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UNE ANNEE DE SENRYÛS :
Chapitre XXVI : Le Printemps.
Janvier :
Il existait et existe encore au Japon une coutume qui veut que l’on travaille le moins possible le jour de l’An, que l’on ne se querelle ni ne se réprimande, ni ne se lamente ce jour.
Une femme qui marche
le Jour de l’An :
il doit y avoir quelque affaire terrible !
Celui qui crie
au Jour de l’An
a toujours moins de sept ans
Grommelant
le jour de l’An :
il est éméché !
La poussière et les ordures
du Nouvel An
sont ramassées et jetées
: Balayer le jour de l’An voudrait dire balayer aussi toute la chance et tout l’argent.
Il y a un livre pour les visiteurs
comme pour dire :
« N’entrez pas ! »
D’abord,
et comme pour les gens de son district,
il les salue sobrement
Le Nouvel An :
même le voisin salue
rigide et formaliste
Apparemment
il lui doit de l’argent –
salut poli du Nouvel An
Apparemment
on lui doit de l’argent :
il reçoit les compliments, hautain
Il se fait apporter
le livre des visiteurs du Nouvel An
près du brasero
On dit souvent
à l’homme de Shinano
de le laisser pour le chat
Le rêve fait la deuxième veille de janvier s’appelle « le premier rêve » au Japon. On met l’image d’un « navire de trésor » sous l’oreiller. On dit que le meilleur rêve est celui du Mont Fuji, le deuxième, celui d’un faucon, le troisième celui d’une aubergine.
Le navire de trésor
et le coeur d’un enfant :
il veut aller au lit tôt
Présentant leurs salutations du Nouvel An
aux bains :
tous deux nus !
Le cerf-volant bon marché
s’élève seulement
quand il court
Regardant
son garçon
choisir la corde du cerf-volant
Comme c’est calme !
dans le ciel
le bruit de la baleine
: On utilise un aileron de baleine pour produire un son comme d’avion sur le dos d’un cerf-volant.
Les enfants
apprécient le printemps
avec leurs cerfs-volants
(: Sotôba)
Les cerfs-volants
sont rabattus
par l’étoile du soir
L’enfant court derrière le cerf-volant
dont la ficelle s’est cassée
aussi loin qu’il le peut
jeu de volant :
soucieuse de son style
la jeune fille perdit le match
La servante
rit aux éclats
devant les amuseurs
« S’il vous plaît, posez le petit chien
dans l’autre pièce ! »
dit le montreur de singes
: Les Japonais disent (assez erronément en fait) que chiens et singes sont en mauvais termes.
Quand l’employeur
lui donne les habits,
il tire la langue
: A la période d’Edo, les employeurs donnaient à peine un salaire à leurs domestiques. Ils leur fournissaient des habits deux ou trois fois l’an. En hiver, c’était le quinze janvier, et le jour suivant, c’étaient « les vacances des domestiques ». Le garçon n’a pas aimé les habits que le vieux grippe-sou lui a donnés.
Vacances des servants –
l’employé du magasin sort
comme un nouveau riche
Vacances des servants –
quand la fille rentre à la maison
la mère agit comme la bonne d’une courtisane
Vacances des serviteurs –
après que la fille s’en retourne,
la mère a les yeux vides
Après les vacances des serviteurs,
ceux qui viennent à la maison
sont seulement personnes âgées
Vacances des serviteurs –
perdue dans ses pensées, apparemment,
depuis lors
: Elle est tombée amoureuse de quelqu’un rencontré pendant ses vacances.
Après les vacances des serviteurs
ils veulent plus de vacances
pour la fille qui a raté son suicide
Cela doit être inévitable,
la fille à la maison pendant les vacances des serviteurs
se fait réprimander
Le Festival d’Ebisu :
ils ont dû sucer les arêtes
pendant quatre ou cinq jours
: Les magasins japonais célébraient le festival d’Ebisu, dieu des affaires, le vingt janvier. Un festin était donné aux connaissances, relations, clients, et même aux domestiques – qui devaient finir les restes du repas, les arêtes de la brème mangée à cette occasion.
Quand la jeune épouse du village
va saluer le nouvel An,
le temps se réchauffe
Les salutations de la jeune épouse
devant franchir le seuil –
quelle commotion !
Dites ce que vous voulez
le visiteur du Jour de l’An
entre dans la maison
Février :
Pendant les trois premiers feux de moxa
le visage désagréable
jure avec le kimono à longues manches
: La cautérisation par le moxa avait lieu le deux février, et, en moindre part, le deux août. Pratique importée de Chine en août 552.
Ils se rassemblent auprès de la kamuro
pour voir son visage
alors que brûle le moxa
: « Kamuro » : petite fille employée au bordel.
Attendant
qu’il arrête de rire,
puis cautérisant
Cautérisant la nourrice :
près d’elle, il y en a un
qui pleure pour elle
Du jour où la fille s’est confessée,
ils ont arrêté de cautériser
aux quatre endroits
: Les quatre endroits se situent sur le dos.
Le prunier au village –
les feuilles séchées du navet
sont toujours pendues à la branche
: Les feuilles du « daikon » étaient pendues en automne… Elles ont été oubliées alors que c’est le printemps et que les fleurs du prunier s’épanouissent.
Le parfum des fleurs de prunier
est un obstacle nasal
à ceux qui font zazen
Mars :
« Essaie d’avoir l’air
de ne pas vraiment les vouloir ! » :
il l’emmène au marché aux poupées
: Le Festival des Poupées a lieu le 3 mars.
Elle pleurniche
depuis le matin :
on ne lui laisse pas tenir ses poupées
Pendant Higan
on entend le vrai rire
de la bru
: Pendant la semaine de l’équinoxe, les Japonais visitent les tombes de leurs ancêtres et on organise des services bouddhistes pour les morts. La belle-mère acariâtre va sur les tombes chaque jour… et la bru est libérée d’elle.
Le mari de la nourrice
qui a quitté son service
porte son coffre en souriant
: A Edo, le 5 mars, se tenait le jour du changement d’employeur, ou de quitter son service.
La nourrice quittant son service
dit au revoir
au visage endormi
La fruste servante :
l’assiette des poupées
est la dernière chose qu’elle casse
: Le 3 mars se tient le Festival des Poupées, le quatre est le jour où on les range, et le cinq le jour où les domestiques quittent leur emploi.
Le bol des poupées –
c’est la dernière fois
que la servante se fait réprimander
La servante qui quitte son service
verse des larmes
plus que pour uniquement prendre congé
L’homme qui quitte son service
met ses affaires sur son dos
et part tout droit
La servante qui vient à l’essai
sur les hauteurs d’Edo
regarde dans le puits
: Aux temps anciens, tirer l’eau du puits était une des tâches principales de la servante. Elle regarde dans le puits pour en évaluer la profondeur.
Le maître réprimandant
fit lui-même tomber
le lait caillé de soja
Le long de la route du pique-nique,
un papillon ridiculise
l’homme à moitié ivre
Chiant dans le champ,
il avance en écartant les jambes
pour s’en éloigner
: Lire, in Jean Cholley: Un haiku satirique, op.cit.:
« Faisant un besoin dehors, il s’avance un peu pour sa sauvegarde »
(, suivi du commentaire y afférant, p.86.)
Le bac au crépuscule :
des pêcheurs,
deux ou trois
Superbe temps ;
il y a des empreintes de pas
au fond de la mer
: C’est entièrement haïku, sauf pour le manque de précision du mot de saison.
Temps parfait –
qui me fait désirer
de l’argent
Temps magnifique –
écrasant des poux
sur la coque du bateau
L’intelligence de l’épouse :
elle lui fit prendre l’enfant
pour aller admirer les fleurs de cerisiers
: La femme avait peur qu’il aille ailleurs. Le Yoshiwara n’était pas loin de l’endroit célèbre pour ses cerisiers – ou vice-versa !
Le jour après l’admiration des fleurs,
il n’y a pas tant
de sujets de discussion
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