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« Le rire dans le haiku japonais » par Nobuyuki Yuasa

22 février 2013

Tiré de « Haijinx » Vol. I, n° 1 (printemps 2001), et d’après Rediscovering Bashô – une célébration de son tricentenaire, Global Books, 1999 :

« Le rire dans le haiku japonais »
par Noboyuki Yuasa,
fait partie d’un recueil d’essais qui détaillent les influences de Bashô sur le haïku d’aujourd’hui:

°°°

On conçoit généralement de nos jours que le rire appartient au domaine du senryû et que même un sourire n’est qu’accidentel dans le haïku. Il y a en effet beaucoup à dire pour la défense de ce point de vue habituel. Le haïku s’est formé à partir du hokku, poème initial de versets liés, requérant plus de dignité et de profondeur que le restant des poèmes de la chaîne, tandis que le senryû s’est formé à partir des « hiraku », les strophes comme simples membres de la partie centrale de la chaîne où l’on attendait plus d’esprit et d’imagination. On a aussi considéré généralement deux choses comme essentielles au haïku : le « kigo » , un « mot-de-saison » qui donne de l’élégance au poème, et le « kireji », un « mot-de-coupe » qui élève le statut du poème en lui donnant son indépendance syntaxique et son pouvoir émotionnel. Ni l’un ni l’autre ne sont nécessaires dans le senryû. De plus, on dit que les traits caractéristiques du senryû se trouvent dans la peinture (description) de « jinji », les affaires humaines, normalement de manière comique, et dans l’utilisation franche de « zokugo », des termes vulgaires.
Ayant dit cela, je ne peux cependant pas m’empêcher de questionner cette vue traditionnelle. Quand Yamazaki Sokan (1460-1540) et Arakida Moritake (1473-1549) initièrent le « haikai no renga », à l’ère Muromachi, celui-ci fut intentionnellement créé comme une révolte contre la tradition élégante du waka et du renga. Ceci étant suggéré par le titre même de l’anthologie qu’édita Sokan : Inu Tsukuba Shu, « Inu » signifiant « chien » et « Tsukuba » n’étant pas uniquement une métaphore du waka, mais également le titre de l’anthologie de renga compilée par Nijo Yoshimoto (1320-1388). Un exemple de l’anthologie de Sokan nous convaincra facilement de la « chiennerie » de sa poésie :

Sirote tes larmes –
Il n’y a rien pour moucher ton nez
dans ce mois sans dieux

Dans le japonais original, puisque « sans dieux » et « sans papier » se prononcent de la même manière, il y a là un jeu de mots qui impressionne le lecteur par son esprit. D’après les critères actuels, c’est probablement plus du senryû que du haïku. Pourtant, il fut choisi pour cette anthologie par le poète que l’on considère habituellement comme le père de la tradition du haïku. On peut voir le même esprit dans le poème suivant, de Sokan lui-même :

Dans la pleine lune
fourrez un manche, cela fera
un superbe éventail

Ce poème est iconoclaste au sens où la pleine lune, considérée traditionnellement comme l’incarnation même de la beauté élégante est ramenée du ciel à la terre. Cependant le poème n’est pas sans posséder quelque beauté, parce que lune et éventail mettent en valeur la fraîcheur du soir.

Un exemple de Moritake, maintenant :

Le saule vert
peint un sourcil sur le visage
d’une berge

Ce poème, à mon avis, est plus traditionnel que celui de Sokan en ce qu’il décrit une belle scène printanière, mais l’emploi hardi d’une métaphore le « distingue » de la poésie traditionnelle. On lit le poème d’une double façon, car derrière le saule nous voyons le visage d’une femme avec de beaux sourcils.

Cette tradition ouvertement comique, débutée avec Sokan et Moritake, fut d’une certaine manière révisée dans les premières années de l’ère d’Edo par Matsunaga Teitoku (1571-1653) qui essaya d’élever le « haikai no renga » du niveau d’une rébellion infantile. Il dit dans Tensui Sho que puisque le « haikai » est une forme de « waka », il ne faudrait pas le rabaisser au rang de poésie vulgaire. Mais Teitoku ne renia pas le rire. Il essaya plutôt de l’affiner. Un de ses disciples, Saito Tokugen (1559-1647) compara le renga au No et le haikai aux « kyogen » (interludes comiques joués entre les pièces de théâtre No), disant que tout ce qui était « inférieur », comme le kabuki, devrait être banni. Voici un poème de Teitoku qui montre la différence existant entre lui et les poètes le précédant :

Les boulettes aux fleurs
elles semblent préférer, toutes ces
oies sauvages qui s’en retournent

Teitoku provoqua souvent le rire en utilisant une expression proverbiale à un endroit inattendu. Dans ce poème, le proverbe populaire « des boulettes plutôt que des fleurs » sert à expliquer pourquoi les oies sauvages retournent au nord quand le printemps arrive au Japon.

Teitoku réussit, sans aucun doute, à chasser la vulgarité du haïkaï. D’un autre côté, il est indéniable que sa poésie devint quelque peu pédante : plus savante mais moins imaginative que celle de ses prédécesseurs. Cette tendance fut vivement attaquée par Nishiyama Sôin (1605-1682). Celui-ci forma avec ses disciples un groupe appelé « Danrin », ce qui signifie « forêt loquace ». Ce nom suggère que son groupe était plus proche de la vie des gens du commun. Par suite de cela, ils s’éloignèrent de la pédanterie de Teitoku, infusant à leur poésie un esprit de plus grande liberté. Voici un poème de Soin :

les ayant regardé longtemps
je chéris les fleurs, mais, ah,
la douleur dans mon cou !

Derrière ce poème nous voyons le tanka de Saigyo :

Les ayant regardé longtemps,
je chéris les fleurs si tendrement
que quand elles se dispersent
je ressens d’autant la tristesse
de leur faire mon dernier adieu

Nous devons ici admettre que, dans une certaine mesure, le poème de Soin est iconoclaste, mais d’une qualité autre que celui de Sokan. Le but de Sokan, nous l’avons vu, était de détruire le monde élégant du waka, tandis que celui de Soin était plutôt de présenter une scène humoristique. Je crois pouvoir dire que Soin fut le premier poète à découvrir la légitimité du rire dans le « haikai no renga ». Je pense que c’est ce que Okanichi Ichu (1639-1711) ressentait quand il disait dans Haikai Mokyu que l’essence du haikai est le rire (kokkei). Selon lui, le haïkaï devait s’écrire « sans rime ni raison », c’est-à-dire avec « des mots qui sortent spontanément de la bouche pour plaire à l’auditeur. »

Noboyuki Yuasa.

(En) Défense des kyôku…

25 décembre 2011

(En) Défense des kyôku °, kyôka ° kyôbun °, éventuellement,
° genres qui existent bel et bien depuis quelques centaines d’années au Japon (!) :

Vivre
c’est bien ;
réfléchir
sur la vie
ça peut aider
aussi,
non ?

Écrire haïkus,
écrire senryûs
c’est bien ;
réfléchir
sur haïku
sur senryû
ça peut aider
aussi,
non ?

= c’est le rôle
exact
du kyôku

(qui n’est ni un kyô-ci ni un kyô-ça
ni un kyô-n’importe-quoi
comme certain(s) peu(ven)t l’écrire
– et vouloir vous en persuader
si ignoramment ! *
, non !)

dp.(25/12/11)

* voir, très récemment, sur la liste d' »échanges » « haiku-fr » !

Maguelone

25 octobre 2011

°

au Maguelone
tous les yeux tournés vers les
juments sur écran

°

d.(24/10/11)

haïkus, etc – Py – avril 08

2 novembre 2010

°

un plastique
s’envole dans l’arbre
– premiers jours d’avril

la violoncelliste
lance une pique
– complétez !

le ventre lie-de-vin
des nuages pommelés
et puis ça change

face au soir qui tombe
pâtes à la tomate
et vin rouge


(poisson-poison – 5/7/5) :

contamination
polychlorobiphényle :
l’omble-chevalier

in « 20 minutes » du 3/4/08, p.8, col. 1)

les pattes des pigeons
sur les toits de Paris
brûlent-ils ?

(cf. le film : « Paris brûle-t-il »)

en haut du soir
un oiseau pépie
– quand va-t-il bien s’arrêter ?

pluie sur l’étang –
une carpe (fait) surface

rain
on the pond
a carp
surfaces

en face aussi
photographiant
la giboulée

un pigeon aux ailes blanches
descend du ciel gris
– dimanche de printemps

premier dimanche d’avril
elle lave ses vitres

bruit d’avion
elle descend le trottoir
en rollers

sur le toit
les pigeons picorent
les gouttes de pluie ?

matin du 7 avril
soleil —
le blanc sur les toits fond

une flamme olympique (à Paris) :
3000 policiers
(100 en rollers)
65 motards
32 véhicules de CRS

torche olympique
les protestataires
s’enflamment

début d’après-midi :
la neige repartie
d’où elle était venue :
thin air

le match commencé :
l’écran vert
du voisin d’en face

matin
parsemé d’oiseaux
– à leur affaire

_
(« art poétique » ?) :

Pourquoi vouloir mettre en forme ?
Laisse tomber les mots
tels quels,
tels que venus, apparus dans ton cerveau –

tels que venus
repartant :
ne rien échafauder

du mal
à prononcer
« incommunicabilité » !

vue plongeante
du pigeon
sur rue

sur l’auvent
de la librairie
un pigeon
déambule

sans dessous dessous
la jeune sévillane
tournoya

(<– 1990 ?)

ça s'coue, l'bus,
ça s'bouscule !

le réel
t'offre
ses mots

lisant
le livre
que je lis
– métro

Lucy dans le skaï

ah, quelle difficulté
que de se réduire
à sa plus simple expression !

dehors, le vent d'avril,
dedans, le va et vient
du souffle :
relaxation

sur son trapèze
le poids
de la lumière

(cf mars 08 ?)


(haïkuisine :)

écouter
le chant des oeufs
au ras de la poêle

un pissenlit en fleur
rue Fragonard

de leur balcon
deux femmes regardent
le dimanche
de haut

les mots
pour dire
le silence

apprécier
le silence
que creusent
les mots

un drapé
… de silence

le haïku,
cet îlot
de mots

Écouter,
c’est écouter aussi
le silence

Écrire haïku,
c’est équilibrer
sons
et silence(s)

… ceux qui n’ont
que les mots à la bouche …

grâce à la cheminée,
SEAT
devient
SEPT

Le soir tombe
dans la rue

de soir en soir
la lune grossit

fleurs roses de l’arbre
dont j’ignore le nom

vert-pommes
son T-shirt

horde de pigeons
sur le toit
couvant le soleil ?

levant son verre de vin
à la couleur du soir

oh merde ! fit-il
quand son chien chia
sur le trottoir

tout plein de pendules
aux battements différents
– 88 ans


(du haïku :)

que tous les éléments concourent à l’unité du haïku

chaque fleur humée –
du bec, un cygne
lisse ses plumes

dans l’air
du dernier dimanche matin d’avril
une fanfare
au gré des vents

tambours et trompettes –
un vent frisquet

grosso modo
la fanfare
joue juste

mère (88 ans)
et moi
allons faire les courses
au 8 à 8
voisin


(S.S.S.) :

Sommes-nous gouvernés
par une bande de malades mentaux ?
le doute est de moins en moins permis
Au nom du bien (prétendent-ils)
ils font bien pire
que s’ils ne faisaient rien.
Empêchons-les de continuer à agir
nuire !…

du violon
tombent des gouttes
: sueur du violoniste

du violon
goutte
la sueur
du soliste

rigoles de sueur
sur le vernis du violon :
concerto de Brahms

(: Gil Shaham + Cl. Abado, Orch. de Berlin, 2002)

histoire d’Issoire
et de son sifflet –
le train redémarre


(« art poétique » :)

Un art qui reste « artificiel » est un art de paresseux.
L’art doit (r)amener au réel, à la « nature », au « naturel »

le réel réintégré…

les cloches
du couvent proche –
trafic du lundi matin

les jardiniers municipaux
viennent tondre la pelouse
– barbe de cinq jours

chant du merle
en réveille-matin :
dernières heures à Millau


(jog :)

humant lilas et roses
tout au long du parcours


(Fait de printemps :)

étang calme –
un couple de nonagénaires
fenêtres ouvertes
y plonge

nuages gris
passant au-dessus des toits ardoise
Reims, trente avril

°

d.(4/08)

service funèbre – senryû ? – Py

25 octobre 2010

°

à ma mort
je voudrais qu’on organise
un service fun(z)èbre

°

d.(25/10/10)

affiche métro – senryû.

5 juin 2010

°

N. Sarkozy
traite un comique * de vulgaire
: – miroirs brisés ?

* : Stéphane Guillon.

d.(5/6/10)

Poèmes de mort japonais Japanese death poems Y. Hoffman (2)

9 octobre 2009

dans : Japanese Death Poems
(Poèmes de mort japonais)
Written by Zen Monks and Haiku Poets on the Verge of Death
(écrits par des moines Zen et des Haijins sur le point de mourir)
compilé par Yoel Hoffmann
Tuttle Publ., 1986
isbn : 0-8048-3179-3

°
page 17 (Introduction : Poésie du Japon) :

 » à côté des deux formes du tanka et du haïku, deux styles
complémentaires se développèrent ultérieurement. Le KYOKA, « poème fou »,
est un tanka satirique qui ne se base généralement pas sur une image de
la nature ; cette forme fut très populaire dans la 2° moitié du XVIII°
siècle. Le SENRYU, nommé d’après son créateur, Karai Senryu (1718-
1790), est un haïku qui critique les failles humaines. Le SENRYU
s’écrit généralement dans la forme du haïku, mais peut être plus court,
en 2 lignes de sept syllabes chacune.  »

°

p.19/20 :

 » On peut comparer le poète de tanka (5/7/5//7/7) à une personne qui
tient deux miroirs dans ses mains :
l’un qui reflète une scène de la nature,
l’autre qui le reflète lui-même tenant le premier miroir.
Ainsi le tanka offre une vue sur la nature, mais aussi une vue sur
l’observateur de cette nature.
Le haïku n’est simplement pas un tanka condensé : les 14 syllabes
(//7/7) pour ainsi dire coupées du tanka afin de faire un haïku sont
en fait le miroir qui reflète le poète.
Le haïku a brisé le miroir auto-réfléchissant, ne laissant dans les
mains du poète que celui qui reflète la nature.  »
Y.Hoffmann

°

(p.53) de Ouchi Yoshitaka
(1507-1551), samouraï général et gouverneur de l’île de
Kyushu :

Utsu hito mo
utaruru hito mo
morotomo ni
nyo ro yaku nyo den
ô sa ni ze kan

Vainqueur
et vaincu
ne sont que gouttes de rosée,
qu’ éclairs d’orage –
ainsi devrions nous voir le monde.

°

(à suivre…)

Ceux-ci c’en sont – Py, décembre 07

27 septembre 2009

DÉCEMBRE :

°

le cri
de l’anse de la théière
– le matin calme

°

Le haïku n’est pas un poème de la « pensée », mais un poème ( ? ) de la sensation, primordiale(ment).

°

à la lecture de haïkus,
ma femme
en porte-jarretelles

au récital de haïkus
aucun visage connu

°

Penser (/ réfléchir) c’est rater :
C’est au détriment de voir, sentir, goûter…

°

au milieu de la messe
pour un ami
la sonnerie d’un portable

°

Élaguer –
Dénuder :
à l’os, à l’os !

°

piaillent
en haut de la gare –-
mi-décembre

rendez-vous d’oiseaux
ce matin
dans la gare

grève –

sur les quais
que la voix
des oiseaux

°

petite vieille en fourrure
– le soleil du cimetière

°

égouttoir :
un tupperware vert
en chapeau-cloche
à la Hopper

°

Insomnie :
l’odeur du pain
qui cuit

°

sur ta fesse
comptant les pieds
de mon haïku

°

matin –
il se cogne à la barre du métro
et dit
« pardon ! »

°

dans le caniveau
s’étire le soir

rose

°

Écrire un haïku
c’est planter un décor,
c’est montrer le décor,
pas le décorateur !

°

ses jambes
cisaillent le trottoir –
cadeau de fin d’année

°

(Tanka – Auto-portrait ? :)

dans les endroits publics :
elles, de plus en plus jeunes,

moi, de plus en plus vieux –
le niveau des verres :
stable

°

le soleil
dans son décolleté
mes yeux

°

Lisant La Saveur du zen – poèmes et sermons d’Ikkyu – Éd. Albin Michel
et descendant en T.G.Vers Montpellier :

entrant dans le grand blanc
les arbres sont blancs
– veille de Noël –

de l’autre côté du tunnel : le soleil.

°

(Autocar des vacances, haïbun :)

la lune ronde
sur Noël
les vitres de l’autobus

Du haut de la montagne, les lumières de Millau, véritable rivière dorée, la nuit du 24
décembre

Millau qui s’étale
Millau qui brille
… et les piles pâles du pont

(Montpellier-Millau, 24/12/07)

°

« Arriver à l’état final d’épuration maximum »
: Meriem Fresson, p.17 de « Le haïbun francophone et anglophone contemporain ».

°

dans l’avenue
le soleil me suit
– Noël

°

le petit jésus
toutes les âneries
toutes les boeuveries –
c’est dingue, donc !

°

à tout petits pas
les vieux résidents du Foyer
– fin de l’an

avec sa canne
et sa rampe
fin de l’an

°

dans l’appartement
les pendules entrecroisent
leurs pattes –
88 ans

°

râle de plaisir
dans une chambre voisine
le faîte de la nuit

hier cri d’amour
ce soir ronflement :
minuit à l’hôtel

°

(sortant de chez la cousine :)

le trait rose d’un avion
– deux meuglements de vache

°

Deux éléments s’unissent
et forment un
« esprit unique »

°

Techniqu’haïku (= paradoxe ?)
Trancher les liens grammaticaux, orthographiques, de ponctuation… entre les deux membres du haïku (⇒ apposer, juxtaposer.)

°

deux jambes
deux cannes :
mère m’accompagne
à l’autocar

°

sur le pas de la porte
des chaussures de chantier
– dernière semaine de l’année

°

Garrett Lisi, physicien :
« La seule question qui compte est de savoir si une théorie décrit ou non la réalité physique. »

°

G.Dussaussoy, in Le Bouddhisme Zen, Flammarion 2001, p.99 :
« Il ne cache rien mais ne retient que l’essentiel. »

°

Parodiant le Daodejing (chap. XI) :
Les haïkus sont faits de mots, mais c’est dans leur vide (/ silence ?) que réside leur utilité.

°

l’orange se couvre de blanc
– dernier jour de l’année

°°°

d.py, Paris, (2007 – 27/9/2009).

Ceux-ci c’en sont – Py, novembre 07

27 septembre 2009

NOVEMBRE :

°

Apprendre des grands hommes (Matisse, Picasso, Shakespeare,…)
– pas des petits (…)

°

Un véritable haïku (quelle que soit sa forme)
ressemble à l’esprit qui l’anime.
Sinon ce n’est que sac de mots
(ex. : l’outre 5/7/5…)

À quoi reconnaît-on un haïku ?
– justement pas à sa forme
(qui peut être un leurre total)

°

Rechercher les mots simples
= les plus simples, compréhensibles, accessibles au plus grand nombre (…)

°

étourneaux
tournoyant dans le soir
par-dessus l’arbre-feu

les feuilles se poursuivent
en tourbillonnant
les étourneaux

°

Tout ce qui éloigne le haïku
de sa source / force vitale :
les projections
dans le temps (passé / futur),
dans l’abstraction,
etc.

°

le doux balancement
de sa boucle d’oreille –
le train encore à l’arrêt

°

gouttes verticales :
le train au départ

°

(En lisant Hosai * :)

simplifier,
dépouiller…

pas seulement son poème
: soi

* : Sous le ciel immense sans chapeau, éd. Moundarren, 2007

Pour moi, les haïkus les plus beaux = les plus simples = vides
parce que pleins
( : pleins du vide… )

Dire les « choses »
le plus simplement possible.

Ne pas / jamais forcer
l’écriture (/ les mots, / le silence…)

°

sur le quai
ce matin
une pièce froide

°

Cf David Budbill (in Moment to moment, p.14, l.2 :)

Perdez-vous
de vue
d’odeur
d’ouïe
de nom
:
Grimpez !

°

tombant dans (la crevasse
de) son décolleté :
quai de métro

°

Le haïku qui me plaît est un haïku du réel
ancré / encré / dans la réalité et dans le présent :
(il ne se projette pas dans un passé dépassé
ni dans un futur – hypothétique, forcément -)
il s’éveille et nous éveille au réel présent (vécu, concret,
beaucoup plus que pensé, imaginé, rêvé…).

« L’hallucination que Bouddha appelle l’irréel et toutes les autres traditions mirage, illusion, phantasme, rêve, etc. »
: in La Vie d’ermite de Michel Jourdan, p.23.

°

un haï/secoue…
torpille la torpeur
lacère la sérénité…
frappe sur le gong de notre crâne

°

réveille-toi, réveille-toi,
la mort,
c’est pour bientôt !

°

tout Paris à pied – :
une paire d’escarpins vernis
au bord du trottoir

°

l’ombre des flocons
le trottoir blanc

(cf http://www.ict.ne.jp/~basho-bp/e-50-07.html)

°

la verveine
annonce à mon nez
qu’elle est buvable
– après-midi de novembre

dans le bol de verveine
l’ampoule du plafonnier
– mi-novembre

°

dossier de chaise –
un moineau brièvement
assiste à l’A.G. *

* de l’AFH (Association Française de Haïku)

°

Atteindre à la plus grande justesse / exactitude
(pour obtenir – aussi – le plus grand effet possible sur le lecteur – quel qu’il soit.
(cf : Po Chu Yi ; D. Budbill,…)

°

nous deux
en chien de fusil
– miaulements du chat

°

(kyôku :)

L’écart entre les faits
et les mots :
voilà ce qu’il faut combler !

°

au restaurant de la rue Léon
pensant aux paons
de l’ami jardinier

(: J-C César)

au pied de l’ICI *
pisser sous la pluie

* Institut des Cultures d’Islam, rue Léon, 75018

°

l’eau dans la bouilloire
l’oiseau – haut – dans le ciel

°

à quatre entassés
dans un taxi pour Roissy –
« pas un vers de trop au haïku ! »
me dit Dorothy

°

Équilibrer un haïku
consiste à l’emplir
puis à le vider
quand besoin s’en fait sentir

°

sur le banc
du métro en grève
elle se passe du rouge aux lèvres

°

sous les lampadaires de novembre,
feuilles vertes

°

(Kyô- :)

Il y a des gens qui pensent que le haïku est un poème (comme un autre), qu’il faut (r)emplir de mots (jusqu’au bord – 5/7/5 ? )
Il y en a d’autres qui considèrent que le haïku c’est beaucoup plus que cela (ou beaucoup moins que cela).
Ces deux catégories de « haïjins » ne font pas du tout le même travail.
Ils ne parlent pas du tout de la même chose, du même mot !…

°

Écoper l’embarquaïku du trop de mots…

°

(Kyô- :)

De l’Ici et du Maintenant,
il y en a tout le temps.
Pas besoin de « modernisme », de gadget-haïkus, de consomm-haïkus !…

A-t-on besoin des gadgets (hautement) technologiques pour faire entrer le haïku dans le XXIème siècle ?
= l’électroniku ? / le techno(logi)ku ? / l’électroku
/ l’électroniku ni tête ?…

°

matin :
un e fait par un cheveu
une araignée dans l’évier

°

Le haïkiste occidental, qui ne peut s’empêcher de replacer l’homme au centre de l’univers, est-ce un haïkuistre ?

Ce haïku « mondialiste » va à l’encontre du « haïkaï » d’origine. Il est en contradiction totale avec l’esprit-haïku !

°

Que l’art en naturel évolue !

°

Assimiler l’art d’écrire du haïku à n’importe quelle autre forme d’écriture poétique est du pur non-sens.

°

Un haïku à ficelles (/ arti-ficelles), c’est un haïku (forcément) mal fagoté, un haïku de carnaval, grotesque ! C’est trahir l’esprit-haïku !
Un haïku qui n’est (/ ne semble) pas naturel tend au / frise le ridicule. C’est un haïkuisiné…

À force d’être anti-naturel, ce « haïku » en devient ridicule ! (Serait-ce un « ridiculaïku ?)

°

Ce haïku « simiesque » : grimace, contorsionne, fait son beau, son intéressant…

Le gadget-haïku : ce haïku est un dévoyé, une « créature », un mal-cousu, un Frankenstein-ku, un faux haïku ( : un faux-ku ).

°

Le haïku trop construit ennuie.
Il (n’) est (que) plein de mots,
aucun air n’y circule,
on n’y peut respirer.

°

Remplissez votre haïku
d’espace,
de vide

(un haïku, c’est comme du gruyère : il y faut des trous !)

de l’air !
de l’air !
un haïku
a besoin d’air !

du blanc,
du blanc !
du vide
pour respirer !

°

grève des transports –
dans la rue un homme scrute
à travers le cul
d’une bouteille vide

°

devant son steak tartare haut en couleurs :
pensif

°

(Kyôbun :)

Le haïku, c’est justement pour nous guérir / soigner / sortir
de ce monde trop anthropocentré.
Le senryû aussi.
C’est une chance de nous garder de ce si tenace anthropocentrisme !

Le haïku nous donnait la chance d’une vision du monde autre qu’anthropocentré. Mais on ne se refait pas : un bon Occidental doit rester au centre de l’univers ; l’homme reste (se prétend) bien le roi (conquérant) de son esprit / de la Création, « vainqueur » de la « matière »… !

Pour les fêtes
bien empaqueter
les haïkus-gadgets !

°

reposant mon dos
contre un autre dos
– heure de pointe

°

d.(11/07)

Ceux-ci c’en sont – Py, août 07

27 septembre 2009

AOÛT

°

sur les vitres des voitures
un lampadaire orange luit
au doux vent d’août

°

au-dessus des nuages gris
la traîne rose d’un avion
– crépuscule d’août

°

les voitures passent dans l’avenue —
au loin
mon ami mort accidenté

au regard de la mort,
que valent tes mots ?

°

ce matin du 12 août
je retourne la souris
sur le ventre

°

au soleil
la fleur tendue frémit,
moucheron sur un pétale

°

crissements tout près :
une sauterelle grise
sur mon épaule

°

l’intérieur d’une feuille de bambou
lisse blanche et mauve

°

un frelon d’or
venu dans le train
puis ressorti
– Béziers

°

dans un coin du vieux Paris,
ce soir,
une cigale

°

(Tanka :)

repêché dans la poubelle, ce matin :
Le Mort saisit le vif (H. Troyat)
et Mort à Venise (T. Mann) –
décès récent
de mon ami Salim

°

le 9/8/7
l’ami disparu

°

la route déviée :
bourdonnement d’un insecte
au rideau de la porte

entendre le silence des voitures
définitivement déviées
du village

ouvrant la fenêtre
en quête des voitures
qui ne passent plus

soudain
sevré de voitures :
le village
à longs silences

un rare moteur
parmi les roulements d’oiseaux :
village pacifié

route déviée –
à Recoules, roucoule-
ments de tourterelles

de part et d’autre
le long ruban vide de la route
traversant le village

°

une cascade de lierre
mouillée par la lumière
du soir

°

dans le lavoir à sec
trois cadavres de
Coteaux du Bergerac
moëlleux

°

un vieux pêcheur
trempe sa ligne ;
un papillon
longe sa canne

°

au loin des rumeurs d’autos –-
sous les pieds
des cailloux

°

je suis passé –
le lézard
à peine a
tourné la tête

°

dans les fleurs de chardons
divers insectes
tricotent

°

la chaleur et l’odeur
qui montent de la route
entre les gouttes

°

dès que je rentre
dans l’appartement :
la chatte
omni absente

°

on ne choisit pas ses chaînes
ne dis-je pas à la femme
promenant son chien

°

Bonjour ! :
au cygne
la tête sous l’eau

°

sous l’aisselle
je la sentis
mmmh,
à la machine !

°

ouvrant la fenêtre
une forte odeur de cire :
ravalement

°

au téléphone
à vélo
sur le trottoir

°

l’éboueur
à son volant :
musique de fond

°

la voiture
laisse traverser la femme :
ses deux feux rouges

°

kiosque à journaux :
« Le clitoris
cet illustre inconnu »

°

travailler moins
pour vivre plus

°

dans la chambre de mon père
je remontai sa montre…

°

quelques piétronomes
quelque peu divergents –
couloirs de fin d’août

°

marée remontante :
le dernier week-end
avant septembre

°

Le chat plié en huit
L’éternité de sa sieste

°

daniel