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246
(À Minakuchi, tombant sur un ami pas vu depuis vingt ans)
deux vies
entre elles ont vécu
les fleurs de cerisiers
(printemps 1685)
NB : L’ami de Bashô s’appelait Hattori Dohô (1657-1730). Bashô ne l’avait pas vu depuis qu’il avait neuf ans. (…)
247
(Une vue paisible de la campagne au printemps)
un papillon ne vole
que dans un champ
de soleil
(été 1685)
NB : Cette strophe suggère que le champ était constitué de soleil. Les fleurs jaune vif du colza pourraient faire penser au soleil sur la terre.
248
l’iris « oreilles-de-lapin »
me donne l’idée
d’un poème
(été 1685)
NB : La compréhension de ce verset se complique avec la référence à un waka de Toshiharu Oseko, au chapitre neuf des Contes d’Ise.
249
(Une vue de l’anse de Narumi-gata. Par un beau et doux jour de printemps , un bateau vu très loin au large semble se mouvoir très lentement, quelquefois même être à l’arrêt. Les fleurs de pêchers d’un rose vif sont au premier plan, sur la plage.)
un bateau qui débarque
s’arrête pour se reposer sur une plage
de fleurs de pêchers
(printemps 1685)
NB : Ce poème pourrait concerner de vraies pétales de pêcher soufflées des arbres qui se posent sur la plage ou à de petits coquillages roses dans le sable, qui ressemblent à des pétales de pêcher.
250
(Un prêtre bouddhiste de la province d’Izu, Inbe Rotsû, qui voyageait seul depuis un an, en entendant parler de moi, est venu à Owari pour voyager avec moi.)
maintenant que nous sommes ensemble,
broutons des épis d’orge
avant notre voyage
(été 1685)
NB : Inbe Rotsû vécut de 1651 à 1738. Bashô utilise un terme animalier pour manger, ce qui implique aussi qu’ils mangent à même l’épi au lieu de le cuire. Il y a aussi un association entre les épis d’orge et l’oreiller d’herbes (= le voyage) puisque tous deux portent des grains.
251
(Dans les montagnes de la province de Kai)
le bûcheron
reste bouche fermée
hautes herbes gratte-langue
(été 1685)
NB : Cette plante accrochante ( : le gaillet gratteron – Galium aparine – ) pouvait grandir jusqu’à la hauteur du menton d’un homme. (Cette traduction française permet un jeu de mots supplémentaire entre la bouche fermée du bûcheron et la langue que ces gratte-langue (, autre appellation de cette plante) auraient pu atteindre.)
252
(Le prêtre Daiten, du temple Engakuji est décédé au début de l’année. J’eus du mal à le croire, mais j’écrivis une lettre à Kikaku avec le verset de déploration suivant, pendant mon voyage :)
ayant manqué les fleurs de pruniers
je me prosterne devant celles des lespédèzes
en larmes
(1685, saisons mixtes)
NB : Le prêtre Daiten vécut entre 1629 et 1685. Kikaku était un des disciples de Bashô. Le poème semble dire que puisque la fleur de prunier (le prêtre) manque, non seulement au voyage, mais aussi à la vie, Bashô se prosterne en vénération et en lamentation devant les lespédèzes. Les deutzies, traduites souvent par « lespédèzes » étaient l’une des sept herbes d’automne associées au regret, à la tristesse et à la douleur.
253
(Donné à Tokoku :)
un coquelicot blanc
un papillon arrache une aile
en souvenir
(été 1685)
NB : Tokoku, marchand de riz à Nagoya, était un des élèves préférés de Bashô. Les pétales de coquelicots sont triangulaires et tombent l’un après l’autre, de sorte qu’il peut sembler que des ailes de papillon tombent de la fleur.
°
(à suivre : 254-1012)