19) Maintenant se pose la question des kigos (mots de saison). Comme nous l’avons mentionné précédemment, le haïku est un « don de la nature », et au Japon, les saisons et la nature sont étroitement liées. C’est pour cette raison que le kigo est indivisible du haïku. Alors qu’il est extrêmement important de décrire la nature en percevant la relation qui existe entre la nature et les humains en se basant sur la finesse propre au haïku, cela ne doit pas nécessairement se faire sous la forme du kigo. Autrement dit, quand nous parlons du haïku d’une perspective globale, les contenus du haïku auront un lien plus proche avec les caractéristiques locales de chaque pays.
20) Par conséquent, lorsque le haiku s’élargit au reste du monde, il est important de le traiter comme un poème de forme courte et d’employer des méthodes appropriées à chaque langue. Pour qu’un poème soit reconnu partout dans le monde comme haïku, il doit être de forme courte et avoir l’esprit essentiel du haïku.
21) Nous croyons en la possibilité de naissance de nouvelles techniques telles que la forme fixe et le kireji, qui soient caractéristiques d’une langue particulière et appropriées à l’expression de l’esprit du haïku. Par exemple, le sonnet français commença en tant que poème long, mais quand Tachihara Michizo l’introduisit au Japon, il le raccourcit et réussit à produire un sonnet de style japonais. Les poètes occidentaux peuvent faire la même chose avec le haïku. De nos jours, il est courant en Occident d’écrire le haïku sur trois lignes. Cela crée un espace différent du haïku japonais écrit sur une seule ligne verticale, ce qui permet une perception inconsciente instantanée. Mais qu’y a-t-il d’erroné à changer le nombre de lignes si le style d’écriture est approprié à cette langue particulière ? En d’autres termes, « teikei » signifie trouver « l’ordre interne de la langue » pour la poésie, qui pourrait être universel.
22) Le fait que le haïku est, par essence, une poésie symbolique qui a cessé d’être verbeuse et bavarde, est reconnu partout dans le monde. Le kigo est l’accumulation d’une longue tradition de sensibilité poétique qui a continué de grandir depuis la naissance du waka. Pour parler globalement, c’est un « mot-clé qui possède un sens symbolique propre à sa culture particulière ». Assurément, toutes les cultures possèdent des mots-clés symboliques qui leur sont propres et qui ont été entretenus à travers leur histoire. Dans ce contexte, on peut décrire le haïku comme étant un poème universel qui s’exprime essentiellement par le « symbolisme ». Nous pouvons relever aussi que la tendance récente du haïku japonais moderne de s’affiner en tant que poème symbolique va dans le sens de cette direction globale.
23) Dans le cas du Japon, les Renju, comme précédemment expliqué, ont beaucoup contribué à l’acceptabilité de « mots couramment partagés », tels que les kigos. Cela montre la voie vers la possibilité d’utiliser des non-kigos de la même manière que des kigos, si ces non-kigos sont des mots couramment partagés par cette communauté. Même quand un non-Japonais écrit un haïku dans une langue non-japonaise, et même s’il le fait en tant que poète individuel isolé, il ne pourra pas ignorer l’utilité de « mots couramment partagés », qui, à cause de leur fonction symbiotique, ont beaucoup à transmettre.
(À suivre : V. LES « OMBRES » ET LES « ÉCHOS » DANS LES OEUVRES DE POÈTES ÉMINENTS DANS LE MONDE.)
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