Archive for mai 2009

haïkus – senryûs de Py – juin 03

31 mai 2009

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Taï-chi : / se secouer le corps – / bruits d’ailes sur la vérandah

traînée rouge / de la cerise / lâchée par l’oiseau

une mouche vient / tisser l’après-midi – / stage de taï-chi

deux heures du matin / un tout petit insecte / traverse la page 9

le parvis de la cathédrale / tout pointillé – / dimanche premier juin

femmes vieillissantes / traversant le matin / des oiseaux sifflent

avec ses seins pleins / en bleu et son petit chien / elle traverse le dimanche matin

taille découverte / la flûtiste du quintette / suit la mode

objets volants / quelquefois identifiés / graines de pissenlits

os multicolores ? / Non : savons / de l’ « atelier du petit artiste »

une vache mystique / mastique / – bords du Gange

les oiseaux s’en donnent à cœur-voix / – aube de juin

pensées penchées / vers la terre aride / – quelques fourmis

solstice d’été – / la couleur du couchant / le jaune des croisées

lendemain de fête / de la musique : corps ici / et là au soleil

deux chiens se jouent / – parc de Bercy

le casque de l’enfant / sur le porte-bagages / une coccinelle jaune

le ciel sombre – / l’on rebitume / la rue

tôt sur le trottoir / deux dames parlent lapins / et graines

un canard / dans un / coin

« bravo ! » dit-elle / quand il atteint son but / quatre pigeons s’envolent

RER / portes ouvertes — / l’air des vacances

piscine réservée aux G.I.s : / les athlètes irakiens / s’entraînent dans le Tigre

le frigidaire goutte / dernier jour de juin

sur son bras nu : / « issue de secours » / départ en vacances

un banc bleu / à l’ombre d’une haie verte / – Cransac

première nuit de vacances : / mouches et moustiques / au rendez-vous

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daniel (juin 03)

Haïkus / senryûs de Py – mai 03

31 mai 2009

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mediatic masquerades : / facts contradict / their words
mascarades médiatiques : / les faits / contredisent leurs mots

facts covered with words : / cholera – freedom
mots couvrant les faits : / « liberté » – « choléra »

tirant des mots / sur (- pour couvrir) / la réalité

to curb / reality / with words
mettre (un masque de) mots / sur la réalité

des mots sur les maux / des mots sur les morts / – tournez cosaques

Déshabiller les mots / pour voir / la réalité nue

Amerigs / set alight

their war / waged and won / or so they say…

Dictating Democracy

Américains / tirant les marrons américains / du feu américain

To kill oneself laughing ? : / Americans allowing the Communist Party / in Irak

démocrasses

Le ministère de l’intelligence / le ministère de la sensibilité / le ministère de l’équité / le ministère de la générosité, … / : rêvons un peu

d’un Ferry l’autre – / vie et mort / de l’éducation laïque
d’un Ferry à  un autre : / Jules crée l’école publique / Luc la démantèle

Paris / peuplé de marcheurs / – beau matin de mai

la danse du tissu / autour de ses jambes / – grève des transports

penchée sur son vélo – / montée de mai

dix-neuf mai pluvieux – / premières cerises / apéritives

de longues queues se forment / aux portes de la première foire du sexe / – « Cul-penhague », 1969.

vue de l’arrière / la trompe de l’éléphant / en forme de bite / – musée d’Orsay

qu’il vente ou qu’il neige / l’homme dénudé / jardin Cavelier de la Salle

pavés empaquetés / au bord du défilé / du vingt-cinq mai / Avenue des Gobelins

la pluie repique ses pousses blanches / sur l’asphalte noir / – fin mai

que faire / de mon sentiment pour elle ? / – pluie de fin mai

dans la barque / au bord du fleuve / personne / – fin mai

bientôt les vacances / les oiseaux s’en donnent / à cœur-voix

sur le pont en bas-résille / passant avec moi  / l’on t’en siffle

blue sky / and blue balls : / Spring / and her

quarante-trois ans, / elle relit / Heidi

culotte blanche de l’étudiante / sur la pelouse – / une abeille survole

un couple de vieux / appuyés l’un sur l’autre / chacun dans son livre

candy-floss / the sun / eats / the clouds
barbe-à-papa / le soleil / mange / les nuages

nos jeux sous les saules / enfants cachés par la moitié / d’un siècle

les feuilles / balayent la cour / Frida – Diego

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daniel (mai 03)

Haiku de R.H.Blyth vol1,sect1 : Le taoïsme

30 mai 2009

(p.40-51)

3) Le Taoïsme.

Le taoïsme, représenté par Lao-Tseu (Rôshi) et Tchouang-tseu (Sôshi), atteignit le Japon en partie directement, et en partie à travers la poésie chinoise. L’influence directe fut peut-être restreinte, parce que Sôshi, tout particulièrement, est très difficile dans sa langue d’origine – mais pas particulièrement en anglais. La relation entre taoïsme et zen n’est pas facile à établir, loin de là. Leur origine fut peut-être commune dans l’esprit chinois. Le zen peut être l’application pratique des idéaux taoïstes greffés sur l’arbre bouddhiste de la religion. L’histoire orthodoxe du zen veut qu’il y ait une succession ininterrompue de patriarches du zen depuis Sakamuni jusqu’aux maîtres chinois du zen en passant par Daruma. Ceci est d’une historicité douteuse et semble quelque peu improbable. Cependant, ce qui est important pour le haïku, ce sont ces idées, ces essais de l’âme qui sont venus au Japon grâce à ces anciens mystiques chinois. Voici des passages caractéristiques de Rôshi d’abord, puis de Sôshi :

RÔSHI :

La Voie est une vacuité qu’on ne peut remplir, un golfe sans fond, qui est l’origine de tout ce qui est dans le monde.

Ciel et Terre sont impitoyables ; ils agissent envers les choses comme des chiens de paille. Les sages sont impitoyables ; ils agissent avec les gens comme des chiens de paille.

Le Grand Dieu est comparable à l’eau, l’eau qui sert toutes choses sans contestation. Elle est là où les hommes n’aiment pas être (les endroits les plus bas.) C’est pourquoi elle est proche de la Voie.

Ëtre de peu de mots, c’est suivre la nature. Une tempête ne souffle pas toute la matinée, de même que des trombes d’eau ne s’abattent pas toute la journée. Qui en est la cause ? Le Ciel et la Terre. Et si le Ciel et la Terre ne les font pas durer si longtemps, d’autant moins devrait l’homme !

Qui connaît les autres a le savoir. Qui se connaît est illuminé.

Revenir (à la Nature) est l’action de la Voie. La Faiblesse est l’usage de la Voie. Toutes choses au Ciel et sur Terre viennent de l’Etre, mais l’existence vient du Non-être.

Apprendre, c’est ajouter quelque chose chaque jour. Suivre la Voie c’est retrancher quelque chose chaque jour, retrancher, retrancher jusqu’à atteindre l’Inactivité, cette Inactivité qui est Toute-l’Activité.

Ceux qui savent  ne parlent pas. Ceux qui parlent ne savent pas.

Le sage désire des choses non-désirées (par les autres) ; il ne recherche pas ce qui est difficile à obtenir.

La Vérité n’est pas plaisante à entendre. Les mots plaisants ne sont pas vrais. Les hommes bons n’argumentent pas. Ceux qui argumentent ne sont pas bons. Celui qui sait n’est pas cultivé. L’homme cultivé ne sait pas.

Dorénavant, mes yeux ne faisaient qu’un avec mes oreilles, mes oreilles avec mon nez, mon nez avec ma bouche. (Rishi, 2,3.)

Comparez avec Rôshi, 56 :

Fermant la porte (de sa bouche), fermant les vantaux (de la vue et de l’ouïe), émoussant le tranchant, dénouant les complications, adoucissant l’éclat, essuyant la poussière (de la discrimination) – ceci est le nivellement mystérieux.  »

Ceci est de l’ordre de haïkus tels que le suivant – mais pas seulement – :

Umi kurete   kamo no koe   honoka ni shiroshi
Bashô
La mer s’assombrit :    les voix des canards sauvages    sont vaguement blanches.

SÔSHI :

Keishi dit à Sôshi : « Je possède un grand arbre appelé « La Fierté de l’Inde ». Son tronc est si tortueux et noueux qu’une ligne de craie (pour marquer les longueurs de bois à couper) est parfaitement inutile. Les branches en sont si contorsionnées que le compas et l’équerre ne servent à rien. Il jouxte la route, mais les charpentiers n’y jettent même pas un regard. De la même manière, Monsieur, vos mots sont grands et inutiles, et les gens y sont indifférents. » Sôshi répondit :  « … Monsieur, vous vous désolez de l’inutilité de votre grand arbre ; pourquoi ne pas le planter dans la Région du Non-être, le Domaine de l’infiniment Vaste, vous promener auprès de lui dans un état de non-action, , sommeiller paisiblement allongé sous son ombre ? La hache ne le blesserait pas ; rien ne pourrait le meurtrir. N’ayant aucun moyen d’être utile, comment pourrait-il être endommagé ? »

Seul « celui qui est arrivé » sait et comprend que tout est Un. Il ne se considère pas comme séparé des choses, mais s’identifie avec elles dans leur activité essentielle.

La grande Voie ne s’exprime pas ; l’éloquence parfaite ne parle pas ; la justice absolue n’est pas désintéressée ; la valeur entière n’est pas courageuse.

Peu importe combien on verse, cela ne déborde pas ; combien on puise, cela ne s’épuise  jamais ; de plus, ne pas en connaître le pourquoi, cela s’appelle la Lumière Cachée.

Quand les autorités mobilisèrent les gens, le bossu se pavanait au milieu d’eux. Quand on les assigna aux travaux publics, le bossu, infirme incurable, fut délaissé. Quand le gouvernement distribua du riz pour les malades, il reçut trois mesures et dix brassées de bois de chauffage. Si donc un bossu, en raison de sa malformation corporelle peut se nourrir et vivre jusqu’à son dernier souffle ainsi, n’est-il pas bien plus profitable d’être un bossu moral ?

Un tel homme (un Homme Véritable), les circonstances ne l’atteignent pas, son attitude est pleine de tranquillité, son expression (faciale) est banale. Sa fraîcheur est celle de l’automne, sa chaleur celle du printemps. Ses émotions suivent leur cours naturel comme la ronde des quatre saisons. Son harmonie avec la nature est au-delà de toute appréciation humaine. Ainsi quand le sage utilise l’armée de façon à ruiner le pays, il ne perd pas l’amour du peuple. S’il accorde sa bienveillance sur cette génération et les suivantes, ce n’est pas par amour des gens. Ainsi il n’est pas du ressort du sage d’apporter le bonheur aux autres. Bien aimer les choses, ce n’est pas l’Amour universel.

Un bateau caché dans une crique, ou (« une île montagneuse cachée ») dans un marais, on les appelles « saufs ». Mais même ainsi quelque chose de fort peut les emporter à minuit. Les hommes dans leurs illusions ne réalisent pas ceci.. Cacher de petites choses dans des grandes est correct, mais elles peuvent s’y perdre. Si, par ailleurs, vous cachez l’univers dans l’univers lui-même, il n’y a nulle part où il peut se perdre. C’est la Grande Nature de toutes choses.

Shirai tomba  soudain malade, suffoqua et fut sur le point de mourir. Sa femme et ses enfants l’entouraient en pleurant. Shiri s’y rendit et les apostropha : »Déguerpissez ! Ne contrariez pas son changement ! » Puis s’appuyant contre la porte il dit : « Merveilleux est le Créateur !
Que va-t-il faire de toi maintenant ? Serastu le foie d’un rat, ou les coudes d’un ver ? » Shirai répondit : « Un enfant doit aller avec obéissance à l’Est, à l’Ouest, au Sud, au Nord, selon ce que ses parents lui disent ! Yin et Yang ne sont pas seulement le père et la mère de l’homme. S’ils me rapprochent de la mort et que je m’y oppose, je suis un rebelle et insoumis ; ils ne sont pas à blâmer. La Grande Nature, en m’accordant une forme humaine, me donne une place (dans le monde) ; avec la vie me permet de travailler ; avec la vieillesse m’apporte le contentement, avec la mort, la cessation de l’existence. »

Confucius dit : « Les poissons sont faits pour l’eau, les hommes pour la Voie. Ceux qui vivent dans l’eau se donnent entièrement aux mares, et s’y nourrissent ; ceux qui vivent dans la Voie, vivent en paix, une vie de certitude. Ainsi dit-on : « Les poissons ne sont pas conscients des rivières et des lacs ; les hommes ne pensent jamais à la Voie, et comment y marcher. »

Avant de parler des influences de Rôshi et de Sôshi sur Bashô, mentionnons que Sôin (fondateur de l’école Danrin de haïku ; 1604-1682) écrivit sur un portrait de Sôshi, cet extrait :

 » Ne prenons-nous pas pour modèle les écrits de Sôshi, et ne révérons-nous pas l’influence de Moritake (1472-1549) ?  »

Il termine par ce verset :

Yono naka ya    chôchô tomare   kaku mo are
Le monde    est après tout comme un papillon,    quel qu’il puisse être.

Ceci renvoie bien sûr au passage probablement le plus célèbre de Sôshi :

 » Suis-je un homme rêvant qu’il est un papillon ou suis-je un papillon rêvant qu’il est un homme ? »,

Ceci fut l’origine de maint haïku sur les papillons, parce qu’il implique leur identification avec le poète de cette manière légère et rêveuse qui fait à la fois partie de la nature de l’insecte et de celle du poète..
Le poète qui insista le plus fortement sur le fait que « les écrits de Sôshi sont des haïkaï » fut Okanishi Ichû, mort en 1692, et disciple de Sôin. Dans un de ses ouvrages, Hakai Môkyu, se trouve le passage suivant :

Dans l’Océan du Nord se trouve un poisson appelé le Kon, grand de je ne sais combien de « ri ». Quand la mer s’agite, il se prépare à partir pour l’Océan du Sud. Il batde ses ailes sur l’eau pendant 3000 ri. Il monte sur un tourbillon pendant 90000 ri. Ceci est l’esprit dans son jeu céleste, ses transformations et sa liberté naturelle. Mais le haïkaï sortant d’un ventre de quelques centimètres carrés et voyant ce qui est par-delà le ciel et la terre réfléchit et crée son idée de libre changement. Joignant ce qui est avec ce qui n’est pas, nous obtenons un verset de liberté vivante. C’est le vrai haïkaï.
En  nous promenant dans les montagnes, en jouant dans les champs,en admirant les fleurs de cerisiers, en soupirant après les feuilles cramoisies de l’automne, à chaquefois que nous faisons cela, notre état d’esprit n’est-il pas celui de «  Jouir d’une aise sans trouble » ?
Pendant la période que couvrit la vie de Bashô, les études confucéennes furent nombreuses, et on lut Sôshi et Rôshi avec Confucius et Mencius tout naturellement. Leurs livres et les commentaires de leurs livres étant publiés à ce moment-là.. On dit que Bashô étudia lui-même les Classiques chinois, et plus particulièrement Sôshi et Rôshi avec Tanaka Dôkô (1668-1742), mais les dates de son existence font problème avec celles de Bashô (1644-1694).
Il faut mentionner qu’à cette époque on avait l’habitude d’appliquer le mot de gûgen, allégorie,  à la pensée de Sôshi, et aussi au haïkaï. Ceci a à voir avec l’utilisation de l’allégorie dans l’école de haïkaï de Teitoku.
Il est difficile de juger de la connaissance de Sôshi par Bashô, mais il ne fait aucun doute que la pensée et les dispositions du « philosophe » chinois étaient très proches de son propre caractère. Le nombre de citations et de références à Sôshi est comparativement important. Beaucoup plus qu’à Rôshi, en partie à cause que celui-ci a des applications plus politiques, et en partie parce qu’il n’a pas les hautes envolées d’imagination qui caractérisent Sôshi.
Dans Inaka no Kuawase de Kikaku (1680) il est dit que Bashô prit le nom de Kukusai. Auparavant son nom-de-plume était Tôsei, Pêche verte, par admiration pour Ritaihaku, dont le nom signifie Prune Blanche. Le nom de Kukusai, « voletant » est tiré du célèbre passage de Sôshi, à la fin du 2° chapitre :  » La mise au point des controverses  » mentionné plus haut :

Auparavant, je rêvais que j’étais un papillon voletant et heureux. Je ne savais pas que j’étais Sôshi. Soudain je m’éveillai pour être Sôshi de nouveau. Je ne savais pas si j’étais Sôshi rêvant qu’il était papillon, ou un papillon rêvant qu’il était Sôshi « .

Dans toujours l’Inaka no Kuawase on trouve les vers suivants, composés par Yajin ; les commentaires étant de Bashô :

Kabe no mugi    yomogi sen-nen wo    warô to kaya

L’orge près du mur    rit, semble-t-il     aux mille ans du gratteron

L’orge près du mur est semblable au champignon qui ne sait rien du premier jour de l’an, ni du dernier, comme la tortue qui parle du Grand Camélia.

Ces deux comparaisons viennent du premier chapitre de Sôshi :

Kogarashi to    narinu katatsumuri no    utsusegai
La tempête est arrivée :     la coquille vide    d’un escargot

Cette « coquille vide d’un escargot » a du sabi. Mais ne serait-il pas mieux s’ils se battaient « avec les cornes » ?

Cela provient du chapitre 25 de Sôshi, dans lequel Keishi présente Taishinjin au roi ; Taishisjin lui parle des deux antennes d’un escargot. Sur une antenne se trouve un royaume appelé Provocation, et sur l’autre un royaume appelé Stupidité. Ils se battent sans arrêt, provoquant mort et malheurs chez leurs citoyens. Sôshi, évidemment, souligne la relativité des choses.
En plus de ces exemples de commentaires par Bashô, on peut montrer certaines de ses propres compositions. Dans le Nozarashi Kikô (de 1684) :

Je visitai le temple Tômaji au mont Futakami. Dans le jardin, je vis un pin, vieux de mille ans peut-être, assez grand pour  cacher un bœuf, disons. Bien qu’il soit insensible, dans sa relation karmique avec le Bouddha, il avait évité le péché de la hache, et c’était à la fois heureux et louable.

Sô asagao    iku shi ni kaeru    hô no matsu
Le moine – une belle de jour    mourant encore et encore ;    ce pin – la Loi Bouddhiste !

La référence au bœuf vient du quatrième livre de Sôshi :

Un maître-charpentier Seki, sur le chemin de Sai, arriva à Kyokuen, et vit un arbre, consacré aux esprits du pays. Il était assez grand pour dissimuler un bœuf.

Sôshi  est résolu à montrer l’inutilité de ce grand arbre, dans les branches duquel on  pourrait même creuser un bateau. Bashô le regarde comme un arbre, avec amour et respect, mais il souhaiterait avoir la coloration particulière de la pensée spirituelle de Sôshi, la « couleur locale » chinoise. Il le fait intervenir preque comme un habitué. Dans le Oi no Kobumi (de 1687), nous pouvons lire :

Je n’ai pas vraiment essayé de rassembler des provisions pour ces trois mois.

Cela provient du premier chapitre de Sôshi :

Celui qui voyagera sur mille « ri » devra emporter des provisions pour trois mois.

Quelques haïkus de Bashô s’apparentent peu ou prou à Sôshi,  comme par exemple :

Morokoshi no   haikai towan    tobu kochô
Je questionnerai / à propos du haïku de Chine / ce papillon qui volette

qui a pour post-scriptum : « Écrit sur une peinture de Sôshi ». Le papillon fait évidemment référence à l’allégorie citée précédemment de Sôshi.
Nous voyons la même relation dans :

Kimiya chô    ware ya sôshi no    yume-gokoro
Tu es le papillon    et moi le cœur rêvant    de Sôshi ?

Okiyo okiyo    waga tomo ni sen    nuru kochô
Lève-toi, lève-toi    et sois mon compagnon,    papillon endormi !

Bashô dit, dans le Journal de Genjuan :

Pendant le jour, mon esprit est stimulé de temps à autre par des gens qui m’appellent. Quelquefois le vieux gardien du sanctuaire, quelquefois les jeunes hommes du village viennent et racontent comment des ours sauvages dévorent et saccagent les plantations de riz, combien souvent les lapins viennent dans les champs de pois, et ainsi de suite, parlant de choses de la ferme qui me sont nouvelles. Le soleil est déjà derrière la montagne et je m’assieds tranquillement dans le crépuscule, avec mon ombre, attendant la lune. Allumant la lumière, je médite sur la vérité des mots de la Pénombre.

Cette dernière phrase se base sur un passage de Sôshi :

La Pénombre demanda à l’Ombre : « Tu viens de marcher, et maintenant tu t’es arrêtée ; tu t’es assise et maintenant tu es debout : pourquoi es-tu si inconstante ? » L’ombre répondit : « J’attends le mouvement de quelque chose (la forme) et ceci que j’attends attend le mouvement de quelque chose d’autre (le Créateur). Mon attente de bouger est comme l’attente dees écailles du serpent ou des ailes du higurashi (sorte de cigale). Comment savoir pourquoi je fais ceci et pourquoi je ne fais pas cela ? »

Dans Oku no Hosomichi, Bashô cite une partie d’un waka de Saigyô :

(Yo mo sugara    arashi ni nami wo    hakobasete)    tsuki wo taretaru    shiogoshi no matsu
(Toute la nuit, avec le vent violent)   les pins de Shiogoshi    portant la lune dans leurs branches    (enroulent les vagues)

Puis il continue :

Dans ce verset, beaucoup de scènes sont complètement exprimées. Ajouter un autre mot serait « un doigt inutile »

C’est une phrase qui vient du passage de Sôshi :

Ainsi, ajouter au pied est un ajout de chair ;
Ajouter à la main est y planter un doigt inutile.

4) La poésie chinoise

Haiku de R.H. Blyth I,1 – Bashô et le zen

29 mai 2009

Bashô et le Zen

 » Avant de parler de Bashô et du Zen, référons-nous en à la relation entre le renga (forme de poésie à partir de laquelle se développa le haïku) et le Zen. Beaucoup de maîtres du renga furent des moines dont certains appartenaient à la secte Zen. Parmi eux Musô Kokushi, 1271-1346, fondateur du temple Tenryûji, qui devint le quartier général de la branche Rinzai du zen. D’autres furent des disciples d’Ikkyu (1394-1481), dont, dit-on, Sôkan (1458-1546), un des plus grands maîtres du haïkaï. Sôin (1604-1682), fondateur de l’école Danrin de haïku, étudia également le Bouddhisme et reçut l’ordination des mains de Hôun Zenji, du temple Fukushûji, à l’âge de 64 ans.

Tei-zen ni    shiroku saitaru    tsubaki kana
Dans le jardin    le camélia fleurit    blanc

fut la réponse, dit-on, d’Onitsura, grand contemporain de Bashô, à une question du maître zen Kudô, à propos de la teneur de son haïkaï. C’est, évidemment, une sorte d’imitation du 37° cas du Mumonkan :

Un moine demanda un jour à Jôshû :  » Que signifie la venue de l’Ouest de Daruma ? (c-à-d. l’essence du bouddhisme).
Jôshû répondit :  » Le magnolier dans le jardin. »

Il semble qu’il y ait d’autres évidences indirectes mais satisafaisantes de l’intérêt
d’Onitsura pour le Zen.

Le contact direct de Bashô avec le Zen se fit par l’intermédiaire de Bucchô, père Supérieur du Temple de Konponji, et le meilleur moyen de nous donne rune idée de la relation entre disciple et maître est de lire ce qu’écrivit Bashô, en visite au temple après la mort de Bucchô, dans Oku no Hosomichi :

Kitsutsuki mo    io wa yaburazu    natsu-kodachi

Même le pivert    n’abîmera pas son ermitage    dans les arbres d’été

Bucchô, quand il habitait Edo, était un des maîtres zen de Bashô. Le verset précédent fut composé au temple d’Unganji, près de Kurobane. Bucchô devint ensuite le moine supérieur de Konponji, dans la province de Kashima. Le passage du Oku no Hosomichi dans lequel apparaît le poème est le suivant :

Dans cette région, derrière le temple d’Unganji, loin dans les montagnes, on peut trouver l’ermitage de Bucchô.

Ma chaumière
Moins de cinq pieds carrés ;
Quel ennui d’avoir à construire même ça,
Mais la pluie…

Il me dit qu’il avait écrit ceci ici avec du charbon de pin. Désirant voir les ruines, j’allai au temple. Quelques personnes, la plupart de jeunes hommes vinrent et proposèrent de nous guider.Faisant grand bruit, avant de nous en rendre compte, nous avions atteint le pied de la montagne qui était retirée, et lointain le chemin de la vallée au milieu de pins et de cryptomères. De l’eau gouttant dans la mousse, il faisait froid, même maintenant, au quatrième mois. Après avoir apprécié les Dix Vues, nous franchîmes le pont, et la Grande Porte du temple. Mais où étaient les ruines de l’ermitage de Bucchô ? Grimpant dans la montagne derrière le temple, nous trouvâmes une petite cabane sur un rocher devant une grotte. Il me semblait regarder la Porte de la Mort de Genmyô ou la Chambre de Pierre de Hôun (tous deux des moines chinois). J’écrivis sur le champ ce verset, que je laissai sur la colonne du cabanon.

Le verset est une expression du sentiment de révérence de Bashô envers sonprofessezur décédé. Même le pivert n’a pas abîmé les piliers de bois de cette hutte dans cet endroit solitaire, loin des repaires humains.
Voici quelques versets de Bashô qui ont une nette « saveur du Zen » :

Saki midasu    mono no naka yori    hatsu-zakura
du milieu des pêchers    fleurissent partout    les premières fleurs de cerisiers

Kane kiete    hana no ka wa tsuku    yûbe kana
le son se dissipe    la senteur des fleurs s’élève –    la cloche du soir

Hara-naka ya    mono ni mo tsukazu    naku hibari
du milieu de la plaine    chante l’alouette    libre de tout

Niwa haite    yuki wo wasururu    hôki kana
Balayant le jardin     le balai oublie     la neige

Yama mo niwa mo    ugoki iruru ya    natsuzashiki
Les montagnes et le jardin bougent aussi –    l’atelier de peinture estival      les contient

Les disciples de Bashô furent naturellement influencés par le profond intérêt du maître pour le Zen. On dit que Kikaku devint à 13 ans, en 1674, disciple de Bashô. Il apprit la médecine, le Confucianisme, le Livre des Changements (duquel il prit son nom) la poésie chinoise, le haïkaï et vraisemblablement le Zen jusqu’à un certain point, mais sans vraiment en saisir la portée. D’une part, il fait montre d’une sorte de liberté innée; il ne se lie à aucune sorte d’attitude religieuse. D’autre part sa profondeur est comme qui dirait accidentelle et agitée, alors qu’il dégénère en jeux de mots et d’esprit, dont Bashô avait délivré le haïkaï.
Ransetsu étudia le Zen sous la conduite de Saiun, d’Edo. Son poème de mort dit :

Hito ha chiru    totsu hito-ha chiru    kaze no ue
une feuille de paulownia tombe ;    Totsu ! une seule feuille tombe     portée par le vent

Totsu ! est une exclamation Zen exprimant un grognement, une colère. Elle a le même sens que K(w)atsu ! Ce jisei est digne d’un adepte du Zen. On dit qu’il tira son nom de Ransetsu  » Tempête de neige  » d’un mondô (ou question-réponse) échangé entre lui et son maître Saiun, qui lui demanda :  » Qu’y a-t-il quand la neige couvre mille pics ?  » Il répliqua :  » Un seul sommet n’est pas blanc. »

De ceci également on dit qu’est venu son nom Fuhakken : « auvent pas blanc », mais rien n’est moins certain.
Le disciple de Bashô qui eut la compréhension la plus profonde du Zen fut Jôsô, 1661-1704. Il l’étudia dans sa jeunesse avec Gyokudô, du temple Senseiji, de la branche Obaku du Zen. Il apprit de lui l’écriture des poèmes chinois et en écrivit un grand nombre dans le sens du Zen. Ses haïkus en ont aussi cette saveur imperceptiblement inimitable. Par exemple :

Minasoko no    iwa ni ochitsuku    ko-no-ha kana
feuilles     tombées sur un rocher    sous l’eau

No mo yama mo    yuki ni torarete    nani mo nashi

champ et montagnes    entièrement sous la neige –    rien ne reste

Minasoko wo    mite kita kao no    kogamo kana
la sarcelle    a l’air de vouloir dire :     » je suis allée jusqu’au fond ! »

Ryôta (1707-1787), élève de Ritô (1680-1754), lui-même élève de Ransetsu, après avoir interviewé Hakuin, alla voir Tôrei, à Ryutakuji. Celui-ci composa un poème qu’il lui donna :

Tobikonda    chikara de ukabu    kawazu kana

La grenouille s’élève / par la même force / qui fait qu’elle plonge

Ceci est un exemple (de l’enseignement) du zen, qui n’est pas un haïku. Le haïku n’est jamais de l’ordre du didactique. Si c’est, comme la poésie, « une critique de la vie », ce mot de « critique » doit être lui aussi compris dans un sens poétique mais ni philosophique, ni psychologique, ni  analytique.

3) Le Taoïsme.

Haïkus – senryûs de Py – avril 03

29 mai 2009

°

strutting peacocks / behind their stands / – daily report

daily need / to justify / their deadly deed

listen between their teeth

the (k)nights of Apocalypse

par les temps qui tombent …

écumant du cerveau… / humainement déficients

ici nuits blanches / là-bas nuits rouges

gory alleluias

killing people / maiming words
tuant les gens / mutilant les mots

god less war / peace less world

mas(ked) destruction

a stray god

c’est le théâtre de la guerre / et les acteurs sont mauvais

sensible à la pression lacto-sphérique

verset biblique ? / verset satanique ? / Père U-Bush

nauséabondieux

Bush à berde

George U-2 Bush

Bird names in the Bush

Hell from the sky
l’enfer (vient) du ciel

il porte sa fille / qui ne pourra plus se porter / – lambeaux de pied

they say they’re freeing us / they’re frying us !

they are the failure of the verb !

ses seins écoutent / mine de rien / le trompettiste qui joue dans la rame / devant elle

la guerre met fin au langage…

l’humanitaire / pour voiler l’inhumain

votre camp humanitaire : / un musée des horreurs

your words / stink of blood / flesh / and oil
vos mots puent / le sang / la chair / le pétrole

campagne de l’Unicef : « La faim tue les enfants en Irak » / – des pigeons picorent les trottoirs (à Paris)

la Liberté / de piller les ressources / de l’Irak

une bombe à fragmentations : / trois terrains de football

trous de tombes / creux de tombes / tragédies en sous-sol

cadavres laissés / dans les carcasses des voitures / Bagdad libérée

George War Bush  / Bush – War – Blair / (bush warbler)

un petit cri / dans le matin / elle vient / de se faire jouir
a little cry / in the morning / she’s just / come

les murs tombent / les promoteurs / se frottent les mains

les Chiites ont-ils trop fumé ?

les Marines laissent tout piller / sauf le ministère du pétrole

l’axe des Biens

War Bush et mourir

Bagdad Far-West

looking for weapons / finding oil !

one / evidence / oil

freedomination

Bush bouchers de père en fils

Jamesbondieuseries

humaniterreur

occupants / occupés / à chasse-garder / le pétrole

rodomontages

to trust the tales of a nation at war ?

a very thin girl / with very thick hair / Sunday evening
une fille très mince / à chevelure très abondante / – dimanche soir

Baghdad and Baghmum killed – / and I can’t count / on my fingers anymore

le cercle de taï-chi-chuan – / une fourmi circule

cercle de taï-chi-chuan / j’entends la pendule

entre moi / et mon gâteau de graines de lotus / un moucheron

carnage et saccage : / les deux mamelles de la liberté irakienne

sa chute de reins / le Niagara de mes pensées

un bâton dans la gorge / un couteau sous les roues

tens of thousands of Iraki people / freed / from life

évidence de « destruction massive » : / quinze fûts suspects

l’escargot de mon nez / sa trace sur mon doigt

avant la séparation / mes mains avides / de toi

tout l’or du monde / dans le filet du pêcheur / – lac de montagne
la nasse du pêcheur / emplie de soleil
de l’or / dans ses mailles / pêche miraculeuse
(pour concours photo MotsMagiques)

cercle de taï-chi / un pigeon vient au centre / puis repart

one wanders why / they so desperately look for proofs / they never needed !
on se demande pourquoi / ils cherchent si désespérément des preuves / dont ils n’ont jamais eu besoin !

justification(s) / they badly need / to feel at peace
tellement besoin de justifications pour se sentir en paix !

descendant du train / j’écrase par mégarde / un couple de moustiques

un parfum de liberté / flotte sur cette femme : / le V de sa jupe, / le V de son décolleté / – printemps

sa chevelure et sa jupe / volent au vent de ses pas / — son soutien dégorge

prude USA ? / asking (at) the U.N. / to hide Guernica

Saddam and Picasso / do hurt / American sensibility

le couteau de Picasso / dans la plaie américaine ? : / voiler Guernica

« l’œil était dans la tombe / et regardait » / Washington

°

daniel (4/03)

Haïkus – senryûs de Py – mars 03

29 mai 2009

°

Printemps proche / les températures remontent / les jupes aussi

8 h 30 / il s’installe au café / pour prendre des nouvelles de la guerre

premier jour de guerre – / beau mais encore frais

veille du printemps / le premier jour / de leur deuxième guerre

tous les pigeons, tous les oiseaux / cette veille de printemps / une guerre de plus

bérets rouges, treillis verts / les soldats tchadiens en bouquet / dans leurs véhicules

premier jour de guerre / un pigeon à petits pas / picore la pelouse

premier matin de guerre / au bureau de la poste / presque personne

Bush à la télé : / cravate rouge / costume bleu-pétrole

nos demi-dieux de la guerre / ont soif / d’un sang bien noir

« We want an end to your suffeings » / says he / before even hitting them
« Nous voulons mettre fin à vos souffrances »  / dit-il / avant même de les frapper

paroliers / d’un monde de mort : / la paix, suprême offense

le printemps malade de la paix
(cf : La Fontaine « les animaux malades de la peste »)

ils cherchent des complices, / les futurs assassins !

nouveaux crimes / savamment orchestrés / Ils veulent des hourras !

équinoxe de printemps / – la chute de la raison
Spring equinox / the fall of / Reason

équinoxe vernal / l’équilibre de la cruauté

l’arraison de la raison…

nous refusons à la raison / le droit d’abdiquer

une femme avec un sac / « VICTOIRE HOMMES » / – premier jour de guerre

mauvais goût : / ils rejouent / au golfe

cut daffodils / on my street corner / – cutting daisies / in Irak

Irak, Tchetchenia, Tibet,… / choose your favourite war

Has one ever founded / a ministry of Attack ?
Quelqu’un a-t-il déjà créé / un ministère de l’Attaque ?

« Welcome in Irak » : / a sign put up / by invading troops
« Bienvenue en Irak » : / une pancarte apposée / par les envahisseurs

où en est le cours du sang / sur les marchés financiers ?

plus vous écrasez les hommes, plus vous parlez de dieu(x)

B(US)h showing the way : / Turkish troops / invade Kurdistan
B(US)h montre la voie : / les troupes turques / envahissent le Kurdistan

silence étourdissant / des images / Bagdad la nuit

Iraqi people / Ground heroes

Bagdad bombings – / the couple next door / still fighting
Bombardements de Bagdad – / mes voisins se querellent encore

a shower of bombs / from the desert
un déluge de bombes / du désert

sur sa terrasse / elle étale son linge / – pyjama de quatorze heures

trente pour cent des soldats américains en Afghanistan / tués par leurs « propres » tirs*
* : « friendly fires »

ce soir / des haïkus à l’encre rouge – / la guerre là-bas

war / bringing chaos / as expected

oil well / all is not / so well ?

son corsage éclate au soleil / des oiseaux sifflent

aux terrasses / fleurissent les client(e)s / – Aisez-vous !

l’ombre du pin / n’atteint pas la rivière / – chaleur d’août
chemin et rivière / s’en vont devisant / – un pin pour parasol
( : in concours photos MotsMagiques)

les augures favorables à la guerre en mars

déjeuners onéreux de généraux dégénérant…

« carpet bombing » / red, I presume…

Bush à miel (noir)

G.W.Butch-er

thick thus dangerous

deuxième jeudi de guerre / même pelouse, même soleil / même pigeon ?

bla bla bla bla / « un monde paisible » / bêêê bêêê bêêê / bla bla bla / « l’aide humanitaire » / bêêê bêêê bêêê

between bombs birds

who’s mass destructing these days ?

achieving peace / through / death

avant la liberté / la mort

theirs bombs and their god / (with them) / to crucify the rest of humanity (?)
leurs bombes et leur dieu / (avec eux) / pour crucifier le reste du monde ?

one word ku : /   G(L)ORY

Aurore / ce soir / par-dessus les nuages

ton souffle / au long du lit / – matin calme

sur mes cuisses / les tiennes / traversée nocturne
on my thighs / yours / – a night journey

sur la rambarde / un pétale vient se poser / tirelis d’oiseau

°

daniel (mars 03)

Haiku R.H.Blyth vol 1,sect 1, le Zen.

28 mai 2009

2) Le Zen

Le zen est la mise en pratique de la réalisation (le rendre réel) du bouddhisme mahayana au quotidien. Un moine lettré doit montrer son « savoir » quand un voleur le menace, quand un millier de personnes l’acclament, quand un orage soudain le surprend, quand il doit attendre un autobus pendant des heures. Dans le même temps, dans la même action, et dans le même état d’esprit, il n’y a pas de voleur, de pluie, d’attente ; rien n’est montré et il n’y a personne pour montrer quoi que ce soit. C’est-à-dire que d’un côté le zen est strictement pratique, et de l’autre sauvagement idéaliste et supra-rationnel ; et cependant c’est seulement un homme qui écrit des mots sur du papier, ou une mère qui allaite son enfant.
Et qu’est-ce que cela a à voir avec le haïku ? Nous allons voir. Dans les prochaines pages sont traduits quelques courts passages du Zenrinkushu. Cette anthologie fut compilée par Eichô (1429-1504) qui fut un disciple de Seccô de Myôshinji. Les articles sont connus sous le nom de agyo, ou chakugo. Eichô les compila à partir d’environ deux cents livres, y compris des écrits variés du Zen, par ex. les Hekiganroku, Mumonkan, Shinjinmei ; les Soutras ; les Analectes,(…) Mencius ; Les Odes ; Lao-tseu, Tchouang-tseu ; Les poésies de Kanzan (Han Shan), Tôenmei, Toho, Ritaihaku, Hakurakuten ; les Toshisen.
Ils furent (et sont toujours) utilisés par les moines qui étudient le Zen dans les monastères, en sélectionnant le passage qui leur semble résoudre le problème que leur soumet leur maître. Un aperçu nous montrera une relation profonde entre eux et le haïku. Notons, en particulier :

Le miroir brisé ne reflétera plus;
Des fleurs tombées ne retourneront guère sur la branche.

Comparons avec le verset de Moritake :

Rakka eda ni    kaeru to mireba    kochô kana

Une fleur tombée    remontant sur la branche ?    C’était un papillon.

Moritake, 1472-1549, était grand prêtre du sanctuaire d’Isé; il est probable que pour lui son verset était original.
Prenons maintenant ceci :

Quand vient le printemps, beaucoup de visiteurs jouissent du temple;
Quand tombent les fleurs, seul reste le moine qui ferme les portes.

L’origine en est inconnue, mais nous pouvons comparer ceci avec les versets suivants :

Hana chitte    mata shizuka nari    enjyôji
Onitsura (1660-1738)
Les fleurs de cerisier tombées    le temple d’Enjôji     est calme de nouveau.

Hana chiru ya   garan no toboso   otoshi yuku
Bonchô (mort en 1714)
Les fleurs tombent    Il ferme la grande porte du temple     et s’en va.

Hana chirite   ko no ma no tera to   nari ni keri
Buson (1715-1783)
Les fleurs de cerisier tombées,    Le temple     à travers les branches

Comparez aussi :

Je ne sais de quel temple
le vent apporte la voix de la cloche.

avec :

Hana no kumo    kane wa ueno ka    asakusa ka
Bashô
Un nuage de fleurs de cerisiers –     La cloche : d’Ueno ?     d’Asakusa ?

Dans la sélection qui suit (72 sur plus de 4000 articles), nous pouvons constater la vision zen du monde sur son chemin vers la poésie du haïku :

Les gouttes de pluie fouettent la feuille de bananier, mais ce ne sont pas des larmes de chagrin ;
Ce n’est que l’angoisse de celui qui les écoute.

La voix du torrent de la montagne provient d’une grande langue ;
Les lignes des collines ne sont-elles pas le Corps Pur du Bouddha ?

La vie est comme une épée qui blesse, mais ne peut se blesser ;
Comme un œil qui voit, mais ne peut se voir.

Les mots ne font pas qu’un homme comprenne ;
Il faut trouver l’homme pour les comprendre.

Pour pouvoir piétiner la Grande Vacuité,
La vache de fer doit suer.

La vérité est comme un tigre, mais avec beaucoup de cornes ;
Comme une vache, mais sans queue.

Se rencontrant, les deux amis rient fort ;
Dans la futaie, nombreuses sont les feuilles tombées.

Le coq annonce l’aube au soir ;
Le soleil brille à minuit.

La voix de la fontaine après minuit ;
Les couleurs des collines au couchant.

Les cris des singes en écho à travers la forêt dense ;
Dans l’eau claire, les oies sauvages se reflètent profondément.

Le coq de bois chante à minuit ;
Le chien de paille aboie au ciel clair.

Les montagnes et les rivières, la terre entière –
Toutes manifestent l’essence d’être.

Le vent s’arrête, mais les feuilles continuent de tomber ;
Un oiseau chante, et la montagne renferme encore plus de mystère.

Toutes les eaux contiennent la lune ;Ce n’est pas une montagne, mais les nuages qui l’entourent.

Entrant dans la forêt, il ne dérange pas une tige d’herbe ;
Entrant dans l’eau, il ne provoque aucune ride.

Un mot détermine le monde entier ;
Une épée pacifie le ciel et la terre.

Le prunier, s’étiolant, contient moins de printemps ;
Mais le jardin est plus grand, et contient plus de lune.

L’arbre manifeste le pouvoir corporel du vent ;
La vague expose la nature spirituelle de la lune.

Sortez, et vous rencontrez Sakamuni ;
Entrez, et vous rencontrez le Bouddha Miroku.

Depuis toujours il n’y eut pas deux chemins ;
« Ceux qui sont arrivés » marchèrent tous sur la même route.

Tirez de l’eau, et vous pensez que les montagnes bougent ;
Levez la voile, et vous pensez que les falaises s’enfuient.

Dans la grande ineptie il n’y a ni devant ni derrière ;
Le chemin de l’oiseau annihile l’Est et l’Ouest.

Voyant seulement le pointu de l’alêne
Ne connaissant pas la forme carrée du burin.

Cette nuit le Bouddha est entré dans le Nirvana ;
Ce fut comme du bois de chauffage entièrement consumé.

Une feuille, un Sakamuni ;
Un cheveu, un Miroku.

Pour préserver la vie, il faut la détruire ;
Quand elle est complètement détruite, pour la première fois il y a du repos.

Percevant le soleil au milieu de la pluie ;
Puisant de l’eau claire des profondeurs du feu.

Quand une vache de Kaishû mange des feuilles de mûrier,
Le ventre d’un cheval à Ekishû enfle.

Avoir le soleil et la lune dans sa manche ;
Tenir l’univers dans la paume de sa main.

Si tu ne l’obtiens pas par toi-même,
Où iras tu le chercher ?

L’eau qu’une vache boit se change en lait ;
L’eau qu’un serpent boit se change en venin.

Beaucoup de mots insultent la vertu ;
Être sans mots est essentiellement efficace.

Bien que nous nous penchions ensemble à la même balustrade,
Les couleurs de la montagne ne sont pas les mêmes.

Comme il est bon que le Corps Entier
De Kwannon entre dans les herbes sauvages !

Prenant un brin d’herbe,
L’utilisant comme un Bouddha doré de cinq mètres.

Les collines bleues sont par elles-mêmes des collines bleues ;
Les nuages blancs sont par eux-mêmes des nuages blancs.

Si vous n’avez pas lu les Analectes,
Comment pouvez vous connaître le sens du Zen ?

Plantant des fleurs où viennent les papillons
Daruma dit : « je ne sais pas. »

La chaleur n’attend pas le soleil pour être chaude,
Ni la lune le vent pour être fraîche.

Rien absolument n’est caché ;
Depuis toujours tout est clair comme le jour.

Le vieux pin parle une sagesse divine ;
L’oiseau secret manifeste la vérité éternelle.

Voyant, ils ne voient pas ;
Entendant, ils n’entendent pas.

Un seul pistil de la fleur de prunier
Et les trois mille mondes sentent.

Le bâton d’Unmon* est trop court ;
Celui de Yakusan** est trop long.

* mort en 996 ; célèbre pour l’utilisation de son bâton dans son enseignement du Zen.
** 751-834 ; célèbre aussi pour son usage du bâton.

Chaque homme a assez de sol sous ses pieds
Pour pratiquer zazen.

Si tu ne le tues pas,
Il te tuera.

Tu désires peut-être savoir d’où viennent les fleurs,
Mais Tôkun* lui-même ne le sait pas.

* Le dieu du printemps

Si vous rencontrez un illuminé dans la rue,
Ne le saluez pas en mots, ni en silence.

Où se produit l’interaction entre « est » et « n’est pas »,
Même les sages ne peuvent pas le savoir.

L’eau d’avant et l’eau d’après,
Coulant maintenant et pour toujours, se suivent.

Ce qui est écrit l’est depuis très longtemps,
Mais le cœur connaît tout le gain et toute la perte.

Il n’y a nul endroit où chercher l’esprit ;
C’est comme les traces de pattes des oiseaux dans le ciel.

Assis tranquillement sans rien faire,
Le printemps vient, l’herbe pousse.

Au-dessus, pas un morceau de tuile pour se couvrir la tête ;
Dessous, pas un pouce de terre pour poser le pied..

La bouche désire parler, mais les mots disparaissent ;
Le cœur désire s’associer, mais ls pensées s’enfuient.

Si vous voulez connaître la route de la montagne,
Demandez à l’homme qui y monte et en descend.

Simplement il vous faut vider « est » de sens
Et ne pas prendre « n’est pas » pour vrai.

Un atome s’envolant obscurcit le ciel ;
Un grain de poussière couvre la terre.

Peut-on comparer quoi que ce soit avec se vêtir et manger ?
En-dehors de ça, il n’y a ni Bouddha, ni Bodhisattva.

Connaître l’Esprit originel, la Nature essentielle,
Voici le grand mal de (notre) religion.

(…)

On ne peut l’atteindre par l’esprit ;
On ne peut pas le chercher par le sans-esprit.

On ne peut le créer par la parole ;
On ne peut le pénétrer par le silence.

Les oies ne désirent pas laisser leur reflet derrière elles ;
L’eau n’a pas d’esprit pour retenir leur image.

Le brouillard tombant vole avec les canards sauvages ;
Les eaux d’automne ne font qu’une couleur avec le ciel.

Le vieil arbre se penche sur les vagues, son image froide se balance ;
La brume flotte au-dessus de l’herbe, le soleil du soir s’évanouissant.

Si vous ne croyez pas, regardez septembre, regardez octobre,
Comment les feuilles jaunes tombent et emplissent montagne et rivière.

Au-dessus des branches nues de mille collines, un ciel vaste, lointain ;
Sur le chemin de la rivière, une lune rayonante.

Quand le Bouddha sortit ses trois pouces de fer*,
Alors, pour la première fois, on connut les épées et les lances du monde.

* = sa langue. Comparez avec : « Je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée. »

J’y suis allé, j’en suis revenu ; rien de spécial : **
Le mont Ro dans le brouillard ; Sekkô à marée haute.

** La poésie, comme le Zen, n’est rien d’extraordinaire.

Bashô et le zen. (p.34).

Haiku R.H. Blyth vol I, sct1 – bouddhisme

27 mai 2009

1)  Bouddhisme
(p.18-23)

Si nous devons voir les débuts (autant qu’on les connaisse) de ce qui devint en fin de compte  la franchise simple et la perception instantanée du haïku, il nous faut remonter à la pensée indienne pré-bouddhique.
Les temps les plus reculés eurent la réalisation que le secret de la vie se trouve dans la compréhension du soi :

Pour ceux qui repartent d’ici sans avoir découvert le soi et ces désirs véritables, il n’y a de liberté dans aucun monde.  (Chand. Upanishad,8,1)

Il y avait ce fort désir de s’échapper du monde de la souffrance :

Alors emmène-moi, je te prie, jusqu’à la rive lointaine au-delà de l’affliction.  (Chand. Up. 7,1)

Dans la célèbre parabole du fruit de l’arbre Nyagrodha, on constate le fait que la vérité est invisible – mais cependant sous nos yeux, et à  notre portée. Dans la graine ouverte où nous ne voyons rien se trouve l’essence du grand arbre :

Ce qui est l’essence subtile, en cela tout ce qui existe a son être.  C’est le Vrai. C’est le Soi, et toi, O Svetateku, tu es Cela.

Les haïkus sont ce « tu es cela » ; quand un homme devient une bambouseraie oscillant dans une pluie ventée, une cigale qui s’épuise en son chant, cet homme est « cela ».

D’où ces choses proviennent, ce par quoi elles vivent, et où elles retournent à la mort, tâchez de connaître cela. Cela est Brahman.   (Taitt. Up. 6,12)

L’effet du bouddhisme indien-chinois-japonais en général sur la vie et la pensée du peuple japonais, et donc sur le haïku, peut se traiter en deux points :
a)    les idées populaires
b)    les idées philosophiques.

a)    La vie est affliction et souffrance. Il y a plus qu’un peu de cela chez Bashô et Issa ; mais Buson et Shiki, en leur objectivité ressentent la signification des choses plus profondément que leur évanescence. La nature de rosée matinale de toutes choses, et même de l’univers, peut engendrer la douleur ; on peut y voir aussi l’élément inévitable de tout changement  et de toute diversité. Dans le bouddhisme, l’ignorance est le grand mal du monde, plutôt que la perversité morale. Le grand problème de la vie pratique journalière est alors de voir correctement les choses ; pas de les évaluer selon une échelle morale pure et dure de vice et de vertu, d’utilité ou d’inutilité, mais de les prendre sans préjudice sentimental ou intellectuel.
Le polythéisme du Japonais moyen, comme celui des Grecs, eut une grande répercussion sur leur mode de vie poétique.  Les dieux sont nombreux : Amaterasu, Miroku, Hachiman, Jizô, Amida, Dainichi Nyorai, Tenjin, Kwannon, Emma O. Shakamuni, Benten, et une centaine d’autres.
Mais ces dieux ne sont pas éloignés de nous, ni en lieux, ni en classes. Il n’y a pas non plus de claire distinction entre homme et sous-homme. L’échelle des êtres dans l’univers bouddhiste place l’homme au milieu. Les idées animistes primitives des Japonais rencontrent le système bouddhiste, et ils s’unissent par la théorie de la transmigration. Le résultat (ou est-ce la cause ?) en est que nos vues s’élargissent dans les deux directions :

Rusu no ma ni    aretaru kami no    ochiba kana
Bashô
Le dieu est absent ;    les feuilles mortes s’entassent    et tout est désert

Samazuke ni    sodate-raretaru    kaiko kana
Issa
Élevant les vers à soie    ils les appellent    « Monsieur »*

•    le mot  sama implique non seulement le respect, mais aussi un sentiment tendre, pieux, vis-à-vis des vers à soie.

b)    La doctrine Mahayana de l’identité de la différence, ou de l’indifférence des contraires est une doctrine qui éloigne le bouddhisme de la chrétienté, plus que nulle autre. Cette distinction explique combien fortement l’expérience bouddhiste et la poésie orientale sont connectées, et pourquoi la chrétienté a été aussi inamicale ou indifférente à des poètes (en tant que poètes) tels que Wordsworth, Coleridge, Chaucer, Blake, Shelley. Le paradoxe est l’âme de la religion, comme il l’est de la poésie, mais là où il est ignoré ou frappé d’anathème, la religion et la poésie se réduisent respectivement au dogme et à la sentimentalité.
Encore une fois, l’enseignement mahayana de l’équivalence des mondes phénoménal et nouménal offre à l’esprit oriental cette étrange fusion de spiritualité et de sens pratique qui sont la caractéristique la plus frappante de l’art chinois et du haïku japonais. C’est ce monde et cependant ce n’est pas ce monde. Cela ne fait pas allusion à un autre monde que celui-ci, un absolu ; c’est ce monde quotidien vu pour la première fois comme il est vraiment, une aire de jeu de Bouddhas.
Le bouddhisme est dans un sens panthéiste, particulièrement dans les enseignements des sectes Tendai et Shingon ; la totalité qui est une n’est pas pensée comme une personne, mais comme quelque chose qui n’est ni personnel ni impersonnel. De même avec Amida dans les sectes Shin et Jôdo. Amida n’est personnalisé qu’eu égard pour  la parole et le concept ; il représente véritablement un summum. Dans le sens littéral des mots « Dieu est amour ».
La doctrine que tous les êtres, même inanimés, possèdent la nature-du-Bouddha a de grandes conséquences. Alors que l’enseignement sans-âme du bouddhisme primitif a tendance à effacer l’idée d’une individualité étanchement séparée des choses, nous-mêmes y compris, la croyance que tout, un jour, atteindra la bouddhéité donne valeur (une valeur égale) aux objets les plus triviaux, et pose les fondations d’une démocratie spirituelle et pratique que la chrétienté en tant que telle ne poura(it) jamais se permettre.

«  N’avez-vous pas plus de valeur que beaucoup de moineaux ? »

La réponse est : « Non ! ».

Les versets suivants dans lesquels l’élément bouddhique est évident sont de Bashô :

Shira-uo ya    kuroki me wo aku    hô no ami
Bashô
La blanchaille    ouvre ses yeux noirs    dans le filet de la Loi

Takotsubo ya    hakanaki yume wo    natsu no tsuki
Bashô
Les pieuvres dans les jarres :    rêves éphémères    sous la lune d’été

Moro-moro no    kokoro yanagi ni    makasu beshi
Bashô
Donnez au saule    tout le dégoût, tout le désir    de votre coeur

Hasu-ike ya    orade sonomama    tamamatsuri
Bashô
Les lotus dans la mare    tels quels, non cueillis :    Le Festival des Morts

Aki no iro    nukamiso-tsubo mo    nakari keri
Bashô
Signes de l’automne –    je n’ai pas de casserole    de son de riz

Nous pouvons mentionner ici Sonojo (1649-1723), une des élèves de Bashô. Elle    gagna sa vie en tant qu’oculiste. Après la mort de son mari, elle alla à Edo, où elle fut enterrée. Vers la fin de sa vie, elle rasa son crâne et étudia le bouddhisme. Dans une lettre au prêtre Unko elle écrit :

Ne pas rechercher la Vérité, ne pas rechercher l’erreur, ceci est le fondement de la Grande Voie… Le saule est vert, la fleur est rouge ; on doit composer haïku et waka telles que sont les choses… Mes jours passent dans la récitation du Nenbutsu, dans la composition de haïkus et de waka. Aller au Paradis est bien, et tomber en enfer est également matière à compliments.

Qui peut la voir ?
Qui peut la connaître ?
Elle n’est pas dans « ce qui est »
Ni dans « ce qui n’est pas » –
Cette Lumière de la Loi !

Son poème de mort, un waka, est dans le pur esprit bouddhiste, et on pourrait dire japonais :

Les cieux vus dans l’aube du printemps,
Vus avec la lune d’automne –
Furent-ils réels ? Furent-ils un rêve ?
Namuamidabutsu !

En tout ce qui est, en tout ce qui semble être le passé et le présent et le futur, les mondes découverts et les mondes créés, – nous devons vivre, en eux et par eux et pour eux, sans ego, avec un désir sans désir. Ceci est Namuamidabutsu, et la réalité ou l’irréalité de tout cela doit être le dernier de nos soucis. Cela peut être un rêve dont  nous ne nous réveillerons jamais ; la vie est peut-être réelle, la vie est sérieuse ; mais la réponse à toute question doit toujours être : « Namuamidabutsu ! »

2) Zen.
(p 23-39)

Haïkus – senryûs de Py – fév. 03

25 mai 2009

°

sexy nurse / on a Sunday morning / ringing a bell
belle infirmière / un dimanche matin / tirant une sonnette

« amour » / répété en blanc / sur le sol du métro / – guerre en Irak

rêvant de limonade / et de guêpes / – Peau pétillante

warming up / people’s blood / to war temperature
faisant monter / le sang des masses / à température guerrière

premiers bourgeons / délicatement elle ouvre / son chemisier

tous les lundis / je tourne à l’angle du magasin / où les mannequins / pointent du sein

war happy leaders – / their dream / our nightmare
chefs heureux de guerre – / leur rêve / notre cauchemar

éclat d’obus – / le crâne de l’ami de mon père / se fend en deux

cliquetis furieux / d’aiguilles à tricoter / – train de banlieue

old proofs / showing clearly / they want a new war
vieilles preuves – / ils montrent clairement / qu’ils veulent une nouvelle guerre

Apocalypse – / they wish sheer hell / on their supposed enemy / « Shock and Awe »

Who could make them laugh / so (that) they can / kill themselves ?
Qui pourrait les faire rire, / pour qu’ils en meurent ?

When will they / kill themselves / laughing ?
Quand se tueront-ils / de rire ?

Par pitié, faites-les rire !

l’horrible aura / de ces chefs / on ne peut plus sanguinaires

une ceinture d’imperméable / interroge / le trottoir

eau à mi-mollets / il téléphone / de la cabine //   (: inondations à Djakarta)

Saint-Valentin – / remarquant les couples qui s’embrassent / dans le métro
Valentine’s Day – / noticing couples who kiss / in the tube

tes seins valant un / … bécot

easy ink / flowing from / a favourite pen
l’encre qui coule / si facilement d’un stylo / préféré

ciel mon logi-

full moon soon / and soon full blood / in the East ?
pleine lune bientôt / – bientôt plein de sang / à l’Est ?

rumeurs du matin – / l’ombre de la fumée / sur une façade blanche

madness of one / woe of many
folie d’un seul / malheurs de beaucoup

Bush’s cock / squirting petrol
du sexe de Bush / jaillit du pétrole

cerveau de pétrole / sexe de pétrole : / un monde bien huilé
petrol brain / petrol cock : / well oiled world

Bush showing Jesus / what he should have looked for / in the desert
// ( : petro-dollars).
Bush montrant à Jésus / ce qu’il aurait dû chercher / dans le désert

in the desert / Jesus praying / Bush preying

blood-oiled Bush

happy ending : / the world’s petrol / flowing through Bush’s pipe

Bush, Lord of the rigs

Bush, le Saigneur des tonneaux

Bush in church : / praying the / Lord of the rigs ?

Bush à l’église : / priant / le Seigneur des tonneaux ?

stuck / on his track / to oil-war

preventive prayers : / asking forgiveness / for his oncoming crimes ?
prières préventives : / demandant pardon / pour ses futurs crimes ?

compensations préventives / avant de dérouler le tapis turc : / 48 millions de dollars

war-/ped logic : / « goodies » eager to kill / « badies » to save lives

Mars – / le dieu / au rendez-vous

March – / Mars / marching
Mars – / Mars / en marche

stuck  on their mad-wagon : / one way to war / and no brakes
coincés dans leur wagon fou : / sens unique vers la guerre /-  pas de freins

USA über alles

le soleil remonte / et redescend sur sa cuisse / nue – voyage en train

°

d.(2/03)

Haïku R.H. Blyth vol I section I

25 mai 2009

SECTION  I :

LES ORIGINES SPIRITUELLES DU HAÏKU

(p.16-17)

On expliquera dans ce premier volume le développement historique de l’état d’esprit Zen dans la création du haïku par Bashô et ses disciples. On peut le retracer à ses origines dans la pensée pré-bouddhique de l’Inde, à travers la culture chinoise, dans la vision du monde (« weltanschauung ») japonaise et son expression poétique.
Le but de cette première section est de donner ce qu’on pourrait appeler le fond de toute la culture orientale ; mais cette métaphore théâtrale ou picturale prête à confusion parce qu’elle est mécanique. Dans le haïku, toutes ces pensées et expériences profondes de ces races indienne, chinoise et japonaise, enracinées dans les abîmes des temps les plus reculés montrent ici leurs petits visages tendres, semblables à des fleurs, dont le sourire léger et secret instantanément atteste de leur origine et de leur nature célestes. Nous devons nous-mêmes repasser à travers toutes ces phases une fois de plus (…)
Nous ne souhaitons pas insister sur la pensée que le zen est ce qui seul est commun au haïku, à la la poésie anglaise, au mysticisme de Sôshi (Tchouang-Tseu), aux envolées morales supérieures de Confucius ; car quand nous faisons cela, même en notre propre cœur s’élève le sentiment que les choses ne sont pas, après tout, les mêmes ; chaque chose est elle-même et rien d’autre.

Futa-moto no    ume ni chisoku wo    aisu kana

Buson
Les deux pruniers –    j’adore leur floraison,    l’une précoce, l’autre tardive

Et quand nous affirmons la séparation des choses, l’esprit retourne insensiblement mais inévitablement à l’autre extrémité de l’identité et de la ressemblance. Cette loi est le royaume le plus profond de notre univers mental. Elle appartient à l’inexplicabilité inhérente, originelle, intrinsèque de toutes choses.

Le diagramme suivant représente les différents courants de ressenti-pensée. Le rapport entre la pensée orientale et le haïku sera abordé selon ce schéma

1)    Bouddhisme indien → Bouddhisme chinois → Bouddhisme japonais → haïku
2)    Zen chinois → Art chinois (6) → Peinture japonaise → haïku
3)    Taoïsme → Zen chinois (2) → Zen japonais → haïku
4)    Poésie chinoise → Waka (7) → Renga (8) → haïku
5)    Confucianisme → haïku

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: R.H. Blyth.