Posts Tagged ‘Etsujin’

25 HAIKU d’hiver + 1 d’automne – Blyth – p.1201-1210

12 juin 2011

°
(p.1201 :)

beaucoup de parapluies
passent
ce soir de neige

Hokushi

si c’était mon enfant,
il ne vous accompagnerait pas,
cette nuit de neige !

Ukô-ni

°
(p.1202 :)

jour de neige ;
il est aussi le fils de quelqu’un,
ce contrôleur de fûts vides !

Kanri

lourde chute de neige –
on va fermer
la grande porte de la Barrière

Buson

°
(p.1203 :)

onze chevaliers
chevauchent dans la neige tourbillonnante
sans tourner la tête

Shiki

entrant de la neige tourbillonnante :
« Une chambre pour la nuit ! »
et il jette son épée dans un coin

Buson

logis refusé ;
les lumières d’une rangée de maisons
sous la neige

Buson

°
(p.1204 :)

la lampe nocturne noire de fumée,
la neige froide tombe
dans le soir

Etsujin

un seul parapluie
passe :
soirée de neige

Yaha

°
(p.1205 :)

indifférente au vent,
une feuille du paulownia
tombe

Bonchô

un bulbul chanta
puis se tut :
la neige tomba dans le soir

Arô

de temps à autre
il grêle;
le vent souffle fort

Shiki

°
(p.1206 :)

dans le bateau abandonné
la grêle
rebondit

Shiki

sortant rappeler le poissonnier
invisible ;
la grêle se mit à tomber

Bonchô

°
(p.1207 :)

si sérieusement majestueux
le bruit de la grêle
sur mon chapeau de cyprès

Bashô

les grêlons
brillent en rebondissant des rochers
de la Montagne Rocheuse

Bashô



Comme elle est lourde la pluie
sur le chapeau volé
à l’épouvantail !

Kyoshi

tempête de montagne :
la grêle pénètre
dans l’oreille du cheval

Tairo

°
(p.1208 :)

sur le pont
le bruit de la grêle
est sombre

Shiki

Voyez, enfants,
les grêlons !
Sortons voir !

Bashô

la grêle
vole dans le feu
aussi vite que ses pattes peuvent la porter

Issa

°
(p.1209 :)

dans la pierre-à-encre
du temple de la montagne,
le premier gel est précoce

Buson

je m’éveillai soudain
avec la glace nocturne
quand le pot à eau éclata

Bashô

une mare
au fond de la forêt ;
la glace est épaisse

Shiki

°
(p.1210 :)

je brûlai
le pinceau gelé
à la flamme de la lampe

Tairo

un rat s’approche
de l’huile gelée
de la lampe

Buson

°
(p.1211 : à suivre…)

32 HAIKU d’hiver + 1 d’automne – Blyth – p.1146-1160

10 juin 2011

°
(p.1146 :)

la lumière de la chambre voisine
s’éteint aussi :
nuit froide

Shiki

après avoir tué l’araignée,
solitaire
nuit froide

Shiki

mère et moi
attendant ma jeune soeur ;
cette nuit froide

Shiki

un pasteur,
quatre ou cinq croyants;
une nuit froide

Shiki

une nuit de froid glacial ;
le bruit des rapides
changea plusieurs fois

Shiki

mes voisins me haïssent,
qui raclent leurs casseroles
cette nuit d’hiver !

Buson

°
(p.1147)

mes os
sentent les couvertures;
nuit de gel

Buson

un seigneur passa :
après lui,
le froid !

Shiki

°
(p.1148 :)

franchissant le mont Shirane
après avoir vu une merde de renard –
quel froid !

Shiki

voix de gens
qui passent à minuit :
quel froid !

Yaha

°
(p.1149 :)

ce jour d’hiver,
il fait chaud au soleil –
mais il fait froid !

Onitsura

atteignant le portail
la cloche du temple Mii
se fige

Issa

°
(p.1150 :)

même pris
sous la meilleure lumière,
il a l’air frigorifié

Issa

(: auto-portrait.)

°
(p.1151 :)

même vue de dos
sa tête
semble froide

Issa

regardée très favorablement,
c’est une tête
froide

Issa

regardée très favorablement,
c’est une tête
sans forme

Issa

regardée très favorablement,
c’est une ombre
froide

Issa

regardée très favorablement
c’est une attitude
froide

Issa

°
(p.1152 :)

une nuit de larmes à glacer les entrailles :
le son de la rame
frappant la vague

Bashô

« je suis seul », dis-je.
il le consigna dans le registre ;
quelle nuit froide d’automne !

Issa

°
(p.1153 :)

soir d’hiver :
l’aiguille a disparu –
comme c’est terrible !

Baishitsu

le voleur a disparu
par les toits –
froide nuit d’automne

Buson

la cloche du temple sonne
à cause d’un voleur :
bosquet d’hiver

Taigi

°
(p.1154 :)

hiver ;
une jeune courtisane
grattant la suie d’une casserole

Issa

le saumon séché,
et l’émaciation de Kûya * aussi,
à la saison la plus froide

Bashô

* Saint Kûya (902-972)

°
(p.1155 :)

l’année s’en va :
une rue d’artisans –
tous les sons cette nuit !

Goshin

l’année qui s’en va ;
je cachai mes cheveux gris
à mon père

Etsujin

°
(p.1156 :)

je suis jaloux
de celui qu’on réprimande :
fin de l’année

Issa

même ainsi, même ainsi,
soumis devant l’Au-delà –
fin de l’année

Issa

°
(p.1158 :)

l’année s’achève :
je porte toujours chapeau
et sandales de paille

Bashô

°
(p.1159 :)

depuis que Bashô a quitté ce monde,
pas encore ne s’est
« achevée l’année  »

Buson

°
(p.1160 :)

« aboie, allons, aboie ! »
le chien aussi hâte l’an
avec le reste des convives

Issa



trois hommes se rencontrent
pour le réveillon du Nouvel An,
et se querellent

Bashô

°
(p.1161 : à suivre…)

32 HAIKU d’automne – Blyth – p.936-948

29 mai 2011

°
(p.936 :)

nashi no ki ni . yotte wabishiki . tsukimi kana

Buson

approchant du poirier
solitaire
contemplation de la lune



shizu no ka ya . ine surikakete . tsuki wo miru

Bashô

l’enfant pauvre
pilant le riz,
contemple la lune

yamadera ni . kometsuku oto no . tsukiyo kana

Etsujin (1656-1702)

au temple de montagne
le bruit du pilage du riz,
une nuit de pleine lune

°
(p.937 :)

meigetsu ni . inukoro suteru . shimobe kana

Buson

pleine lune –
un domestique
laissant mourir un chiot



tsuki ni kikite . kawazu nagamuru . tanomo kana

Buson

écoutant la lune,
contemplant le croassement des grenouilles –
la surface de la rizière

°
(p.938 :)

miidera no mon . tatakaba ya . kyô no tsuki

Bashô

je frapperais volontiers
au portail du temple Mii
sous cette pleine lune

tsuki wo matsu ni . kaketari hazushite . mo mitari

Hokushi

je n’arrêtais pas
d’accrocher la lune au pin
et de l’en dépendre,
tout en la contemplant

yoshinaka no . nezame no yama ka . tsuki kanashi

Bashô

sont-ce les collines
où Yoshinaka s’éveilla ?
la lune est triste

°
(p.939 :)

hitotsu to wa . omowanu yo nari . kyô no tsuki

Ryôta

la lune de cette nuit ! –
impensable
qu’il n’y en eut qu’une !

tachiyoreba . meigetsu motanu . matsu mo nashi

Atsujin (1857-1936)

marchant jusqu’à eux :
aucun pin
qui n’ait sa pleine lune !

°
(p.940 :)

fude toranu . hito mo arô ka . kyô no tsuki

Onitsura

la lune d’aujourd’hui :
y aura-t-il quelqu’un
qui ne prendra pas son pinceau ?

nusubito ni . torinokosareshi . mado no tsuki

Ryôkan

le voleur
a laissé
la lune à la fenêtre

mi no aki ya . tsuki wa mukizu no . tsuki nagara

Issa

l’automne de ma vie ;
la lune est parfaite,
malgré tout

°
(p.941 :)

tsukimi suru . za ni utsukushiki . kao mo nashi

Bashô

parmi la foule qui admire la lune,
pas un n’a
visage de beauté

nani kite mo . utsukushiku naru . tsukimi kana

Chiyo-ni

quoique l’on porte
on a l’air beau
en admirant la lune

meigetsu ya . chigotachi narabu . dô no en

Bashô

pleine lune d’automne ;
des enfants assis en rang
sur la véranda du temple

°
(p.942 :)

meigetsu ya . umi ni mukaeba . nana-komachi

Bashô

pleine lune :
se tournant vers la mer,
les sept Komachi *

* Bashô compare les différentes beautés de la lune aux sept formes que prit dans sa vie Ono no Komachi (834-900).

meigetsu wo . totte kekuro to . naku ko kana

Issa

l’enfant pleure :
« Donne-la moi ! » :
pleine lune éclatante

akai tsuki . kore wa tare no ja . kodomotachi

Issa

à qui appartient-elle,
mes enfants,
cette rouge, rouge lune ?

°
(p.943 :)

tera ni nete . makotogao naru . tsukimi kana

Bashô

séjournant dans un temple :
admirant la lune
avec mon véritable visage

°
(p.944 :)

yûzuki ya . nabe no naka nite . naku tanishi

Issa

claire lune d’automne :
crient dans la poële
les escargots
(d’étangs)

meigetsu no . goran no tôri . kuzuya kana

Issa

pleine lune –
mon cabanon :
tel que vous le voyez

°
(p.945 :)

meigetsu no . kosumi ni tateru . ashiya kana

Issa

lune d’automne –
ma chaumière
poussée dans un coin

hashimori to . katarite tsuki no . nagori kana

Taigi

parlant au garde du pont,
je lançai un dernier au-revoir
à la lune

ukiyo no . tsuki mi sugoshi ni keri . sue ninen

Saikaku

deux ans de plus *
ai-je vu la lune des moissons
de ce monde éphémère


* Saikaku vécut jusqu’en 1693, âgé de 52 ans. Cinquante ans était alors considéré comme l’âge qu’atteignaient les Japonais avant de mourir.

ie ko nari . tsuki ochikakaru . kusa no ue

Shiki

une maison seule ;
la lune décline
sur les herbes

°
(p.946 :)

ware wo tsurete . waga kage kaeru . tsukimi kana

Sodô

après avoir admiré la lune,
mon ombre rentre
avec moi

iru tsuki no . ato wa tsukue no . yosumi kana

Bashô

la lune a sombré sous l’horizon :
il ne reste que
les quatre coins d’une table

°
(p.947 :)

akisame ya . mizusokono kusa wo . fumaretaru

Buson

sous la pluie d’automne
marchant sur l’herbe
sous l’eau

akisame ya . waga sugemino wa mada . nurasaji

Buson

tombe la pluie d’automne ;
je n’ai pas encore mouillé
mon imperméable en carex

°
(p.948 :)

nikenya ya . niken mochitsuku . aki no ame

Issa

deux maisons !
deux maisons où l’on confectionne des gâteaux de riz –
pluie d’automne

kuchi akete . oya matsu tori ya . aki no ame

Issa

bec ouvert
ils attendent leurs parents
sous la pluie d’automne

°
(p.949 : à suivre)

34 HAIKU d’été – Blyth – p.871-886

23 mai 2011

°
(p.871 :)

yûkaze ya . shirobara no hana . mina ugoku

Shiki

dans la brise du soir
les roses blanches
bougent toutes



kisagata ya . ame ni seishi ga . nebu no hana

Bashô

Kisagata :
Seishi dormant sous la pluie;
les fleurs de mimosa

°
(p.872 :)

oki-oki no . yokume hipparu . aota kana

Issa

dès qu’il se lève
les champs verts attirent
ses yeux avides

°
(p.873 :)

togadera ya . mizakura ochite . hito mo nashi

Shiki

temple de Toga ;
les fleurs de cerisiers restent à terre,
personne.



yûgao ni . miyako namari no . onna kana

Shiki

un liseron vespéral
et une fille
parlant le dialecte de Kyôto

yûgao no . naka yori izuru . aruji kana

Chora

le maître
émerge des profondeurs
des liserons du soir

°
(p.874 :)

yûgao no . hana de hana kamu . musume kana

Issa

la petite fille
se mouche le nez
dans le volubilis du soir

yûgao no . hana de hanakamu . obata kana

Issa

la vieille femme
mouche son nez
dans le volubilis du soir

°
(p.875 :)

hirugao no . hana ni kawaku ya . tôriame

Shiki

la pluie passagère
sèche
sur la fleur de convolvulus



ka no koe su . nindô no hana . chiru goto ni

Buson

le chèvrefeuille –
à chaque pétale qui tombe,
la voix des moucherons

tori naite . yama shizuka nari . natsuwarabi

Shiki

un oiseau chante,
la montagne se calme ;
fougère d’été

°
(p.876 :)

iriai no . kiku tokoro nari . kusa no hana

Issa

juste quand j’entends
la cloche du soir,
la fleur de cette mauvaise herbe !

natsugusa ya . tsuwamonodomo ga . yume no ato

Bashô

ah, herbes d’été !
tout ce qui reste
des rêves des guerriers !

°
(p.877 :)

natsugusa ya . saga ni bijin no . haka ôshi

Shiki

herbes d’été à Saga ;
nombreuses sont les tombes
des belles femmes !

furazu tomo . take ueru hi wa . mino to kasa

Bashô

le jour du plantage des bambous,
bien qu’il ne pleuve pas,
manteaux et chapeaux de pluie !

°
(p.878 :)

hiyajiru ni . utsuru ya sedo no . takebayashi

Raizan

par la porte arrière
la bambouseraie se reflète
dans le breuvage froid



hasu no hana . sakuya sabishiki . teishajô

Shiki

gare de chemin de fer
solitaire :
des lotus fleurissent

°
(p.879 :)

jôroku ni . naru kumo mo ari . hasu no hana

Boryu

un nuage aussi
va devenir un Bouddha ;
fleurs de lotus

°
(p.880 :)

matsutake ya . shiranu ko no ha no . hebaritsuku

Bashô

colle au champignon,
la feuille
d’un arbre inconnu



wasuregusa wa . sakedo wasurenu . mukashi kana

Moroku-ni

le myosotis fleurit ;
mais les choses d’antan,
comment puis-je les oublier ?

°
(p.881 :)

funanori no . hitohama rusu zo . keshi no hana

Kyorai

tous les pêcheurs de la plage
sont partis ;
les coquelicots fleurissent

mizuumi no . mizu masarikeri . satsukiame

Kyorai

les eaux du lac
ont gonflé :
pluies d’été



hanakeshi ni . kunde ochitaru . suzume kana

Shirao

les moineaux
se chamaillant, tombèrent
au milieu des coquelicots

°
(p.882 :)

hitohako no . sara ayamatsu ya . susuharai

Shûha

une boîte en porcelaine
brisée
pendant le ménage d’hiver



keshi sagete . gunshû no naka wo . tôrikeri

Issa

fendant la foule
avec, à la main,
un coquelicot

zen tsukushi . bi wo tsukushite mo . keshi no hana

Issa

quintessence de la bonté,
extrême de la beauté :
une fleur de pavot

°
(p.883 :)

keshi no hana . amari bôzu ni . nariyasuki

Shiki

la fleur du coquelicot
trop facilement
tonsurée

keshi saite . sono hi no kaze ni . chiri ni keri

Shiki

un coquelicot fleurit
et dans le vent de ce jour
s’effeuilla et tomba

chiru toki no . kokoroyasuki yo . keshi no hana

Etsujin

les coquelicots :
comme ils tombent
calmement !

°
(p.884 :)

mugi no ho wo . chikara ni tsukamu . wakare kana

Bashô

ils serraient convulsivement
des épis d’orge
lors de leurs adieux

yuku haru ya . tori naki uo no . me wa namida

Bashô

Printemps qui s’en va,
les oiseaux pleurent,
des larmes dans les yeux des poissons

°
(p.885 :)

tabishibai . homugi ga moto no . kagamitate

Buson

le théâtre itinérant
a posé ses miroirs
sous les épis de l’orge

°
(p.886 :)

mugikari ni . kiki kama moteru . okina kana

Buson

le vieil homme
a une faux merveilleuse
pour couper l’orge

ame ni orete . homugi ni semaki . komichi kana

Jôsô

courbés par la pluie
les épis d’orge
font un chemin étroit

°
(à suivre : AUTOMNE, p.888-1130)

19 HAIKU d’été – Blyth – p.660-668

14 mars 2011

°
(P.660 :)

suzushisa ya . andon kiete . mizu no oto

Shiki

la lumière de la nuit s’éteint;
le bruit de l’eau :
fraîcheur

suzushisa no . katamari nareya . yowa no tsuki

Teishitsu

la lune de minuit :
une boule
de fraîcheur ?

°
(p.661 :)

suzushisa ya . shii no uraha wo . fukikae shi

Shiki

Fraîcheur !
Les feuilles du pasania
soufflées par le vent

°
(p. 662 :)

suzushisa ya . heike horobishi . nami no oto

Shiki

fraîcheur :
dans le bruit des vagues
la défaite des Heike !



suzukaze ya . kokû ni michite . matsu no koe

Onitsura

la brise fraîche
emplit la voûte vide du ciel
avec la voix du pin

tsuribashi ni . midarete suzushi . ame no ashi

Shiki

au-dessus du pont suspendu
confuses
les lignes de la pluie fraîche

°
(p.663 :)

nozoku me ni . issennen no . kaze suzushi

Shiki

dans l’oeil qui voit
mille ans de vent
sont frais

suzushisa wo . e ni utsushi keri . saga no take

Bashô

la fraîcheur
peinte dans une peinture ;
les bambous de Saga

suzushisa ya . yomizu no kakaru . ido no oto

Issa

la fraîcheur
du bruit de l’eau nocturne
retombant dans le puits

gege mo gege . gege no gekoku no . suzushisa yo

Issa

pauvre, pauvre, oui, pauvre,
la plus pauvre des provinces – mais cependant
sentez cette fraîcheur !

°
(p.664 :)

gege no ge no . kyaku to iwaren . hana no yado

Etsujin

Bien que je puisse être appelé
le plus vil des vils visiteurs,
ce logement fleuri !



suzushisa ya . kane wo hanaruru . kane no koe

Buson

La voix de la cloche,
en quittant la cloche –
quelle fraîcheur !

°
(p.665 :)

suzushisa ni . daifukuchô wo . makura kana

Issa

avec la fraîcheur,
faire un oreiller
du livre des comptes

soroban ni . hiji wo motasete . hirune kana

Issa

sieste de midi;
appuyant son coude
sur le boulier

suzushisa wo . waga yado ni shite . nemaru nari

Bashô

je m’assieds ici,
faisant de la fraîcheur
mon habitat

°
(p.667 :)

doko mite mo . suzushi kami no hi . hotoke no hi

Shiki

partout où nous regardons, c’est frais,
avec les lampes des Bouddhas,
les lampes des Dieux

°
(p.668 :)

daibutsu ni . harawata no naki . suzushisa yo

Shiki

le Grand Bouddha :
sa fraîcheur
impitoyable !

suzukaze no . magari-kunette . kitari keri

Issa

la brise fraîche;
tortueuse et serpentant,
elle arrive jusqu’à moi

kitakaze ni . fusoku iu nari . natsu-zashiki

Issa

cette brise fraîche
à travers la chambre d’été –
mais toujours à se plaindre

°
(à suivre, p.669-)

9 Haiku de printemps – Blyth – p.629-633

11 février 2011

°
(p.629 :)

fuji no hana . tada utsubuite . wakare kana

Etsujin

fleurs de la glycine;
baissant seulement la tête
pour les adieux

haru no hi no . iru tokoro nari . fuji no hana

Issa

où le soleil du printemps
s’enfonce,
les fleurs de glycine

yamabuki no . utsurite ki naru . izumi kana

Ransetsu

prenant le reflet
du yamabuki *,
la source est jaune

* rosier jaune.

horo-horo to . yamabuki chiru ka . taki no oto

Bashô

les pétales du rosier jaune
se détachent-ils
au bruit de l’eau rapide ?

°
(p.632 :)

murusaki no . yûyama tsutsuji . ie mo nashi

Shiki

violettes les montagnes du soir,
les azalées ;
pas une maison en vue

tsutsuji ikete . sono kage ni hidara . saku onna

Bashô

une femme
sous les azalées dans un pot
déchirant de la morue sèche

°
(p.633 :)

mushitte wa . mushitte wa sutete . haru no kusa

Raizan

la cueillant, la cueillant,
la rejetant,
l’herbe du printemps

te wo nobete . ori-yuky haru no . kusaki kana

Sono-jo

tout en marchant,
j’étends ma main et cueille
les herbes et les feuilles du printemps

iroiro no . na mo muzukashi ya . haru no kusa

Shadô

tous les différents
noms difficiles :
herbes du printemps

°
(suite, p 634-)

R.H.Blyth HAIKU vol I sect. 2 La Solitude (p 161-169)

21 novembre 2009

2) La solitude

Un autre aspect de l’état Zen est la solitude. Le rythme sous-jacent de la pensée plus que la pensée même des lignes suivantes dans In Utrumque Paratus exprime le sentiment de cet état de Matthew Arnold :

Les pics solennels ne sont connus que des étoiles,
Que des étoiles et des froids rayons lunaires ;
Solitaire le soleil se lève, et solitaires
Jaillissent les grands fleuves.

À un moment de notre vie nous devons arriver à savoir, avec Sue :

Je suis une des Vierges éternelles, servante du feu éternel

(St Mawr).

et à sentir avec le Christ élevé :

Comme il est bon d’avoir rempli ma mission et d’être au-delà.
Maintenant je peux être seul et laisser les choses à elles-mêmes, et le figuier peut être stérile s’il le veut, et le riche peut être riche. Mon chemin est mien, seul.

(The Man who Died).

Ceci est la véritable solitude, mais on doit encore aller un pas au-delà de ce

Noli me tangere,

au royaume de :

Et cependant je ne suis pas seul, parce que le Père est avec moi.

On ferait bien ici de remarquer l’utilisation des mots dans le Zen, la manière par laquelle le silence et la parole sont unis. Dans tous vrais langage et conversation Zen, c’est-à-dire à chaque fois que deux esprits sont véritablement en communion, n’importe quel mot sous-entend son opposé logique également. Ainsi, si l’on dit « désintéressement », cela implique, conjointement l’ « égoïsme ». « La solitude » est aussi un état d’interpénétration avec tout le reste également. Ainsi Bashô, aspirant à cet état dit :

Uki ware wo sabishi garaseyo kankodori

Ah, kankodori,
Tu approfondis
Ma solitude.

Le kankodori est un oiseau qui vit dans les montagnes, loin des habitats, de sorte que sa véritable apparence est pratiquement inconnue. Sa voix ressemble à celle du pigeon ramier, et on l’entend toujours de loin. On dit qu’il annonce par son chant la venue de la pluie ou son arrêt prochain. Dans le haïku, la saison est d’été.
Sabishisa, la solitude, est l’équivalent dans le haïku de Mu dans le Zen, un état de pauvreté spirituelle absolue, dans lequel, n’ayant rien, nous possédons tout. C’est un état dans lequel nous

nous réjouissons avec ceux qui se réjouissent, et pleurons avec ceux qui pleurent,

nous réjouissons avec la joie du meurtrier et pleurons avec la famille de la victime. Ce n’est pas un état dans lequel nous choisissons ce pourquoi nous nous réjouissons et pleurons. Ce n’est pas un état d’indifférence olympienne dans lequel les sentiments positifs et négatifs s’annulent. Prenez les célèbres lignes qui suivent :

Alors les deux frères et leur victime
Passèrent la belle Florence où le fleuve Arno
Gargouille entre des berges droites…
… Ils franchirent le cours d’eau
jusqu’à une forêt tranquille pour le crime.

(Isabella, XXVI)

Tous les hommes sont des hommes morts, et moi, qui écris ceci. Et dans la mesure où nous sommes unis avec Dieu, non seulement nous acquiesçons à ce meurtre, mais sommes aussi les frères meurtriers d’Isabella, et son amant assassiné.
Il y a cependant un danger, ici, quand nous prenons des exemples dans la poésie ou le drame, c’est celui de pouvoir nous persuader que nous sympathisons non pas avec le meurtre lui-même, mais avec les éléments artistiques de l’ensemble. Les remarques suivantes de Stevenson, dans A Gossip on Romance, nous donnent un aperçu de la manière dont nous devons voir les choses :

Chacun et tous, pour le moins, dans nos fantasmes particuliers, lisions des histoires pour enfants, non pour l’éloquence ou les personnes ou la pensée, mais pour une quelconque qualité d’incidence brutale. Pas simplement un bain de sang ou un émerveillement. Bien que chacun de ses éléments fût le bienvenu, le charme par lequel nous lisions dépendait d’autre chose encore… Crusoe apeuré par la trace de pas, Achille vociférant contre les Troyens, Ulysse bandant son grand arc, Christian courant avec ses doigts dans ses oreilles, ceux-ci sont tous des moments culminants de la légende.

Ces « moments culminants » sont des points coupant la ligne de Mu ; ce sont des moments de « Solitude », de désintéressement, de vie universelle dans laquelle cependant l’individu n’est pas submergé, mais se dresse, encore, clairement et distinctement.
Comment atteindre cet état de solitude ? Comment cet état ordinaire de tristesse solitaire, dans lequel Bashô se trouva aussi, peut-il se changer en celui dans lequel on peut dire, de tout et de tous, comme Virgile dit à Minos :

N’entrave pas sa destinée :
Ainsi est-elle voulue, où peut se faire
Ce qui est voulu ; et ne demande rien de plus.

Bashô nous dit que pour lui, c’est le kankodori, son roucoulement dans le lointain, qui peuvent produire ce miracle de grâce dans son cœur. Wordsworth dit la même chose :

Bien que babillant seulement au Vallon
De soleil et d’averses,
Tu m’apportes un conte
D’heures visionnaires.

Trois fois bienvenue, chéri du Printemps !
Bien que tu ne me sois
Aucun oiseau, mais, invisible,
Une voix, un mystère !

La Nature dit de Lucy :

Les nuages flottants lui prêteront
Leur état ; le saule ploiera pour elle ;
Elle ne manquera pas de voir non plus
Même dans les mouvements de la Tempête
La grâce qui donnera forme à la Vierge
Par sympathie silencieuse.

Dans son Journal, en 1840, Thoreau parle de lui-même et d’une goutte de pluie :

Tandis que ces nuages et cette pluie enferment tout,
Nous nous rapprochons et apprenons à nous connaître.

L’expression poétique chinoise de solitude peut trouver son exemple dans ce poème d’Hakurakuten :

PAIX DU SOIR

Des cigales précoces terminent leurs trilles ;
Des points lumineux, nouvelles lucioles, volent çà et là.
Le cierge brûle clair et sans fumée ;
Des perles de rosée lumineuse pendent sur le tapis de bambou.
Je n’entrerai pas encore dans la maison pour dormir,
Mais marcherai un moment sous les auvents.
Les rayons de la lune se penchent jusque sous la basse véranda :
La brise fraîche emplit les grands arbres.
Laissant aller les sentiments, la vie coule aisément ;
La scène entra profondément dans mon cœur.
Quel est le secret de cet état ?
Ne rien avoir de petit dans l’esprit.

Hakurakuten fait ici l’erreur wordsworthienne d’en dire trop. C’est ici que le génie du haïku intervient, avec son apparente pauvreté de forme et de matériau. Les haïkus sont solitaires dans leur apparence même et il leur manque la richesse du ton et du rythme.

Ushi tsunde wataru kobune ya yû-shigure

Un taureau à son bord,
Un petit bateau franchit la rivière
Dans la pluie du soir.

Shiki.

La solitude et la pauvreté – la pauvreté de « Bienheureux les pauvres d’esprit » – sont presque synonymes. C’est pour cette raison que Socrate, rapporta-t-on, dit (et le prouva par sa vie et par sa mort) :

Ceux qui veulent le moins posséder sont les plus près des dieux.

Saint-Jean de la Croix (mort en 1591), dans L’Ascension du Mont Carmel, donne des instructions sur les manières de se mortifier et de calmer les quatre passions naturelles : la joie, l’espoir, la peur et la douleur :

Aspire toujours, non à ce qui est le plus facile, mais à ce qui est le plus difficile.
Non à ce qui fait le plus plaisir, mais à ce qui est le plus déplaisant.
Non à ce qui procure du plaisir, mais à ce qui n’en donne aucun.
Non à ce qui console, mais à ce qui afflige.
Non à ce qui mène au repos, mais à ce qui conduit au labeur.
Non aux grandes choses, mais aux petites.
Non à ce qui est élevé et précieux, mais à ce qui est bas et méprisé.
Aspire, non pas à tout désirer, mais plutôt à ne rien désirer.

La solitude du haïku n’est pas celle du poète en tant que reclus, pas celle de lieux déserts et d’hommes oubliés, bien que cela puisse être induit par ceux-ci, ou en résonance avec eux :

Nashi saku ya ikusa no ato no kuzure-ie

Près d’une maison en ruine
Un poirier est en fleur ;
Ici eut lieu une bataille.

Shiki.

Elle se trouve dans l’absence des choses qui jamais ne furent :

Na-no-hana ya kujira mo yorazu umi kurenu

Fleurs de colza :
Aucune baleine n’approche ;
La mer s’assombrit.

Buson.

Elle se trouve dans les choses douloureuses qui surgissent quand nous sommes heureux, dans les évènements heureux qui arrivent quand nous sommes attristés :

Ku no shaba ya sakura ga sakeba saita tote

Un monde de douleur et de souffrance :
Les fleurs éclosent
Même alors…

Issa.

Elle se trouve avant tout dans un royaume innomé où l’humain et l’inhumain, l’amour et la loi, se rencontrent et s’unissent :

Aki no kure hi ya tomosan to toi ni kuru

Soir d’automne ;
Elle vient et demande :
« dois-je allumer la lampe ? »

Etsujin.

Comparez avec le cas de Tokusan :

Tokusan était assis dehors en zazen. Ryutan lui demanda pourquoi il ne rentrait pas. Tokusan répondit : « Parce qu’il fait noir. » Ryutan alluma alors une bougie et la lui tendit. Alors que Tokusan allait la prendre, Ryutan souffla dessus. Tokusan (Teh-shan, 779-865) se prosterna.

L’illumination d’Etsujin est faible, diffuse, temporaire, concerne une partie de l’être seulement, mais est cependant une perception de la vérité dans sa forme vivante, non-abstraite, sans mots, inexprimable mais évidente. C’est une entrée dans la Solitude à travers la solitude du soir, la solitude automnale. Fournissons une explication au haïku – non que cela donne l’expérience poétique à qui ne l’a pas eue.
Le poète est assis en train de regarder le jour qui décroît rapidement, le dernier des jours, qui passe si rapidement, si lentement. Le soir d’automne tombe, et la femme du poète vient lui demander si elle doit apporter une lampe ; elle ne l’a pas avec elle, mais vient seulement demander. Elle se courbe, et comme elle relève la tête et le regarde avec ses yeux doux, il pense à la lampe et à sa faible lumière en perspective. Les légères gentillesse et tendresse quotidiennes de sa femme, l’irrévocabilité de la chute du jour se perçoivent dans la lumière de la flamme pas encore là, mais qui va l’être. Elle est également chaude, et cependant éloignée, et dans la lumière qui illumine son esprit, le poète ressent, comme une chose unique, l’inévitabilité de la nature, et la bonté aimante de l’humain.
La solitude habituelle ou d’agrément que nous ressentons tous n’est pas complètement différente de la « solitude » que nous avons illustrée ici. Elle peut être un prélude à l’autre ; elle peut en être la cause ; elle peut être l’autre, quand l’énergie de la vie poétique et religieuse l’imprègne.

Et Jésus lui dit :
« Les renards ont des terriers et les oiseaux ont des nids, mais le Fils de l’Homme n’a nulle part où poser sa tête. »

Kono michi ya iku hito nashi ni aki no kure

Le long de cette route
Ne va personne
Ce soir d’automne

Bashô.

3) L’Acceptation Reconnaissante.