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33 Haiku + 3 waka – printemps – Blyth – p.616-628

10 février 2011

°
(p.616 :)
saku hana no . naka ni ugomeku . shujô kana

Issa

« Hommes »

nous autres humains,
qui nous tortillons parmi
les fleurs épanouies

yûzuki ya . nabe no naka nite . naku tanishi

Issa

« Enfer »

la lune du soir :
les escargots d’étang pleurent
dans la casserole

hana chiru ya . nomitaki mizu wo . tôgasumi

Issa

« Les fantômes affamés »

les fleurs s’éparpillent :
l’eau que nous désirons boire,
dans le brouillard, au loin

chiru hana ni . butsu tomo hô tomo . shiranu kana

Issa

« Animaux »

Dans la chute des fleurs,
ils ne voient pas de Bouddha,
pas de Loi

koegoe ni ; hana no kokage no . bakuchi kana

Issa

« Esprits-de-Nature malveillants »

à l’ombre des fleurs de cerisiers
voix contre voix,
les parieurs

°
(p.617 :)

kasumu hi ya . sazo tennin no . gotaikutsu

Issa

« Dieux »

jour brumeux :
même les Habitants du Ciel
le trouvent sûrement pénible !

hana ni kurete . waga ie tôki . nomichi kana

Buson

parmi les fleurs, il se fait tard,
et je suis loin de la maison –
ce chemin sur la lande

yû-zakura . kyô mo mukashi ni . nari ni keri

Issa

fleurs de cerisiers du soir :
aujourd’hui appartient maintenant aussi
au passé

°
(p.618 :)

gekkô nishi ni watareba . kaei higashi ni . ayumu kana

Buson

La lune passe à l’ouest,
l’ombre des fleurs
passe à l’est

°
(p.619 :)

hana ni kite . hana ni ineburu . itoma kana

Buson

je vins voir les fleurs
je dormis sous elles;
ce fut mon loisir

hana wo fumishi . zôri mo miete . asane kana

Buson

il dort tard;
voici ses sandales de paille
qui foulèrent les pétales tombés

haru no yo wa . sakura ni akete . shimai keri

Bashô

la nuit de printemps
s’est achevée,
l’aube sur les fleurs de cerisiers

°
(p.620 :)

ikada-shi no . mino ya arashi no . hana-goromo

Buson

les manteaux de paille des draveurs :
la tempête en fait
des robes à fleurs

hana wo en . shisha no yomichi ni . tsuki wo kana

Kikaku

pour m’apporter les fleurs,
oh, que le sentier du messager au soir
soit éclairé de lune !

°
(p.621 :)

rakka eda ni ; kaeru to mireba . kochô kana

Moritake

une fleur tombée
retournée sur sa branche !
non, c’était un papillon

kasho yorimo . gunsho ni kanashi . yoshinoo-yama

Shikô

plus que les chants,
les annales de la guerre m’ont chagriné
sur le mont Yoshino

ki no moto wa . shiru mo namasu mo . sakura kana

Bashô

sous les cerisiers,
sur la soupe, la salade de poisson et tout le reste,
pétales des fleurs

°
(p.622 :)

nawashiro no . mizu ni chiri-uku . sakura kana

Kyoroku

les fleurs de cerisiers
tombent et flottent sur l’eau
des plants de riz



shizukasa ya . chiru ni sureau . hana no oto

Chora

calme :
le bruit des pétales
descendant ensemble

(or :

le son des fleurs
qui se frottent
en tombant)

saku-karani . miru-karani hana no . chiru-karani

Onitsura

les fleurs de cerisiers éclosent;
nous les admirons;
elles tombent, et puis…

°
(p.623 :)

hito koishi . hitomoshi goro wo . sakura chiru

Shirao

mon coeur plein de désirs,
on allume les chandelles,
les fleurs de cerisiers tombent

hana chiru ya . omotaki oi no . ushiro yori

Buson

derrière moi,
vieux et faible,
les fleurs s’éparpillent

°
(p.624 :)

tada tanome . hana mo hara-hara . ano tôri

Issa

Aie simplement confiance :
les pétales ne tombent-ils pas aussi
juste ainsi ?

mizu-tori no . mune ni wake-yuku . sakura kana

Rôka

l’oiseau aquatique nage
séparant de son poitrail
les pétales de cerisiers

°
(p.625 :)

hana chirite . ko-no-ma no tera to . nari ni keri

Buson

les fleurs de cerisier tombées,
le temple appartient
aux branches

hana chirite . shizuka ni narinu . hito-gokoro

Koyû-ni

les fleurs de cerisiers tombées :
nos esprits maintenant
sont tranquilles

n’y aurait-il pas de fleurs de cerisiers
dans notre monde,
que le coeur des hommes au printemps
pourrait connaître la sérénité

(: waka de Narihira (825-880))

hana ni nenu . kore mo tagui ka . nezumi no su

Bashô

n’est-ce pas comme un nid de souris
d’être incapable de dormir
à cause des fleurs ?

°
(p.626 :)

hana chitte . take miru noki no . yasusa kana

Shadô

les fleurs tombées,
regarder les bambous
est reposant sous les auvents

hana chitte . mata shizuka nari . enjôji

Onitsura

Les fleurs de cerisiers tombées,
le temple Enjôji
est calme de nouveau

ume chitte . soreyori nochi wa . tennôji

Onitsura

après que les fleurs de prunier
sont tombées,
le temple Tennôji

°
(p.627 :)

kiniitta . sakura no kage mo . nakari keri

Issa

ces fleurs de cerisiers
qui me plaisaient tant
ont disparu de la terre

kutabirete . yado karu koro ya . fuji no hana

Bashô

épuisé,
et cherchant un toit pour la nuit –
ces fleurs de glycine !

°
(p.628 :)

Le dernier jour du troisième mois au temple Jionji :

ce matin, le printemps finissait à Jionji;
tout le jour j’errai près de la porte du temple.
Nous avons beau nous lamenter, le printemps ne restera ni ne reviendra;
le crépuscule jaune tombait sur les fleurs violettes des glycines

(: waka d’Hakurakuten / Po Chu yi)

bouquet de glycine dans le vase;
les fleurs retombent,
dans la chambre de malade;
le printemps commence à s’assombrir

(: waka de Shiki)

fuji no hana . ayashiki fûfu . yasumi keri

Buson

fleurs de glycine;
reposant sous elles,
un couple étrange

°
(suite, p.629-)

7 HAIKU de printemps – Blyth – p.552-555

5 janvier 2011

°
(p.552 :)

hanaoke ni . chô mo kiku kayo . ichidaiji

Issa

au vase de fleurs
le papillon semble écouter aussi
La Grande Chose

n.b. : « La Grande Chose » est d’être né dans le Paradis de l’Ouest d’Amida. (R.H. Blyth)



utsutsunaki . tsumami gokoro no kochô kana

Buson

je le prendrais volontiers –
il semble sans substance :
ce papillon !

°
(p.553 :)

ki no kage ya . chô to yadoru mo . tashô no en

Issa

prenant abri avec un papillon
sous l’ombre des arbres :
ceci est aussi le karma d’une vie antérieure

sore abu ni . sewa wo yakasu na . akari-mado

Issa

Hé ! Ne laissez pas ce taon
tout faire
à la lucarne

°
(p.554 :)

hiroinokosu . tanishi ni tsuki no . yûbe kana

Buson

escargots de boue :
quelques uns qu’on n’a pas pris
sous la lune du soir

nuritate no . aze wo yurideru . tanishi kana

Jûjô

l’escargot de boue
du talus récent de la rizière
sort en se tortillant

°
(p.555 :)

nisanjaku . hôte tanishi no . higurekeri

Gomei

l’escargot de boue
rampe sur deux ou trois pieds
et le jour finit

°
(suite p.556-640 : « Arbres et Fleurs » (= 225 haïkus + 12 waka)).

12 HAIKU de printemps – R.H.Blyth, p.546-551

21 décembre 2010

°
(p.546 :)

kiguruma ni . okiyuku kusa no . kochô kana

Shôha

à l’approche du chariot
de l’herbe
s’envole le papillon

°

chôchô ya . junrei no ko . okuregachi

Shiki

papillons ;
l’enfant des pèlerins
a tendance à traîner

°
(p.547) :

mugura kara . anna kochô ga . umarekeri

Issa

du bulge rampant
un tel papillon
est né !

°

atafuta ni . chô no deru hi ya . kane no ban

Issa

débandade –
un papillon vient aujourd’hui ;
surveillant la caisse !

°
(p. 548) :

yûhi kage . machinaka ni tobu . kochô kana

Kikaku

dans les rayons du soleil couchant
volète le long de la rue
un papillon

°
(p.549) :

chô tobu ya . kono yo ni nozomi . nai yô ni

Issa

le papillon voleta
comme si désespéré
par ce monde

°

kado no chô . ko ga haeba tobi . haeba tobu

Issa

par-delà le portail un papillon :
le bébé rampe, il s’élève,
elle rampe encore, il s’élève à nouveau.

°
(p.550 :)

chô tonde . waga mi mo chiri no . tagui kana

Issa

le papillon voletant :
je me sens
une créature de poussière

°

mutsumashi ya . umare-kawaraba . nobe no chô

Issa

comme ils sont heureux et affectueux !
Si je renais, puissé-je être
un papillon dans les champs

°

hana ni kurui . tsuki ni odoroku . kochô kana

Chora

distrait par les fleurs,
émerveillé par la lune,
le papillon !

°
(p.551 :)

michizure wa . kochô wo tanomu . tabiji kana

Shiki

pour compagnon ce jour
j’aurais volontiers
un papillon !

°

kinodoku ya . ore wo shitôte . kuru kochô

Issa

Quelle pitié
que tu me suives si gentiment,
papillon !

°
(suite, p. 552)

14 HAIKU de printemps – Blyth – p.521-526

22 novembre 2010

°
(p.521) :

suzume no ko . soko noke soko noke . o-uma ga tôru

Issa

petit moineau,
écarte-toi, écarte-toi du chemin,
Monsieur Cheval arrive

°
(p.522) :

ôzei no . ko ni tsukaretaru . suzume kana

Issa

un moineau épuisé
au milieu
d’une foule d’enfants

°

yûgao no . hana fumu mekura . suzume kana

Gyôdai

le moineau aveugle
saute sur la fleur
de la belle-de-nuit

°
(p.523) :

suzumego ya . otake-nyorai no . nagashimoto

Issa

bébé moineau :
la servante-Bouddha *
sous l’évier

°

otake no shiri wo . tataitara . kwan to nari

(: un senryû)

claquez les fesses d’O-Take *,
et « cling ! »
elles sonneront

* O-Take était une servante modèle… devenue une sorte d’image Bouddhiste faite ordinairement en métal (d’après R.H. Blyth).

°
(p.524) :

zenkôji e . itte kita kao ya . suzume no ko

Issa

les moineaux
ont l’air de revenir d’un pèlerinage
au temple Zenkôji

°

suzumego mo . ume ni kuchi aku . nenbutsu kana

Issa

les jeunes moineaux aussi
ouvrant leur bec aux fleurs de prunier :
c’est le Nenbutsu

°

suzumego mo . asa kaichô no . ma ni ainu

Issa

à l’exposition matinale
de l’image bouddhique,
les moineaux aussi sont à l’heure

°

kaichô ni . au ya suzume mo . oyako-zure

Issa

à l’exposition de l’Image,
les parents moineaux
et leurs enfants aussi

°

(p.525 :)

suzumego ya . hane aritake no . ureshi-gao

Sekiu

le jeune moineau
manifeste le bonheur
de toutes ses ailes

°

yake ni iza . ume ni iza to ya . oya-suzume

Issa

« Allons maintenant dans les bambous,
dans le prunier ! »
la maman moineau

°
(p.526 :)

tobikawasu . yatake-gokoro ya . oyasuzume

Buson

sautillant d’avant, d’arrière,
inquiets et agités,
les parents moineaux

°

kaki ni kite . suzume oya yobu . koe sewashi

Shiki

venant à la barrière
la maman moineau appelle
d’une voix insistante

°

jihi sureba . fun wo suru nari . suzume no ko

Issa

Si vous êtes tendre avec eux,
les jeunes moineaux
feront sur vous

°
(à suivre, p.526-)

les saisons de l’éveillé – Joshu

15 novembre 2010

°

 » Un moine demanda :  » Quelle est l’essence de celui qui est éveillé ?  »
Joshu dit :
 » Printemps, été, automne, hiver.  »

°

in Zen poèmes, éd. Véga, 2003.

14 Haïku de printemps – Blyth – p.505-509

4 novembre 2010

°
(p.505) :

utsukushiki . kao kaku kiji no . kezume kana

Kikaku

le faisan griffe
son beau visage
avec ses éperons

°

yamazato ya . yane e kite naku . kiji no koe

Chora

village montagnard ;
atterrissant sur le toit,
un faisan crisse

°

hikururu ni . kiji utsu haru no . yamabe kana

Buson

à la tombée du jour,
on tire sur un faisan
près de la montagne printanière

°
(p.506 :)

kameyama e . kayou daiku ya . kiji no koe

(Buson ?)

un charpentier
allant à Kameyama ;
le cri d’un faisan

°

muku to okite . kiji ou inu ya . takaradera

(Buson ?)

un chien sauta soudain
pour chasser un faisan,
à Takaradera

°

kiji utte . kaeru ieji no . hi wa takashi

Buson

rentrant
après avoir tiré un faisan –
le soleil encore haut

°
(p.507 :)

utsukushiki . otoko mochitaru . kigisu kana

Taigi

la faisane :
elle a vraiment
un beau galant !

°

hiroki no wo . tada hito-nomi ya . kiji no koe

Yamei

d’un seul cri
le faisan a avalé
le grand champ

(litt :

large champ,
une seule gorgée,
voix du faisan)

°
(p.508 :)

kiji naku ya . mikaketa yama no . aru yô ni

Issa

un faisan crie
comme s’il avait remarqué
une montagne

°

furuki to ni . kage utsuriyuku . tsubame kana

Shôha

l’hirondelle allant et venant,
son ombre portée
sur la vieille porte

°

ôtsu-e ni . fun otoshi-yuku . tsubame kana

Buson

l’hirondelle fiente
sur la peinture d’Ôtsu
et s’enfuit

°
(p.509 :)

kakitsubata . betari to tobi no . taretekeru

Buson

les fientes du milan
collées
sur les iris

°

ren ni itte . bijin ni naruru . tsubame kana

Ransetsu

volant près de la persienne de bambou,
l’hirondelle est soumise
avec la belle jeune fille

°

futameite . kin no ma wo deru . tsubame kana

Buson

dans tous ses états,
l’hirondelle s’envole
de la chambre d’or

°
(à suivre, p.510-)

Haïkus de printemps dans HAIKU vol II de R.H. Blyth – p. 394-403

13 octobre 2010

(p.394 :)

omoidete . niwa haku haru no . yûbe kana

Soudain, y pensant,
je sortis balayer le jardin :
soir de printemps

Tairo

°°

shoku no hi wo . shoku ni utsusu ya . haru no yû

Allumant une chandelle
avec une autre chandelle;
soir de printemps

Buson

°°

(p.395 :)

Naozari ni . kô taku haru no . yûbe kana

Indifférent et languide,
je brûlai de l’encens :
soir de printemps

°

Haru no yo ya . nushi naki sama no . suteguruma

soir de printemps ;
Sans propriétaire, on dirait,
ce chariot abandonné

Gyôdai

°

Yamadori no . o wo fumu haru no . irihi kana

Marchant sur la queue
du faisant cuivré,
le soleil couchant du printemps

Buson

°

(p.396) :

Haru no yo ya . tsuma naki otoko . nani wo yomu

soir de printemps ;
que lit
le célibataire ?

Shiki

°

(p. 397) :

Haru no yo ya . komoribito yukashi . dô no sumi

soir de printemps :
dans un coin de l’entrée,
un suppliant mystérieux

Bashô.

°

kanariya wa . nigete haru no hi . kure ni keri

Notre canari s’est échappé :
ce jour de printemps
s’achève

Shiki

°

(p.398 :)

Kutabirete . neshi ma ni haru wa . kure ni keri

Tandis que je sommeillais
trop fatigué,
le printemps finissait

Kitô

°

tabi sen to . omoishi haru mo . kure ni keri

ce printemps aussi,
tandis que je pensais voyager,
finissait

Kyoshi

°

yuku haru no . omotaki biwa no . dakigokoro

le printemps s’en va,
comme ce biwa *
semble lourd !

Buson

* instrument de musique, très beau de forme, mais pas très expressif (R.H. Blyth)

°

(p.399) :

yusa-yusa to . haru ga yuku zo yo . nobe no kusa

le printemps s’en va ;
froissements
dans les herbes du champ

Issa

°

yuku haru no . shiribe ni harau . ochiba kana

balayant les feuilles tombées
dans le train
du printemps qui s’en va

Buson

°

(p.400) :

haru oshimu . hito ya enoki ni . kakurekeri

pleurant le printemps,
il disparaît
parmi les arbres enoki

Buson

°

ayumi ayumi . mono omou haru no . yukue kana

marchant et marchant,
perdu dans ses pensées;
le printemps s’achève !

Buson

°

yuku haru no . izuchi sariken . kakari-bune

bateau amarré ;
où le printemps
est-il allé ?

Buson

°

yuku haru ya . me ni awanu megane . ushinainu

le printemps s’en va ;
les lunettes qui ne me convenaient pas
ont disparu

Buson

°

(p.401) :

yuku haru ya . shunjun to shite . oszakura

Le printemps qui s’en va
hésite
dans les fleurs de cerisiers tardives

Buson

°

teshoku shite . niwa fumu hito ya . haru oshimu

chandelle à la main
il arpente le jardin,
pleurant le printemps

Buson

°

andon wo . tobosazu haru wo . oshimi keri

N’allumant pas la lanterne de papier,
je pleurai
le printemps

Kitô

°

(p.402)

yuku haru ya . senja wo uramu . uta no nushi

le printemps passe ;
le poète rejeté éprouve du ressentiment
envers le sélectionneur

Buson

°

senzoku no . tarai mo morite . yuku haru ya

il fuit aussi,
le bassin pour se laver les pieds ;
le printemps s’en va

Buson

°

(p.403) :

kyô nomi no . haru o aruite . shimaikeri

aujourd’hui seulement
marchant dans le printemps,
rien de plus

Buson

°

yuku haru ya . shiroki hana miyu . kaki no hima

printemps qui s’en va :
on voit une fleur blanche
par une fente de la palissade du jardin

Buson

°°°

(à suivre…)

R.H.Blyth HAIKU vol II, Printemps – p.390-393

14 juin 2010

oinureba hi no nagai ni mo namida kana

En vieillissant,
même la longueur du jour
est cause de larmes

Issa.

Dans la seule longueur, la longueur extrême du jour de printemps, tout le malheur de l’humanité se trouve. Les larmes d’Issa coulent pour lui-même, pour ses enfants morts, pour ses parents morts, mais aussi pour la mort, pour ce qui est essentiel à la vie même, pour le temps, sans qui l’éternité n’a pas d’existence. Ce chagrin profond devant la nature des choses est proche de la joie dans l’ainsité du tout, proche de cette région étrange où rire et larmes se mêlent.

kane hitotsu urenu hi wa nashi edo no haru

Ces grandes cloches de temple –
Pas un jour ne passe sans qu’il s’en vende une :
printemps à Edo

Kikaku.

Il y a deux courants poétiques dans ce poème, un d’hyperbole, l’autre d’auto-identification, et ces deux n’en forment qu’un seul. De l’hyperbole, cette expression d’un état d’esprit dans lequel la rivière de pensée-sentiment submerge soudain ses berges et noie l’esprit, Nesfield dit avec condescendance :

 » cette figure de style est bien souvent une faute, mais on peut y recourir parfois, pourvu que l’éloignement du fait ne donne pas un choc trop grand à notre sens de la vérité.  »

Dans les soutras, l’esprit indien, qui a une tendance naturelle à cette direction, a utilisé l’hyperbole pour surpasser l’intellect et provoquer un état où toutes choses peuvent être considérées comme possibles. Par exemple, dans le Yuimakyô, , au début de la sixième section, Sharihotsu (Sariputra) pensa en lui-même en s’apercevant qu’il n’y avait pas de sièges dans la pièce de Yuima :
 » Comment est-ce que yous les Bodhisattvas et les disciples vont-ils pouvoir s’asseoir ici ?  »

Yuima commande trente-deux-milles sièges, chacun d’eux aussi vaste que le Mont Sumeru. Tous les visiteurs tiennent dans la petite chambre de Yuima, grande de trois mètres carrés.. Ceci mène le lecteur du soutra vers une région intemporelle, inlocalisable, transcendantale, dans laquelle la vie se meut à travers temps et espace.
Sôshi (Tchouang-tse), qui partage ce mysticisme indien, commence son oeuvre dans le même esprit et avec le même but :

 » Il y a un poisson dans l’Océan du Nord appelé le Kon ; il mesure d’innombrables milliers de lieues. Il se métamorphose en un oiseau appelé le Hô ; son dos est large de je ne sais combien de lieues. Il s’élève et vole puissamment, ses rémiges couvrant le ciel comme des nuages.  »

Il montre que ce gigantesque oiseau-poisson n’est que comme un atome de poussière dans un rayon de soleil, conduisant ainsi à une sorte de reductio ad absurdum cosmique.
Nous pouvons trouver des exemples d’hyperboles chez beaucoup d’auteurs de haïkus, mais il y a quelque chose en elle d’étranger à la nature du haïku, qui préfère plutôt la litote. Le verset suivant, de Buson, n’en est pas un exemple très probant :

mizuumi e fuji o modosu ya satsuki-ame

Les pluies d’été
renverront-elles le mont Fuji
dans le lac ?

Ce qui signifie que les pluies d’été sont si violentes qu’il semblerait qu’elles puissent diluer la terre du mont Fuji dans le lac (Biwa) qu’on suppose avoir été créé par son éruption. Un autre exemple, par Shiki :

kangori ya fudô no kaen kôru yo ni

lustrations d’hiver ;
les flammes de Fudô
gèlent cette nuit

Pendant la période de Kan (la saison la plus froide), chaque soir après l’ablution, l’on visite et honore- surtout les débutants le font – les temples et sanctuaires. Autrefois, ils allaient nus, maintenant ils sont vêtus de kimonos blancs, avec hachimaki et cloches fixées à la ceinture. Il fait si froid que les flammes rouges du halo de Fudô, Dieu du Feu, pourraient geler.

kuren to su haru no kurui ya arare furu

la nuit commence à tomber ;
la grêle tombe –
l’insanité du printemps !

Kitô.

Non seulement le printemps, mais tout est un conte

 » raconté par un idiot empli de bruit et de fureur,
et qui ne veut rien dire.  »

Buson a ce verset dans lequel on retrouve printemps et folie :

hiru fune ni kyôjo nosetari haru no mizu

la fille folle
dans le bateau à midi ;
l’eau du printemps

La fille, chevelure en désordre, , insensible aux passagers voyeurs, se penche au-dessus du bateau pour laisser ses doigts glisser dans le courant, regardant sans voir dans les profondeurs secrètes des eaux gonflées du printemps.

tori no ha ni misomuru haru no hikari kana

Je tombai amoureux
des ailes des oiseaux –
la lumière du printemps sur elles !

Chora.

Dans les Pensées dans un jardin de Marvell, se trouve un verset à peu près similaire , avec cependant un goût artificiel qui gâche la comparaison :

Ici, au pied glissant de la fontaine
Ou à la racine moussue de quelque arbre fruitier,

Écartant la veste du corps,
Mon âme glisse dans les branches ;
là, comme un oiseau, elle s’assoit et chante,
Puis aiguise et bat ses ailes d’argent,
et, avant d’être prête pour un vol plus long,
agite dans ses plumes la lumière qui varie.  »

L’un est pure poésie ; l’autre est poésie se figeant en littérature, d’une beauté de statue, mais d’une musique gelée.
Quant à la signification de la lumière, citons Denys l’Aréopagite dansLes Noms divins :

 » Exaltons maintenant le nom spirituel de la Lumière sous laquelle nous contemplons le Bien ; et déclarons qu’il s’appelle Lumière spirituelle parce qu’il emplit chaque esprit supra-céleste de lumière spirituelle – comme un Rayon baptismal, et un courant débordant de lumière, qui brille de toute sa plénitude sur chaque esprit au-dessus, autour, et dans le monde, renouvelant tous leurs pouvoirs et les embrassant de toute son envergure.  »

R.H. Blyth HAIKU vol 2, Printemps, p.386/90

19 mai 2010

tsuji dangi chinpunkan mo nodoka kana

sermon au croisement ;
un tas de charabia –
mais cela aussi est la tranquillité du printemps

Issa.

Un moine donne un sermon à quelques personnes à une croisée de chemins. Il leur parle du voeu d’Amida, emporté par sa propre éloquence. Les paysans écoutent respectueusement, disant « Namuamidabutsu » aux endroits adéquats. Issa s’y trouve aussi et écoute. Ce que raconte le prêtre est pures sottises. Les gens restent là, à moitié hypnotisés. Mais Issa ne ressent aucune supériorité, aucun mépris pour eux. Cela aussi : ces bonnes gens et ce moine suant font partie du calme de ce jour de printemps. Il ressent un amour chaleureux, pacifique envers eux, et le Jizô de pierre posté à proximité, les nuages courant dans le ciel, la brise qui par moments souffle sur leurs cheveux et leurs vêtements.

nagaki hi ya me no tsukaretaru umi no ue

La longue journée ;
mes yeux sont fatigués,
contemplant la mer

Taigi.

Ce n’est pas tant l’oeil physique que mental qui est fatigué de regarder par dessus l’océan infini. Il y a, comme dit Emerson, une systole et une diastole dans l’esprit de l’homme, qui lui fait désirer le fini après qu’il se soit rassasié d’infini.
Taigi utilise la fatigue de l’âme pour exprimer la longueur du jour printanier (long par opposition avec celui de l’hiver) au bord de la mer. Le sens du passage du temps, lié à celui de l’évanescence des choses est inné chez les Japonais, mais intensifié par la pensée indienne restant dans le bouddhisme introduit au Japon. Ce sentiment sous-tend un grand nombre de poèmes quand il n’est pas explicitement mentionné. Le « Même le temps est ainsi » de Raleigh peut être ressenti derrière la plupart, sinon tous les haïkus.

osoki hi no tsumorite tôki mukashi kana

jours lents passant, s’accumulant –
combien distantes sont
les choses du passé !

Buson.

Pensant à jadis, tout un jour de printemps – ce jour-ci, aussi, appartient maintenant aux vielles choses, oubliées, lointaines. Il est aussi lointain, aussi irrévocable que les âges les plus lointains.

 » O, Mort dans la Vie, les jours qui ne sont plus !  »

L’amertume du sentiment ressort par l’onomatopée :

osoki hi no tsumorite tôki mukashi kana

les sons « k » et « t » expriment la douleur du temps. Un autre verset de Buson use aussi des sons en « k » :

osoki hi ya kodama kikoyuru kyô no sumi

Le jour lent ;
échos entendus
dans un recoin de Kyôto

Spengler dit de la mémoire qu’elle est

 » une sorte parfaitement définie de pouvoir imaginant qui permet à l’expérience de traverser chaque moment particulier sub specie aeternitatis comme un point sur une intégrale faite de tout le passé et de tout le futur, et qu’elle forme la base nécessaire à tout regard en arrière, toute la conscience de soi et l’auto-confession  » ( Physiognomic and Sustematic.)

La mémoire est donc une faculté poétique avec ses différents degrés de pouvoir et de subtilité jusqu’à cette expérience-ci du temps en tant que tel. Les choses du passé sont vues avec tant de profondeur que la qualité de « passé » des choses, leur distance est perçue comme une sorte de conscience de soi, de vie.

osoki hi ya kiji no oriiru hashi no ue

jour lent ;
un faisan
se pose sur le pont

Buson.

Le faisan est un oiseau timide qui évite les lieux humains. Mais aujourd’hui le jour est si long que le faisan est attiré pour descendre s’installer sur le pont de bois. Ce verset n’est probablement pas une expérience vécue par Buson, mais un verset purement artificiel et littéraire construit par association d’idées sur le sujet du « jour lent ». Cependant, l’association d’idées est poétique en ce que Buson utilise son inconscient poétique et pas ses facultés rationnelles pour cette création.

sunahama ni ashiato nagaki haruhi kana

sur le sable de la plage
des traces de pas :
long est ce jour de printemps

Shiki.

Elles ne sont pas la terreur de l’empreinte de pied de Robinson Crusoe sur le sable, mais partagent son mystère. Cette longue ligne ondulante d’empreintes venant de loin, repartant au loin, a le pouvoir d’intensifier la longueur du jour long. L’espace et le temps sont un ici. Le verset suivant de Buson a une atmosphère semblable, mais le sujet des traces de pas est utilisé pour souligner non pas la longueur du temps, mais sa brièveté :

mijika yo ya ashiato asaki yui-ga-hama

courte nuit d’été :
légères traces de pas
sur la plage de Yuigahama

hyakunin no nimpu tsuchi horu hinaga kana

cent travailleurs
creusant la terre :
jour long

Shiki.

Cette strophe ne signifie pas que le jour est long pour les travailleurs, bien que cela puisse l’être effectivement, et ceci renforcera la signification du poème. Shiki regarde la construction d(une route, ou le creusement d’un canal, de loin. Les travailleurs semblent à peine bouger, et on ne remarque pas d’avancée significative dans leur travail. Le mot « cent » et non pas « des centaines » donne une certaine définition à la scène. Cela montre que le poète peut voir tous les hommes, mais leur travail est englouti par , et cependant exprime la longueur du jour. La chaleur de la terre et de leurs corps, la suggestion d’une nouvelle entreprise et de l’ambition humaine, le pathos de l’homme qui sème sans récolter, le groupe d’hommes semblables à des fourmis, sous la grande étendue du ciel – toutes ces choses font partie de ce jour de printemps.
il y a un autre verset de Shiki par lequel il exprime la longueur du jour de printemps par la longueur de la rivière et par l’attente frustrée du poète. Tout comme le jour, la rivière sinue sans fin, sans pont visible dans la distance :

kawa ni sôte yukedo hashi nashi hi no nagaki

Suivant la rivière,
aucun pont n’apparaît ;
quel long jour !

Un vers similaire, bien que plus faible, de Shiki encore :

kisha-michi ni narande aruku hinaga kana

marchant en file indienne
le long des rails ;
un long, long jour

°

(à suivre…)

R.H.Blyth HAIKU vol2 Printemps (suite : p.383/6)

12 mai 2010

La poésie, comme la charité commence par soi-même, et si nous n’aimons pas ce pays que nous avons vu, comment pourrons-nous aimer celui que nous n’avons pas vu ? Pour différentes raisons, les poèmes patriotiques excellents sont rares dans la littérature de chaque pays. Chaque nation a un amour spécial du pays, inexprimable sauf obliquement, comme dans le verset précédent. Il ne peut être expliqué et difficilement imaginé par quiconque qui n’est pas né ni éduqué dans ce pays, incorporant dans les affaires les plus triviales de la vie courante quelque chose qui voit dans le Mont Fuji, par exemple, l’incarnation de ses origines et de ses aspirations les plus secrètes.
Ici, l’amour du pays, identifié avec la saison du printemps dans ce pays, Issa le ressent justement comme étant quelque chose de valeur vivante :

« Un symbole dure, mais tout ce qui est beau s’évanouit avec la pulsation de vie de l’homme, la classe, les gens ou la race qui le ressentent comme une beauté particulière dans le rythme cosmique général. » 1)

1) L’Âme de Spengler, Faust, Apollon, Magus.

Par conséquent le symbole (le verset d’Issa) reste parmi nous, mais l’âme japonaise, son intuition, sa vie poétique, vivent avec la race japonaise, pour être vécus par nous qui sommes de race différente dans la mesure où nous sommes capables de nous identifier avec eux, mourant à une nationalité pour vivre en une autre. Ailleurs, Spengler nous dit que la vie raciale de la culture qui vit vraiment seulement dans les moments de création est assez difficile à exprimer par les gens de cette race, sans parler de la compréhension de sa forme momifiée par ceux d’autres temps et d’autres lieux :
« Chaque culture possède une conception propre de chez soi et de son pays natal, difficile à appréhender, rarement exprimée en mots, pleine de relation métaphysiques difficiles, mais dont on ne peut néanmoins pas confondre la tendance. » (La Forme de l’Âme.)

atataka ni shirakabe narabu irie kana

dans la chaleur
les murs blancs des maisons
alignées le long du ruisseau

Shiki.

Le blanc est une couleur spéciale. Elle peut suggérer le froid et le chaud les plus extrêmes. Dans ce verset, on l’emploie pour exprimer la chaleur du printemps qu’on peut ressentir sur une petit île en mer, où les bateaux sont ancrés le long de la plage, avec la réflexion des murs blancs des maisons dans le soleil de l’après-midi. Cette couleur blanche, bien qu’elle monte de l’argile morte a quelque chose d’aussi vivant que les plus verts bosquets, et de plus significatif et dynamique qu’eux.

nodokasa ya hayaki tsukihi wo wasuretari

jours calmes,
les années rapides
oubliées

Taigi.

Le monde est calme et tranquille ; la mer est calme, la forêt immobile, la voix des hommes lointaine ; la rivière continue de couler, cependant tout est toujours semblable. Il semble que le temps soit aboli, que l’éternité ait enfin commencé. Et ce n’est pas une illusion, un oubli momentané du changement qui ne cesse jamais. C’est la perception de l’éternité dans le temps, de l’intemporel dans le temps, de l’absolu au sein du relatif.

nodokasa ya kakima wo nozoku yama no sô

calme jour ensoleillé ;
le moine d’un temple de montagne
regarde à travers une fente de la barrière

Issa.

Le moine, un vieil homme, est venu dans le chaud soleil de printemps, et se tient dans le jardin, regardant par la haie le monde extérieur pas encore vert, mais avec sa promesse dans la chaleur de l’air. L’endroit, l’homme, son regard calme donnent le sens de la sérénité d’un jour tranquille de printemps.

Un autre verset de Shiki exprime la même tranquillité, même si plus subjectivement :

nodokasa no hitori yuki hitori omoshiroki

tranquillité :
marchant seul ;
heureux seul.

Encore un verset de lui, de provenance plus sombre, avec cette note : « relevant de maladie » :

Paix et calme :
appuyé sur une canne,
traînant dans le jardin

Shiki.

nodokasa ya ichi no torii wa mugi no kana

Tranquillité :
le premier Torii au milieu
du champ d’orge

Shiki.

Le premier « torii », l’arc sacré d’un sanctuaire shinto, se trouve souvent à sa proximité, mais il peut en être éloigné d’un mile – ou à peu près. Il y a généralement trois « torii », le troisième jste en face du sanctuaire. Dans ce cas-ci, le premier torii est au milieu d’un champ d’orge, et à distance, et semble assez isolé. C’est une image de la tranquillité du printemps.
On dit souvent de Shiki qu’il est objectif, artiste seulement, non pas mystique, et c’est vrai, jusqu’à un certain point. Il ne creusa pas profondément sa nature poétique comme le fit Wordsworth, pour « tuer la plante par l’examen de ses racines ». Ce verset est une peinture, mais aussi une peinture de la tranquillité, par d’un calme physique ou psychologique, mais d’un calme spirituel. Les torii ne sont pas simplement deux lignes verticales et une horizontale. Il a, ou disons plutôt pourrait avoir un sens religieux. Le champ d’orge, avec la liberté de chaque feuille et de chaque épi se présente en rangs serrés, signe de la loi en l’esprit de l’homme. Il y a ensemble nature et religion, différentes et opposées, et cependant exprimant ensemble le calme paisible d’un jour de printemps, sans une seule pensée de Dieu ou d’histoire naturelle.

nodokasa ya asama no kemuri hiru no tsuki

tranquillité :
la fumée du Mont Asama ;
la lune de midi

Issa.

La mince ligne de fumée s’élevant du volcan, la lune pâle transparente dans le ciel bleu se dissolvent en un sentiment de calme qui appartient à la venue du printemps. La lune est froide, indifférente et morte ; le volcan est violent et destructeur ; mais au plus profond de notre esprit, ces deux éléments s’unissent avec notre sérénité et celle de la saison.

(à suivre, p.386).