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Poèmes de mort de haijins – ISSHO – ISSO – JAKUA

30 janvier 2012

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ISSHO
(mort le 6è jour du 12è mois de 1688, à 36 ans)

Du fond de mon coeur
comme sont magnifiques les nuages
de neige à l’ouest

NB (Y.H.) : Une source décrit la mort d’Issho ainsi : Issho, qui vivait dans la ville de Kanazawa, adorait le haïkaï. Quand Bashô passa par Kanazawa lors d’un voyage, Issho désirait ardemment qu’il logeât chez lui. Cette année-là, cependant, Issho était tombé mortellement malade, et savait que sa fin était proche. C’était la treizième année après la mort de son père, et Issho décida de composer treize kasen (renga de trante-six versets) en mémoire de son père. Ses amis essayèrent de l’en empêcher, disant : « Ta respiration est irrégulière. Qui sait ce qui t’adviendra une fois que tu auras terminé le treizième poème ? » Issho leur répondit : »Même si je meurs, je ne le regretterai pas. » Après cinq kasen sa respiration devint lourde, et il pouvait à peine tenir son pinceau. En dépit de cela il continua et acheva les autres huit. Sa tâche finie, ses yeux brillèrent de joie et il annonça : « Avec ces poèmes près de moi, je n’ai rien à regretter. »
Comme ses paupières s’alourdissaient, il ferma les yeux et dit (le poème ci-dessus)… L’automne de l’année suivant la port d’Issho Bashô écrivit un poème en sa mémoire : « Bouge, ô tombe, / le bruit de mes pleurs / est le vent d’automne.(…)
Issho mourut au milieu de l’hiver, quand la neige avait recouvert sa province. On peut considérer que « les nuages de l’ouest » sont une image saisonnière, mais dans ce poème ils se réfèrent probablement aux messagers d’Amida venant saluer les morts sur leur chemin de la Terre Pure.

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ISSO
(mort le 17 novembre 1899, à 57 ans)

Baissez votre prix !
Qu’en est-il si j’en ai 57 ?
L’année est presque achevée !

Isso tire son image du commerce. Le sort vend la vie à l’homme, et à la fin des années qui lui sont accordées, l’homme doit s’acquitter de la dette contractée à sa naissance par le destin. Isso, conscient qu’il a déjà reculé l’échéance de deux ans (comme l’espérance de vie d’un homme, selon certaine tradition, est de 55 ans), demande de repousser encore sa dette d’un peu plus longtemps, jusqu’à la fin de l’année. Il demande même une réduction, pensant peut-être à la pratique des firmes japonaises qui organisent des soldes à la fin de l’an. Mais qu’il obtienne ou non cette déduction, le poète semble suggérer que quand il reviendra sa situation n’aura pas changé de beaucoup de toutes façons !

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JAKUA
(mort le 5è jour du 5è mois de 1801)

Coucou,
allons ! – comme les cieux
de l’Ouest sont clairs !

NB (Y.H. :) Le nom de plume du poète se compose d’idéogrammes possédant un sens religieux. Jaku signifie la tranquillité, la mort en état d’éveil; a est la première syllabe du nom du Bouddha Amida. De ceci nous apprenons que Jakua était un moine ou un prêtre bouddhiste.

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(à suivre : Jikko)

53 HAIKU d’automne + 1 d’été – Blyth – p.1101-1124

7 juin 2011

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(p.1101 :)

leurs noms inconnus,
mais à chaque herbe sa fleur
et sa beauté

Sampû

une herbe fleurie ;
entendant son nom,
je la regarde autrement

Teiji

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(p.1102 :)

des centaines de gourdes différentes
de l’esprit
d’un seul vin

Chiyo-ni

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(p.1103 :)

une orchidée du soir
cachée dans son parfum,
fleur blanche

Buson

ayant planté un bananier,
j’éprouve maintenant du mépris
pour le lespédèze en germe

Bashô

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(p.1104 :)

la lampe voisine
éclaire
le bananier

Shiki

à chaque coin
du corridor,
le bananier !

Shiki

le jardin
de ce temple est plein
du bananier

Bashô

l’ombre verte
du bananier
sur l’écran de papier

Shiki

°
(p.1105 :)

la lampe du jardin s’éteint ;
son du vent
dans le bananier !

Shiki

dans le si pauvre
temple en ruine,
un bananier

Shiki

le corbeau de la lande
se perche habilement
sur le bananier

Issa

°
(p.1106 :)

ce matin juste
une seule feuille de paulownia
est doucement tombée

Issa

la feuille du paulownia
sans un seul souffle de vent
tombe

Bonchô

une feuille de paulownia est tombée ;
ne viendras-tu pas visiter
ma solitude ?

Bashô

°
(p.1107 :)

chaque jour,
ne mangeant pas les raisins,
buvant mes médicaments

Shiki

les kakis que j’aime tant
ne peuvent être mangés :
je suis malade

Shiki

°
(p.1109 :)

malade
d’avoir abusé des
kakis

Shiki

vous écrirez
que j’adorais la poésie
et les kakis

Shiki

les kakis me font penser
au visage d’une serveuse
dans une auberge de Nara

Shiki

°
(p.1110 :)

jugeant
trois mille haïkus :
deux kakis

Shiki

mangeant des kakis ;
la cloche du temple d’Hôryuji
sonne

Shiki

°
(p.1111 :)

le vieux village :
pas de maisons
mais son plaqueminier

Bashô

kakis sauvages,
la mère mange
les bouts amers

Issa

le soleil couchant
se glissant à travers les tiges du sarrasin
les teint

Buson

°
(1112 :)

au bord de la route
des fleurs de sarrasin
qu’une main éparpilla

Buson

le pont suspendu :
des plantes grimpantes
enlacent notre vie

Bashô

°
(p.1113 :)

ma voix
devient le vent ;
cueillette de champignons

Shiki

le vent d’automne souffle,
mais les bogues de châtaigne
sont vertes

Bashô

°
(p.1114 :)

la rafale froide d’hiver ;
sur la côte
de vertes aiguilles de pin volent

Meisetsu

une châtaigne tombe :
les insectes dans l’herbe
se taisent

Boshô

°
(p.1116 :)

qu’elle était grosse,
qu’elle était splendide,
la châtaigne
que je ne pouvais atteindre !

Issa

châtaignes bouillies ;
un petit garçon
s’accroupit habilement

Issa

°
(p.1117 :)

dans la forêt sombre
tombe une baie :
le bruit de l’eau !

Shiki

un oiseau chanta
faisant chuter
une baie rouge

Shiki

pelant une poire
des gouttes suaves coulent le long
du couteau

Shiki

°
(p.1118 :)

une courge-serpent en fleur :
étouffé par le phlegme,
un mourant

Shiki

(Note de R.H.Blyth : « ceci est le premier de trois « poèmes de mort » écrit par Shiki sur son lit de mort, le 19 septembre 1902. »

les pommes volées
que je mangeai,
me firent mal au ventre

Shiki

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(p.1119 :)

le riz récolté,
les camomilles sauvages (faiblissent et) s’étiolent
le long du sentier

Shiki

la cueillant,
la tige de la camomille
mesure un mètre

Gekkyo

devant les chrysanthèmes blancs
les ciseaux hésitent
un moment

Buson

ayant coupé la pivoine,
je me sentis déprimé,
ce soir-là

Buson

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(p.1120 :)

ayant coupé la pivoine,
il ne resta plus rien
dans le jardin

Kyoshi

Ils ne dirent rien,
l’hôte, l’invité
et le chrysanthème blanc

Ryôta

mes yeux, ayant tout vu,
revinrent vers
les chrysanthèmes blancs

Isshô

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(p.1121 :)

chrysanthèmes blancs !
où y a-t-il couleur
si heureuse, si gracieuse ?

Buson

chrysanthèmes blancs,
chrysanthèmes jaunes,
si seulement il n’y avait pas d’autres noms !

Ransetsu

°
(p.1122 :)

chrysanthèmes blancs ;
tout autour, maintenant,
est plein de grâce et de beauté

Chora

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(p.1123 :)

une petite boutique
qui sculpte des poupées ;
fleurs de chrysanthèmes

Shiki

à Nara ;
l’odeur des chrysanthèmes,
les anciennes effigies du Bouddha

Bashô

la rose jaune s’épanouit
quand les fours à thé, à Uji
sont odorants

Bashô

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(p.1124 :)

à Hôryûji,
le parfum des orchidées
est frais et moderne

Kyoshi

la mer de juin
vues de loin :
les statues de Bouddha du temple

Shiki

tous les chrysanthèmes que vous avez,
jetez-les
sur ce cercueil !

Sôseki

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(p.1125 : à suivre…)