérité qui surgit de la vie de tous les jours, et en particulier du silence. Cette vérité, (…) elle est dans ce que l’on voit, elle est dans ce que l’on entend. Elle ne nécessite pas une ascèse initiatique, mais seulement une vigilance de tous les instants, une permanente acuité des sens que l’on ne peut acquérir que par un entraînement de tous les jours. (…)

De KOBAYASHI Issa :

Un monde de douleur et de peine

alors même que les cerisiers

sont en fleurs…  »

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« HAÏKU : UN APPEL A LA SAUVEGARDE DE LA VIE », par Amadou LY, professeur de lettres, Université Cheikh Anta DIOP de Dakar, 2001 :

(…)

Le haïku est peut-être la façon la plus brève et la plus frappante de nous rappeler à notre devoir d’attention et de protection vis-à-vis des autres formes de vie, animale et végétale, avec lesquelles nous partageons notre planète et dont nous sommes les principaux prédateurs.

(…)

Le jury, pour cette fois, a tenu à privilégier le fond sur la forme, la pertinence du discours et son adéquation aux critères de la saison et du sentiment. Car un poème peut être formellement correct, et n’avoir que cette justesse prosodique comme richesse, alors qu’un autre, quelque peu boiteux, peut être riche de l’émotion qu’il suscite. »

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« LE THEME DE L’EAU DANS LE HAÏKU », par Adama Sow DIEYE, professeur de lettres, 2003 :

(…) Telle autre poète-femme dit la rareté de cette éclosion nocturne :

Etoile de pluie

ses pétales roses se déplient

fleur de baobab.

: Mme Macha SMYRNE, 2003 (116/136)

(…) Riches de notre diversité, tous conviés, écrit SENGHOR, au festin catholique ; à entendre, faut-il le préciser au sens étymologique : le festin du monde entier. »

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« L’Ambassadeur Sonoo UCHIDA avait bien senti que les germes du haïku allaient bien pousser dans le terreau fertile du Sénégal où le culte de la nature est une réalité. Le Sénégal, un pays alors dirigé par SENGHOR, un poète président. »

« Les trois dernières éditions du concours ont connu un succès remarquable grâce à un partenariat réussi entre Air France, l’hôtel Le Méridien Président et l’Ambassade du Japon. »

: Takashi SAITO, Ambassadeur du Japon au Sénégal, 2007.

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« Le haïku au Sénégal » 5/6

1 mars 2017

EPOPEE DU HAÏKU, par Abdou Anta KA, écrivain, dramaturge, 1991 :

(…) témoin de la plus belle aventure littéraire survenue durant ces dix dernières années dans son pays. A savoir l’introduction combien réussie du haïku au Sénégal, grâce, cela mérite d’être souligné, à l’action généreuse de l’Ambassadeur Sonoo UCHIDA, un diplomate certes, mais encore un haijin (…) qui publie sous le pseudonyme d’Ensei. Voici un de ses haïkus :

Je ferme les yeux

Tout l’univers est rempli

Du chant des oiseaux.

Déjà, en l’an 1979, l’un de vous a composé ce haïku qui a ému plus d’un connaisseur ou d’un simple lecteur comme moi :

Le lit craquelé

Du marigot évaporé

Rit tristement au soleil incendiaire.

: M. El Hadj Libasse DIOP (1/136)

(…)

Le Négro-africain affirme que toutes les créations humaines, végétales, animales sont les fils d’une même toile d’araignée. On ne peut en toucher un sans ébranler les autres.

En d’autres termes, la création est une et indivisible. Il n’y a pas d’opposition entre l’homme, l’arbre, l’animal. Mieux, entre ces existants, il y a des liens ou des correspondances, d’où l’unité entre l’homme et la nature, si chère aux pionniers du haïku.

Le mérite du haïku sera de rendre, en nous, plus vivante encore, la présence spirituelle de la nature. (…)

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« La naissance prochaine de l’Association des Haijins du Sénégal permettra de mieux impliquer des écrivains sénégalais au destin du haïku. » Mohamadou KANE, 1992.

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« Le sentiment de la nature est d’abord le bonheur par émerveillement devant les phénomènes cosmiques sans doute quotidiens mais pouvant avoir sur une sensibilité de poète une emprise exceptionnelle. »

Madior DIOUF, 1995.

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« Je me pose tout de même une question : pourquoi n’aurions-nous pas l’audace de faire des haïkus originaux en wolof, en sérère, en diola avec leurs traductions en français pour ceux qui ne comprennent pas nos langues nationales ? Je crois que ce serait une bonne idée. Nous devons nous approprier le haïku en l’enracinant dans notre culture authentique. Cela nous enrichira et nous enrichirons aussi le haïku à notre manière. »

: Ousmane SEMBENE, écrivain, cinéaste, 1995.

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« L’essence du haïku réside dans l’étonnement de la vie quotidienne. Il suffit tout simplement de voir autour de soi avec plus de sensibilité pour faire un haïku. »

: Tetsuo ITO, Ambassadeur du Japon au Sénégal, 1997.

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« Léopold Sédar SENGHOR a dit la valeur du haïku ; « le plus beau poème est celui où l’image, les images analogiques ont le plus de multivalence : de sens ».

« La poésie des profondeurs ne peut guère divorcer d’avec le réel concret si souvent prosaïque. »

: Madior DIOUF, 1998.

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(à suivre…)