« SPECIFICITE DU HAÏKU SENEGALAIS », par Madior DIOUF (de l’ Université de Dakar), 1980 :
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Le haïku japonais est marqué par une extrême sobriété. La nudité, le silence et la sérénité comptent aussi parmi ses caractéristiques essentielles et renforcent son élégance. Il laisse donc beaucoup d’espace au lecteur.
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Le haïku sénégalais reflète des sensibilités ethniques et régionales. Il s’agit de la richesse diversifiée de nos terroirs, du retour au pays natal. Il présente la sécheresse, le bois sacré, le vieux baobab qui protège de ses gigantesques doigts crochus la case au toit de chaume ou le grenier…
Les Sénégalais qui s’exercent au haïku ne sont pas seulement talentueux. Ils créent pour dire la différence qui les distingue des autres tout en les rapprochant.
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Fondé sur l’évocation de l’unité de l’homme avec la nature et comportant obligatoirement un sentiment inspiré par la nature, le Haïku apprend aux hommes à regarder leur cadre de vie réel, à parler de la nature avec sincérité, bon goût et sens du concret.
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Le quart des 119 poèmes présentés évoque la pluie qui constitue le premier thème par sa fréquence ; viennent ensuite la sécheresse, le soleil et les paysages d’eau…
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le Haïku est un genre qui enseigne à regarder la nature. Et la création littéraire africaine a besoin de cette incitation ; l’Afrique habituellement ne chante pas la nature. (…) la littérature africaine d’hier et d’aujourd’hui n’exprime pas le sentiment de la nature alors que l’amour du terroir est très fort chez les Sénégalais par exemple, et les hommes d’Afrique en général
Les concurrents de 1980 révèlent aussi une autre intelligence du haïku. Ils ont compris l’importance, pour ce genre de poésie, du sens du concret. Le Haïku est un équivalent de l’arrangement floral. C’est un genre qui, par ses règles, produit des oeuvres qui s’adressent aussi bien aux yeux qu’à l’oreille et à l’esprit : l’imagination aidant, le Haïku saisit l’homme total. Pas besoin de correspondances ni d’images analogiques. Le réel à l’état brut suffit. »
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EVOLUTION DU HAÏKU AU SENEGAL
par Mohamadou KANE (de l’Université de Dakar) :
(…) Les candidats se recrutent dans une très large mesure parmi les jeunes, pour la plupart des lycéens et des étudiants ; ou bien, ce sont de ces adultes qu’une sorte de grâce poétique maintient dans une certaine jeunesse éternelle.
(…) Ils restèrent cependant prisonniers des idées du moment, et de certaines habitudes de la poésie africaine de langue française. Dans leur approche de la nature, on peut relever une certaine forme de cristallisation des sentiments et de mythification qui constituent autant de freins à la communion véritable. Les lauréats furent nombreux à ne lire dans la nature que les échos de la sécheresse ou le prolongement de la présence des ancêtres tutélaires. De prestigieux aînés avaient développé magistralement ces thèmes, et nombre de candidats ne purent sortir de ces sentiers battus.
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Le haïku (…) c’est (…) l’adéquation de l’écriture, de la pensée et de la sensibilité.
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ALLOCUTION DE S.E.M. CHIYUKI HIRAOKA (Ambassadeur du Japon au Sénégal), 1981 :
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au premier concours, 60 haijin (poète de haïku) ont proposé leurs oeuvres, au second concours 140 et cette fois, je suis heureux de savoir que 366 personnes ont participé à notre concours. (…)
l’initiative de mon prédécesseur a une double signification : la première est symbolique en ce sens que le haïku, pour la toute première fois, est enseigné à des Africains, des Sénégalais en particulier, qui l’ont vite assimilé parce que partageant avec nous autres Japonais le goût de l’amour de la nature ; la deuxième signification est l’inauguration d’un domaine insoupçonné de véritables échanges culturels.
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les Sénégalais en apprenant l’esprit du haïku, ouvrent leur coeur aux Japonais et nos deux peuples, à travers l’appréciation de la nature et l’expression spontanée de sentiments intimes universellement partagés, apprendront à mieux se connaître.
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LA LEçON POETIQUE DU JAPON
par Léopold Sédar SENGHOR (poète, Ancien Président de la République du Sénégal), 1983 :
(…) Si M. Sonoo UCHIDA a lancé le concours de Haïku, c’est qu’il avait senti, partie par situation, partie par expérience, les affinités existant entre la poésie japonaise et la poésie négro-africaine, singulièrement la poésie sénégalaise.
(…) Tandis que l’Europe met l’accent sur l’Idée et, partant, sur la logique, la clarté et l’efficacité, l’Afrique et l’Asie, singulièrement celle du Sud et du Sud-Est, le font sur le Sentiment, l’imagination et la vie.
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(à suivre… p. 51)
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