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Entretien intempestif sur le Tao 11) Paradoxe / Contradiction

12 mars 2010

 » Tout pousse librement dans les jardins du Tao, sans qu’il se donne la peine de cultiver quoi que ce soit, puisqu’il engrange toutes les récoltes, toutes les moissons de l’univers.  »

 » Le Tao accueille et embrasse, dans un même élan, le sacré et le profane  »

 » Le Tao est un grand chaudron où frétillent dans l’huile bouillante, ensemble, la seconde qui dure des siècles, l’heure qui se traîne en bâillant d’ennui et la royale année-lumière qui, si altière et si grande dame soit-elle, finira, elle aussi, mangée.  »

 » Le Tao, tout attaché qu’il est à la logique des choses et à la rigueur des raisonnements, se meut avec aisance sur les chemins escarpés de la contradiction.

Le Tao – quand cela s’avère opportun – est la contradiction même : la contradiction légère, aérienne, parfaitement comestible et digeste, qui force l’acquiescement immédiat, tant l’énoncé, soluble dans l’intelligence, est séduisant.

Le Tao, ce sont les dents éclatantes de cette vieille femme édentée, en haillons, qui regagne sa chaumière, un sarment de fagots sur la tête.  »

H. Faliu-Blanc, p.68/71.

Langage-Paradoxe-Poétique

16 février 2009

de James Liu, p.6/7 :

 » En dépit de l’assertion qu’on ne peut nommer le Tao, Lao Tseu néanmoins tente de le décrire de différentes façons, et en reconnaît le paradoxe au chapitre 25 :

Je n’en connais pas le nom, mais me force à le surnommer « Tao », me force à le nommer « grand. »

Tout en admettant que le langage est nécessaire comme expédient, Lao Tseu nous prévient que les mots ne sont pas des incarnations permanentes de la réalité […] (Lao Tseu, Martin Heidegger et Jacques Derrida) tous trois bataillent pour nommer l’innommable, et acceptent implicitement le paradoxe du langage dans sa forme de base.
  Au chapitre 56 apparaît une variante du paradoxe :

Qui sait ne dit mot;

Qui parle ne sait pas.

  Ce couplet nous remémore le paradoxe présenté par Epimenides (- 6° siècle ), le Crétois qui déclara :  » Tous les Crétois sont des menteurs. » [ ce paradoxe du soit-disant menteur, est un exemple ancien de paradoxe logique du genre  » Cet énoncé est faux. »] Comme on pouvait s’y attendre, quelques uns demandèrent pourquoi, si c’était le cas, Lao Tseu écrivit quoi que ce soit, comme le poète Bai Juyi [ou Bo Juyi] (772-846) le fit dans son quatrain : En lisant le Lao Tseu. » :

 » Qui dit ne sait pas; qui sait reste silencieux » :

J’ai entendu cette remarque du Vieux Maître.

Si vous dîtes que le Vieux Maître avait la connaissance,

comment écrivit-il lui-même ses « Cinq Mille Mots  » ?

Il est possible que Bai écrivit ce poème comme un jeu d’esprit plutôt que comme une réfutation sérieuse de Lao Tseu, comme Qian Zhongshu semble le penser. […] Peut-être peut-on pénétrer l’esprit du jeu et  considérer le paradoxe sans se référer à aucun autre texte que le Tao Tö King soi-même en arguant ainsi : Puisque Lao Tseu a parlé, il ne sait pas; par conséquent on ne peut se fier à ses mots, y compris à l’affirmation  » qui parle ne sait pas, » auquel cas cette affirmation ne peut être la preuve que Lao Tseu ne sait pas. Cet argument circulaire pourrait se dérouler sans fin, mais, pour notre propos actuel, arrêtons-nous là.  »

J.J.Y.Liu