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réponse à recherche : le nombre de mots dans un haïku

1 janvier 2010

À la question posée sur le blog :
– Combien un haïku doit-il comporter de mots ?
je répondrai :
le moins possible !

« je fais le maximum du minimum »
, disait Mastroianni, en parlant de son métier d’acteur;
Le « métier » de haijin est semblable : Il s’agit d’y écrire

 » le maximum du minimum  »

possible
(tout en restant « compréhensible », « naturel », etc.) –

 » Effacer les mots entre l’objet vécu et le lecteur  »

dirait aussi (à peu de mots près, et en anglais) R.H. Blyth, cet autre héraut !

Daniel

ps : voir aussi, ailleurs, ici, « Le poème sans mots » d’Erik Amann, au chapitre « sans mots » !…

Eric Amann The Wordless poem / Le poème sans mots (7)

9 octobre 2009

°

Chapitre 7 : UNITÉ

Le ciel, la terre et moi, sommes d’une seule origine
Les dix mille choses et moi-même ne sommes qu’une substance

Sôjô

Nous avons déjà vu, dans un chapitre précédent, que le haïjin emploie souvent
la juxtaposition de différentes images dans le même poème – la petite tache d’un
corbeau solitaire contrastant avec l’horizon infini d’une soirée d’automne, le
moine malade en opposition avec le prunier en fleurs. Le but, dans chacun de
ces cas, est d’éveiller le lecteur à l’unité sous-jacente du tout. Le zen le dit en ces
mots :

« L’identité est la différence – la différence est l’identité »

C’est cette expérience de l’identité des choses, de l’homme et de la nature, qui
est au coeur du haïku. Le haïku cherche à créer une sorte de « conscience
cosmique » qui ignore tout de la séparation, et dans laquelle les éléments les
plus divergents font partie de la même unité.

Voies ferrées,
et par-dessus, un vol d’oies
dans la nuit lunaire…

Shiki

Une gare
de chemin de fer solitaire :
fleurs de lotus épanouies…

Shiki

Dans chacun de ces deux haïkus, deux mondes semblent se télescoper : le
vieux et le nouveau, l’industriel et l’esthétique, l’utilitaire et l’artistique. Cette
juxtaposition d’images résolument différentes donne au haïku une « polarité ».
Les deux images contrastées sont comme les pôles d’une batterie chargée. Il y a
un état de tension entre elles, et cette tension ne se résout nulle part dans le
poème. Shiki ne tire aucune conclusion, n’affirme aucune préférence
personnelle, ne nous donne aucun commentaire, ni aucune piste; il pose
simplement les choses côte à côte. On dit que de tels haïkus, où deux images
apparemment sans rapport l’une avec l’autre sont superposées sans que leur
relation soit spécifiée, sont dans un état de « tension non résolue ».

Voici deux exemples supplémentaires dans lesquels la tension est encore plus
prononcée :

Marée d’équinoxe :
pointes de rhubarbe
et un train qui siffle !

Takako

Bruit d’un rat
sur les plats :
ah, le froid !

Buson

Quel est le rapport entre les pointes de rhubarbe et le sifflet du train? Dans
quelle mesure peut-on associer le bruit d’un rat sur une assiette avec le sentiment
du froid ? Il n’y a pas de réponse rationnelle à ces questions. Le haïku devient ici
une « collision d’images » : il commence à ressembler à un « kôan ». Un kôan
est une proposition ou une question que les maîtres zen donnent à leurs disciples
en vue de méditer. Le fait est que le kôan n’a pas de réponse ou d’explication
logiques, et que l’étudiant essaie donc en vain de le comprendre à travers
l’utilisation de ses pouvoirs de raisonnement. Le disciple ne « résout » le kôan
que lorsqu’il abandonne tout recours à la raison ou à la logique, et en saisit le
sens intuitivement, souvent après de nombreuses années de méditation.

R.H. Blyth considérait que chaque haïku était « un kôan, une question zen,
une porte ouverte qui a l’air fermée », et le poète américain W.C. Cohen a appelé
le haïku une simple « adaptation poétique du kôan ». Harold Stewart, autre
traducteur de haïkus, exprima cette même pensée ainsi :

« De même que dans le kôan, problème absurde et insoluble utilisé en
méditation zen, la période de paradoxe et de surprise mène à une
impasse rationnelle et au blocage de notre libre flux d’énergie, il en est
de même en haïku : quand chaque moyen de s’échapper par les impasses
de la logique et de la volonté se trouve bloqué ou condamné, alors,
soudain, l’éclair instantané du Satori se produit – et nous entrevoyons
notre sortie. »

Le haïku ressemble donc au kôan dans la mesure où nous cherchons en vain
une liaison logique entre des images juxtaposées. La « solution » se trouve à un
niveau de conscience plus profond que l’esprit logique. Elle se situe à un niveau
où les influences discriminatoires de nos esprits ont cessé de fonctionner et où
les choses sont perçues dans leur globalité, et où les voies ferrées et les oies
sauvages, la rhubarbe et les sifflets de train, les rats et le froid font sonner la
même corde et font partie d’un même continuum.

Voyons maintenant quelques exemples de haïkus traduits de l’anglais :

Reposant dans l’herbe,
papillon et bulldozer,
tous deux jaunes.

Paul O. Williams

Ici aussi nous avons une juxtaposition, une collision d’idées : le papillon est
présenté contre le bulldozer, et il y a un état de tension non résolue entre ces
deux images si différentes. La dernière ligne, malheureusement, aboutit à la
résolution du paradoxe et au relâchement de la tension en reliant les deux
images. Le poète a « expliqué » le paradoxe au lecteur au lieu de lui laisser
expérimenter la tension et essayer de la résoudre par lui-même.

Voici quelques haïkus de l’Anglais, John Esam, où il a laissé le paradoxe sans
explication et la tension sans résolution :

Dans une lettre
elle touche les cheveux de sa grand-mère;
volant, des corbeaux croassent.

Une bande de soleil avance
à travers champs;
quelque part deux filles rient.

Qui suis-je ? Que
suis-je ? Le bruit de la hache
du bûcheron.

Je touche son dos;
une cloche de pierre résonne
quelque part.

En résumé, on dit que le haïku ressemble au « kôan » de l’enseignement zen
dans la mesure où il manie le paradoxe, la « tension non résolue » et la
juxtaposition d’images, en apparence non reliées, qui obligent le lecteur à
percevoir la réalité de manière intuitive plutôt qu’intellectuelle.

°

E. Amann The wordless poem / Le Poème sans mots (5)

8 octobre 2009

°°°

Chapitre 5 : LE MOT DE SAISON

« Les pensées qui emplissent mon coeur de la beauté des choses
qui vont et viennent à chaque saison sont comme des chants
infinis, aussi nombreux que des grains de sable sur la plage, et
ceux qui expriment de telles pensées avec compassion sont les
vrais sages de ce monde. »

Bashô

Une autre des caractéristiques du haïku est l’emploi du « mot de saison ».
Cela signifie que, traditionnellement, chaque haïku est relié à l’une des quatre
saisons au moyen de ce qu’on appelle le « mot de saison », et le haïku tire en
partie son atmosphère de cette référence saisonnière. Cette référence peut être
soit directe, par exemple, « lune d’automne » ou « vent d’hiver », soit
simplement sous-entendue : dans un haïku, la mention de papillons et
d’alouettes, par exemple, renvoie au printemps, alors que grillons et
chrysanthèmes suggèrent l’automne. De même que certains coups de pinceaux
dans la peinture à l’encre sont traditionnellement fixés, nommés et codifiés, de
même en haïku les mots de saison sont devenus standardisés; nombre
d’anthologies de haïkus sont articulées autour de mots de saison et l’on écrit
chaque année plusieurs milliers de haïkus autour de mots de saison aussi
populaires que « feuilles tombantes » ou « la lande desséchée ».

Le mot de saison sert essentiellement d’abrégé poétique. À cause de la
brièveté du haïku le poète n’a pas la place de bâtir graduellement un état d’esprit
ou une atmosphère. En mentionnant à la place un simple mot de saison, en
général sur une seule ligne et comportant seulement un mot ou deux, il peut
suggérer une ambiance particulière chez les lecteurs habitués aux conventions
du haïku. Très souvent cette ambiance de saison agit comme ambiance de fond
sur laquelle les autres parties du haïku se placent soit en harmonie, soit en
opposition.

Sur une branche dénudée
un corbeau s’est posé :
crépuscule d’automne…

Bashô

Dans ce haïku, le mot de saison est « crépuscule d’automne ». Il crée une
atmosphère générale d’obscurité précoce et de froid, un sentiment de lent déclin
de l’année, peut-être une teinte de tristesse et de morosité.

Cette ambiance générale est renforcée et approfondie par l’image plus précise
de l’oiseau solitaire perché sur une branche nue. Tout dans le poème concourt à
accentuer l’état d’esprit de morosité, de solitude et de désolation.

Un moine malade
balaye le jardin :
fleurs de prunier…

Sora

Ici le mot de saison est « prunier », qui indique le printemps. L’atmosphère
générale du haïku, par conséquent, a tendance à être joyeuse et légère. L’image
du moine malade balayant son jardin n’amplifie pas cette atmosphère, mais
contraste vivement avec elle. Nous trouvons ici une juxtaposition d’images très
courante dans le haïku. Notez que le poète ne fait pas de commentaire; il ne
cherche aucunement à relier les deux images qui contrastent, mais les laisse
suspendues, ainsi, dans notre esprit. Le moine malade, faisant péniblement son
travail, et les fleurs de prunier à l’apogée de leur jeunesse et de leur beauté
forment un paradoxe puissant mais font néanmoins partie du même printemps,
du même monde, du même moment.

Cette manière d’évoquer une atmosphère en mentionnant simplement un mot
de saison touche rarement le lecteur occidental. Pour beaucoup d’entre nous les
saisons elles-mêmes ont perdu toute relation avec nos vies. L’homme
industrialisé et urbanisé n’expérimente pas l’obscurité d’un jour d’hiver, la
première chaleur d’un soleil printanier, la chaleur d’une averse d’été ou la pluie
d’automne avec la même intensité que celle ressentie par les hommes des temps
passés. Le rythme de nos vies n’est pas le rythme naturel du soleil et de la lune,
mais celui, mécanique, des montres et des calendriers. Pour l’homme
technologique, l’occasion d’une averse d’avril, d’une tempête de neige de
novembre ou du brouillard d’automne, loin d’être poétique ou en rapport avec sa
vie intérieure est seulement une gêne dans le cours lisse de ses routines
quotidiennes.

Cependant, malgré cela, beaucoup de haïjins occidentaux ont su employer le
mot de saison, comme le montrent les exemples suivants :

Lune dorée des moissons
un chrysanthème blanc dans le vase
pour la jeune mère

Helen Chenoweth

Le mot de saison suggère ici l’automne, mais l’état d’esprit est bien différent
du haïku d’automne de Bashô. La « lune des moissons » suggère la lumière, le
rayonnement, la maturité et l’accomplissement. Cette ambiance est renforcée par
la résonance délicate des couleurs : lune dorée – moisson dorée, chrysanthème
blanc – visage blanc; la fragilité du vase suggère la gracilité et la douceur du
corps féminin.

Mes doigts sentent
notre bébé bouger dans ton ventre…
chambre d’hiver

Julien Masseron

Ici le mot de saison apparaît, presque inattendu, à la troisième ligne. Il change
et élargit cependant tout le poème. Un événement humain est relié à un
événement plus grand de la nature. Nous sentons le calme de la chambre,
l’obscurité du jour d’hiver. La blancheur du corps de la femme suggère les pentes
blanches de la neige au-dehors. Et au beau milieu de l’hiver se trouve la
promesse du printemps et d’une nouvelle vie.

Durant l’hiver 1969, Haïku Magazine organisa le premier concours de haïku en
Occident avec un thème de saison précis, nommément : « le jour de l’an ». Plus
de mille haïkus de tout le monde anglophone furent reçus. Nous présentons ici
quelques-uns des meilleurs, pour illustrer comment certains haïjins occidentaux
surent faire bon usage du mot de saison :

Premier matin…
Au-dessus de la neige, du linge
fume sur la corde

Rod Willmot

Vieux buisson tordu
avec son poids de neige…
et maintenant l’An Neuf.

Cornelia Draves

Fin de l’année;
un vol d’étourneaux
par dessus les chênes.

Lorraine Harr

Ici dans Central Park
grillant les châtaignes du Nouvel An
le même vieil homme.

Edmund Miller

°°°

Eric Amann The Wordless poem / Le poème sans mots (4)

8 octobre 2009

°°°

Chapitre 4 : RIEN DE SPÉCIAL

Chute d’eau d’un pied :
elle aussi est bruyante
et fraîche la nuit…

Issa

Une des objections principales formulée par les lecteurs occidentaux à
l’encontre du haïku est qu’il s’occupe de choses considérées généralement
comme peu « poétiques » par la littérature occidentale. En effet le haïku semble
privilégier par-dessus tout les moments quotidiens de l’existence apparemment
les plus ordinaires et les plus triviaux :

Melons :
tachetés de boue
dans la rosée matinale…

Bashô

Même ici
un petit peu de soleil,
et quelques chaussettes qui sèchent…

Ichirinso

La vieille mare :
une sandale colle au fond
la neige fondue tombe…

Buson

Melons sales, chaussettes séchant au soleil et vieilles sandales – est-ce assez
pour faire de la poésie? Issa et ses centaines de haïkus sur les mouches,
moustiques et sauterelles – quelle possible valeur littéraire peut-on leur
attribuer?

La réponse, encore une fois, se trouve dans la différence fondamentale qui
existe entre les points de vue occidental et oriental. Pour l’Occidental le royaume
de l’intellect est supérieur au monde de la sensation pure, aux événements
communs de notre vie quotidienne; nous plaçons le spirituel au-dessus du
matériel, le métaphysique au-dessus du physique, les choses de l’esprit au-dessus
de celles du corps. Nous plaçons nos valeurs les plus hautes dans ce que
Nietzsche appelle : « les concepts les plus vides, les dernières fumées de la
réalité qui s’évaporent ».

Le zen adopte le point de vue exactement opposé :

« On ne peut rien comparer au fait de porter des habits
On ne peut rien comparer au fait de se nourrir :
En dehors de cela il n’y a ni dieu ni bouddha. »

Cette même vision du monde se retrouve dans le haïku. Une chute d’eau de
trente centimètres vaut une cataracte rugissante. Un corbeau creusant pour
trouver des escargots, une chenille qui ronge silencieusement un plant de riz,
une feuille collée à un champignon, un homme binant son champ, tous ont
autant d’importance qu’un temple empli de Bouddhas ou que des visions de
galaxies au-dessus de l’île de Sado :

Fraîchement lavés
comme ils ont l’air froid
les poireaux blancs!

Bashô

Derrière le pot d’azalées
une femme déchirant
de la morue séchée …

Bashô

Maquereau gelé :
le ventre ouvert
oeufs blancs qui moussent…

Mitsui Tamai

Le haïjin ne recherche pas les moments rares et précieux de la vie, il ne
poursuit pas le Vrai et le Beau, il ne découvre pas Dieu dans un grain de sable
mais regarde le grain de sable lui-même, pour ce qu’il est, en lui-même.
Quelquefois, tel un maître zen, il nous fait sauter exprès hors de nos
préoccupations intellectuelles et nous ramène sur terre, là où nous vivons :

Éternuement
j’ai perdu trace
de l’alouette!

Yayu

Jusqu’à la fin de la vie :
je voyage
je coupe les ongles de mes orteils!

Santôka

Les haïkus, donc, ne sont pas un « objet de beauté » ni « une joie éternelle », ce
ne sont « pas des mets délicats ni un festin, mais des poèmes qui ont le goût de
nos repas quotidiens » (Takuboku). Ils traitent du « wu-shi », ce qui
signifie : « rien de spécial ».

Mais nous devons approfondir encore. Le « miroir limpide » de l’esprit du
poète reflète avec un détachement impartial ce que nous avons l’habitude
d’appeler le bien et le mal, le plaisir et la souffrance, le laid ainsi que le beau. Le
poète ne passe pas ses expériences à travers un filtre moral ou esthétique pour
tamiser la Vérité et la Beauté, mais embrasse d’un esprit unifié jusqu’à ces
aspects de la réalité boudés par la littérature occidentale dans son ensemble.

Ceci porte un coup déplaisant à ces adeptes occidentaux qui conçoivent le
haïku comme un dérivé de la carte de voeux ou la rubrique poésie de la revue
féminine de « Maison ». Il est vrai, cependant, que beaucoup de haïkus
reproduisent des moments de Beauté qui paraissent aussi irréels, aussi éloignés
du monde quotidien que la cérémonie traditionnelle du thé :

Lune du soir :
des fleurs de prunier
tombent sur mon luth…

Shiki

Un prunier en fleur :
et dans le clair de lune
une femme lit une lettre…

Buson

Il y a, pourtant, un autre côté au haïku que l’on rencontre moins souvent dans
les traductions plus populaires, comme il y a un autre côté à la vie, mais le haïjin
ne fait pas de distinction entre eux :

Jetée
dans la rivière hivernale :
la carcasse du chien!

Shiki

Puces, poux,
et un cheval qui pisse
près de mon oreiller !

Bashô

Hémorragie pulmonaire :
combien vivides les visages familiers
ce soir d’automne !

Shihaku

Dans la poétique occidentale, les poiriers, les fleurs de cerisiers et les clairs de
lune sont des images familières et acceptables, mais les hémorragies
pulmonaires, les carcasses de chiens, les puces, les poux, définitivement pas!
Vingt siècles de tradition judéo-chrétienne ont conditionné nos esprits pour
qu’ils pensent en termes de Dieu contre Diable, Paradis contre Enfer, Vérité
contre Mensonge. Cette manière de penser, dualiste, qui divise l’univers en
camps opposés dans un conflit irréductible entre les uns et les autres, envahit la
plupart des religions, philosophies et littératures occidentales. Cela a atteint son
point culminant au XIXe siècle, où même les hommes les plus éveillés de leur
temps en furent obsédés. Thoreau, par exemple, écrivit : « Toute notre vie est
remarquablement morale. Il n’y a jamais un moment de répit entre la vertu et le
vice. »

On pense communément aujourd’hui que le XXe siècle a transcendé ces
traditions. Cela me semble être un voeu pieux. La grande majorité des masses,
aujourd’hui, bien que se servant des outils du XXe siècle, reste victorienne en
apparences et en coutumes. Cela se reflète aussi dans la littérature. Un haïku tel
que celui-ci, par exemple :

Les flaques d’eau sont des miroirs
reflétant la preuve du ciel,
miracle sur terre

D.-J. Gibson

est pur victorianisme.

Il y a, bien sûr, une réaction à cela. Marshall McLuhan a dit que l’Occident
s’« orientalisait » peu à peu. Mais au XIXe siècle, Nietzsche écrivait déjà :

« Nous sommes nécessaires, nous sommes un morceau du destin, nous
appartenons au tout, nous sommes le tout il n’y a rien qui puisse
juger, mesurer, comparer, condamner notre être, car ce serait juger,
mesurer, comparer, condamner le tout . Car rien n’existe en dehors
du tout ! »

C’est étonnamment proche du point de vue du zen :

« Si vous voulez atteindre la vérité
ne soyez pas concernés par le juste et le faux :
le conflit entre juste et faux
est une maladie mentale ! »

On ne doit cependant pas en conclure qu’il n’y a ni lois ni règles de conduite.
Cela signifie seulement que les lois et les règles sont relatives aux systèmes
humains de référence, elles ne se reflètent ni dans l’univers ni dans la nature
dans sa totalité. Les déifier, les abstraire en « principes » et en « absolus », et
projeter ces abstractions sur l’univers en tant que Dieu ou Satan, Dieu absolu et
Satan absolu, cela est, en effet, une « maladie mentale ».

Dans le zen, ce qui s’appelle bien et mal, beauté et laideur, pureté et impureté,
sont comme la main gauche et la main droite de Dieu : ils sont des éléments
inséparables de la même unité. Leur interaction n’est pas le combat mortel entre
les forces de la lumière et celles de l’ombre, mais comme les marées, comme
l’alternance du jour et de la nuit – étroitement liés, mutuellement interdépendants
et ultimement harmonieux.

Sous un toit :
des prostituées dorment aussi,
trèfle des prés et lune …

Bashô

Il n’y a pas de condamnation morale dans le haïku. Il n’y a pas de distinction
établie par Bashô, homme de Zen et de Poésie, avec les femmes de plaisir du
« monde flottant ». Tous sont semblables sous la lune. Dans leurs vies
divergentes il y a une unité commune qui les rassemble tous.

Il est évident que l’appréciation du haïku exige une transformation radicale de
la conscience du lecteur et du poète occidentaux quand ils s’aventurent dans ce
domaine. Ce qu’il faut, c’est presque un renversement de notre système de
valeurs traditionnelles, un changement complet de perspective. C’est seulement
quand nous aurons cessé de chercher à atteindre la Vérité et la Beauté, cessé
d’analyser et de moraliser, seulement quand nous aurons nettoyé le miroir que
nous réaliserons que la beauté est partout :

Neige hivernale :
une prostituée gratte
la suie de sa casserole

Issa

La religion est partout :

Ma vieille maison :
le visage d’un escargot
est le visage du Bouddha !

Issa

La poésie est partout :

Derrière le marché,
fouillant les poubelles :
visage scrofuleux.

J.W. Hackett

Pour résumer, un haijin décrit « des choses ordinaires avec des mots
ordinaires » (R.H. Blyth); ou, comme dit Bashô, « un haïku c’est simplement ce
qui se passe en cet endroit-ci, à ce moment-ci. »

°°°

E.W. Amann Le Poème sans mots / The wordless poem (3)

7 octobre 2009

Chapitre 3 : L’AINSITÉ

Parmi les herbes
une fleur inconnue
fleurit blanche…

Shiki

Fleur dans le mur fissuré,
Je te cueille du milieu des fissures;
Te tiens, ici, racines et totalité, dans ma main,
Petite fleur – – – mais si je pouvais comprendre
Ce que tu es, racines et totalité, et tout en tout,
Je saurais ce qu’est Dieu et ce qu’est l’homme.

Tennyson

Comparons le poème de Tennyson à celui de Shiki : deux poètes regardent ici
une simple fleur, l’un avec les yeux analytiques d’un Occidental, l’autre avec
l’esprit du zen; l’un écrit un poème typiquement occidental, l’autre, un haïku.

Le haïku de Shiki est « sans mots » dans le sens où il ne se compose que d’une
seule image visuelle : une fleur sans nom fleurit dans un champ d’herbes. À part
cette image, il n’y a rien dans le haïku. Pas d’idées, pas l’expression d’une
émotion, aucun commentaire intellectuel. Shiki montre simplement une chose,
mais ne la dérange pas.

Tennyson, quant à lui, ne montre pas seulement, il cueille, arrachant la fleur
de son sol, la détruisant ainsi. Sa préoccupation ne concerne pas cette fleur, sa
rencontre avec la nature n’est qu’un prétexte pour spéculer sur « Dieu »,
« l’homme » et la « totalité ». Le poème commence avec une image simple,
presque de haïku, mais quatre lignes plus loin le poète se perd dans un
labyrinthe de rumination intellectuelle. Il commence en tenant quelque chose de
réel dans sa main, et finit par jongler avec des concepts vides dans son cerveau.

Tennyson passe de la sensation à l’idéation, de l’objectif au subjectif, du
concret à l’abstrait. Shiki, au contraire, reste tout en sensation, objectif, concret.
Autrement dit, le poème de Tennyson est « égocentré » et
« anthropocentré » (c’est-à-dire centré sur « soi » et sur « l’homme »), cependant
que le centre du haïku de Shiki se trouve à l’extérieur du poète, à l’extérieur de
l’homme, à l’extérieur du cadre de référence limitée de l’homme.

Cette caractéristique de placer le centre du poème en dehors de la vie
personnelle du poète et de ne pas mêler idées et commentaire intellectuel est
typique du haïku dans son ensemble :

Le saule est vert, la fleur est rouge :
Dans le haïku laisse les choses telles quelles!
Aller au Paradis est une bonne chose,
Mais aller en enfer est aussi matière à louange !

Sonojo

« Dans le haïku, laisse les choses telles quelles » en d’autres termes, laisse
ton esprit rationalisant, moralisant en dehors du poème, ne l’encombre pas de tes
propres pensées, sentiments et explications, mais montre toutes les choses dans
leur unicité, leur propre manière d’être, leur « ainsité ».

Cet état de conscience dans lequel nous voyons la réalité sans distorsion a
souvent été comparé à un miroir :

« Si une fleur apparaît, il reflète la fleur, si un oiseau vient, il reflète
l’oiseau… Chaque chose est révélée telle qu’elle est. Il n’y a pas
d’esprit de discrimination ou de conscience de soi de la part du
miroir. »

Zenkei Shibayama

Pour le poète occidental qui écrit des haïkus, cette nécessité de montrer les
choses « telles qu’elles sont », de garder son esprit tel un « miroir sans nuages »
présente de grandes difficultés, principalement parce que notre processus
poétique habituel en Occident nous demande exactement l’inverse. À l’Ouest,
l’expérience poétique originelle + les réactions intellectuelles et émotionnelles
du poète = le poème achevé. Mais dans le haïku, l’expérience originelle – la
réaction personnelle du poète = le haïku achevé.

La différence majeure tient à ce que le poète occidental a tendance à ajouter,
tandis que le haïjin soustrait ou plutôt extrait. Le poète occidental parle de
l’expérience tandis que le haïjin nous offre cette expérience. Le poète occidental
donne un long rapport verbal dans lequel l’expérience originelle et la réaction
qu’elle provoque chez lui sont intimement mêlées; l’expérience a déjà été
« prédigérée » pour le lecteur, qui ne peut ensuite que réagir à la réaction du
poète : « Notre respect ne va pas vers la matière du sujet, mais vers le pouvoir
créateur de l’artiste, pour ce qu’il peut ajouter de lui-même à son sujet; voire vers
sa capacité de se dispenser entièrement des sujets extérieurs. » (Ezra Pound)
Dans le haïku, par ailleurs, le poète ne nous donne que les circonstances qui ont
suscité sa réaction, pas sa réaction elle-même. Le lecteur doit ici fournir sa
propre réaction, en ne comptant que sur ses propres ressources poétiques.

De plus, tout en « ajoutant » à son expérience originelle, le poète occidental
utilise toute une panoplie de « figures de style » qui sont étrangères à l’esprit du
haïku. Parce que celles-ci sont si bien enracinées dans notre tradition poétique,
et que sans elles la poésie nous semble presque impensable, il nous faut les
examiner plus soigneusement.

LA COMPARAISON
La comparaison est un effet poétique dans lequel une
chose est directement comparée à une autre :

Des oiseaux voletant s’éclaboussent
dans des fontaines… comme de vieilles dames
lissant des robes de soie

Anna L. Butler

Ceci est très typique de milliers de pseudo-haïkus publiés chaque année dans
des revues occidentales de haïkus. Un examen plus approfondi nous montrera
que ce n’est pas du tout un haïku mais seulement un poème à l’occidentale
découpé artificiellement en 5/7/5 syllabes (en anglais). La première ligne
consigne l’expérience originelle : la poétesse voit des oiseaux voletant qui
s’éclaboussent dans des fontaines. C’est assez valable, et pourrait bien conduire à
un véritable haïku. Dans la deuxième partie, cependant, le sujet subit un
processus poétique typiquement occidental : la poétesse ajoute quelque chose à
l’expérience d’origine, dans ce cas-ci, une comparaison artificielle et
fantasmatique. Le centre du poème ne réside pas dans la nature, mais dans
l’imagination de la poétesse. Le lecteur ne peut qu’admirer son ingéniosité ou
que déplorer son manque de goût, il ne peut plus participer à l’expérience
d’origine.

LA MÉTAPHORE
Une métaphore est une comparaison implicite dans
laquelle un mot ou une phrase utilisés habituellement pour dire d’abord une
chose s’applique à une autre :

Sur l’autel vert du printemps
Flammes jaunes de bougies
Des jonquilles luisent

Ici l’inspiration de départ était la vision de jonquilles dans un champ printanier.
Laissées telles quelles, ces images auraient pu faire un excellent haïku. Tel que
cela se présente, les images ont subi des changements élaborés dans
l’imagination du poète : le champ printanier devient « l’autel vert du printemps »
et les jonquilles se transforment en « flammes jaunes de bougies ». Au lieu de
garder les images intactes, le poète mélange la réalité et le fantasme, et du même
coup détruit le poème en tant que haïku. Quand on compare deux choses dans le
haïku, ou qu’on les place côte à côte, ce n’est jamais dans le sens que l’une est
réelle et l’autre imaginée. Dans un haïku « …les deux parties qui forment le tout
sont juxtaposées l’une avec l’autre, pas en métaphore ni en comparaison, mais
comme deux phénomènes qui tous deux existent à part entière. » (H.-G.
Henderson)

LA PERSONNIFICATION
C’est un effet occidental très répandu dans
lequel on donne à un aspect naturel des qualités ou attributs humains. Bien qu’on
puisse trouver quelques exemples de personnification dans le haïku, cet effet
poétique ruine habituellement un haïku, parce qu’il cherche à humaniser la
nature au lieu de « naturaliser » l’homme.

LE SYMBOLISME
Les Occidentaux ont très souvent la tentation
d’interpréter le haïku symboliquement. Un traducteur, par exemple, a senti que
dans le fameux poème de Bashô, la « vieille mare » devait représenter
« l’éternité », alors que le saut de la grenouille était perçu comme un « symbole
de l’existence ». Cet essai d’extraire une quelconque signification symbolique du
haïku est un effort typiquement occidental pour trouver l’abstrait derrière le
concret, découvrir le spirituel caché derrière le physique. Cependant, comme
nous l’avons déjà vu, ceci est assez étranger aux haijins eux-mêmes. Comme
Shiki le dit, à propos du poème de Bashô : « La signification est seulement ce
qui est dit, et n’a de signification ni particulière ni autre ».

En résumé de ce chapitre, on peut dire que le haijin présente les choses
« telles qu’elles sont ». Il ne nous offre que les circonstances d’un événement, et
de celles-ci le strict minimum. « Toucher et laisser aller » est le secret de l’art du
haïku. Les effets poétiques tels que les comparaison, métaphore,
personnification et symbolisme sont rarement employés dans le haïku, puisqu’ils
changent et altèrent l’expérience sensorielle d’origine.
Pour conclure, voici quelques poèmes écrits par des Occidentaux, qui montrent
les qualités du haïku dont nous avons parlé dans ce chapitre :

Ce jour calme et chaud,
seulement l’herbe tendre qui casse
dans le bec des canards.

Claire Pratt

Première lueur grise de l’aube :
des paniers vides retournés
sur les étals du marché.

Joanne Borgesen

Plénitude de la lune :
dans le puits gelé
quelqu’un a lancé une pièce

Nancy McDowell

Eric Amann The Wordless Poem / Le Poème sans mots (1)

6 octobre 2009

Chapitre 1 : LA VOIE DU HAÏKU

Vieille mare :
grenouille plonge
bruit de l’eau
Bashô

Ce poème, traduit du japonais aussi littéralement que possible, est un haïku.
En fait, c’est un des haïkus les plus célèbres. Écrit en 1686 par Bashô, poète et
disciple du zen, il montre, dit-on, ses progrès vers « l’illumination » et marque
un tournant dans sa vie et dans son art… Il marque aussi le début de « La Voie
du haïku ».
Cependant, pour beaucoup de lecteurs occidentaux, non familiers du zen, cela
n’apparaît pas trop comme un commencement et leur réaction sera plutôt celle
d’une déception que d’une « illumination ». Quant à la poésie – quelle image
peut être moins poétique que celle d’une grenouille plongeant dans l’eau? Un
lecteur habitué à Wordsworth et Tennyson pourrait estimer que Bashô aurait dû
nous offrir un peu plus que ce filet de prose inachevée, et que son traducteur
aurait pu mieux faire que de le rendre aussi approximativement.
Tel qu’il se présente, le poème contient moins d’une douzaine de mots, sa
grammaire en est fragmentaire, sa langue semble réduite à sa plus simple
expression; en dehors de la seule image, le poète ne mentionne même pas
pourquoi il juge bon de relater un événement aussi banal, encore moins de le
présenter au monde comme étant de la poésie.
Il est clair que le haïku n’est pas un poème au sens occidental du terme. Le
haïjin n’utilise ni les mêmes techniques, ni ne recherche les mêmes effets que le
poète occidental. Tant que nous approcherons le haïku avec nos idées
conventionnelles sur la poésie, il ne deviendra jamais plus qu’un tableautin de
mots très banal, voire simpliste.
Mais le haïjin ne cherche pas à produire un « effet poétique ». Si le haïku
n’est pas avant tout « un poème », qu’est-il? R.H. Blyth, qui consacra la plus
grande partie de sa vie à l’étude du haïku, conclut que c’était « une forme de
zen », et qu’ « il faut comprendre le haïku du point de vue du zen ». Alan W.
Watts, D.T. Suzuki et Eugen Herrigel, trois des plus renommés présentateurs du
zen en Occident de nos jours, considèrent également que le haïku est
principalement une expression du zen en poésie.
La question logique suivante devrait donc être : « Qu’est-ce que le zen? »
Mais chercher une réponse sensée à cette question démontre déjà notre
incompréhension du zen, parce que le zen considère que ce qui a été mis en mots
est déjà une falsification de la réalité.
Il est donc beaucoup plus facile de dire ce que le zen n’est pas : de même que
le haïku n’est pas de la poésie dans l’acception occidentale du terme, de même le
zen n’est pas une religion ni une philosophie au sens où nous l’entendons. Le zen
n’a ni dogmes ni doctrine; il n’a ni théorie ni théologie; pas de concept
de « Dieu » ou de « l’âme » tels que nous les comprenons : en fait, le zen n’a de
concepts d’aucune sorte. Seule la vie le concerne, pas les mots de la vie.
C’est pour cela que les maîtres zen, confrontés à des questions telles que :
« Qu’est-ce que le zen? » répondent invariablement par des réponses non
verbales (telles que celle qui consiste à frapper le questionneur sur la tête), ou
donnent des répliques aussi surprenantes que :
« trois livres de lin »,
« le cyprès dans la cour »,
« trois repas par jour et une bonne nuit de sommeil ».
Ces paroles apparemment insensées ont cependant deux choses en commun :
1. le refus de répondre à la question dans les termes où celle-ci a été posée (c’està-
dire en termes intellectuels);
2. l’accent mis sur quelque chose d’absolument
banal et ordinaire, une chose quotidienne ou un événement naturel, forçant ainsi
l’esprit du demandeur à passer de l’abstrait au concret et de l’intellectuel à
l’actuel.
Ceci est exactement la manière avec laquelle les maîtres de haïku répondent
aux questions sur le haïku. Quand on lui demanda quel entraînement il fallait
pour devenir poète, un maître répondit : « la lune croissant sur la lande ». Et
quand on demanda à Onitsura ce qu’était l’essence d’un haïku, il répondit : « un
camélia fleurit dans le jardin ».
Nous pouvons tirer de tout ceci nos premières conclusions sur le haïku :
contrairement à la plupart des autres formes de poésie, il n’est pas concerné par
l’expression de la Vérité, de la Beauté, ou d’autres sortes d’idées, concepts ou
symboles; il ne renferme aucune signification profonde ou ésotérique; il
s’occupe entièrement de l’ici et du maintenant, de la nature, avec l’intuition qui
naît de l’expérience sensorielle immédiate, avec les images et les sons ordinaires
de ce monde. D.T. Suzuki dit ainsi : « un haïku n’exprime pas des idées, mais
présente des images reflétant des intuitions ».
Par conséquent, le problème pour le lecteur occidental n’est pas de trouver le
sens caché, la « signification symbolique » d’un haïku, car il n’y en a pas, mais
de reconvertir les images d’un haïku en ses propres intuitions. Et la réponse à
ceci se trouve dans l’art de lire les haïkus. On ne doit pas lire un haïku comme un
poème plus long. C’est plus un objet de contemplation. Il nous faut d’abord nous
vider l’esprit de toutes nos idées préconçues, et ré-expérimenter ce que le haïjin a
vu ou entendu, ou senti; nous devons laisser les images nous toucher, nous
devons pénétrer, par exemple, le calme de la vieille mare, voir/entendre/sentir le
saut soudain de la grenouille, et laisser les cercles s’amenuiser lentement dans
notre esprit. C’est seulement si nous nous mettons ainsi à la place du poète,
seulement si nous expérimentons les images directement et sans
intellectualisation, que le haïku – s’il est bon – atteindra son effet, évoquant
humeurs et mémoires, échos et clapotis d’associations, jouant sur l’esprit comme
si c’était un instrument dont les cordes sympathiques résonnaient à l’attaque
d’une seule note. Et la totalité de cette expérience est la « signification » d’un
haïku.
En résumé, un haïku est plus qu’une « forme » de poésie. Le même esprit
anime les oeuvres de Sesshû, la cérémonie du thé de Rikyû et le haïkaï de Bashô.
Un haïku c’est aussi une manifestation du zen et donc l’expression d’un état
particulier de conscience : « chaque haïku véritable est une relation rapide en
mots d’un moment de « satori », du flash soudain d’illumination » (Harold
Stewart). Chaque haïku est comme la réponse d’un maître zen à la question d’un
débutant sur le sens de la vie. Et la réponse semblera résider ni dans le neuvième
cercle du paradis, ni sur les lèvres des prêcheurs et des prophètes, mais être
disséminée tout autour de nous, sous des myriades de formes, pas moins dans la
chute d’une feuille que dans la piqûre d’un insecte, dans le son d’une grenouille
ou dans le chant d’un rossignol et, que l’on envoie une fusée sur la lune ou que
l’on s’assoie tranquillement avec Bashô dans son jardin, les réponses sont les
mêmes… les réponses sont partout … écoutez :

Vieille mare :
grenouille plonge
bruit de l’eau

°°

(à suivre : chapitre 2 : SANS MOTS)