Poème de mort de moine zen – TOSUI UNKEI

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TOSUI UNKEI
(mort le 19ème jour du 9ème mois de 1683, à plus de 70 ans.)

Pendant plus de soixante-dix ans
J’ai goûté entièrement à la vie.
L’odeur d’urine colle à mes os.
Quelle importance que tous ceux-ci ?
Ho ! Où est l’endroit où je m’en retourne ?
Au-dessus du pic le clair de lune blanchit
Un vent clair souffle.

Tosui, que tous appelaient « le saint mendiant », entra au monastère dès l’âge de sept ans. Adolescent, il jeûnait souvent, et se tenait à l’écart. Il refusa de rejoindre une secte en particulier et ne restait jamais longtemps au même endroit. Dans un des monastères où il demeura plusieurs années, il se trouva – contre sa volonté – à devoir enseigner le zen. Au plus fort de la saison d’enseignement, il écrivit ces mots sur la porte du monastère, avant de quitter l’endroit :

Aujourd’hui voici venue la fin du travail religieux –
Retournez tous chez vous.
Je pars avant vous,
vers l’est ou vers l’ouest,
où le vent me portera

Après avoir vagabondé à travers le Japon, Tosui rejoignit les mendiants de Kyoto et vécut parmi eux. Un jour, un de ses anciens disciples l’y trouva. Il était vêtu de haillons, hirsute, portant un matelas de paille sur son dos. L’élève demanda de se joindre à lui, mais Tosui, essayant de l’éloigner, le repoussa. En dépit de cela, le jeune moine mit des hardes de vagabond et suivit son maître. Tosui ne lui adressa pas la parole. Dans la ville de Katata, près du lac Biwa, tous deux trouvèrent la dépouille d’un mendiant et ils l’enterrèrent. Quand l’élève s’exclama : « Pauvre homme ! », Tosui se tourna vers lui pour le tancer : « Pourquoi plaindre l’homme ? Le plus honoré des hommes et le dernier des mendiants partagent le même destin : la mort. » Tosui s’assit ensuite pour manger la soupe de riz qu’avait laissée le clochard, murmurant, en le mangeant : « Mmh, c’est bon ! » Soudain, il se tourna vers son élève et lui commanda : « Mange ! » Ne pouvant qu’obéir, le disciple prit une petite portion de porridge dans sa bouche, mais, incapable de l’avaler, il la recracha. « Je t’avais averti de ne pas me suivre », lui reprocha Tosui, et il le chassa.
Ainsi Tosui erra de place en place, survivant en tressant des bottes de paille pour couvrir les pattes des chevaux l’hiver, et en portant des gens sur son dos. Pendant quelque temps il vécut dans la ville d’Otsu (préfecture de Shiga) sous un toit de paille tendu au-dessus de l’espace entre deux hangars. À ce moment-là, un palefrenier, qui voyait en Tosui un saint, lui apporta un portrait du Bouddha Amida. Sur le portrait Tosui écrivit :

Bien que mon logis soit petit
Je t’accueille, Seigneur Amida –
Mais ne pense pas un instant
Que j’aie besoin de toi pour la vie après la mort.

Tosui passa les dernières années de sa vie à Kyoto, vivant d’abord sous un pont et plus tard dans une cabane à moitié démolie, en banlieue. Il mourut assis en position zen, son poème de mort à côté de lui.

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grand

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