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Erotic Haiku – Haïku érotiques – Rod Willmot – 1983 – Black Moss Press ed.

9 avril 2012

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brouillard,
des petites culottes sur le fil

: Bob Boldman

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À la lueur de la télé
ses mamelons se dressent
bleu et blanc

: Joseph Caston

°

sur la digue
l’écho de son amour
au bas de la rivière creuse

: Proxade Davis

°

l’angle de la haie plantée
dans le bain fumant
ses jambes lisses m’enserrent

: Michael Dudley

°

matin :
les rêves se dispersent
alors que sa main cherche ma peau

: Jo-Anne Elder

°

tombant dans le crépuscule
mes jambes l’enserrant
la lune se lève dans ses yeux

: Jo-Anne Elder

°

le train de nuit ferraille
Mes mains tremblent sous ton corsage
La lune ne bouge pas

: Marco Fraticelli

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nue
elle mange une pomme
en premier

: LeRoy Gorman

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doigts de cristaux de glace
sur la fenêtre
j’embrasse son mamelon

: Bruce Kennedy

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poussant
vers l’intérieur… jusqu’à ce que ses dents
luisent

: Michael Mc Clintock

°

première fonte…
ses yeux partis
sous ses paupières

: Michael Mc Clintock

°

Alors que nous attendons
pour recommencer,
la pluie de printemps

: Michael Mc Clintock

°

Elle s’en va…
l’odeur de l’oreiller chaud
reste

: Michael Mc Clintock

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gousses de laiteron…
le froufrou de sa nuisette
qui tombe

: Bill Pauly

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rose soufflée :
déployant les pétales
de ses cuisses

: Bill Pauly

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poissons au bout de leurs lignes secouant le bateau à rames faisant l’amour

: Bill Pauly

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ma langue
explorant
la terre

: R.W. Grandinetti Rader

°

séparant
ses lèvres
vers l’aube

: R.W. Grandinetti Rader

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champ de coquelicots
à travers le brouillard
gouttes sombres sur le lit

: Frank K. Robinson

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lueur au jardin
séchée dans la forme du
toucher de son sein

: Raymond Roseliep

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le guidant en moi…
mon bracelet
cliquette

: Alexis Rotella (f.)

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couchés dans l’herbe humide
il respire encore
en moi

: Alexis Rotella

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matin
l’odeur de mon musc
encore sur ses doigts

: Alexis Rotella

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dans ta petite culotte
légèrement descendue
une feuille sèche tombée

: Hiroaki Sato

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vent d’hiver…
la maison qui craque…
le lit qui craque

: Margaret Saunders

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lentement, ensemble
sur le lit défait
les ombres des saules

: George Swede

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la nuit s’assemble peu à peu entre ses seins

: George Swede

°

laissant ma solitude en elle

: George Swede

°

une par une sur le plancher chacune de ses ombres

: George Swede

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À l’aube me souvenant de sa mauvaise grammaire

: George Swede

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te retenant
en moi encore
chant des moineaux

: Anita Virgil

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sa main sur la poignée de la porte
le soleil
entre ses jambes

: Rod Willmot

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elle essore son corsage
le champ d’avoine ruisselle
après la pluie

: Rod Willmot

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presqu’au but ses fesses ondulent sous mes mains

: Rod Willmot

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le chat dans nos jambes nous recommençons

: Rod Willmot

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Première séquence :

tu entoures mes seins je te cuillère à soupe

deux monarques tardifs tes doigts lentement trouvent mes replis

ton baiser sur ma montagne nuageuse lever de lune

pic montagneux du brouillard mon clitoris s’élève jusqu’à ta bouche

l’érable changeant à l’instant je remplis ma bouche de toi

ton pouce coupé loin plus loin au-delà de ma lune

(…)

montagne seulement mon extrémité

quand tu te retires je demeure une montagne plissée

: Marlene Wills

°°

Quatrième séquence :

ta main sur moi tu lis à propos de toi dans un poème

gloussant fort à propos de glousser entre nos orgasmes

je viens de connaître tes doigts

vent printanier dans la nuit mes seins retouchés

(…)

: Marlene Wills

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par le trou du portail sa main

: Finley M. Taylor

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: in Erotic Haiku, (c) Rod Willmot, 1983, Black Moss Press.

Se connecter aux sensations : 5 haïku favoris (par Anna Vakar)

21 juillet 2011

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SE CONNECTER AUX SENSATIONS /
5 haïku favoris

par Anna Vakar

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Choisir 5 haïku que l’on aime particulièrement n’est pas une tâche aisée. Pourquoi aimé-je un haïku ? Apparemment, ce n’est pas le sujet qui est en cause. Par exemple :

The names of the dead
sinking deeper and deeper
into the red leaves

les noms des morts
disparaissant
sous les feuilles rouges

, d’Eric Amann,
traite bien évidemment de la mort, mais, paradoxalement, me donne – à moi au moins – l’expérience rythmée, vivante, d’une unité entre l’homme et la nature, le beau et le profond. Cependant, dès que mon intellect objectivant entre en jeu, la simple vérité, la disparition des êtres humains, de nous-mêmes, pourrait me déprimer, parce que je pourrais penser ou souhaiter que la vie soit différente.

an empty elevator
opens
closes

un ascenseur vide
s’ouvre
se ferme

, de Jack Cain,
a également un impact immédiat sur moi, comme si une vérité profonde, pure et simple, était en jeu ici. Pourquoi l’ascenseur est-il vide ? Pourquoi personne n’y est-il monté ? Quelqu’un – nous, peut-être ? – l’a / l’avons appelé, puis a / avons été distrait(s) ?
L’ascenseur vide symbolise peut-être notre ascenseur interne, ces sentiments qui nous élèvent ou nous font redescendre, de l’espoir au désespoir et retour, en une intimité que nous évitons ?

L’absence de mot-de-saison ne semble pas influer sur l’efficacité de ce poème. Un simple phénomène objectif a reflété une expérience intérieure : d’incertitude ou d’indécision, ou d’occasion manquée, ou bien d’autres sentiments encore ; et n’est-ce pas ce que le haïku est censé produire ?

Un troisième haïku qui me touche est celui-ci :

the silent crowd
waiting for the fountain
to rise again

la foule silencieuse
attendant que la fontaine
rejaillisse

, de L.A. Davidson.

Si la fontaine, telle que la « Vieille Fidèle » du parc de Yellowstone est un phénomène naturel, la foule qui attend pourrait suggérer un désir en quelque sorte inéluctable de jaillissement renouvelé de la fontaine de la Vie, de cet Esprit symbolisé par l’eau, même si l’on peut penser que cette eau – traditionnellement – descend et ne monte pas.

Si la fontaine est une oeuvre humaine, alors elle peut me faire penser, assez paradoxalement, au fameux chandelier de cristal qui jette ses feux comme en cascade, celui que l’on abaisse et remonte pendant les entr’actes et à la fin des représentations du théâtre Maw Reinhardt à Vienne.

Un autre haïku, qui frappe immédiatement et génère des ondes durables, est celui-ci :

the old fisherman
mending nets
around himself

le vieux pêcheur
ravaudant ses filets
tout autour de lui

, de Bill Pauly.

La scène en est poignante et me rend protectrice. Le vieux pêcheur réalise-t-il qu’il y a de moins en moins de poissons dans la mer ? S’en préoccupe-t-il ? Les filets disposés autour de lui le font-ils se sentir ainsi protégé contre le monde et le vieil âge ? Peut-être sont-ce ces filets qui nous entourent (telles des toiles d’araignées) que nous devons réparer ? Peut-être …

L’un des haïkus anglophones les plus riches et qui me procure une jouissance toujours renouvelée est le suivant :

Open the curtains,
all of them, the first snow
is falling

Ouvrez les rideaux,
tous les rideaux ! – la première neige
tombe

, de Ty Hadman.

Ce haïku me revenait souvent en mémoire quand je tirais moi-même avec enthousiasme les rideaux du matin à n’importe quelle saison ! Cela me prit longtemps pour réaliser que je n’en évoquais que la première partie, et que la neige formait en fait un deuxième rideau.

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CREDITS :

Pour le haïku d’E. Amann : Haiku Journal, II,1, 1978; vainqueur du 1er concours annuel de haïku Yuki Teikei
Pour le haïku de J. Cain : The Haiku Anthology, Ed. Cor van den Heuvel, Ed. Doubleday, 1979.
Pour le haïku de L.A. Davidson : The Shape of the tree, Wind Chimes Press, 1982, p.44. Publié d’abord par Modern Haiku, III,2, 1972.
Pour le haïku de B. Pauly : Modern Haiku, IX,1, 1978; vainqueur du concours The Eminent Mention.
Pour le haïku de T. Hadman : Portals, II,3, 1979.

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