in Modern Japanese Tanka, pp. 205-216 :
(Extraits) :
Elle devint célèbre en avril 1954 quand un ensemble de cinquante de ses poèmes gagna le premier prix d’un concours national de tanka sponsorisé par une revue importante. En juillet 1954 son premier recueil de tanka fut publié : Chibusa sôshitsu (Un sein perdu), expression en analogie avec Rakuen sôshitsu (Paradis perdu). Elle ne vit pas son deuxième recueil : Hana no genkei (Le Prototype des fleurs), publié en avril 1955.
°°°
boîtes de somnifères
empilées à côté de lui
jour après jour
mon mari dort dans une
impuissance inapprochablele
–
les yeux
d’un animal acculé
et les yeux de mon mari
dans ma mémoire
se confondent un moment
–
le bus jaune
à destination d’une banlieue
où vit mon mari
ce matin emporte
un cadeau de haine de ma part
–
mes bras
tenant un enfant
comme une moisson de douleur
ressentent un poids
trop lourd pour être mesuré
–
partageant la douceur
que deux êtres sans relation éprouvent
l’un pour l’autre
une vache broutant et moi
au soleil couchant
–
dans une posture
prête à bondir
la bête attend
je marche vers elle
prête à être tuée
–
avec un craquement de tonnerre
des fleurs de feu s’ouvrent
dans le ciel nocturne
ne laissant aucune part de moi
protégée du pillage
–
chaque année
meurt puis
fleurit de nouveau magnifiquement
ce prototype de fleur
vit dans mon corps
–
comme le bistouri
lentement fend
le passé
mes foetus apparaissent
se donnant des coups de pied dans le noir
–
en quête d’une rive
où je pourrais repérer mon sein
dérivant
avec des méduses blanches
je m’endormirai encore
–
un jour je vis
une corde pendant d’un arbre
noir, sans feuilles
pourtant mon corps pendu
n’était nulle part visible
–
est-ce qu’une femme
me ressemblant
a eu son sein coupé
pour avoir commis l’adultère
il y a des milliers d’années ?
–
cette colline
en forme du sein
que j’ai perdu
sera décorée de
fleurs mortes en hiver
–
frétillant
hors d’une part fragile
de moi-même
et nageant de ses longues nageoires
un poisson rouge
–
avec peine je me souviens
de jeunes feuilles sur un cerisier
tandis que je suis allongée sur le ventre
montrant mon dos qui n’a
encore à ce jour aucune cicatrice
–
depuis ce soir
où je sentis pour la première fois la puanteur
de mon corps mort
les yeux acérés d’un vautour
restent toujours dans mon esprit
–
à cette
insomniaque de femme
la nuit offre
un crapaud, un chien noir
un noyé et tutti quanti
–
quand les lumières s’éteignent
elle vient se faufiler
près de moi
je l’ai tellement apprivoisée
qu’elle semble un réconfort maintenant
°°°
(tr. fr. : D. Py)
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