Haïku – La poésie des saisons
Le poète de haïku rend le non-familier familier, et le familier non-familier, et cependant de telle manière que nous nous exclamons : « Mais c’est, bien sûr ! »
R.Spiess, Spéculations pour le 23 février.
Une majorité de gens à la fois chez les poètes et le public semble croire que la poésie du haïku est le synonyme de la forme du haïku, et que tout ce qui s’écrit sur les trois lignes dont ils se souviennent de l’école primaire est automatiquement du haïku. Le haïku n’est-il qu’un contenant dans lequel n’importe quel contenu peut être versé ? Pour moi, et pour des millions de poètes qui écrivent du haïku de par le monde, le haïku est quelque chose de plus. L’érudit japonais Shigehisa Kuriyama (83) abonde : « La structure 5/7/5 ne constitue pas par elle-même un haïku. »
Qu’est-ce-qui fait donc un haïku ? Pour aider les gens à comprendre combien le haïku diffère des autres genres de poésie, la Société Américaine de Haïku (H.S.A.) a travaillé, depuis les années 1960 à développer une définition pour ceux qui s’essaient à l’écriture d’un haïku originel en anglais. Voici une partie de leurs avancées (H.S.A., 1) :
Le haïku : un poème consignant l’essence d’un moment profondément ressenti, dans lequel la nature est liée à la nature humaine. Habituellement, un haïku en anglais s’écrit en trois lignes non rimées de 17 syllabes, ou moins.
La définition de la Société souligne plusieurs caractéristiques importantes. Premièrement, le haïku est un poème court. Deuxièmement, il lie le poète avec la nature non-humaine. Troisièmement, une sorte de perception particulière : « l’essence d’un moment profondément ressenti, » est ce qui rend unique le haïku. Le poète et éditeur Cor van den Heuvel (33) souligne les premier et troisième points : « ce qui distingue le haïku est la concision, la perception et la conscience – pas un nombre donné de syllabes. »
Alors que l’idée que le haïku est un poème de dix-sept syllabes est utile en vue de présenter le haïku à des enfants, elle glose sur le fait que le contenu et le traitement de la matière du sujet sont ce qui distingue le haïku des autres formes de poésie. Pour Kuriyama et beaucoup de poètes qui écrivent du haiku aujourd’hui, le haïku a trois caractéristiques qui le définissent : une forme brève, un mot de saison, et la technique de « coupe, » qui divise le poème en deux parties. On peut considérer que ce sont-là les éléments formels du haïku. Additionnellement, un corpus de principes esthétiques, dont beaucoup viennent des arts Zen, a permis aux poètes à travers le monde de produire des poèmes d’une grande sensibilité et d’une grande résonance.
L’écrivain américain et éditeur de Haïku Robert Spiess souligne la dynamique à l’oeuvre dans le haïku avec sa définition : « un haïku est un poème qui peut durer la longueur d’une expiration, dans lequel deux, rarement trois objets d’un moment-présent de conscience sont juxtaposés, de façon à ce que chacun renforce l’appréciation de l’autre et qu’ensemble ils évoquent une profondeur ressentie, un point de vue ou une intuition de l’ainsité des choses. » L’érudit D.T. Suzuki dit plus simplement qu’un haïku « n’exprime pas des idées mais présente des images qui reflètent des intuitions (240).
Les propriétés du haïku japonais et ses principes esthétiques ne sont pas des accidents historiques mais des parties importantes de l’expérience-haïku. Des poètes ayant écrit des haïku en angais depuis les derniers cinquante ans ont distillé quelques caractéristiques du haïku japonais qui, croient-ils, ont permis la transmission de l’essence du haïku depuis la culture et la langue japonaises jusqu’aux nôtres. En plus de la brièveté, le mot saisonnier et la juxtaposition d’images qui peuvent résulter de la « coupe mentionnée plus haut, les caractéristiques essentielles du haïku incluent le soi-disant moment-haïku et le principe esthétique de la « légèreté » (karumi, en japonais). La compréhension de ces caractéristiques permet aux poètes d’aujourd’hui d’écrire une sorte particulière de haïku, qui utilise des « images reflétant des intuitions » pour présenter la portée d’un moment unique de l’existence.
(à suivre : La conscience saisonnière du Haïku, Le haïku japonais, Le développement du haïku américain, puis L’Art du Haïku (p.13))