p. 157 :
G.X. – On ne peut écrire sur ce qu’on est en train d’éprouver. On a besoin d’une certaine distance. »
p. 159 :
D.B. – C’est toujours une nouvelle aventure que d’écrire, il faut se renouveler, »
p.160 :
G.X. – toutes les théories sur l’écriture, ça ne sert à rien; il faut d’abord la patience, puis la concentration, et enfin un vrai calme intérieur, une maîtrise de soi. Sinon on se noie. Il faut plutôt savoir attendre, que la vague t’emporte. On doit retenir son souffle pour attendre le moment de la création.
p. 165 :
D.B. – « ça tend vers quoi, ta pratique de l’écriture ?
G.X. – Vers l’inconnu. »
p. 167 :
G.X. – « Seuls les gens qui ont bien vécu ont des choses à dire. Si on se contente de manipuler des idées esthétiques, on n’arrive pas à un tel résultat. »
p.168 :
D.B. – Mais cette nécessité de l’expérience de vie au coeur de l’écriture désintègre la notion même de littérature. (…) Effectivement, moi, ce qui m’intéresse maintenant quand je lis, c’est de regarder s’il y a une expérience de vie qui peut me faire comprendre quelque chose. Et plus c’est réel, plus c’est concret, plus c’est vrai, plus ça me touche.
G.X – Même avec une vie très riche, très intéressante, il faut aiguiser sa sensibilité. (…) Je suis revenu à Joyce, à Finnegan’s Wake. Il a une vie et un univers très riches. Ce n’est pas seulement une aventure de la langue.
p. 170 :
D.B. – « En fait, la forme ne peut jamais être déterminée à l’avance. La forme naît simplement de ce que tu as à raconter. Tu inventes la forme au fur et à mesure en fonction de ce que tu veux exprimer. C’est pour cela que la forme prend une allure nécessaire et perd son caractère artificiel. »
p. 171 :
D.B. – « Tant que tu inscris ta recherche sur une base formelle, il est impossible que tu fasses quelque chose d’intéressant.
G.X. – ce sont toujours des codes déjà établis, et donc déjà morts. »
p. 172 :
G.X. – Si c’est une création originale, cela suppose une nouvelle forme.
D.B. – Mais pas la forme pour la forme, seulement pour s’exprimer, pour essayer de toucher au plus près du réel. »
G.X. – Il faut toujours en revenir au réel. (…) Et la façon dont on classe les genres, les modes, les styles aujourd’hui n’a aucune importance ni aucune incidence sur le travail d’écriture.
D.B. – Par rapport à Joyce, j’y reviens, il est quand même allé très loin dans la destruction des formes, est-ce que tu crois qu’on peut aller plus loin ?
G.X. – Oui.
D.B. – Mais dans la direction de Joyce, on ne peut pas aller plus loin. Ca veut dire qu’il faut prendre d’autres directions.
G.X. – Moi, je reviens plutôt à une certaine simplicité. Des phrases très simples.
p. 176 :
G.X. – Comme tu ne peux pas revivre avec des amours anciennes, de même pour l’écriture, tu ne peux pas refaire ce que tu as déjà fait. Tu cherches autre chose. (…) L’amour est une créativité. C’est tellement éphémère. Si on n’arrive pas à le renouveler, ça périt. C’est tellement fragile, comme l’écriture.
p. 178 :
D.B. – « Ce qu’on fait par l’écriture, c’est de se mettre sous tension, comme quand on branche un appareil électrique, et on va mettre sous tension les autres.
G.X. – Le moyen d’établir cette tension est particulier à chacun et peut toujours devenir plus fin, plus raffiné, plus exploratif du réel. »
p. 179 :
G.X – Il faut entrer dans cette tension par l’écriture.
D.B. – Mais pour aboutir à quoi?
G.X. – A sentir plus profondément la vie. On ne peut pas tout connaître. Devant la vie, je me sens toujours bête, bouche bée, comme un simple d’esprit. Il y a des choses que je ne connais pas du tout.
(…)
Il ne faut pas chercher de solution à tout prix, ce qui importe, c’est la stimulation. Il y a toujours des carrefours inattendus, c’est ça le réel.
p. 180 :
D.B. – L’écriture, ce n’est donc rien d’autre que de garder une certaine curiosité pour la vie.
G.X. -La connaissance de la vie évolue toujours. On n’en est qu’au début.
D.B. – Et tu crois qu’il y aura une fin ?
G.X. – Non.
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