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Les 1012 haikai de Bashô – 221-225)

13 février 2012

°
(J’allai visiter le Sanctuaire d’Atsuta. Les bâtiments étaient en ruine, les murs de terre étaient écroulés et cachés dans un champ d’herbes folles. On avait élevé des cordes de paille sacrées pour indiquer le site du plus petit sanctuaire et des entassé des rochers pour montrer le sanctuaire lui-même. Des fougères et des mousses poussant en liberté rendaient l’endroit encore plus sacré et vous prenaient le coeur.)

Achetant un biscuit
même les fougères sont desséchées
sur l’aire de repos

(hiver 1684)

NB : À l’époque où Bashô alla voir le sanctuaire, il n’avait pas été rénové depuis l’an 1600, et se trouvait en piteux état. On servait évidemment les biscuits de riz sur des feuilles de fougères desséchées, ce qui concorde avec l’atmosphère pauvre de l’endroit. Bashô aurait pu se sentir aussi desséché que les fougères, ou aussi rassis que les biscuits, ou aussi décrépit que le sanctuaire. Il est intéressant de noter que le sanctuaire est tombé en décrépitude, mais que la maison de thé, pour laquelle Bashô emploie un mot plus impressionnant qu’elle ne le mérite, est toujours en activité.

°

gens du marché
je vendrai mon chapeau tel un
parapluie couvert de neige

(hiver 1684)

NB : La technique d’association est évidente ici, parce que et le chapeau conique et le parapluie couvert de neige ressemblent à des montagnes enneigées.

°
(Ayant assez dormi au bord de la route, je me levai dans le noir pour aller à la plage.)

à l’aube
le blanc d’un poisson des glaces
long seulement d’un pouce

(hiver 1684)

NB : L’une des trois espèces de poissons apparentés à la sardine ou au poisson gobie des glaces formait le sujet d’un proverbe local : « Un pouce de long en hiver, deux au printemps ».

°
(Intercédant auprès de deux personnes inamicales chez Tokoku…)

neige sur neige
cette nuit de décembre
une pleine lune

(hiver 1684)

NB : Alors que Bashô séjournait chez le marchand de riz Tokoku, à Nagoya, deux membres du groupe de renga eurent un différent d’opinions sévère. Bashô, en tant que leader reconnu avait le devoir d’apaiser les tensions. Il semblerait que le message dit que le rayonnement est partout.

°
(Les trois vieillards vénérables étaient doués du talent de l’élégance poétique, qui exprimaient ce qu’ils avaient dans le coeur dans des poèmes d’une valeur éternelle. Ceux qui aiment leurs poèmes honorent naturellement d’un grand respect la poésie liée.)

les lunes et les fleurs :
voici les véritables
maîtres.

(1684, hors saison)

NB : Ces « trois vénérables vieillards » sont les maîtres antérieurs du haikai-no-renga : Matsunaga Teitoku (1571-1653), Yamazaki Sôkan (1460-1540) et Arakida Moritake (1460?-1549). Bashô, cependant, dit dans sa strophe que les véritables maîtres ne sont pas les personnes, mais la lune et les fleurs, qui inspirent la poésie liée. Bashô répète qu’il valorise plus le renga, ou versets liés, que les strophes uniques.

°

(à suivre : 226-1012)

17 HAIKU de printemps + 1 waka – Blyth p.526-532

25 novembre 2010

°
(p.526) :

nete okite . ô-akubi shite . neko no koi

Issa

ayant dormi, le chat se lève,
et avec de grands bâillements
s’en va faire l’amour

°
(p.527) :

hige ni tsuku . meshi sae omoezu . neko no koi

Taigi

amours du chat –
même oublieux du riz
qui colle à ses moustaches

°

osoroshi ya . ishigaki kuzusu . neko no koi

Shiki

comme c’est terrible !
ils ont cassé le mur de pierre
les chats amoureux !

°

naku neko ni . akamme wo shite . temari kana

Issa

la petite fille jouant à la balle
fait maintenant une grimace
au chaton qui miaule

°
(p.528 :)

neko no ko ya . hakari ni kakari . tsutsu yareru

Issa

le chaton
pesé sur la balance
joue encore

°

momo no kado . neko wo hakari ni . kakeru nari

Issa

fleurs de pêchers à la porte ;
on met les chats
sur les balances

°
(p.529 :)

kome-maki mo . tsumi zoyo tori ga . keau zoyo

Issa

éparpiller du riz ,
est aussi un péché :
les poules se donnent des coups de pattes

°

yanagi kara . momongâ to . deru ko kana

Issa

 » écureuil volant !  »
sorti de sous les saules,
l’enfant

°
(p.530 :)

shirauo ya . sanagara ugoku . mizu no iro

Raizan

la blanchaille –
comme si la couleur de l’eau
bougeait

_

shirauo ya . sanagara ugoku . mizu no tama

Raizan

la blanchaille –
comme si l’esprit de l’eau
bougeait

°

ta wo tsuite . uta môshiaguru . kawazu kana

Sôkan

plaçant ses mains sur le sol,
la grenouille respectueusement
récite son poème

°
(p.531 :)

saigyô no . yô ni suwatte . naku kawazu

Issa

la grenouille,
assise et chantant
comme Saigyô

°

si les gens demandent
où est allé Sôkan,
répondez-leur donc :
 » Il est parti faire quelque affaire
dans l’au-delà  »

Sôkan (= son waka de mort)

°
(p.532 :)

haru wa naku . natsu no kawazu wa . hoe ni keri

Onitsura

au printemps, les grenouilles chantent
en été,
elles aboient

°

hitotsu tobu . oto ni mina tobu . kawazu kana

Wakyu

au son d’une qui saute,
toutes les grenouilles
sautent

°

hashi wataru . hito ni shizumaru . kawazu kana

Ryôto

quelqu’un passa sur le pont
et toutes les grenouilles
étaient silencieuses

°

kaze ochite . yama azayaka ni . kawazu kana

Ôemaru

le vent tombe,
les montagnes sont claires –
maintenant les grenouilles !

°

hi wa hi kure yo . yo wa yo ake yo to . naku kawazu

Buson

le jour : « Assombrissez le jour »
la nuit : « Éclaircissez la lumière »
chantent les grenouilles

°

(suite, p.533…)

HAIKU – Blyth – Le Nouvel An (2) p.355/8

8 février 2010

LE NOUVEL AN

ganchô* ya
kami-yo no koto mo
omowaruru

Moritake

* Notez que  » n  » compte pour une  » syllabe  » en japonais.

Matin du Nouvel An
Je pense aussi à l’Âge
des Dieux

Moritake était Grand Prêtre du Sanctuaire d’Ise. Quand il écrivit ce verset, quand nous le lisons, nous sommes dans

 » cette humeur bénie
Dans laquelle le fardeau du mystère,
Dans laquelle le poids lourd et las
De tout ce monde inintelligible
Est éclairé…
Tandis que d’un oeil apaisé par le pouvoir
De l’harmonie, et du pouvoir profond de la joie,
Nous voyons dans la vie des choses  »

(in : Tintern Abbey)

et même dans la vie des Dieux. Notre état d’esprit est tel que les Dieux sont aussi réels que les personnages de Shakespeare, aussi fictifs que nous le sommes nous-mêmes; en douce gratitude nous sommes unis à ces êtres lumineux qui vivent loin dans l’espace et le temps et qui cependant vivent éternellement au profond de nos coeurs.

 » Les Dieux sont heureux ;
Ils tournent de tous côtés
leurs yeux brillants
Et voient, en dessous d’eux
La terre et les hommes.  »

(in : The Strayed Reveller.)

hi no hikari
kesa ya iwashi no
kashira yori

Un jour lumineux
commence par briller
sur la tête des maquereaux

Buson

Ce verset, exception à la règle de Buson d’insérer un mot de saison dans chaque poème, a été placé par certains en Setsubun, le dernier jour de l’hiver, mais son esprit en est plutôt du Premier de l’An. Les maquereaux pendent des auvents.
Ce verset est conventionnel et n’a pas de signification véritablement profonde, sauf celle de l’éveil véritable de la lumière et de la vie; il illustre la tendance à ramener le spirituel et le majestueux vers le matériel plutôt qu’à glorifier l’insignifiant. Peu importe d’où vient la lumière, si c’est de l’ongle de Richard Jefferies ou de la tête des maquereaux. La lumière est lumière, où qu’elle soit vue, mais elle est particulièrement vive au Jour de l’An.

ôashita
mukashi fukinishi
matsu no kaze

Le Grand Matin :
Des vents anciens
Soufflent dans les pins

Onitsura

 » Le Grand Matin  » est le matin du Jour de l’An. Cette expression apparemment peu commune est particulièrement appropriée ici. Elle s’associe naturellement au passé, un passé toujours présent. Dans le verset suivant, le poète a seulement pris le moment présent, par lequel l’ici et maintenant est, par conséquent, affaibli :

ganjitsu no
kokoro ya mine no
matsu no kaze

Le vent
dans le pin du sommet –
L’être même du Nouvel An

Tozan.

Une ligne extraite de Resignation de Matthew Arnold est très proche de l’esprit du verset d’Onitsura; elle en est cependant différente, par le ton émotionnel :

 » dans ses oreilles
Le murmure d’un millier d’années.  »

Ruskin dit aussi quelque chose qui nous rappelle fortement le verset d’Onitsura :

 » La tache orange au bord du pic occidental lointain reflète les crépuscules d’un millier d’années.  »

ganjitsu wo
tenchi wagô no
hajime kana

Jour du Nouvel An :
Début de l’harmonie
du Ciel et de la Terre

Shiki.

On peut noter ici une autre strophe de Shiki :

ganjitsu wa
ze mo hi mo nakute
shujô nari

Jour de l’An ;
rien de bon ni de mauvais –
seulement des êtres humains.

Le jour de l’An toutes chose sont de nouveau dans leur état originel d’harmonie. Il n’y a pas de distinction entre haut et bas, respectable et criminel, hommes et animaux. Tous sont unis par l’activité incessante de leur nature de Bouddha, sans aucune sorte de distinction, tous heureux aujourd’hui, et pour l’éternité.

ganjitsu no
miru-mono ni sen
fuji no yama

En ce jour de Nouvel An
la vue que nous admirons
sera le Mont Fuji

Sôkan.

L’excellence de ce haïku a fait que beaucoup ont douté que Sôkan, dont les autres haïkus sont bien inférieurs à celui-ci, en fût l’auteur véritable. À l’époque de Sôkan, les haïkus s’occupaient principalement de jeux de mots et de vanités. Il est cependant possible que l’auteur eût envisagé ce verset avec un sens plus superficiel que celui que nous lui prêtons aujourd’hui.
Le jour de l’an offre toutes sortes de délices pour nos estomacs, de la musique de koto et de biwa pour nos oreilles. Avec quoi allons-nous réjouir nos yeux, source la plus forte de notre plaisir poétique ? Asseyons-nous sur la véranda et admirons le Mont Fuji, vu chaque jour, mais, en ce jour de Nouvel An, plus auguste et sublime que jamais.
Une strophe de Meisetsu exprime les sentiments de la plupart des Japonais à propos du Japon, en ce jour spécial :

ganjitsu ya
ikkei no tenshi
fuji no yama

Premier Jour de l’Année :
Un rang d’Empereurs ;
le Mont Fuji.

sore mo ô
kore mo ô nari
oi no haru

Ceci est bon, cela aussi est bon –
Le Nouvel An
à mon grand âge.

Ryôto.

Ceci nous rappelle, d’Unmon :

 » Chaque jour est un bon jour,  »

et de Wordsworth :

 » Les années qui rendent l’esprit philosophe,  »

le mot  » philosophe  » étant pris ici dans son sens le plus large. Ou le même sentiment, mais plus diffus, dans ce verset :

ganjitsu mo
kane kiku kure ni
oyobikeri

Le Jour de l’An aussi
finit
avec le son de la cloche

Hakki.

Plus semblable encore est le suivant :

ganjitsu ya
taga kao mite mo
nen no naki

Jour du Nouvel An ;
Le visage de qui que l’on voit
est sans souci

Shigyoku.

°°

(à suivre, p.359)

HAIKU de Blyth V.1, s.5,4 : Les onomatopées (p.321-8)

1 janvier 2010

°

De toutes les langues, le japonais est de loin la plus riche en éléments onomatopéiques, particulièrement de la variété la plus simple, dans laquelle le son du mot est directement une imitation de la chose. En tant que « figure de style », les onomatopées n’ont droit qu’à une toute petite place dans nos livres de grammaire et de rhétorique, mais dans son sens le plus large, l’onomatopée représente non seulement la partie la plus importante de la poésie, mais aussi de la prose, et du langage lui-même. Comment nous disons quelque chose a plus d’importance, ou plus de sens que ce que nous disons : le sens conscient; car à travers les intonations de la voix, le choix des mots, leur combinaison, les sons se faisant écho et re-écho, leurs consonances suspendues et rétablies, leurs dissonances soutenues et résolues, à travers tout ceci joue une musique aussi libre mais cependant aussi soumise à la loi que le sont celles de la flûte, du hautbois ou du violon. Des exemples trop évidents ont quelque chose qui frise en eux le ridicule, ainsi celui de Tennyson :

 » The moan of doves in immemorial elms
And murmuring of innumerable bees  »

 » La plainte des colombes dans les ormes immémoriaux
et le murmure d’innombrables abeilles »

On peut tirer profit de ça, comme dans :

 » Rend with tremendous sound your ears asunder,
With gun, drum, trumpet, blunderbuss and thunder.  »

 » Déchirez vos oreilles d’un son formidable
avec fusil, tambour, trompette, tromblon et tonnerre.  »

et de Buson :

hi wa hi kure yo
yo wa yo ake yo to
naku kaeru

Jour, ah, Jour qui sombre !
Nuit, ah, l’aube au loin !
chantent les grenouilles

Dans ce dernier exemple il y a également une représentation de l’aspect humoristique de la chose.
Le haïku, par nature, ne peut pas nous montrer des exemples tel que le suivant, au sens donné ou intensifié par un rythme régulier, répété :

Most friendship is feigning,
Most loving mere folly.
Then heigho the holly,
This life is most jolly.

La plupart de l’amitié est feinte,
La plupart de l’amour, pure folie.
Alors, eh bien, le houx,
cette vie est vraiment gaie.

Ici, les amphibraques dancent aussi réellement que :

the slythy toves
did gyre and gimble in the wabe.

Les effets de rythme japonais sont plus dans le style des lignes de Pope, dans lesquelles il représente la longueur par l’emphase et l’allongement de syllabes non accentuées :

Quand Ajax s’efforce de faire bouger le poids énorme de quelque rocher,
La ligne aussi peine, et les mots se meuvent lents.

Dans le célèbre verset de Buson ci-dessous, les bruits de la mer frappent plus véritablement l’oreille par le son de ses 17 mores que par le son des vraies vagues :

haru no umi
hinemosu notari
notari kana

La mer du printemps
s’élevant et s’abaissant doucement,
toute la journée

Les sonorités de hinemosu renversent presque celles de haru no umi. La répétition de notari, notari,, le kana dont les sons en a font écho à ceux de haru et de notari, tout ceci représente, pour quelque raison ignorée, pas tant le son des vagues que plutôt le sens d’une longue journée de printemps le long de la côte. Quel en EST la signification ? C’est :

haru no umi
hinemosu notari
notari kana

Comparez ceci au sens du rythme que l’on trouve dans le poème suivant de Freeman. Les larmes jaillissent aisément, encore, au-delà de toute raison :

APPELS DE L’ENFANCE

Come over, come over the deepening river,
Come over again again the dark torrent of years,
Come over, come back where the green leaves quiver,
And lilac still blooms and the grey sky clears.
Come, come back to the enchanting garden,
To that green heaven, and the blue heaven above,
Come back to the time when the time brought no burden,
And love was unconscious, not knowing love.

Traverse, traverse la rivière qui s’approfondit,
Traverse de nouveau le torrent sombre des ans,
Traverse, retourne où les feuilles vertes tremblent,
Et le lilas s’épanouit encore et le ciel gris s’éclaircit.
Viens, retourne au jardin enchanté,
à ce ciel vert, et le ciel bleu au-dessus,
Retourne au temps où le temps n’était d’aucun fardeau,
Et que l’amour, inconscient, ne connaissait pas l’amour.

Mais, aussi spontanés que ces poèmes peuvent apparaître, nous savons que beaucoup d’entre eux étaient le résultat d’un travail ardu. Quelques uns n’atteignent jamais la perfection et trahissent tout à travers l’oeuvre du processus sélecif. De ce niveau, The Blessed Damozel de Dante Gabriel Rossetti, en est un exemple. Il est bien connu qu’Issa, en dépit de a fluidité et du grand nombre de strophes qu’il produisit, révisait ses poèmes sur des mois, des années; ainsi le suivant :

ô hotaru
yurari yurari to
tôri keri

en vacillant,
une énorme luciole
passe

Ce verset est le résultat de maintes révisions, mais la version finale semble sans artifice, et l’oeuvre d’un instant. Cette révision de strophe est une révision de l’expérience. L’expérience avait grandi dans les mots du haïku, de sorte qu’il réussit à savoir ce qu’il aurait dû vouloir dire.
Nous pouvons résumer la fonction des onomatopées de la manière suivante :
a) représentation directe des sons du monde extérieur par les sons de la voix :

ochikochi
ochikochi to utsu
kinuta kana

çà et là,
Là et çà,
on bat les battoirs

Buson.

ichiboku to
poku poku aruku
hanami kana

il marche tranquillement
avec son serviteur,
admirant les fleurs de cerisier

Kigin.

butsudan ni
honzon kaketa ka
hototogisu

« La grande Image »
est-elle sur l’autel ?
chante le coucou

Sôkan

Comparé avec The Throstle de Tennyson :

 » Summer is coming, summer is coming.
I know it, I know it, I know it.
Light again, leaf again, life again, love again !  »
Yes, my wild little Poet.

 » L’été vient, l’été vient.
Je le sais, je le sais, je le sais.
Lumière de nouveau, feuille de nouveau, vie de nouveau, amour de nouveau !  »
Oui, mon petit Poète sauvage.

b) représentation du mouvement, ou des sensations physiques autres que celles du son.

ishikawa wa
kuwarari inazuma
sarari kana

la Rivière Rocheuse ondoie,
l’éclair
ondule

Issa.

yusa-yusa to
haru ga yuku zo yo
nobe no kusa

le printemps s’en va
tremblant, dans les herbes
des champs

Issa.

Yea, slimy things did crawl with legs
Upon the slimy sea.

Ouais, des choses visqueuses avec des pattes rampèrent
Sur la mer visqueuse.

Coleridge.

A cuff neglectful, and thereby
Ribbons to flow confusedly.

Une manche négligée, et ainsi,
Rubans de flotter avec confusion.

Herrick.

c) La représentation d’états d’âme. C’est toujours indirect, inconscient, spontané. La grande poésie dépend principalement sur ce facteur, pour ses effets. Elle ne peut être imitée, ni produite artificiellement.

Fear no more the heat o’ the sun,
Nor the winter’s furious rages.

My heart’s in the Highlands, my heart is not here;
My heart’s in the Highlands, a-chasing the deer.

Ne crains plus la chaleur du soleil,
Ni les rages furieuses de l’hiver.

Mon coeur est sur les Hauts-plateaux, mon coeur n’est pas ici;
Mon coeur est sur les Hauts-plateaux, il y chasse le cerf.

hito chirari
konoha mo chirari
horari kana

Les gens sont peu nombreux,
les feuilles tombent aussi,
de temps en temps

Issa.

utagauna
ushio no hana mo
ura no haru

N’en doutez pas,
la baie a aussi son printemps –
les fleurs de la marée

Bashô.

We saw Thee in Thy balmy nest,
Bright dawn of our eternal Day;
We saw Thine eyes break from their east,
And chase the trembling shades away.

Ne Vous avons vu dans Votre nid embaumé,
Aurore lumineuse de notre éternel Jour;
Nous avons vu Votre oeil quitter leur est,
pour chasser les ombres tremblantes.

Crashaw, dans In the Holy Nativity of Our Lord God.

osoki hi no
tsumorite tôki
mukashi kana

les jours lents s’accumulant passent –
comme elles sont lointaines,
les choses du passé !

Buson.

Le son k est encore utilisé par Buson, pour décrire l’amertume du passage du temps :

osoki hi ya
kodama kikoyuru
kyô no sumi

le jour lent;
des échos entendus
dans un coin de Kyôto

Suit un exemple d’onomatopées dans un waka par Saigyô :

izuko ni mo
sumarezuba tada
sumade aran
shiba no iori no
shibashi naru yo ni

Si je sens que je ne peux vivre nulle part,
je ne le ferai simplement pas –
dans ce cottage de chaume
d’un monde flottant.

Nous devons nous rappeler encore ce conseil de Bashô à ses disciples :

 » Répétez (vos versets) mille fois sur vos lèvres.  »

Les haïkus, pas moins que les waka, sont des chansons; ils sont destinés à être lus à voix haute. L’onomatopée n’est pas une question visuelle, quoique cela puisse aider; le sens total et parfait d’un haïku n’est pas saisi tant que l’oreille ne l’a pas entendu.
Voici cinq exemples d’onomatopées qu’on trouve chez Seisensui :

rappa fuite
fumoto no michi ga kokoro yoku
nobiru bashaya san

Soufflant dans son cor,
la route au pied de la montagne s’étire paisiblement –
le conducteur !

C’est en 3/3 ; 4/3/3/2 ; 3/3/2 ; ce qui donne à la fois le son du cor et le rythme des sabots du cheval.

tombo tobu
tombo no ue mo
tombo tobu sora

les libellules volent
au-dessus d’elles volent encore des libellules
dans le ciel libellule

Horyu.

Ce n’est pas une imitation de sons comme chez Tennyson, c’est une tentative d’exprimer la hauteur du ciel à travers la répétition du même son. Cela correspond à l’utilisation par Bach du motif en escalier pour suggérer le destin; ici, il représente l’infini.

waru utsu
tsukiyo no yoi oto
shidashita

le battage de la paille –
quel beau son il est devenu,
cette nuit de lune !

Masuo.

Le pied de quatre unités représente le battage de la paille.

ochikochi
ochikochi to utsu
kinuta kana

çà et là
là et çà,
on bat les battoirs

Buson.

azami
azayaka na
asa no
ame agari

comme l’ortie est claire,
le matin,
après la pluie !

Santoka.

3 / 5 / 3 / 5 : le son ouvert a représente l’humeur joyeuse du poète. L’assonance du début et de la fin du verset : azami, agari, lui donne une complétude formelle.

5) La forme du haïku. (p.328-32)