in Modern Japanese Tanka, pp. 181-192.
(Extraits)
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Prix Shaku Chôkû en 1969.
Dans l’équipe éditoriale de la revue de tanka « Mirai » (« Futur ») depuis son commencement, en 1951.
A publié 16 recueils de tanka (jusqu’en 1996).
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ayant écrasé
sur mon papier à dessin
un moucheron tombé
j’essuie la tache avec du pain
le lendemain matin
–
parce que
j’ai déchiré la photo
et l’y ai lancée
un poisson vient à la surface
des profondeurs bleues
–
une cuiller
près de mon oreiller
grouille de fourmis
je les tue toutes
au milieu de la nuit
–
ayant grandi
dans une culture dépourvue
de religion
inspiré par quelle foi
dois-je faire cette guerre ? *
* ce poème et le suivant furent écrits pendant le service militaire du poète en Chine.
–
des ciseaux
ont découpé mon uniforme militaire
taché de sang
d’un bruit
qui s’est répété quelques moments
–
le long d’une rue
sous le ciel encore brumeux
après une averse
quelqu’un portant sur son dos
un panneau de verre transparent
–
l’océan
luit comme du mercure
au loin
tandis que je travaille à notre bureau
vêtu d’un imperméable
–
puisque je travaille avec ceux
qui ne parlent pas ma langue
ce sentiment de vide
je sors acheter une copie
du Manifeste Communiste *
* Sur ordre de sa compagnie, le poète travailla dans une base de l’Armée d’Occupation à Tokyo, en 1945.
–
au moment
où une autre fenêtre se brise
nous rions tous
retrouvant l’instant suivant
nos visages impassibles *
* Dans le Japon de l’après-guerre, les trains étaient si bondés qu’il n’était pas rare de voir une fenêtre cassée accidentellement.
–
soldats au sol
balayés par une fusillade venant du ciel
encore et encore
pendant la séquence entière
les spectateurs restent assis en silence *
* Ecrit en 1950, après le déclenchement de la guerre de Corée.
–
projetant leur ombre
sur le lit blanc de la rivière
de lourds bombardiers descendent
chacun d’entre eux comme s’il n’y avait
âme qui vive à bord
–
LE CIEL BLANC *
leur voix qui jurait
est maintenant devenue
la voix des faibles
grâce à la magnanimité
apportée par le passage du temps
* La note de tête se réfère aux nuages de champignon blanc qui s’élevèrent dans le ciel au-dessus d’Hiroshima après l’attaque atomique de 1945. Ceux qui survécurent souffrirent de conséquences désastreuses pour le reste de leurs vies. Le poème fut écrit en 1957.
–
combien de personnes vinrent
aux funérailles de Pasternak
elle me le dit
mais ne répondit pas à ma question
une enseignante, une nuit *
* Ecrit pendant un voyage en Union Soviétique en 1961. Boris Pasternak décéda en 1960, deux ans après avoir été forcé de refuser le Prix Nobel.
–
la rue
qui renferme les richesses du monde
et ses ambitions
s’étire dans un silence étouffé
comme une allée dans le cimetière *
* Ecrit à Wall Street (N.Y.) pendant un voyage en 1962.
–
des nuages blancs d’avions
étirés au-dessus de la jungle
et puis le bombardement
pas de comptage des victimes
parce que ce sont des paysans *
* Ce poème, et les deux suivants, furent écrits en 1965, pendant la guerre du Vietnam.
–
un rêve
à propos du ciel noir de l’aube
où un dieu pleure
sur l’odeur putride
qui s’étend jusqu’à la fin de l’espace
–
pluie lugubre
qui trempe le pays
quelque chose qui incite
une race à faire cette guerre
presque sans un mot
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(Tr. fr. D. Py).
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