Yamazato no inaba no kaze ni nezame shite yo fukaku shika no koe o kiku kana
Morotada (11ème siècle).
Le vent dans les feuilles de riz
m’éveille à minuit;
J’écoute l’appel distant du cerf
dans le village de montagne
Omohoezu kimaseru kimi o sahogawa no kawazu kikasezu kaeshitsuru kamo
Kuratsukuri no Masahito (8ème siècle).
Tu vins par surprise
et je te laissai repartir,
les grenouilles de la rivière Saho
non entendues.
Tazune kite hana ni kuraseru ko-no-ma yori matsutoshi mo naki yama no ha no tsuki
Masatsune (1170-1221).
Contemplant les fleurs,
tombent les ombres du soir,
mais soudain,
à travers les arbres,
la lune sur la montagne !
Yamabe yori kaeru wagami o okuri-kite akureba mon o tsuki mo iri keri
Kotomichi (1798-1868).
La lune
revenant avec moi
des montagnes
entra par la porte
en même temps que moi.
Un dernier exemple avec le haïku qu’il doit avoir inspiré :
Hototogisu nakitsuru kata o nagamureba tada ariake no tsuki zo nokoreru
Gotokudaiji Sadaijin.
Regardant
où le hototogisu *
avait pleuré,
seule demeurait
la lune de l’aube.
* : une sorte de rossignol.
Hototogisu kieyuku kata ya shima hitotsu
Bashô.
Où disparut
un hototogisu ,
une seule île.
Parfois nous rencontrons des haïkus qui auraient dû être des waka, par exemple :
Kaze kaoru kure ya mariba no cha no kyûji
Otsuji.
Au crépuscule, la brise est odorante :
une servante apportant le thé
au jardin du football.
Comme exemple de la manière dont un haïku provient parfois de certaines sources conjuguées : poésie chinoise, waka et histoire japonaise, examinons le verset de Buson :
Aoyagi ya waga ôkimi no kusa ka ki ka
Le saule vert,
un arbre ou une herbe
de notre grand Empereur.
: ceci paraît à la fois simple et dénué d’un quelconque sens poétique, mais l’étudier va faire ressortir quelques valeurs insoupçonnées. Il y a un post-scriptum qui est la 2° ligne d’un poème en 8 lignes de Kashi (718-772). Le poème s’intitule « Allant de bonne heure au palais Taimei, et rendant hommage à des Collègues des deux Offices. »
En voici les quatre premières lignes :
« A l’aube, alors que les cierges d’argent brûlent encore, la route est longue dans la capitale;
Dans le palais, la scène printanière du petit matin est claire et lumineuse.
Un millier de branches tombantes des saules pendent au-dessus des inscriptions vertes du mur;
Une centaine de voix de rossignols
peuvent s’entendre autour du palais Kenshô. »
Buson lut probablement ceci dans le Tôshisen, un recueil de poésies de la dynastie des Tô (Tang), qui parvint au Japon au début de la période d’Edo (1603-1867).
Ensuite, dans le Taiheki, les annales de l’histoire du Japon de 1318 à 1368, écrites par Kojima, prêtre de Hieizan, mort en 1374, nous trouvons ceci :
» De nouveau, sous le règne de l’Empereur Tenchi, un homme nommé Fujiwara Chikata, employait quatre sortes de démons,… A cause de ces créatures, les gens ordinaires étant incapables de leur résister, dans les provinces d’Iga et d’Ise, personne n’obéissait à la Règle Impériale. Un homme nommé Ki no Tomotake, sur ordre impérial, alla dans ces provinces, et, composant un waka, l’envoya à ces démons :
Même les arbres et les herbes
sont le Royaume de Notre Seigneur;
Où peut-il y avoir de la place
pour les démons ?
Les quatre sortes de démons, à la lecture de cette strophe… se dispersèrent dans chaque direction et disparurent, perdant leurs pouvoirs en tous lieux, vaincus enfin par Tomotake. »
En combinant ces deux références, Buson a fait de la poésie à partir de la littéraure en nous faisant nous apercevoir que le saule, de par sa propre nature, combine la beauté de l’arbre avec celle des herbes. Il a pris un poème chinois de cour et les fantaisies de l’historien japonais, ainsi renforcés, ajoutant des harmoniques au saule qui se tient là dans une grâce si légère.
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(A suivre : 8) Renku – p.123-138)
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