Résultats du kukaï de Paris n° 75, du 16 février 2013.
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Bonsoir !
Tout d’abord, Mme Hiro Hata, nous informa que le 16 février est le « Saiigyoh ki », le jour anniversaire de Saigyo(h) Hoshi, poète et bonze. Né en 1118 et mort le 16 février 1190. De lui on se souvient particulièrement de son célèbre waka (écrit plusieurs années avant sa mort) :
Negawaku wa
Hana no shita nite
Haru shinan
Sono kisaragi no
Mochidzuki no koro
Puisse le ciel
Me faire mourir au printemps
Sous les fleurs de cerisiers
Au deuxième mois
Quand la lune est pleine
Le ciel exauça son vœu, et il mourut ainsi le jour anniversaire de la mort du Bouddha.
Bashô tenait Saigyo en très haute estime, fut souvent « inspiré » par lui, et entreprit son Périple vers le Nord profond, sur ses traces.
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En présence de 17 personnes, 51 haïkus ou senryûs furent échangés. 24 d’entre eux obtinrent une ou plusieurs voix :
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Avec cinq (5) voix :
Adelina / je réapprends à mon père / le nom de sa mère
: Monique Coudert ;
cerises laquées / lui offrir ma bouche / à croquer
: Cécile Duteil ;
Lac étale, / froissé / par deux canards
: Danièle Étienne-Georgelin.
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Avec quatre (4) voix :
ciel clair – / un temps / à s’envoler
: Valérie Rivoallon ;
et
Nuit de carnaval / L’étrange beauté d’un masque / Gardien d’un secret
: Isabelle Ypsilantis
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Avec trois (3) voix :
Soir de la Saint-Valentin / Les lumières du restaurant / Vide
: Oriane Oberndorfer.
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Avec deux (2) voix :
le saule / sa / danse du vent /
: Daniel Py ;
Les ombres / Se reflètent sur l’eau calme / – Pudeur du soir
: Noémie Guibert ;
L’hiver et pourtant / Dans l’air le parfum / Des mimosas
: Isabelle Ypsilantis ;
Nouvelles lunettes – / elles me font pleurer / quand je vois leur prix !
: Patrick Fetu ;
Saint-Valentin – / des petits cœurs sur le papier / hygiénique
: Valérie Rivoallon ;
et :
Sur la mer / le vent à rebrousse-poils – / Moutons d’écume
: Gwenaëlle Laot.
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Avec une (1) voix :
goutte de parfum / dans le creux du cou / volatilisée
: Cécile Duteil ;
Hall de gare – / Les soubresauts du chien errant / dans son sommeil
: Meriem Fresson ;
j’éteins la lampe / pour écouter la nuit / en l’attendant
: Monique Coudert ;
Mer agitée – / les rochers deviennent / les tremplins des vagues
: Gwenaëlle Laot ;
neige à perte de vue / au-dessus / le panache de la centrale atomique
Roselyne Fritel ;
pas un souffle / dans l’air diaphane / les éoliennes traînent des ailes d’albatros
: Roselyne Fritel ;
Rentrée des classes – / il sifflote sur le chemin / l’ado au fusil
: Françoise Lonquety ;
Repas de famille / Entre les plats on commente / les premiers pas
: Gwenaëlle Laot ;
seul à skis / dévalant la pente immense / les sapins m’observent
: Philippe Bréham ( ? ) ;
Sur le bitume glacé / les coups saccadés / d’une canne
: Lydia Padellec ;
Table voisine – / il assassine son bordeaux / à coups de glaçons
: Patrick Fetu ;
Un, deux, trois / quatre flocons et encore un / sur le nez du bonhomme de neige !
: Lydia Padellec..
et :
Vu du ciel – / l’ombre définitive / des pins calcinés
: Françoise Lonquety.
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Sans voix (mais avec commentaires !…) :
pêche – / plus de haïkus / que de poissons
: Valérie Rivoallon ;
et :
Première signature – / je demande son stylo / à la lectrice
: Meriem Fresson.
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Philippe Bréham nous a fait part de son ouvrage nouvellement paru : Le Vent du Temps qui passe, contes et haïkus, éd. SAN, nov. 2012. disponible chez http://www.assosan.fr (prix conseillé : 15,90 €).
Tierra de Nadie (mouches, moines et papillons), haïkus de Salim Bellen (traduits de l’espagnol par Josette Pellet et Daniel Py), y a été également proposé. Il est disponible chez http://www.editions-unicite.com ou directement chez l’éditeur, François Mocaer, contre un chèque de 13 € au 46, ave. Jean-Jaurès, 93110 Rosny-sous-Bois.
Merci !
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Les prochains kukaïs de Paris se tiendront les :
samedi 16 mars à 16 h 30 au bistrot d’Eustache (n° 76)
samedi 6 avril, de même !… (n° 77).
Amicalement en haïku,
Daniel.
Commentaires sur le haïbun, et sur le Chichi no shuen nikki, d’Issa, par S.(L.) Mabesoone
1 février 2013Extraits d’un échange entre Monique Serres et Seegan (Laurent) Mabesoone, avec leur permission. Qu’ils en soient remerciés ici :
De Seegan (Laurent) Mabesoone, à Monique Serres, daté du 23 janvier 2013 :
« En ce qui concerne la définition du genre haïbun, je crois qu’il est possible de se référer à d’autres japonologues que moi, MM Sieffert, Origas ou Mlle Pigeot, entre autres.
Je vais essayer de résumer : depuis Bashô (ou plus exactement depuis Yayu (1701-1783) avec son « Uzura koromo »), le haïbun s’est différencié du kyobun (« prose folle » = prose relevant de haïjin, par opposition aux textes élégants gabun des kajin – poètes de waka).
En effet, le haïbun est considéré dès lors comme « un texte de style typique du haikai ». (Pour le « Haibun gaku daijiten » de Kadokawa : haikai teki bunsho).
Ainsi, le problème n’est pas de savoir si le texte comprend ou non des haiku (hokku). Par exemple, le « genjuan no ki » de Bashô n’en comprend qu’un ou deux (selon les manuscrits).
Ce « style typique du haikai », en prose, tout comme dans le hokku ou le renku, consiste dons dans la concision (kanketsusa) et les sauts de registre (kire), d’où naît le haimi (« humour du haikai » ou « esprit du haikai »).
À ce titre, le Okuno hosomichi (traduit par Sieffert « Sente du bout du Monde ») peut être considéré comme un haïbun, bien sûr, mais il est généralement classé dans les kikobun (« proses de l’itinéraire », dites aussi Michiyukibun, cf J. Pigeot, etc.). Car ce texte possède aussi tous les traits stylistiques des récits de voyages médiévaux.
Bref, le « Chichi no shuen nikki » d’Issa est considéré à juste titre comme le plus grand haibun du XIXè siècle (Bunka/bunsei).
Même s’il ne comprenait pas un seul hokku, il le serait tout de même, car on y observe un style concis et hybride, avec de nombreux « sauts de registres» entre la réalité la plus prosaïque et les considérations religieuses, philosophiques, voire littéraires (ceci est facilement perceptible dans le texte original, car il existe dans le japonais classique une quasi-incompatibilité entre le style grave su sino-japonais et la souplesse du « japonais de souche » ; le haibun se joue de cette frontière).
Comment dire… imaginez qu’il existe en français un style mélangeant avec « l’esprit du sous-entendu » le latin antique et le français moderne ! C’est cela le haïbun, avec ou sans haiku dans le texte.
Seegan (Laurent) Mabesoone.
Idem, du 30 janvier 2013 :
(…)
Pour ce qui est de mon analyse du texte en japonais, il y a ma thèse… en japonais, sur le site de l’université Waseda, ci-dessous :
http://dspace.wul.waseda.ac.jp/dspace/handle/2065/493?mode=full
De Monique Serres à Seegan Mabesoone, le 24 janvier 2013 :
Afin de mieux visualiser le « style typique haikai », ses sauts de registres avec le jeu sur les frontières entre éléments prosaïques et réflexions plus philosophiques s’appuyant sur des niveaux de langue différents, vous serait-il possible (…) de l’expliciter sur un passage de votre traduction, par exemple : le passage du 4 mai du journal d’Issa – cette grande journée lumineuse de rémission dans la maladie du père – (…)
De Seegan Mabesoone à M.S., le 30/1/13 :
Entre les passages d’Issa :
1)
« Le 4. Grand changement » jusqu’à « jusqu’au village de Furuma », Seegan commente :
« Tout ce passage est très prosaïque, réaliste, dans une langue « vulgaire » : japonais de base « kun yomi ».
Entre
2)
« Les nuages de pluie avaient disparu » et « entendre ses premières vocalises. » :
« passage très littéraire, mais toujours en japonais de base « kun yomi », et non en sino-japonais : références à la littérature féminine classique de Heian – wabun
Entre :
3)
« En fait, ledit oiseau… » et « d’entendre chanter le coucou pour la première fois. » :
« À nouveau, prose vulgaire. »
Entre
4)
« Voici le coucou ! » et « Jour de rémission » :
Deux hokku particulièrement « raffinés » (miyabi/ga), sans mélange « raffiné-vulgaire », ce qui est inhabituel dans les hokku d’Issa. Ce style fait donc écho au passage en « prose élégante » du 2)
Entre
5)
« Aujourd’hui c’est le jour du repiquage » jusqu’à « où nous le garderions encore quelque temps avec nous ! » :
« passage en langue vulgaire, incroyablement réaliste pour son époque, sans aucune référence, pour rappeler une certaine vulgarité de l’entourage d’Issa »
Entre
6)
« Le lien entre un enfant » et « je suis resté à lui masser le cou et les pieds. » :
« passage très littéraire, mais cette fois, dans un style antique sino-japonais (l’équivalent de notre latin). Nombreuses citations en – lecture chinoise des caractères, ou expressions abstraites tirées des classiques chinois (kan-bun), afin de conclure dans un style « carré », adapté au sujet philosophique. »
« Voici un peu comment les « sauts de registres » constituent le « sel » du style hybride qu’est le haïbun.
Le changement de style permet de créer un choc émotionnel et de seulement sous-entendre la subjectivité (comme à l’intérieur d’un haïku, avec la juxtaposition inattendue de deux sujets). »
Seegan (Laurent) Mabesoone.
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