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Compte-rendu du kukaï de Paris n° 76

17 mars 2013

Compte-rendu du kukaï (# 76) du 16 mars 2013.

En présence de 11 (puis 12) personnes (dont 3 nouvelles), 29 haïkus ont été échangés.
24 d’entre eux ont obtenu une voix – ou plus :

°

Avec 4 voix :

Arbres élagués –
leurs moignons torves
griffent le brouillard

: Danièle Étienne-Georgelin ;

dans la penderie
trois gants
de la main gauche

: Daniel Py ;

et :

Juste assez de neige
pour écrire leurs noms
– deux amoureux

: Patrick Fetu.

°

Avec 3 voix :

Comme il penche
le panneau « Sens interdit »
– rires d’enfants

: Paul de Maricourt ;

un monument
tout neuf
dans le village
un peu mort

: Daniel Py ;

et :

Un trait de pinceau –
Naissance d’un saule
sur la toile

: Isabelle Ypsilantis.

°

Avec 2 voix :

aquagym :
juste au niveau de l’eau
son rire en canard

: Daniel Py ;

Comme un air d’opéra
dans la cuisine –
Tournedos Rossini

: Minh Triêt Pham ;

Concert de printemps
Les chaussettes du violoniste
En laine

: Gilbert Stern ;

Étrange rencontre –
Des bouddhas sur le rivage
roulés par les vagues *

: Isabelle Ypsilantis ;

* Île de Putuoshan, Chine.

fumette –
toute la nuit
le voisin hilare

: Valérie Rivoallon ;

Île Pisse-Vinaigre *
un charivari de bernaches
débarquées sans papiers

: Roselyne Fritel ;

* Champigny-sur-Marne, (par le RER A !)

premier kukai –
il est temps de me mettre
au sport d’équipe

: Minh Triêt Pham ;

et :

Rousse à souhait
la feuille sèche dévale
la Promenade des Anglais

: Roselyne Fritel.

°

Avec 1 voix :

Chutes de neige
La maison de campagne
Enfile son écharpe

: Oriane Obendorfer ;

Concert de printemps
Les pantalons du premier violon
trop courts

: Gilbert Stern ;

Givre sur la vitre –
Goût de miel et de citron
sur les papilles

: Isabelle Ypsilantis ;

La pluie
sur sa frimousse
épouse ses larmes.

: Patrick Fetu ;

meurt un tournesol
sur le bord de la fenêtre –
crépuscule d’automne

: Minh Triêt Pham ;

noir total –
seul le silence ose
y pénétrer

: Valérie Rivoallon ;

Poète des rues
entre deux verres
il en déclame d’autres.

: Patrick Fetu ;

sous
sa poitrine – son cœur
immobile

: Valérie Rivoallon ;

Temps glacial
les hérons à leur poste
de l’eau à mi-jambe

: Roselyne Fritel ;

et :

Une bicyclette
dans le brouillard épais,
sa musique va…

: Danièle Étienne-Georgelin.

°°

Quelques livres y ont été vendus/achetés :

La Valise entr’ouverte’ ( : 1ère anthologie du kukaï de Paris)
Aware – Une introduction au haïku’ (de Betty Drevniok)
Tierra de nadie’ (de Salim Bellen),
tous trois aux éditions Unicité.

Quelques projets de publications prochaines (avril – juin 2013) ont été évoqués :

– ‘Le Singe renifle en décembre – et autres textes’ : Haïbuns de Salim Bellen, éd. Unicité- Afah (avril 2013);
– ‘Enfansillages 2’, éd. Unicité (mai 2013);
– un recueil de haïkus de Valérie Rivoallon, éd. Unicité (mai 2013);
– ‘Le Haiku moderne en anglais – et autres haïkus de George Swede’, illustrations de Serge Tomé, éd. Unicité (juin 2013);
– ‘Fleurs du Silence’ haïkus de Philippe Bréham, éd. San (avril 2013);
– Un recueil de haïkus de Monique Serres, éd. Pippa (mai 2013);
– un recueil de haïkus (autour de la musique) de Daniel Py, éd. Pippa. (juin 2013)

: un riche printemps haïkiste en perspective !

°

Nos prochaines dates pour le kukaï de Paris :

6 avril,
18 mai,
8 juin,
29 juin.

°

Merci à tou(te)s !

Daniel.

°

AWARE – B. Drevniok – p.52-57.

11 mai 2011

°
(p.52)
Un trio de haïkus comparant ou faisant contraster deux éléments en particulier
1)
COMPARER ET CONTRASTER LE POIDS DE DEUX ELEMENTS
par Edna G. Purviance.

vent chaud d’été,
de blancs duvets de peuplier roulent en hauteur –
ce corps lourd…

Ce haïku ne voulait pas « prendre » avant mai 1980. J’avais apprécié la vue des duvets de ce peuplier dans leur ballet aérien chaque été, et avais employé des termes de danse pour ce haïku : bonds aériens, tournoiements, mais je n’avais pas réussi à créer un contraste entre les deux parties du poème. Puis quand « vent d’été » fut choisi pour un concours de « Portal Publications », je décidai d’utiliser cela en première ligne, en ajoutant « chaud », parce que nos vents estivaux sont plutôt frais par ici,
(p.53)
dans le Nord-Ouest Pacifique.

J’ai précisé « blancs », pour suggérer un tutu blanc, et « tournoient haut » pour suggérer un « grand jeté ». D’une certaine manière l’expression « ce corps lourd » me vint naturellement, apportant un contraste de poids autant qu’une signification spirituelle.

J’ai senti que le rythme 5/7/5 convenait pour ce haïku ; il donne un bon rythme, et l’allitération des deux premières lignes (:  » the warm summer wind / white cottonwood tufts whirl high « ) n’est pas trop « présente » pour secouer l’oreille. Le sentiment d’un vent joyeux, joueur, qui fait disparaître les préoccupations de mon âme, permettant une fuite provisoire de ce corps terrestre encombrant, est sous-entendu.
(p.54)
2)
COMPARER OU FAIRE CONTRASTER LA COULEUR DE DEUX ELEMENTS…
par Nobuo F. Hirasawa

fumée… dans l’air saumâtre
… de la pipe de grand-père
ma fille aime le violet

shiokaze no
shien ni ukabu
ako ga kage

« shien » signifie, littéralement, « fumée violette », en japonais.
Une soirée d’automne tranquille où je fumais la pipe du grand-père que je n’ai pas connu. Soudain le mot « shien » me rappelle ma fille, que j’ai laissée au Japon, et qui aime la couleur violette.

Les couleurs vous rappellent souvent quelque chose qui s’y rattache : choses actuelles ou bien souvenirs. Dans le cas de ce haïku, la couleur de la fumée n’est pas réellement violette, il n’y a pas non plus de rapport centre le fait de fumer et ma fille. Cependant le mot « shien » me fait me souvenir de ma fille à Tokyo, quand je fumais dans un petit cottage en bord de mer sur une île de Puget Sound, à Washington.

RENSO (« association d’idées ») vous aide souvent à créer quelque chose de différent dans votre haïku. Le soleil n’est pas nécessairement orange ou rouge. L’herbe verte n’est pas toujours verte.

Quand vous abandonnez votre idée fixe de connexion entre une couleur et une chose supposée être de cette couleur, vous êtes dans le monde du haïku créé à partir du « renso » des couleurs.
(p.56)
3)
COMPARER OU FAIRE CONTRASTER LES FORMES DE DEUX CHOSES
par Joyce Walker Currier.

les rayons d’un soleil très matinal
colorent les hémérocalles –
et un faon tacheté

Je marchais dans la forêt. Des lys sauvages fleurissaient le long de la route. Le soleil se levait – ce moment où le soleil étale ses rayons – révélant et colorant mon petit coin du monde. Je sentis monter en moi le sentiment que le soleil inversait sa course et devenait part de moi-même – si paisible, si beau – et j’en faisais partie… et là, dans le déploiement de ce jour, juste de l’autre côté des lys, dans un bosquet plus vert, un faon retint mon attention. Je ne bougeai pas de quelques instant pour ne pas l’effrayer…

Cet événement fut unique pour moi, parce que
(p.57)
je ne me rappelle jamais ce renversement d’énergie atteignant le point où il me remplit d’émotion et d’émerveillement : la brillance des hémérocalles et le faon. Ce ne fut pas seulement le contraste des taches sur ces deux éléments (qui semblaient accentuées par cette lumière), mais ce fut une mise en valeur de l’aspect sauvage et de la gentillesse en même temps des hémérocalles et du faon, dans les rayons de ce soleil qui se levait.
(p.58- à suivre…)

AWARE – B. Drevniok – p. 32-36

7 mai 2011

°
(p.32)
Le haïku n’est jamais un énoncé de cause à effet.
Dans le haïku il n’y a PAS :
d’interprétation poétique,
d’abstraction,
d’intellectuallisation,
de comparaison,
de métaphore,
de personnification.

Dans le haïku, rien n’est comme quoi que ce soit d’autre.
C’est soi-même, seulement.
Rien ne représente quoi que ce soit d’autre. Il est simplement lui-même.
Chaque chose de la nature possède ses propres attributs, sans distortion. Elle s’exprime cependant toujours avec une perception poétique.
(p.33)
Les haïkus japonais classiques
étaient non-rimés, écrits verticalement sur une colonne, en groupes de 5/7/5 « onji », pour totaliser 17 onji (symbole sonore japonais).
On considère que l’expérience-haïku dure « la longueur d’une respiration ». Pour recréer cette expérience, le haïku doit avoir cette même longueur. Ordinairement, on peut prononcer 17 onji d’une seule traite. De cette structure de 17 (5/7/5) onji est née cette mis-conception que le haïku en anglais doit s’écrire de la même manière, bien que les « onji » japonais et les syllabes anglaises soient très différentes les unes des autres. Ainsi, au début, le haïku anglais traditionnel, non rimé, s’écrit à la manière anglaise sur trois lignes, chaque ligne comprenant idéalement une expression complète, avec le compte strict de 17 syllabes (: 5/7/5).
(p.34)
L’on reconnut les différences de langues, et les 3 lignes s’écrivirent ensuite selon la structure rythmique d’une ligne courte, une longue, un courte, non rimées. Chaque ligne, idéalement, contenait une expression complète, en utilisant de une à 17 syllabes au total…
De nos jours, le haïku anglais moderne comporte de grandes variations de formes, mais suit toujours la même directive : l’expérience-haïku et le haïku lui-même ont la même longueur : COURTE !

parfum de brume :
le colibri se nourrit
des pétunias pourpres

: Makato.

(p.35)
L’expérience-haïku
est la relation
de la nature humaine avec la nature –
la nature des choses
les choses de la nature
qui apparaissent
et disparaissent
au rythme des saisons.

Pour exprimer cette relation, les poètes de haïku japonais classiques créèrent un raccourci : le mot de saison, qui donne l’atmosphère.

Parfois directement : ki (la saison), la saison elle-même est nommée : printemps, été, automne, hiver.
(p.36)
Parfois indirectement : kigo (le mot de saison), un thème de saison est employé dans le haïku, et un « mot-de-saison », un objet naturel, nommé « tel-qu’il-est » en cette saison particulière :

« ki » :

brouillard d’automne…
le bouton de rose entr’ouvert se balance –
une araignée blanche

: Makato

« kigo » :

chaleur tôt le matin :
un champignon jaune
brille sous la pluie

: Makato

°
(suite, p.37-)

AWARE – B. Drevniok – p.27-31

6 mai 2011

°
(p.27)
La tradition du haïku
(p.28)
La « tradition-haïku » est un bref synopsis de l’origine, de la forme, des caractéristiques et de la technique d’écriture du haïku.
Vous avez fait vos premiers pas dans le « voyage-haïku ». Voici un résumé augmenté de quelques faits = un sommaire de ce poème appétissant : le haïku.
(p.29)
Le haïku est :

court, non rimé, imagé et objectif, c’est une sorte de poème de la nature évocateur, qui suggère plus qu’il ne dit.
Il s’est développé au Japon à travers des siècles, jusqu’à – et y compris – aujourd’hui.
Des marchands et des visiteurs du Japon rapportèrent le haïku d’abord en Europe, puis aux USA, où il est maintenant florissant.
Le mot HAÏKU vient de l’expression « haikai renga no hokku », qui signifie « verset de départ d’un long poème lié ». A l’évidence, le poète Shiki créa le mot télescopé HAIKU pour signifier « haika no ku », « couplet haiku », écrit séparément, ne faisant pas partie du plus long « renga », mais qui retenait les caractéristiques du verset de départ du renga, et tout particulièrement le « mot de saison ».
(p.30)
L’expérience-haïku, elle-même, est universelle.
Elle est un moment dans le temps et l’émotion de ce moment.
A cause des grandes différences entre les langues japonaise et anglaise, on ne peut pas écrire le haiku en japonais et celui en anglais sous exactement la même forme.
Cependant, le haïku en anglais doit exprimer l’expérience-haïku, sinon on ne peut pas considérer que c’est du haïku.
(p.31)
La poésie occidentale et le haïku sont très différents l’un de l’autre.
« Dans la littérature occidentale, l’expérience poétique PLUS les réactions intellectuelles et émotionnelles du poète EGAL le poème achevé. Dans le haïku, l’expérience d’origine MOINS la réaction personnelle du poète EGAL le haïku terminé. » (citation du Poème sans Mots du Docteur Eric Amann [voir éd. gammes, 2006, trad. D.Py]).
Ainsi, le haïku se présente d’une manière unique, donnant au lecteur l’expérience même, à travers images et sensations qui montrent sa réalité dans un langage concret et objectif, sans explications ni commentaires subjectifs.

°
(à suivre, p.32-)

AWARE – B. Drevniok – p.12-16

28 avril 2011

°
(p.12)
Explication :

De vos notes, prenez deux images, deux choses complètement sans rapport, distinctes, que vous VOYEZ dans votre instant-haïku, deux choses qui co-existent dans un même laps de temps, à la même saison, dans le même monde.
Ensemble, dans une combinaison surprenante, elles révèlent un aspect de la réalité, complètement différente de ce qu’elle sera jamais.
Je vous donne un exemple : Supposez que vous êtes MAKATO et, relisant vos notes, vous vous souvenez d’une promenade d’un matin d’été – le soleil si chaleureux, tout étant couvert de gouttes de rosée réfléchissant la lumière. Pour votre première ligne, écrivez : « gouttes de rosée, partout… »
Cela campe la scène et donne une idée large d’une saison, une saison de temps chaud et d’une sorte particulière d’humidité, l’humidité « gouttes-de-rosée ».
(p.13)
Une image, « quelque chose » avec laquelle vous comparerez, contrasterez ou associerez « quelque chose d’autre » de votre expérience-haïku.
Utiliser des « comparaisons » (des similarités) approfondit la signification à l’intérieur du haïku – avec, toujours, une « association » surprenante de choses !
Et vous lisez dans vos notes : « L’air est si clair – j’ai trouvé une vieille bouteille de vin – avec des gouttes de rosée dessus, également… bouteille de vin pleine de la lumière du soleil ! » Vous vous souvenez de votre respiration profonde à cet air plein de la lumière du soleil, vous remplissant aussi, pour ainsi dire, et d’admirer la forme et la clarté de la bouteille, le soleil la traversant, ainsi que contenu à l’intérieur, tout comme le vin y fut retenu – vide de vin, pleine de soleil.
(p.14)
Mais vous ne pouvez pas dire tout cela à votre lecteur en deux lignes !
Vous devez choisir et présenter l’objet spécifique le plus important et un point d’observation particulier qui s’y rattache : la bouteille de vin remplie de soleil.
MAINTENANT le haïku « devient », tandis que vous le composez : sur la page, c’est l’instant lui-même !

gouttes de rosée partout
une bouteille de vin, aussi,
pleine de soleil

MAKATO;

(p.15)
Lisez votre haïku à voix haute, pour vous-même. Faites en sorte qu’il sonne bien à votre oreille et qu’il donne l’essence de votre instant.
Qu’avez-vous dit à votre lecteur, par ces trois courtes lignes ?
Vous avez fait apparaître les visions de gouttes de rosée, d’un matin chaud après une nuit fraîche. La rosée s’est formée, le soleil s’est levé, mais il est encore assez tôt pour que la rosée ne se soit pas encore évaporée. Les gouttes, partout, reflètent la lumière du soleil. La bouteille de vin oubliée, vide, reflète aussi la lumière du soleil, sur le dos, à l’intérieur, sur le ventre, à l’extérieur : véritablement « pleine de soleil » !
Mais vous n’avez pas dit au lecteur ce que vous avez ressenti… l’émotion du « c’est beau : tout plein de soleil, MOI aussi ! »
et vous ne le devez pas !
Cela fait partie du jeu du haïku,
(p.16)
le jeu du « Montrez mais ne dites pas… »
Vous présentez un instant-haïku, une expérience-haïku – vous ne dites pas ce qu’ils signifient ; vous ne dites pas ce que vous ressentez. Il n’y a aucune discussion à ce propos.
Je ne répéterai ceci jamais assez !

Une manière facile d’y penser :
On peut considérer le haïku comme étant deux scènes d’un court métrage. Dans cet exemple la caméra filme les « gouttes de rosée partout ».
L’auteur se trouvait-il à la campagne ?
Le lecteur était-il en ville ?
Ou le contraire ?
Cela ne fait aucune différence.
Dans la campagne les gouttes de rosée s’accrochent aux feuillages et aux débris pareillement – et il en est de même en ville !
Dans chacune des scènes, la caméra photographie tout, avec les gouttes de rosée réfléchissant la lumière du soleil…
(p.17)

AWARE – Betty Drevniok – p.7-11

26 avril 2011

°
(p.7)
Mais, tout d’abord, faisons un petit tour d’horizon de l’instant-haïku, souvent défini comme « la sensation de la réalité ».
Quelque chose de « réel » attire le poète, et il(/elle) ressent quelque chose – peut-être la beauté de l’instant, peut-être l’inverse, ou toute autre émotion ! : ceci est l' »instant-haïku », l’expérience-haïku ; la réalité de l’ici-et-maintenant, et une émotion.
Mais quand le poète zoome sur la réalité, elle change :
la feuille tombe…
le soleil se cache derrière un nuage…
l’oiseau disparaît de la vue…
et l’instant est passé !
Pour le poète de haïku, le temps est immobile, inscrit dans son « carnet de bord » du « voyage-haïku.
(p.8)
De même qu’un peintre fait un croquis préliminaire à partir duquel il travaille, ainsi vous, poète de haïku, devez écrire le croquis de votre propre instant-haïku.
A la différence des moments évanescents de la réalité, il reste la trace pour qu’il devienne un haïku que l’on peut apprécier ensuite.
Dans votre carnet particulier, votre « carnet de bord », notez vos expériences : les petites particularités de chaque jour qui attirent votre attention, vous arrêtent et vous font y regarder à deux fois, qui vous intéressent, qui vous ravissent…
Faites-en une description simple, dans la bonne perspective :
placez les « choses proches » au près,
les « choses lointaines » au loin,
les « choses élevées » en haut
et les « choses basses » en bas.
Quelque chose bouge-t-elle ? (: allant, venant, tournant…)
(p.9)
Notez la saison (la date), l’heure du jour (ou de la nuit)
le temps (clair, venteux, pluvieux, lourd…)
la température (chaud, frais, froid…)
les sons (forts, faibles, répétés…)
les odeurs (cheveux mouillés, fourrure, laine, feuilles sèches, herbe coupée…)
, tout ce qui vous touche (une brise, une branche, un moustique…) ou que vous avez touché (la courbe d’un coquillage, de la mousse sèche, une plume…)
la couleur du ciel (gris, bleu intense, la teinte du couchant…)
la couleur de la terre (vert-printemps, desséchée, couverte de neige…)
Tout ceci ne sera pas dans votre expérience-haïku (mais peut-être même des choses entièrement différentes)
Ecrivez seulement ce qui est en rapport avec votre propre instant-haïku !
(p.10)
Faites court
mais pas trop court
au point que plus tard vous ne puissiez plus savoir pourquoi vous l’avez écrit !
Que ressentez-vous – à examiner la beauté d’un(e) violet(te); à être intéressé(e) par la manière dont un mille-pattes bouge; à écouter un crapaud dans l’étang…
Peu importe votre émotion, c’est VOTRE instant-haïku ! et vous l’avez pris en notes !
Si vous n’écrivez pas l’expérience-haïku quand elle vous touche, vous ne vous en souviendrez pas. Vous pensez que oui, mais, plus tard, vous aurez beau chercher dans votre mémoire, le moment sera parti, perdu pour toujours.
(p.11)
Peut-être que votre haïku va se former immédiatement, peut-être que non. Sinon, plus tard, vous devrez travailler à placer les objets, les images et / ou les actions, à partir de vos notes, à leur juste place dans le haïku.
Seul(e), au calme, relisez soigneusement vos notes – souvenez-vous de l’instant – recréez-le dans votre esprit.
Souvenez-vous comment vous vous êtes senti(e) – ressentez-le encore – et écrivez votre premier haïku, appelé le « haïku-image ». Ecrivez-le en trois lignes brèves, en utilisant le principe
de la COMPARAISON
du CONTRASTE
ou de l’ASSOCIATION
(Reportez-vous aux pages 37/40 pour une explication plus détaillée).

°
(à suivre, p.12-)

AWARE – Un premier livre de haiku – de Betty Drevniok, Portal Publ., 1980 – traduction Py –

25 avril 2011

°
(p.2 :)

LE VOYAGE HAÏKU

nature – conscience – nature humaine

« Le Voyage Haïku » est un voyage partout – et un voyage nulle part à la fois…
C’est l’éternité et c’est maintenant…
C’est :
la brume parfumée de pétunias, la pluie du petit matin, un champignon, l’ombre de nuages…
Quand les astronautes allèrent sur la lune, ils prirent des photos de notre planète flottant dans l’espace.
Quelqu’un cita l’expression « le village global » pour décrire la terre.
Nous vivons tous ensemble dans le grand Village-Global, et nous sommes tous, au fond, les mêmes, indépendamment d’où nous vivons – avec les mêmes émotions, le même amour de la vie et de la nature…
(p.3)
Chaque matin le soleil se lève
Chaque soir le soleil se couche
La lune suit ses phases
Les étoiles de notre galaxie bougent à travers les cieux
Les saisons passent également à travers
la nouveauté du printemps
la plénitude de l’été
la douceur de l’automne
la dureté de l’hiver
Et nous sommes tous UN avec tout cela
Vous êtes tous UN avec tout cela
Où que vous soyez
Et comme vous êtes.
(p.4)
Pour commencer votre voyage-haïku, ouvrez simplement la porte, et sortez. Là, dans le ciel et sur la terre, se trouvent la totalité de notre existence, l’univers, le monde.
Restez là, debout, seul(e), et, s’il vous plaît, donnez-vous du temps pour être seul(e).
Du temps, pour permettre à l’univers de vous toucher,
du temps pour permettre au monde de vous toucher,
et du temps, pour vous permettre de devenir « conscient »…
« conscient » de la réalité, « conscient » de l’ici et du maintenant, conscient de l’instant, de l’instant-haïku.
Un vieux dicton nous enseigne :
Prenez le temps de respirer les fleurs en passant.
(p.5)
Il dit en fait :
Soyez conscient(e) des choses qui vous entourent,
laissez les choses vous atteindre et vous toucher, comme dans les mots japonais : « mono no aware », l' »émotion » des choses et l' »émotion » du monde, de la vie, « yo no aware ».
(p.6)
Le poète de haïkus suit la règle la plus ancienne de l’écriture !
Ecrivez sur ce quevous connaissez.
Ainsi en arrivons-nous à Bashô et à sa définition :
 » Le haïkaï est
ce qui se passe
en ce moment-ci
à cet endroit-ci. »

Appréciez ce fait qu’il n’est pas important que ce soit la nuit ou le jour, quel temps il puisse faire, ni même le lieu où vous êtes !
Dedans, dehors, en ville, à la campagne, les instants-haïku se produisent n’importe où, n’importe quand !
Vous vous tenez à l’orée de la grande aventure de votre vie : le voyage-haïku.

Ouvrez votre carnet, prenez votre crayon, et commencez à écrire !…

°
(suite, p.7-)

« Musiques, Haïkus et Sons » = ébauche d’article Py pour Gong n°16

29 août 2010

de juillet 2007, ayant pour thème « Sons et haïku ». Non achevé ni transmis, mais partiellement complété ici :

°°°
Musiques, Haïkus et Sons

Plusieurs niveaux :

A) Les compositeurs dont les oeuvres, la technique peuvent s’approcher de l’écriture du « haïku ». : je ne citerai d’autres exemples que
– l’Éric Satie (1866-1925) des Gymnopédies (= danses avec les pieds nus), des Gnossiennes (dérivé soit du mot gnose ou du Knossos crétois Gnossus), oeuvres pour piano solo ;
– le Frédéric Mompou (compositeur catalan 1893-1987) des Cançons, des Charmes, qui sont des pièces pour piano alliant brièveté (concision) et dépouillement (simplification) de l’écriture, auxquels, de tous temps, les véritables haïjins se conforment :
 » Frédéric Mompou compte parmi les plus grands poètes du clavier de ce siècle (…) cultivant un dépouillement croissant de l’écriture (…) culminant dans la Musica Callada, où, comme l’écrivait Vladimir Jankélévitch :  » le silence lui-même s’est fait musique. » V. Jankélévitch encore :  » la fraîcheur, la grâce un peu rustique, la limpidité de ces (…) musiques évoluent graduellement vers le dépouillement et l’intériorité. » Et encore :
 » On peut distinguer entre incantation et enchantement : il y a une musique abusive qui comme la rhétorique, est simple charlatanerie et flatte l’auditeur pour l’asservir… » V. Jankélévitch, in La Musique et l’ineffable.
Charmes :  » un ouvrage qui frappe de bout en bout par un dépouillement extrême (…)  »
 » et l’influence de celui qui, comme lui, haïssait emphase et rhétorique : Claude Debussy.  » Frederic Cartello : pochette du disque Naxos, DDD 8.554332.
– Debussy. Ne serait-ce que par ses titres :
(Eau) : Reflets dans l’eau, Jardins sous la pluie, Poissons d’or (: les deux livres de préludes pour piano 1910, 1912)
En blanc et noir (1915), Estampes, Images,
(Air) : Cloches à travers les feuilles.
 » Ces oeuvres de forme et de contenus si denses « .
 » Pour Debussy (plus symboliste qu’impressionniste) il s’agissait avec Estampes et Images de suggérer à l’auditeur le point de départ du processus de création, et non de sacrifier à des effets simplement descriptifs. »

B) Les compositeurs inspirés par le haïku
(voire par la philosophie Zen que peut intégrer ce haïku) tel John Cage,…
– Olivier Messiaen qui écrivit Sept Haïkaï (esquisses japonaises pour piano solo et petit orchestre),  » résult(a)nt du coup de foudre que j’ai ressenti pour le Japon quand j’y ai accompli une tournée de concerts… ».
– Les 20 compositeurs invités à composer chacun une pièce à partir de haïkus de Buson, rassemblés sous le titre de Le Parfum de la lune et donnés lors du festival « Présences » de Radio-France, en 1998, dont Renaud Gagneux (un complice / ami du CNSM de Paris dès les années ’68 !) qui écrivit également ses dernières oeuvres pour piano et pour clavecin, inspirées par le haïku de Buson), Ph. Hersant, G. Rebel, J-M Morel, A. Duhamel, R. Ourgandjian, F. Krawczik (?), J-M Serre, etc.

Mais, comme pourrait nous le suggérer le Bouddhisme Zen :

Parler de pain rassasie-t-il ?
et imaginer des sources désaltère-t-il ?

Allez donc écouter ces oeuvres !
Certaines (j’ai une préférence marquée pour Satie : les cordes sensibles, émotionnelles qu’il sait faire vibrer en moi !) vous enchanteront, vous transporteront, j’en suis sûr.

C) Au niveau du haïku lui-même et des sonorités dont il sait jouer : onomatopées, allitérations, consonances ne sont pas les moindres de ses qualités :
autant
1) dans le haïku japonais :
cf le chapitre « Onomatopoeia » dans R.H.Blyth Haiku, vol. 1, p.321-328 :

ô botaru
yurari yurari to
tôri keri

d’Issa (p.323) ;

hito chirari
konoha mo chirari
horari kana

d’Issa (p.326) ;

osoki hi ya
kodama kikoyuru
kyô no sumi

de Buson (p.326) ;

tombo tobu
tombo no ue mo
tombo tobu sora

de Horyu (p.327) ;

ochikochi
ochikochi to utsu
kinuta kana

de Buson (p. 328) ;

azami
azayaka na
asa no
ame agari

de Santoka (p. 328).

2) dans le haïku anglophone :

sleepless midnite
the mousetrap
snap

LeRoy Gorman, in Aware de Betty Drevniok, Portal Publications, 1980, p.77

que je traduis ainsi :

minuit insomniaque
la souricière
clac !

3) que dans le haïku français (Citer F. Tugayé, D. Py, etc.)

et qui font que « la poésie » a cette « supériorité » sur la prose qu’elle sait faire chanter mieux le langage. Que ce n’est pas non plus gratuitement, mais que cela permet de magnifier / véhiculer en même temps le sens du poème en plus de la signification (simple) de ses mots. (Voir l’article de Lee Gurga dans Haiku International n° 62 (janv. 2006), p.16-17, où l’on trouve aussi, de Mary-Alice Herbert :

All Hallow’s Eve
swallows
loop the moon

et, de Peter Yovu :

mosquito she too
insisting insisting she
is is is is is
.

°°°

d.py (2006?-29/8/10)